9 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.622

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200144

Titres et sommaires

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Convention d'honoraires - Validité - Conditions

Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, que l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. A défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux articles 1361 et 1362 du code civil. Dès lors viole ces dispositions le premier président qui fait application des dispositions de la convention d'honoraires invoquée par l'avocat, alors que cette convention n'avait pas été signée par la cliente et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Procédure - Premier président - Pouvoirs - Etendue - Détermination

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 144 FS-B

Pourvoi n° E 21-10.622




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023

Mme [T] [O], épouse [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-10.622 contre l'ordonnance n° RG : 18/00155 rendue le 18 novembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [D] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [O], épouse [R], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, M. Ittah, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 novembre 2020), M. [C], avocat, a apporté son concours à Mme [O] aux fins d'assurer la défense de ses intérêts dans un litige successoral.

2. Contestant le montant des honoraires qui lui étaient réclamés, Mme [O] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [O] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention d'honoraires du 30 novembre 2016, en conséquence de fixer les honoraires dûs à l'avocat à la somme de 12 147 euros HT, et de la condamner à lui payer la somme de 5 934,50 euros HT, outre intérêts et TVA, alors « que le seul fait d'avoir réglé une partie des honoraires ne saurait caractériser le consentement du client à la convention d'honoraires, en l'absence de toute autre circonstance établissant la réalité de son consentement ; qu'en appliquant la convention d'honoraires signée par l'avocat aux motifs que même si elle n'avait pas été signée, Mme [O] avait réglé une partie des honoraires, la cour d'appel a derechef violé l'article 10, alinéas 3 et 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1361 et 1362 du code civil et l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

4. Selon le dernier de ces textes, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

5. À défaut d'écrit signé par les parties, la preuve de cette convention peut être rapportée conformément aux règles fixées aux deux premiers de ces textes.

6. Pour fixer à la somme de 12 147 euros, en application des stipulations de la convention, le montant total des honoraires dus à M. [C], l'ordonnance retient qu'il n'est pas contesté que Mme [O], qui n'avait jamais formellement signé la convention, a acquitté une large partie des honoraires facturés sur cette base et a donc exécuté la convention dont elle sollicite l'annulation.

7. En statuant ainsi, alors que la convention invoquée n'avait pas été signée par Mme [O] et que le seul règlement partiel des honoraires était insuffisant à suppléer à cet écrit, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [O], épouse [R]

Mme [O] fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention d'honoraires du 30 novembre 2016, d'AVOIR en conséquence fixé les honoraires dus à l'avocat à la somme de 12 147,00 € HT et d'AVOIR condamnée celle-ci à lui payer la somme de 5 934,50 € HT, outre intérêts et tva ;

1°/ ALORS QU'en l'absence de signature, par le client, de la convention d'honoraires, les émoluments de l'avocat doivent être fixés par référence aux diligences accomplies par celui-ci dans les conditions fixées par l'article 10 alinéas 3 et 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : qu'en appliquant la convention d'honoraires à Mme [O] quand elle a elle-même relevé que celle-ci ne l'avait pas signée, le premier président de la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ ALORS, en tout état de cause, QUE le seul fait d'avoir réglé une partie des honoraires ne saurait caractériser le consentement du client à la convention d'honoraires, en l'absence de toute autre circonstance établissant la réalité de son consentement ; qu'en appliquant la convention d'honoraires signée par l'avocat aux motifs que même si elle n'avait pas été signée, Mme [O] avait réglé une des honoraires, la cour d'appel a derechef violé l'article 10 alinéas 3 et 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

3°/ ALORS, encore plus subsidiairement, QU'une société en participation n'a pas la personnalité juridique et ne peut donc pas être créancière d'une obligation de paiement ; que la convention d'honoraires établie par l'avocat le 30 novembre 2016 énonçait de façon claire et précise que les honoraires étaient facturés par la Sep Lachaud Mandeville Coutadeur et associés, laquelle était donc la créancière de l'obligation de paiement ; qu'en refusant d'annuler la convention d'honoraires aux motifs que celle-ci aurait été établie entre M. [C] et Mme [O], le premier président de la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

4°/ ALORS, toujours subsidiairement, QUE si le commencement d'exécution d'une convention s'oppose à ce que soit invoquée sa nullité paf voie d'exception, tel n'est pas le cas lorsque la nullité est sollicitée par voie d'action ; qu'en refusant à Mme [O] le droit de solliciter la nullité de la convention d'honoraires aux motifs qu'elle avait commencé de l'exécuter quand celle-ci avait invoqué cette nullité par voie d'action, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 1178 et 1185 du code civil.

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