8 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/07680

Pôle 5 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023



(n° 021/2023, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/07680 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQ7K



Décision déférée à la Cour : jugement du 22 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°2019010056





APPELANTE



S.A.S. DIM FRANCE, anciennement HANES FRANCE,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 488 727 298

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée et assistée de Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, toque R 255







INTIMEE



S.A.S. PRINCESSE TAM TAM,

Société au capital de 20 464 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 327 611 406

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P 240

Assistée de Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.





Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT





ARRÊT :




contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





***





EXPOSE DU LITIGE



La société DIM FRANCE (précédemment HANES FRANCE et ci-après la société DIM), filiale du groupe américain HANES BRANDS, se présente comme le leader français des sous-vêtements pour homme, de la lingerie, des bas et des collants qu'elle commercialise en Europe, notamment sous la marque 'DIM'. Elle indique que ses produits, en raison d'un savoir-faire traditionnel allié à des procédés de fabrication innovants, sont reconnus pour leur grande qualité.



Elle expose qu'elle a lancé en 2001 une nouvelle gamme de sous-vêtements qualifiée de 'révolutionnaire', sous le nom 'Body Touch', les produits étant constitués d'une seule pièce, sans coutures, découpés à l'ultrason, les bonnets des soutiens-gorge étant thermoformés et les bretelles soudées aux bonnets à l'ultrason.



Elle indique que chaque année de nouvelles déclinaisons de produits 'Body Touch' sont lancées et qu'en mai 2018, elle a ainsi commercialisé un nouveau modèle de soutien-gorge, de forme triangle, référencé 06WF, ainsi qu'une culotte assortie référencée 3255.



La société PRINCESSE TAM TAM, créée en 1985 et détenue depuis 2006 par le groupe japonais FAST RETAILING, expose qu'elle commercialise, sous la marque notoire 'PRINCESSE TAM TAM', des sous-vêtements féminins, des vêtements et des accessoires, en France et à l'étranger, dans ses propres magasins et dans les grands magasins.



Elle indique qu'elle a créé à l'été 2016 une gamme de sous-vêtements appelée 'Secret' incluant un soutien-gorge et une culotte référencés respectivement HSECR 105 et HSECR 119, produits qui ont été fabriqués en avril/mai 2017 et commercialisés dès avril 2018.



La société DIM, estimant que la conception et la mise dans le commerce des modèles de la gamme 'Secret' sous les références HSECR 105 et HSECR 119 révèlent une démarche déloyale et parasitaire de la société PRINCESSE TAM TAM, en raison notamment de la très grande ressemblance entre les sous-vêtements, a fait réaliser, le 16 novembre 2018, un constat d'achat dans un magasin PRINCESSE TAM TAM à Paris, puis, par acte du 7 février 2019, a fait assigner la société PRINCESSE TAM TAM devant le tribunal de commerce de Paris.



Par jugement rendu le 22 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a :



- débouté la société PRINCESSE TAM TAM de sa demande d'annulation de l'assignation et des conclusions de la société HANES FRANCE (devenue DIM),

- débouté la société HANES FRANCE (DIM) de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,



- débouté la société HANES FRANCE (DIM) de ses demandes d'interdiction et de retrait de produits PRINCESSE TAM TAM,



- débouté la société PRINCESSE TAM TAM de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société HANES FRANCE (DIM) à payer à la société PRINCESSE TAM TAM la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société HANES FRANCE (DIM) aux dépens.



Le 20 avril 2021, la société HANES FRANCE (DIM) a interjeté appel de ce jugement.



Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 5 septembre 2022, la société DIM demande à la cour :



Vu les dispositions de l'article 1240 et suivants du code civil,

Vu les dispositions des articles 901 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 56, 74, 112 et 700 du code de procédure civile,



- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société DIM de son action en concurrence déloyale et en parasitisme à l'encontre de la société PRINCESSE TAM TAM,

- condamné la société DIM à payer à la société PRINCESSE TAM TAM la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens,



- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,



- et statuant à nouveau :



- de faire interdiction à la société PRINCESSE TAM TAM de fabriquer, de commercialiser, d'offrir en vente, de faire la promotion de ses sous-vêtements de la gamme 'Secret' référencés HSECR 105 et HSECR 119 sous une astreinte définitive de 1 000 € par infraction constatée et par jour, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, une vente d'un seul article constituant une infraction,



- d'enjoindre à la société PRINCESSE TAM TAM, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, de communiquer à la société DIM les éléments comptables relatifs à la commercialisation et à la promotion de ses sous-vêtements « Secret » référencés HSECR 105 et HSECR 119, et en particulier :

- toute information relative aux sous-vêtements de la gamme 'Secret' référencés HSECR 105 et HSECR 119, et en particulier le nombre de produits fabriqués et/ou mis en vente par la société PRINCESSE TAM TAM,

- les extraits des journaux de vente de la comptabilité de la société DIM relatif aux produits incriminés,

- les extraits de la gestion des stocks de la société PRINCESSE TAM TAM depuis la mise en vente des produits incriminés,

- les marges brutes sur coûts variables réalisées par PRINCESSE TAM TAM sur les dits produits,

lesdits documents devant être certifiés par le commissaire aux comptes de la société PRINCESSE TAM TAM,



- de surseoir à statuer seulement en ce qui concerne la fixation définitive du préjudice subi par la société DIM jusqu'à ce que la société PRINCESSE TAM TAM ait communiqué les éléments sollicités,



- de condamner en l'état la société PRINCESSE TAM TAM à verser à la société DIM une indemnité provisionnelle de 500 000 € à valoir sur son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,



- de condamner la société PRINCESSE TAM TAM à verser à la société DIM une indemnité de 200 000 € en réparation de son préjudice résultant de ses agissements parasitaires,



- subsidiairement sur ces deux derniers points et pour le cas où la Cour ne ferait pas droit aux mesures d'instruction et de production de pièces, de condamner la société PRINCESSE TAM TAM à verser à la société DIM les sommes de 500 000 € et 200 000 € à titre de dommages et intérêts définitifs,



- d'ordonner à la société PRINCESSE TAM TAM de procéder, sous contrôle d'huissier et à ses frais exclusifs, au retrait des circuits de distribution et à la destruction des produits incriminés objets de la présente instance référencés HSECR 105 et HSECR 119 qu'elle ou que toute société appartenant à son groupe détient en stock ou que toute société tiers qui serait en charge de l'entreposage de ces marchandises pour son compte détiendrait en stock ainsi que d'en justifier par écrit, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 1 000 € par jour et par infraction constatée.



- d'autoriser la publication de l'arrêt à intervenir par extrait dans trois journaux ou revues au choix de la société DIM et aux frais intégralement avancés de la société PRINCESSE TAM TAM, à concurrence de 10 000 € HT par insertion,



- d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site www.princessetamtam.com en haut de page en police de caractère times new romans en taille 18 accompagné d'une traduction en anglais et ce pour une durée de deux mois passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt, et ce sous astreinte définitive de 2 000 € par jour de retard ou omis,



- d'autoriser la société DIM à faire publier le dispositif de l'arrêt par extraits, sur les sites Internet aux adresses www.dim.fr et www.hanes.com en police de caractères times new roman en taille 13 accompagné d'une traduction en anglais si bon semble à la société DIM et ce pour une durée de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir,



- de débouter la société PRINCESSE TAM TAM de l'ensemble de ses demandes formées au titre de l'appel incident,



- de condamner la société PRINCESSE TAM TAM à payer à la société DIM une somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



- de condamner la société PRINCESSE TAM TAM aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me BIZOLLON sur son affirmation de droit.



Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 30 juin 2022, la société PRINCESSE TAM TAM demande à la cour de:



Vu notamment les articles 9 et 56 du code de procédure civile et l'article 1240 du code civil,



- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société HANES FRANCE (désormais dénommée DIM) de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- débouté la société HANES FRANCE (désormais DIM) de ses demandes d'interdiction et de retrait des produits PRINCESSE TAM TAM,

- condamné la société HANES FRANCE (désormais DIM) à payer à la société PRINCESSE TAM TAM la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,



- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société PRINCESSE TAM TAM de sa demande d'annulation de l'assignation et des conclusions de la société HANES FRANCE (désormais DIM),

- débouté la société PRINCESSE TAM TAM de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,



- jugé que la société PRINCESSE TAM TAM « ne peut prétendre à une continuité de ses modèles pour justifier d'une antériorité des caractéristiques de la gamme 'SECRET', les modèles précédents présentés au tribunal étant très différents »,

- jugé que « les arguments au titre de l'antériorité de l'une ou l'autre des parties » seraient « inopérants au cas d'espèce »,

- à titre subsidiaire, rejeté la demande reconventionnelle de la société PRINCESSE TAM TAM à hauteur de 700 000 € à titre de dommages et intérêts définitifs, les produits de la collection HSECR 105 et HSECR 119 étant antérieurs (février 2018 et avril 2018) aux produits de la gamme BODYTOUCH de DIM revendiqués, commercialisés en juillet 2018,



- en statuant à nouveau :



- de débouter la société DIM de toutes ses demandes,



- à titre préliminaire :

- de juger l'assignation, les conclusions de première instance et les conclusions d'appel de la société DIM nulles pour indétermination des modèles prétendument copiés,

- de juger, à titre subsidiaire, que :

- l'action de la société DIM est irrecevable et en tout état de cause infondée en raison de l'antériorité des modèles HSECR 105 et HSECR 119 de la société PRINCESSE TAM TAM,

- la société DIM ne disposait d'aucun droit à agir et a introduit une action abusive,



- sur l'appel incident de la société PRINCESSE TAM TAM :

- à titre principal, de condamner la société DIM à payer à la société PRINCESSE TAM TAM la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de cette action abusive et injustifiée, destinée à déstabiliser la société PRINCESSE TAM TAM,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que les sous-vêtements litigieux se ressemblaient, de juger que les sous-vêtements de marque « DIM » de la gamme « body touch 2018 » référencés « 06WF » (mais non clairement identifiés en raison de la multitude de modèles sous cette référence), « 06WG » et « 3255 » sont bien postérieurs à ceux de la société PRINCESSE TAM TAM référencés « HSECR105 » et « HSECR119 » (Pièces 1 et 2),

- en conséquence, de condamner la société DIM à une somme de 700 000 € à titre de dommages et intérêts définitifs,



- en tout état de cause, de condamner la société DIM à payer à la société PRINCESSE TAM TAM la somme de 30 000 € au titre de frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.



L'ordonnance de clôture est du 6 septembre 2022.






MOTIFS DE LA DECISION



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.















Sur la procédure



Sur la demande de la société PRINCESSE TAM TAM tendant à la nullité de l'assignation et des conclusions de première instance et d'appel de la société DIM



Au soutien de sa demande d'annulation de l'assignation et des conclusions de la société DIM, la société PRINCESSE TAM TAM fait valoir qu'en violation de l'article 56 du code de procédure civile, la demande adverse est indéterminée en raison de la multitude de modèles existant sous la même référence 06WF, indétermination d'ailleurs relevée par le tribunal de commerce et avérée au vu du procès-verbal de constat qu'elle a fait établir sur le site internet de DIM le 11 juin 2020 qui montre qu'il existe plusieurs modèles de soutien-gorge sous les références 06WF ou D06WF ; que consciente de cette difficulté, la société DIM a modifié son site internet ; que cette indétermination lui cause un préjudice dans la mesure où elle n'a pu identifier clairement le ou les modèles prétendument copiés, ce qui l'a contrainte à envisager plusieurs hypothèses, et qu'à ce jour la référence du produit prétendument copié n'est toujours pas clairement déterminée.



La société DIM répond que l'exception de nullité de la société PRINCESSE TAM TAM est irrecevable en application des articles 74 et 112 du code de procédure civile pour avoir été soulevée pour la première fois le 10 juin 2020, après deux jeux de conclusions au fond qui n'en faisaient pas mention, et qu'elle est en tout état de cause non fondée dès lors que ses demandes sont clairement énoncées dans son assignation et ses conclusions ultérieures, qu'elle a toujours incriminé la vente des modèles PRINCESSE TAM TAM HSECR 105 et HSECR 119 sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que la question des produits dont l'imitation et invoquée est le fondement de sa demande et non la demande elle-même et ne peut donc appuyer une demande de nullité de l'assignation, qu'en tout état de cause, elle invoque la reprise des éléments caractéristiques de sa gamme 'Body Touch' et plus particulièrement ceux du soutien-gorge triangle 'Body Touch' de la collection 2018 référencé 06WF en abrégé (ou D06WF), que le modèle cache-coeur 06WG n'est pas invoqué.



L'article 56 du code de procédure civile prévoit que l'assignation doit contenir 'à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 : (...) un exposé des moyens en fait et en droit' ; l'article 54 prévoit qu'à peine de nullité, l'assignation, mentionne 'l'objet de la demande'.



Les articles 74 et 112 du code de procédure civile disposent respectivement que 'Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (...)' et que 'La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité'.



L'exception de nullité soulevée par la société PRINCESSE TAM TAM, qui constitue une exception de procédure, est tout à la fois irrecevable en ce qu'il n'est pas contesté qu'elle a été présentée en première instance par la société PRINCESSE TAM TAM pour la première fois après des conclusions au fond, et non fondée dès lors que l'assignation de la société HANES FRANCE (désormais DIM) contenait des demandes, tendant notamment à ce qu'interdiction soit faite à la société PRINCESSE TAM TAM de fabriquer, commercialiser, offrir en vente, faire la promotion de sous-vêtements de sa gamme 'Secret' référencés HSECR 105 et HSECR 119, ainsi qu'un exposé des moyens de fait et de droit venant soutenir ces demandes, et que l'indétermination des références des produits invoquées, à la supposer avérée, ne peut avoir pour sanction, comme le relève l'appelante, la nullité de son assignation, la société DIM pouvant en tout état de cause fonder sa demande sur la reprise des caractéristiques d'une gamme entière de produits.







En outre, comme l'ont souligné les premiers juges, la société PRINCESSE TAM TAM qui a pu conclure longuement, à trois reprises en appel, ne démontre pas le préjudice qui résulterait pour elle de l'imprécision alléguée.



Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société PRINCESSE TAM TAM d'annulation de l'assignation et des conclusions de la société HANES FRANCE (DIM).









Sur la demande subsidiaire de la société PRINCESSE TAM TAM tendant à l'irrecevabilité des demandes de la société DIM



La société PRINCESSE TAM TAM soutient que l'antériorité de ses modèles HSECR 105 et HSECR 119, créés à l'été 2016, fabriqués en avril/mai 2017 et commercialisés dès avril 2018, alors que les modèles invoqués par l'appelante ont été offerts à la vente au plus tôt à compter du 1er juillet 2018 comme le montre son catalogue A/H 2018, est établie et reconnue par la société DIM et rend cette dernière irrecevable dans son action pour défaut du droit d'agir.



La société DIM répond que l'antériorité de la commercialisation des produits litigieux PRINCESSE TAM TAM ne peut constituer une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, l'action en concurrence déloyale étant ouverte à toute personne qui ne bénéficie d'aucun droit privatif et est victime d'un dommage concurrentiel causé par une activité déloyale ou parasitaire, sans autre condition de recevabilité.



Ceci étant exposé, aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.



C'est à juste raison que la société DIM plaide que l'antériorité de l'offre à la vente des produits litigieux n'est pas un obstacle à la recevabilité de son action en concurrence déloyale, au sens de cette disposition, mais seulement, comme l'a retenu le tribunal, un élément de contexte pouvant être pris en compte dans l'appréciation de l'existence de la faute de concurrence déloyale et, le cas échéant, du préjudice qui en est résulté.



La fin de non-recevoir de la société PRINCESSE TAM TAM tirée de l'antériorité de la commercialisation des sous-vêtements incriminés sera, dans ces conditions, rejetée.



Sur le fond



Sur les demandes de la société DIM en concurrence déloyale et parasitaire



Sur la concurrence déloyale



La société DIM soutient que la société PRINCESSE TAM TAM a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant des produits quasi conformes à ceux de sa gamme 'Body Touch' qui jouit d'une forte notoriété et à laquelle elle a consacré de très importants investissements, et plus particulièrement à son modèle de soutien-gorge 'Triangle 06WF'. Elle fait valoir que PRINCESSE TAM TAM connaissait nécessairement sa gamme 'Body Touch' commercialisée depuis 2001 et qui a rencontré un grand succès, et également son modèle 'Triangle 06WF,' lancé sur le marché en mai 2018 mais largement promu et divulgué auprès de tiers dès 2017 ; que la date de première commercialisation des produits PRINCESSE TAM TAM litigieux est donc indifférente, comme l'originalité, la nouveauté ou le caractère propre du produit imité, seul devant être pris en considération le risque de confusion entre les produits ; que le risque de confusion est ici avéré, résultant de l'imitation quasi-servile et sans nécessité technique des caractéristiques de la gamme 'Body Touch', à savoir : l'ornementation des bordures en forme de mini-vagues, élément distinctif des collections 'Body Touch', reprise jusqu'aux dimensions de ces mini-vagues ; la conception sans couture avec une finition thermocollée, une découpe au laser ou par ultra-son, qui n'est pas la conception du fournisseur commun aux deux sociétés, la société REGINA, mais bien celle de DIM ; la matière constituée d'un mélange d'élasthane et de polyamide selon des proportions presque identiques ; la forme triangle du soutien-gorge 06WF avec deux bonnets sans armatures, un décolleté échancré, une bande élastique aux bords crantés en forme de mini-vagues passant sous les bonnets et des bretelles crantées sur la première partie puis simples dans le dos ; la forme des culottes assorties au soutien-gorge, enveloppantes et également dotées de bords crantés en forme de mini-vagues ; que toutes ces ressemblances, qui ne sont pas le fruit du hasard, génèrent une impression sensiblement identique et un risque de confusion pour la consommatrice d'attention moyenne qui n'aura pas nécessairement les produits sous les yeux en même temps ; qu'à tout le moins, PRINCESSE TAM TAM n'a rien fait pour dissiper le risque de confusion ; que le sondage IFOP démontre l'existence d'une confusion avérée (confusion des produits concurrents retenue par 73% des personnes sondées) ; que les différences minimes entre les produits ne sont pas de nature à écarter le risque de confusion ; que PRINCESSE TAM TAM affirme mais sans le démontrer que toutes les caractéristiques du soutien-gorge 'Body Touch', notamment sa composition (80 % polyamide / 20 % élasthane), appartiennent à un genre ; que les collections précédentes de PRINCESSE TAM TAM ne reproduisent pas les spécificités de 'Body Touch' ; que compte tenu de leur grande notoriété depuis 2001, PRINCESSE TAM TAM connaissait nécessairement les produits 'Body Touch' avant le lancement du soutien-gorge litigieux en 2018, d'autant que dans le cadre de la présentation de la collection 'Body Touch' A/H 2018, les produits imités ont circulé parmi les nombreux clients et fournisseurs de DIM dès octobre 2017, le soutien-gorge Triangle 06WF faisant même la couverture du catalogue A/H 2018 finalisé en octobre 2017 ; que les produits litigieux ont manifestement été finalisés tardivement, non pas à l'été 2016 comme prétendu, mais entre avril 2017 et février 2018 (présentation du produit litigieux dans le catalogue P/E 2018 PRINCESSE TAM TAM), avant leur lancement précipité avec la collection P/E 2018 alors que la commercialisation était initialement prévue pour la collection A/H 2018.



Pour contester toute concurrence déloyale par copie des sous-vêtements de DIM, la société PRINCESSE TAM TAM fait valoir que les produits litigieux qu'elle commercialise sont antérieurs aux produits de la gamme 'Body Touch' 2018 de DIM puisqu'ils ont été créés dès août 2016, lancés dès février 2018 avec leur divulgation sur son catalogue Eté 2018, et offerts à la vente dès avril 2018, alors que les produits DIM opposés n'ont été mis sur le marché qu'en juillet 2018 ainsi qu'il ressort de la mention « Sous-vêtements Automne-Hiver 2018 - Tarif au 1er juillet 2018 » figurant sur le catalogue DIM A/H 2018 ; que DIM ne démontre pas qu'elle aurait eu connaissance en août 2016, ou en avril-mai 2017, ou même en octobre 2017, des produits de la gamme 'Body Touch 2018", les clients de DIM auxquels le soutien-gorge invoqué a pu être divulgué étant étrangers à son propre réseau de distribution ; que les spécificités revendiquées par DIM sont toutes usuelles et/ou sont dans le domaine public et que d'ailleurs des modèles antérieurs PRINCESSE TAM TAM les reprennent pour la plupart dès 2006, le modèle HSECR 105 constituant la continuité de sa gamme « Ghost » (sans couture, thermocollé et invisible) ; que la technique utilisée est celle du fabricant REGINA MIRACLE avec qui DIM n'a signé aucun accord d'exclusivité ; que les produits en litige présentent de nombreuses différences et produisent des impressions d'ensemble différentes ; que les marques « PRINCESSE TAM TAM » et « DIM » ne peuvent nullement être confondues dans l'esprit du consommateur, correspondant à des images totalement différentes alors que les réseaux de vente des deux sociétés sont par ailleurs sans rapport ; que le sondage IFOP, qui ne concerne pas le modèle de SG Triangle 06WF tel que revendiqué et dont les photographies sont pratiquement illisibles, ne démontre pas que le produit PRINCESSE TAM TAM serait systématiquement confondu avec le produit DIM.





Ceci étant exposé, la cour rappelle que la concurrence déloyale, qui trouve son fondement dans l'article 1240 du code civil selon lequel 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer', doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou du service proposé, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.









Ainsi, le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux distribués par un concurrent qui ne font pas l'objet de droits de propriété intellectuelle relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cette commercialisation n'est pas accompagnée de manoeuvres déloyales constitutives d'une faute, telle que la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle.



L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié.



Il incombe à celui qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ce comportement répréhensible sont réunis.



En l'espèce, il ressort des conclusions de la société DIM que les modèles qui auraient été, selon elle, indûment repris par la société PRINCESSE TAM TAM sont, d'une part, le soutien-gorge Triangle de la gamme 'Body Touch' de la collection 2018 référencé 06WF (ou D06WF, les attestations de Mme [Z] et de M. [C], respectivement responsable de la codification des produits et vice-président marketing chez DIM, établissant qu'il s'agit d'un seul et même modèle) et une culotte assortie référencée 3255, ces articles étant prétendument copiés par le soutien-gorge HSECR 105 et la culotte assortie HSECR 119 de la gamme 'Secret' de PRINCESSE TAM TAM et, d'autre part, plus généralement, les sous-vêtements de la gamme 'Body Touch' tels que commercialisés depuis 2001, dont les produits PRINCESSE TAM TAM HSECR 105 et HSECR 119 reprendraient les caractéristiques essentielles (pages 7, 11, 13, 15, 23 des conclusions de l'appelante). Le soutien-gorge 'Body Touch' de forme cache-coeur référencé 06WG n'est pas invoqué par la société appelante (page 18 de ses écritures).



La société DIM soutient que la société PRINCESSE TAM TAM avait nécessairement connaissance, au moment de la commercialisation des produits litigieux, de l'existence de sa gamme 'Body Touch' diffusée dès 2001. Cela n'est pas douteux au regard notamment du succès rencontré par cette gamme de sous-vêtements, attesté par les pièces 24 à 27 de l'appelante relatives aux investissements consentis pour sa promotion (plus de 9 millions d'euros pour la seule promotion télévision entre 2009 et 2017) et au classement GFK des ventes de parures en hyper et supermarchés (fin 2018), et n'est pas formellement contesté par la société intimée.



La société DIM définit cette gamme 'Body Touch', d'une part, par un caractère confortable et discret résultant d'une méthode de finitions thermocollées, de bords découpés au laser et d'un mélange de polyamide (entre 77 % et 81 %) et d'élasthane (entre 19 et 23 %) donnant un effet 'seconde peau' et, d'autre part, par une ornementation en forme de mini-vagues sur les bords des sous-vêtements apportée sans couture ni sur-épaisseur, par découpe brute de la matière.





Cependant, les pièces fournies par la société PRINCESSE TAM TAM montrent que la composition revendiquée est commune dans le secteur des sous-vêtements (article 'Guide des tissus utilisés en lingerie' sur le blog www.eclipse-lingerie-studio.com - pièce 14 ; extraits de sites concernant des sous-vêtements masculins et féminins composés de polyamide et d'élasthane dans des proportions similaires à la composition des sous-vêtements DIM revendiqués - pièces 15 et 32) et que le thermocollage, sur lequel la société appelante ne bénéficie d'aucun droit privatif, appartient à une technologie revendiquée sur son site internet par la société REGINA MIRACLE, fabricant des sous-vêtements des sociétés DIM et PRINCESSE TAM TAM basé à Hong-Kong, ce qui est corroboré par l'attestation de la directrice technique de l'intimée, Mme [W], qui indique que la société REGINA MIRACLE 'est particulièrement reconnue dans le milieu pour ses techniques thermoformées'. La société DIM affirme par ailleurs que les mini-vagues réalisées par découpe brute de la matière relèvent de son propre savoir-faire qui a été transmis à son fabricant REGINA MIRACLE lorsqu'elle l'a choisi comme prestataire en 2003 (attestation de M. [G], directeur développement). Mais en admettant que cela soit avéré, il reste que ce savoir-faire, qui n'est l'objet d'aucun droit privatif, est désormais celui du prestataire. Or, il n'est pas contesté que la société DIM ne bénéficie d'aucune exclusivité ni même d'aucune confidentialité dans ses relations contractuelles avec la société REGINA MIRACLE qui fabrique de longue date sa gamme 'Body Touch'. Par conséquent, le choix par la société PRINCESSE TAM TAM du fabricant de sa concurrente ne peut être fautif, quand bien même ce choix lui aurait permis de bénéficier de son savoir-faire, qu'il s'agisse du thermocollage ou des bordures en mini-vagues.



Le grief de concurrence déloyale ne peut donc être retenu sur le seul fondement de la reprise des caractéristiques générales de la gamme 'Body Touch' et il convient d'examiner s'il peut l'être au regard des soutien-gorge 06WF (ou D06WF) et culotte 3255 plus spécifiquement revendiqués.



En ce qui concerne le soutien-gorge 06WF (ou D06WF), il est observé à titre liminaire que deux versions sont produites au débat : le modèle tel que commercialisé (pièce 9) et un prototype (pièce 9 bis) qui illustre la page de couverture du catalogue DIM A/H2018 et se distingue du précédent, notamment, en ce qu'il est plus échancré, la pointe du triangle entre les bonnets du soutien-gorge descendant presque jusqu'à la bande élastique passant sous ces bonnets.



La société PRINCESSE TAM TAM, qui met en avant l'antériorité de ses sous-vêtements, établit qu'en août 2016, elle mettait au point avec la société PH GARMENT (fabricant initialement envisagé avant le choix de la société REGINA MIRACLE) un soutien-gorge 'Secret 105" (new Ghost)'. Un courriel versé au débat fait état d'échanges avec le fabricant portant sur la réalisation du modèle (une modéliste PRINCESSE TAM TAM, le 9 août 2016 : 'Veuillez trouver ci-joint les commentaires et les motifs de Secret 105 (new Ghost). Veuillez faire 3 échantillons dans chaque tissu' ; le fabricant, le 20 août 2016 : 'Selon une conversation avec [N] hier, vous avez noté que vous aimeriez ajouter de l''os latéral à la couture latérale, et le H&E fait 1,9 cm de largeur sur le vêtement. La qualité/apparence de 1,9 cm ne peut pas être la même que celle de 2.8cm de largeur, alors envoyez seulement le H&E de 2.8cm de largeur avec le vêtement pour votre référence') et les photographies annexées à ce courriel montrent des soutiens-gorge (prototypes) très proches du modèle HSECR 105 incriminé (forme triangle, bords festonnés en mini-vagues, matière souple) (sa pièce 26). Ces éléments sont corroborés par Mme [W], directrice technique de PRINCESSE TAM TAM, qui atteste que le soutien-gorge et la culotte litigieux ont été créés par l'équipe design de la société au cours de l'été 2016 et que des dernières mises au point et le changement de fabricant ont retardé le lancement des produits à avril/mai 2018.



Il est établi également que les produits litigieux ont été fabriqués au plus tard début février 2018, puisqu'ils sont présentés dans le catalogue Eté 2018 PRINCESSE TAM TAM et qu'une facture de l'imprimeur de ce catalogue est produite portant la date du 16 février 2018, et qu'ils ont été commercialisés dès avril 2018, ce qui résulte d'une facture mentionnant une commande du 26 avril 2018, alors que les soutien-gorge et culotte 'Body Touch' ont été proposés à la vente au plus tôt en mai 2018, ce qui ressort d'une facture adressée à MONOPRIX en date du 17 mai 2018 comportant la référence 06WF, et non pas en juillet 2018 comme le soutient l'intimée.



La société DIM démontre certes que dès octobre 2017, elle a présenté sa nouvelle collection 'Body Touch' A/H 2018 comportant le soutien-gorge 06WF et la culotte 3255 à ses distributeurs au moyen de présentations réalisées avec des mannequins recrutés via des agences et de remises d'exemplaires des produits à ses distributeurs (ses pièces 50 à 59), et qu'elle a conçu au cours de l'automne 2017 également (devis et échange de courriel avec l'agence DOUBLE JEU) son catalogue A/H 2018 dont la page de couverture montre le soutien-gorge Triangle 06WF dans la version prototype, visuellement proche du soutien-gorge litigieux (pièce 60). Toutefois, cela ne suffit pas à établir de façon certaine qu'à l'automne 2017, la société PRINCESSE TAM TAM a eu ainsi connaissance des caractéristiques du soutien-gorge Triangle 06WF dès lors notamment que les distributeurs de la société DIM (SYSTEME U, BLANCHE PORTE, 3 SUISSES, LA REDOUTE, KIABI, MONOPRIX...) ne sont pas (hormis GALERIES LAFAYETTE) ceux de la société PRINCESSE TAM TAM, laquelle vend ses produits via un réseau de magasins sous l'enseigne Princesse Tam Tam, et que la date de diffusion effective du catalogue DIM A/H 2018 n'est pas précisée.



En outre, les produits litigieux ne constituent pas une totale rupture par rapport à des produits précédemment proposés à la vente par la société PRINCESSE TAM TAM. Celle-ci justifie en effet qu'en août 2016, elle proposait déjà une parure de sous-vêtements 'respirants', 'effet seconde peau', en 'matière ultra légère et invisible', avec un soutien-gorge de forme triangle et des bonnets sans couture (pièce 33), que dans son catalogue P/E 2006, elle offrait des sous-vêtements 'Epure' en microfibre revendiquant 'l'invisibilité infinie : les formes moulées', qu'en 2014, elle offrait une gamme de sous-vêtements 'Nude' avec des soutiens-gorge moulés sans armature, ainsi que des culottes 'Ghost' en microfibre stretch, et que pendant l'A/H 2017, elle offrait encore un soutien-gorge 'Fantomette' '100% invisible, 0% couture' (pièces 10 à 13), tous ces produits répondant aux critères de confort et de discrétion revendiqués par la société DIM. La société PRINCESSE TAM TAM justifie en outre que les bordures en mini-vagues ne sont pas rares dans le domaine de la lingerie féminine (culottes SLOGGI octobre 2014, mars 2015, mai et juillet 2016 ; culotte VICTORIA SECRET 2017 - procès-verbal de constat du 15 avril 2019) et qu'elle-même a commercialisé des sous-vêtements adoptant de telles ornementations antérieurement aux modèles litigieux (modèles 'Frivo' de son catalogue été 2006, modèles 'Maryline' et 'Monica' de son catalogue hiver 2014).



Par ailleurs, la forme triangle du soutien-gorge et l'absence d'armature (le soutien-gorge PRINCESSE TAM TAM présentant au demeurant une armature sur les côtés) sont d'une extrême banalité et relèvent de standards de la lingerie féminine comme le montrent à suffisance les pièces au dossier et il en est de même de la forme des culottes, les différentes marques de sous-vêtements proposant couramment dans chacune de leurs gammes des produits de différentes hauteurs et formes (slip, boxer, culotte, panty...). La société DIM ne peut donc invoquer la reprise fautive par la société PRINCESSE TAM TAM de la forme de sa culotte assortie au soutien-gorge qui est des plus courantes, s'agissant en l'espèce d'un slip.



Il est encore relevé que malgré l'impression d'ensemble proche qui se dégage de la comparaison des deux soutiens-gorge, ils présentent des différences. Alors que la version commercialisée du soutien-gorge 06WF DIM (pièce 9) comporte : une large bande droite sous les bonnets qui se prolonge sans aucune couture jusqu'aux crochets de fermeture à l'arrière du produit, des bonnets qui se croisent au dessus de cette large bande droite, reliés entre eux par une surpiqûre apparente en forme de triangle, et des bretelles cousues en haut des bonnets et composées sur l'avant du produit d'un feston composé de formes rondes, le soutien-gorge litigieux présente : une bande plus fine et ondulée au centre sous les bonnets qui s'arrête au niveau des armatures (totalement absentes chez DIM) placées sur les deux côtés du soutien-gorge qui se prolonge de part et d'autre par des formes triangulaires jusqu'aux crochets de fermeture, des bonnets qui se croisent librement sans surpiqûre et des bretelles bordées d'un feston composé de mini-vagues qui vont en s'affinant dans le prolongement des bonnets, sans couture en haut des bonnets sur l'avant du soutien-gorge ; en outre, d'un point de vue fonctionnel, la bretelle du soutien-gorge PRINCESSE TAM TAM est détachable à l'arrière du produit et peut se positionner à deux endroits différents, possibilité qui ne se retrouve pas sur le soutien-gorge DIM. Le soutien-gorge PRINCESSE TAM TAM n'est donc pas, contrairement à ce qui est prétendu, une copie servile du soutien-gorge DIM, ce qui n'exclut pas en soi la concurrence déloyale mais doit être pris en compte dans l'appréciation du risque de confusion.



Pour conclure à l'existence d'un risque de confusion, la société DIM produit un sondage IFOP réalisé en décembre 2019 à partir d'un échantillon de 1001 femmes de plus de 18 ans. Elle plaide qu'il en ressort, d'une part, que les personnes interrogées, après s'être vu présenter le soutien-gorge 'Body Touch' Triangle 06WF pendant 10 secondes, puis cinq autres soutiens-gorge (le soutien-gorge litigieux PRINCESSE TAM TAM et quatre soutiens-gorge d'autres marques), ont, pour 73 % d'entre elles, désigné le soutien-gorge PRINCESSE TAM TAM comme celui correspondant le plus au soutien-gorge DIM initialement présenté, et d'autre part, qu'elles sont 27 % à désigner le produit PRINCESSE TAM TAM comme celui correspondant au produit DIM quand celui-ci est intégré au panel de soutiens-gorge qui leur est soumis après présentation initiale du seul produit DIM et qu'elles ont sous les yeux les deux soutiens-gorge en litige. Elle ajoute que le sondage révèle encore que lorsqu'on montre aux personne interrogées ces deux soutiens-gorge, 71 % d'entre elles pensent qu'ils appartiennent à la même collection.



Cette argumentation n'emporte toutefois pas la conviction. En effet, pour la 2ème question ('Si l'un de soutien-gorge suivants correspond à celui que vous avez vu sur l'image précédente, veuillez cliquer dessus'), dans le panel de cinq soutiens-gorge présenté (PRINCESSE TAM TAM, MONOPRIX, TOP SHOP, CASTALUNA et ETAM), le soutien-gorge litigieux PRINCESSE TAM TAM est le seul à être à la fois opaque et de couleur claire comme le soutien-gorge DIM, alors que les autres sont rosés (TOP SHOP et CASTALUNA) ou blanc mais avec des bonnets en dentelle et donc non opaque (ETAM), le dernier, certes à la fois blanc et opaque, n'étant pas un soutien-gorge mais un haut de maillot de bain se nouant derrière le cou (MONOPRIX), de sorte que la réponse (73 % de personnes répondant que le soutien-gorge PRINCESSE TAM TAM correspond au soutien-gorge DIM précédemment présenté) est nécessairement induite par la composition du panel. Il en est de même de la réponse à la première question (même question que la précédente mais le soutien-gorge DIM est intégré au panel ; 66 % de personnes désignent le soutien-gorge DIM et 27 % le produit PRINCESSE TAM TAM), les soutiens-gorge DIM et PRINCESSE TAM TAM étant les seuls à être à la fois de couleur claire et opaques. Et si 71 % des personnes interrogées estiment que les deux soutiens-gorge font partie de la même collection ou associent le modèle litigieux à la marque DIM (pages 15 et 13 du sondage), le sondage montre également que la marque DIM reste très majoritairement associée au modèle DIM Triangle'Body Touch' 06WF (79 %), suivie par la marque ETAM (11%), puis par la marque CHANTELLE (6 %) et enfin seulement par les marques PRINCESSE TAM TAM et VICTORIA SECRET (2 % chacune) (page 10 du sondage). Ce sondage ne permet pas, par conséquent, de démontrer que le soutien-gorge DIM serait assurément susceptible d'être confondu avec celui de PRINCESSE TAM TAM.



Le grief de concurrence déloyale ne peut donc pas être davantage retenu au titre de la reprise des caractéristiques du soutien-gorge 06WF (ou D06WF) et de la culotte 3255.



De tous ces développements, il s'infère que n'est pas démontrée l'existence de comportements fautifs de concurrence déloyale, contraires aux usages loyaux du commerce, imputables à la société PRINCESSE TAM TAM.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes en concurrence déloyale de la société DIM.



Sur la concurrence parasitaire



La société DIM soutient que la société PRINCESSE TAM TAM a profité indûment des investissements et de la notoriété attachés à sa gamme 'Body Touch'; qu'elle a réalisé des investissements significatifs pour concevoir et promouvoir cette ligne de produits, ce qui lui a permis de placer ces modèles en tête des ventes de sous-vêtements en France ; que PRINCESSE TAM TAM ne démontre pas avoir consacré le moindre centime à la conception du soutien-gorge litigieux, communiquant simplement des attestations correspondant au total de ses investissements marketing annuels tous produits confondus ; que PRINCESSE TAM TAM a en outre promu ses parures litigieuses en magasins en indiquant que ses produits étaient « les mêmes » que les produits 'Body Touch' de Dim ; que la volonté de se placer dans le sillage de DIM est confirmé par le sondage IFOP qui montre que 71% des sondées associent les sous-vêtements litigieux de PRINCESSE TAM TAM à la marque DIM ; que si l'existence de faits de parasitisme n'implique pas une situation de concurrence entre les opérateurs concernés, cette concurrence est en l'espèce avérée, les deux opérateurs intervenant sur le même segment de marché (gammes identiques, prix similaires, même public), ce qui a pour effet de rendre encore plus profitables pour l'auteur et encore plus préjudiciables pour la victime les actes parasitaires.



La société PRINCESSE TAM TAM oppose qu'elle dispose depuis plusieurs années d'une image forte et notoire, totalement différente de celle de la société DIM et qui résulte d'importants investissements s'élevant sur l'exercice 2017/2018 à plus de 3 millions d'euros ; que 'DIM' est une marque de 'mass market', ce qui n'est pas le cas de 'PRINCESSE TAM TAM' qui est une marque notoire qui ne peut se confondre avec la marque 'DIM' ; que chaque société ayant sa propre image, celle de la société DIM n'a pu être banalisée ou dévalorisée ; que les produits incriminés sont antérieurs aux produits 'Body Touch' de la collection 2018 ; que les prix des produits de la gamme 'Secret' sont supérieurs de 25 % au moins à ceux de DIM ; que les réseaux de distribution et l'activité des deux sociétés sont différents ; que la clientèle n'est pas identique ; que les investissements publicitaires invoqués par DIM, non attestés par un expert-comptable, ne concernent pas les produits invoqués dans la présente procédure.



Ceci étant exposé, la cour rappelle que le parasitisme, fondé sur l'article 1240 du code civil, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements. Il requiert la circonstance qu'à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. Comme celle de concurrence déloyale, cette notion est appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par l'existence d'une captation parasitaire, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.



En l'espèce, la société DIM produit deux attestations de son directeur financier desquelles il ressort qu'entre 2009 et 2017, elle a consacré des investissements pour la promotion à la télévision des produits de la gamme 'Body Touch' à hauteur de 9 861 588 € et que pour la seule année 2018, elle a dépensé 246 000 € pour la commercialisation de ces produits. Cependant aucun chiffre n'est fourni se rapportant aux deux sous-vêtements spécifiquement revendiqués et les investissements invoqués ne concernent que la promotion des produits 'Body Touch' et aucunement leur création et leur développement, s'agissant notamment des éléments techniques (le thermocollage et les bords crantés en forme de mini-vagues) qui, selon l'appelante, font le succès de la gamme 'Body Touch' et qui, de fait, au vu des éléments du dossier, ont été développés par le fabricant REGINA MIRACLE.







Par ailleurs, la société PRINCESSE TAM TAM de son côté verse quatre attestations de son expert-comptable faisant état de dépenses de recherche/création et de marketing pour la période 2014/2018, notamment 3 083 044 € pour les dépenses marketing et 699 645 € pour la recherche et création au titre de seules années 2017/2018, ces chiffres se rapportant à l'ensemble de ses produits et pas seulement à la parure litigieuse. Il a été dit qu'elle justifie qu'au cours de l'été 2016, elle mettait au point avec un fabricant PH GARMENT un soutien-gorge 'Secret 105" (new Ghost)', manifestement à l'origine du soutien-gorge HSECR 105 litigieux qui a été mis dans le commerce avant la gamme 'Body Touch' 2018 de DIM, et que les sous-vêtements incriminés ne constituent pas une totale rupture par rapport à des produits précédemment proposés par la société PRINCESSE TAM TAM.



Le témoignage fourni par la société DIM de sa directrice marketing qui relate qu'elle s'est rendue dans un magasin PRINCESSE TAM TAM où une vendeuse lui a indiqué que la marque avait 'le même modèle' que le 'Body Touch' ne peut suffire à établir le détournement des investissements allégués.



En l'état de ces éléments qui montrent que chacune des sociétés en litige consacre d'importants efforts d'investissement, et alors que la société PRINCESSE TAM TAM justifie, sans être spécialement contestée sur ce point, bénéficier d'une notoriété et d'un positionnement sensiblement plus haut de gamme que la société DIM sur le marché des sous-vêtements féminins (ses sous-vêtements sont sensiblement plus chers que ceux de DIM), il n'est pas démontré que la société PRINCESSE TAM TAM a cherché à se placer dans le sillage de la société DIM pour profiter indûment de sa notoriété, de son savoir-faire et de ses efforts de création et de promotion.



Le jugement sera par conséquent également confirmé en ce qu'il a débouté la société DIM de ses demandes en concurrence parasitaire.



Sur les demandes reconventionnelles de la société PRINCESSE TAM TAM



Sur la demande pour procédure abusive



La société PRINCESSE TAM TAM soutient que la procédure intentée par la société DIM est abusive, a été diligentée en toute mauvaise foi afin de compromettre l'exploitation de sa ligne 'Secret', dès lors que la société DIM savait que les modèles de sa gamme 'Secret' étaient antérieurs aux siens et qu'elle a entretenu une ambiguïté en invoquant tantôt l'entièreté de sa gamme 'Body Touch' depuis 2001 tantôt la gamme 'Body Touch 2018'.



La société DIM conteste tout abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice



L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances caractérisant notamment la malice, la mauvaise foi ou l'absence manifeste de tout fondement à l'action intentée, que le fait d'agir en justice est susceptible de constituer un abus.



La société PRINCESSE TAM TAM ne démontre pas, en l'espèce, la faute commise par la société DIM qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société PRINCESSE TAM TAM de sa demande pour procédure abusive.















Sur la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par la société PRINCESSE TAM TAM



La société PRINCESSE TAM TAM soutient que si la cour devait retenir que les sous-vêtements en litige se ressemblent, elle devrait constater que les sous-vêtements invoquées 'Body Touch' 06WF et 3255 sont bien postérieurs à ses propres produits HSECR105 et HSECR119 qui ont été montrés au public dès la parution de son catalogue en février 2018 et mis en vente dès avril 2018, et que la société DIM l'a donc copiée.



La société DIM répond que son modèle Triangle 06WF était déjà promu et remis à ses distributeurs à l'automne 2017, dans la continuité d'une gamme sur le marché depuis très longtemps.



La demande de la société PRINCESSE TAM TAM ne peut prospérer dès lors que les deux sous-vêtements invoqués par la société DIM ont fait l'objet de présentations à ses distributeurs en octobre 2017 et qu'ils s'inscrivent dans la pleine continuité d'une gamme 'Body Touch' lancée en 2001 et renouvelée sans interruption.



La demande indemnitaire de la société de la société PRINCESSE TAM TAM sera donc rejetée.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La société DIM, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de la société DIM au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société PRINCESSE TAM TAM peut être équitablement fixée à 10 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.





PAR CES MOTIFS,



LA COUR,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Rejette la fin de non-recevoir de la société PRINCESSE TAM TAM tirée de l'antériorité de la commercialisation de ses sous-vêtements référencés HSECR 105 et HSECR 119,



Rejette la demande indemnitaire de la société de la société PRINCESSE TAM TAM,



Condamne la société DIM aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la société PRINCESSE TAM TAM de la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.











LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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