8 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/04561

Pôle 5 - Chambre 4

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 8 FEVRIER 2023



(n° 24 , 29 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04561 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTSF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de RENNES - RG n° 2016F00213





APPELANTES





SAS PIZZA CENTER FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 452 455 371

[Adresse 3]

[Localité 5]



SAS DOMINO'S PIZZA FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 421 415 803

[Adresse 3]

[Localité 5]



SAS FRA-MA-PIZZ agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 384 350 393

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentées par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L0044, avocat postulant

Assistées de Me Jean-Daniel BRETZNER du Cabinet BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque T12 et de Me Sandrine RICHARD, de la SELARL SIMON ASSOCIES avocat au barreau de PARIS, toque P0411, avocats plaidants.





INTIMES



Monsieur [Z] [W]

Né le 30 Juin 1976 ada [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Madame [E] [N] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]



E.U.R.L. RENNA PIZZA agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de LORIENT sous le numéro 510 640 758

[Adresse 7],



[Adresse 10]

[Localité 4]



Représentés par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque B0936, avocat postulant

Assistés de Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF AVOCATS, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant





COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère



qui en ont délibéré un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sophie DEPELLEY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile





Greffière, lors des débats : Madame Mianta ANDRIANASOLONIARY





ARRÊT :



- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCÉDURE



Le réseau de restaurants Pizza Sprint, détenu jusqu'au 25 janvier 2016 par le groupe Pizza Sprint, a pour activité la fabrication et la distribution de pizzas sur le marché de la livraison à domicile ou à emporter.



Le groupe était composé de trois filiales détenues par la société holding Food Court Fiances dirigée par M. [P] [I]:

-la société Fra-Ma-Pizz (ci-après « le franchiseur ») qui a exploité des points de vente ou concédé l'exploitation de l'enseigne par la conclusion de contrats de franchise ;

-la société Pizza Center France (ci-après « le fournisseur ») qui était la centrale d'approvisionnement en produits alimentaires et non alimentaires du réseau ;

-la société Somainmag qui avait été constituée pour réaliser l'aménagement des points de vente du réseau et n'est plus en activité.



Parmi les franchisés du réseau se trouvaient :

-la société Renna Pizza (ci-après 'la société franchisée') qui a conclu le 2 mars 2009 un contrat de franchise avec la société Fra-Ma-Pizz en vue d'exploiter un point de vente à [Localité 9] pour une durée de 10 années, à compter de l'ouverture du point de vente le 22 juin 2019.



-la société Osene Pizz - radiée - qui a conclu le 2 novembre 2010 un contrat de franchise avec la société Fra-Ma-Pizz en vue d'exploiter un point de vente à [Localité 6]



M. [Z] [W] est le gérant et unique associé de la société Renna Pizza et était le gérant et unique associé de la société Osene Pizz.



M. [E] [N], épouse [W], est salariée de la société Renna Pizza.



Le 4 février 2014, la société Osene Pizz a cessé son exploitation après sa mise en liquidation judiciaire et n'est pas partie à la présente instance.



Le 26 janvier 2016, la société Domino's Pizza France (ci-après 'la société Domino's Pizza'), exploitant dans le même secteur le premier réseau de franchise français en nombre de points de vente, s'est portée acquéreur auprès de la société Food Court Finance de 100% des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, à l'exclusion de la société Somainmag.



A la suite de cette cession de contrôle, certains franchisés ont accepté de conclure de nouveaux contrats de franchises et d'exploiter sous l'enseigne « Domino's Pizza », d'autres n'ont pas souhaité rejoindre ce réseau et sont demeurés au sein du réseau « Pizza Sprint », comme la société Renna Pizza malgré les relations tendues avec le franchiseur.



Par courrier du 11 décembre 2017, la société Fra-Ma-Pizz a notifié à M. [W] son intention de ne pas renouveler le contrat de franchise à son échéance du 21 juin 2019.



Par acte extrajudiciaire du 11 mai 2016, puis du 19 septembre 2018, la société Renna Pizza, M. [Z] [W] et Mme [E] [W] ont assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, puis la société Domino's Pizza France, devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander la nullité du contrat de franchise ' initialement pour vice du consentement, puis à raison de clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dont la nullité aurat pour effet de vider le contrat de sa substance ' et, subsidiairement, pour faire prononcer sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur  et obtenir les restitutions et indemnisations consécutives.



Ces deux instances ont été jointes.



Par jugement du 31 janvier 2020, le tribunal de commerce de Rennes a :



-Déclaré' irrecevables les demandes de Monsieur [Z] [W], de Madame [E] [W] et de la société Renna Pizza tendant a' :

' Déclarer recevable et bien fonde'e la demande du Ministre de l'Economie ;

' Y faire droit en tous points ;

'Déclarer recevable et bien fonde'e l'intervention volontaire principale des concluants ;

' Joindre les instances engage'es par les Franchise's a' l'instance enrôle'e sous le n°2017 F 00131

' Annuler ou re'silier le Contrat de Franchise aux torts de Pizza Center France.

-De'clare' irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France tendant a' :

' Rejeter la demande de jonction de l'instance engage'e par les Franchise's avec l'instance initie'e par le Ministre (RG n°2017 F 00131) ;

' Constater que l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a' l'encontre des de'fenderesses dans la mesure ou' ce texte n'observe pas le principe de le'galite' des de'lits et des peines consacre' respectivement par (i) la convention europe'enne des droits de l'homme et des liberte's fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

' Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'articleL.442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

' Constater que les demandes fonde'es non pas sur une clause mais sur une pratique qui aurait e'te' instaure'e par la socie'te' Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;

' Constater l'absence de de'se'quilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce.



Et :

-Prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France.



En conséquence :



-Condamné in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France :



' A rembourser à Renna Pizza les redevances de franchise versées au titre des années 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

' A verser à Renna Pizza la somme de 137.881,45 € au titre de la perte de valeur de son fonds ;

' A verser à Monsieur [Z] [W] la somme de 15.000 €, et à Madame [E] [W] la somme de 15.000 € également au titre du préjudice moral.



En outre :



-Ordonne' la capitalisation des inte'rêts au taux le'gal par anne'es entie'res conforme'ment a' l'article 1343-2 du Code civil ;

-Condamne' in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux entiers de'pens de l'instance, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exe'cution (y compris les e'moluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce) ;

-Condamné in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à verser à Monsieur [Z] [W], Madame [E] [W] et à la société Renna Pizza la somme de 10.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.



Enfin :

-De'boute' les parties du surplus de leurs demandes, et notamment de celles relatives a' l'exe'cution provisoire ;

-Liquide' les frais de greffe a' la somme de 155,64 euros tels que pre'vu aux articles 695 et 701 du CPC.



Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 2 mars 2022, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France ont interjeté appel de ce jugement.



***



Parallèlement, entre 2013 et 2016, la DGCCRF a mené une enquête sur les relations commerciales entre partenaires au sein du réseau « Pizza Sprint » à l'issue de laquelle plusieurs franchisés ont dénoncé des pratiques susceptibles de constituer des entraves au libre jeu de la concurrence.



La DGCCRF a considéré que les contrats de franchise du réseau « Pizza Sprint » contenaient des clauses qui, par leur objet ou par leurs effets, limitaient la liberté et l'autonomie commerciale des franchisés de manière telle qu'elles étaient porteuses d'un







déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable.



Par actes des 9, 13 et 15 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances (ci-après « le Ministre » ou « le Ministre de l'économie ») a assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France, Domino's Pizza France, Food Court Finance et Somainmag devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des anciens articles L442-6, I, 2° et L442-6, I, 1° du code de commerce.



A cette instance sont volontairement intervenus, à titre accessoire, la société Renna Pizza ainsi que M et Mme [Z] et [E] [W] au soutien des demandes du Ministre.



Ces derniers ont sollicité en vain la jonction de l'ensemble des instances devant le tribunal de commerce de Rennes qui a donc statué séparément sur chacune d'elles.



Par jugement du 22 octobre 2019, rendu dans le cadre de l'action du Ministre, le tribunal de commerce de Rennes, s'agissant des clauses litigieuses soumises à son appréciation au visa de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable, a notamment :

' prononcé la nullité des clauses relatives à l'intuitu personae,

' prononcé la nullité des clauses relatives aux modalités de résiliation et de cessation



Par un arrêt du 5 janvier 2022, rendu sur appel du jugement susvisé, la cour d'appel de Paris,

pour les contrats de franchise versés aux débats, dont le contrat de franchise signé par la société Renna Pizza, a notamment décidé que :

' seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;

' les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;

' les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;

' les pratiques relatives à la mise en oeuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles-mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.



Le 10 janvier 2022 un pourvoi (n°R2210314) a été formé contre cet arrêt devant la Cour de cassation.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 octobre 2022, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France demandent à la Cour de :



Vu les articles 2, 9, 30 et suivants, 122, 132 et 132 du Code de proce'dure civile,

Vu les articles 1101, 1116, 1134, 1147, 1152, 1178, 1184, 1224, 1304 aline'a 1, 1353 aline'a 1 et 2044 du Code civil,

Vu les articles L.110-4, L.511-1 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles L.442-6, I, 1° et L.442-6, I, 2° et L.442-6, III (ancien) du Code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les pie'ces verse'es aux de'bats,



-De'clarer les socie'te's Domino's Pizza France, Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France recevables et bien fonde'es en l'ensemble de leurs demandes, fins et pre'tentions ;



-Dire et Juger irrecevable et mal fonde' l'appel interjete' par la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [N], e'pouse [W], et en conse'quence débouter la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [N], e'pouse [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins, et pre'tentions ;



-Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 31 janvier 2020 en

ce qu'il a :



' déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant a' :

-rejeter la demande de jonction de la pre'sente instance avec l'instance initie'e par Monsieur le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n°2017 F 00131) ;

-constater que l'article L.442-6, I, 2 du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a' l'encontre des de'fenderesses dans la mesure ou' ce texte n'observe pas le principe de le'galite' des de'lits et des peines consacre' respectivement par (i) la Convention europe'enne des droits de l'homme et des liberte's fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

-constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2 du Code de commerce ;

-constater que les demandes fonde'es non pas avec une clause, mais sur une pratique qui aurait e'te' instaure'e par la socie'te' Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L.442-6, I, 2 du Code de commerce ;

-constater l'absence de de'se'quilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2 du Code de commerce ;



et



' prononce' la re'siliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France ;



en conse'quence :



' condamne' in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France :

-a' rembourser a' Renna Pizza les redevances de franchise verse'es au titre des anne'es 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

-a' verser a' Renna Pizza la somme de 137.881,45 € au titre de la perte de valeur de son fonds ;

-a' verser a' Monsieur [Z] [W] la somme de 15.000 € et a' Madame [E] [W] la somme de 15.000 € e'galement, au titre du pre'judice moral ;



en outre :

' ordonne' la capitalisation des inte'rêts au taux le'gal par anne'es entie'res conforme'ment a' l'article 1343-2 du Code civil ;

' condamne' in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux entiers de'pens de l'instance, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exe'cution (y compris les e'moluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce) ;





' condamne' in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' verser a' Monsieur [Z] [W], a' Madame [E] [W] et a' la socie'te' Renna Pizza la somme de 10.000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;



enfin :

' de'boute' les socie'te's Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France du surplus de leurs demandes, notamment de celles relatives aux fins de non-recevoir, aux incidents souleve's, aux demandes reconventionnelles, ainsi qu'au titre de l'article 700 du CPC et aux de'pens.



-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

' de'clare' irrecevables les demandes de Monsieur [Z] [W], a' Madame [E] [W] et la socie'te' Renna Pizza tendant a' :

-de'clarer recevable et bien fonde'e la demande du Ministre de l'Economie ;

-y faire droit en tous points ;

-de'clarer recevable et bien fonde'e leur intervention volontaire principale ;

-joindre les instances engage'es par eux a' l'instance enro'le'e sous le n°2017 F

00131 ;

-annuler ou re'silier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;



' de'boute' Monsieur [Z] [W], Madame [E] [W] et la socie'te' Renna Pizza du surplus de leurs demandes.



ET, STATUANT A' NOUVEAU :



I/ SUR LES INCIDENTS :

-Constater que la socie'te' Domino's Pizza France n'a pas qualite' pour de'fendre ;

-Constater que la socie'te' Pizza Center France n'a pas qualite' pour de'fendre ;

En conse'quence,

-De'clarer irrecevables les demandes formule'es a' l'encontre des socie'te's Domino's Pizza France et Pizza Center France ;



-Constater que la demande d'annulation des Contrats de Franchise conclus les 2 mars 2009 et 2 novembre 2010 avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz est prescrite, l'assignation ayant e'te' de'livre'e le 11 mai 2016 ;



En conse'quence,

-De'clarer irrecevables les demandes de la socie'te' Renna Pizza Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] fonde'es sur l'annulation des Contrats de franchise conclus avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz ;



-Constater que Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] n'ont pas inte'rêt a' agir, faute de pre'judice direct, personnel et distinct ;

En conse'quence,

-De'clarer irrecevables les demandes de Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] ;

s'agissant spe'cifiquement du magasin de Carhaix et du contrat de franchise conclu avec la socie'te' Osene Pizz :





-Constater qu'aucun des Franchise's, a' savoir la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] n'a qualite' a' agir au titre du contrat de franchise conclu par un tiers a' la pre'sente instance (la socie'te' Osene Pizz) ;



En conse'quence,

-De'clarer irrecevables les demandes concernant le contrat de franchise conclu entre la socie'te' Fra-Ma-Pizz et la socie'te' Osene Pizz ;



II/ SUR CE, AU FOND :



II. A/ Sur les demandes des franchisés



A titre pre'alable, si par extraordinaire la Cour d'appel de ce'ans conside'rait que les socie'te's Domino's Pizza France et Pizza Center France ont qualite' pour de'fendre dans le cadre de la pre'sente instance, il lui est demande' de :



-Constater que les conditions de mise en cause de la responsabilite' de la socie'te' me're pour les faits de sa filiale ne sont pas remplies et que le principe de l'autonomie de la personnalite' morale fait, en toute hypothe'se, obstacle a' la mise en cause de la responsabilite' de la socie'te' me're et / ou d'une autre socie'te' du groupe ;



En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de leur demande de condamnation in solidum a' l'encontre des socie'te's Domino's Pizza France et Pizza Center France ;



II. A. 1/ Sur le rejet des demandes d'annulation des clauses sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce (déséquilibre significatif)



A' TITRE PRINCIPAL,



-Constater que l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a' l'encontre des Concluantes dans la mesure ou' ce texte n'observe pas le principe de le'galite' des de'lits et des peines consacre' respectivement par (i) la Convention europe'enne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberte's fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques ;



En conse'quence,

-Débouter les Franchise's de leurs demandes formule'es a' ce titre ;



A' TITRE SUBSIDIAIRE,



-Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2°du Code de commerce ;

En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de leurs demandes fonde'es sur L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;



Si la Cour d'appel de Paris venait a' conside'rer que la de'monstration de l'existence d'une soumission ou tentative de soumission exige'e par l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce est caracte'rise'e :



-Constater que les demandes des Franchise's fonde'es non pas sur une clause mais sur une pratique qui aurait e'te' instaure'e par la socie'te' Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;

-Constater, l'absence de de'se'quilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce en ce qui concerne :

' la clause d'ame'nagement des points de vente ;

' la clause d'approvisionnement ;

' la clause sur le stock minimum ;

' la pre'tendue surfacturation des actions commerciales ;

'  la pre'tendue facturation hors contrat du « forfait marketing », des « frais divers » et des « frais de port et de conditionnement » ;

' les modalite's de contro'le des points de vente (contro'les qualite' et hygie'ne, des tests de « client-myste're » et visites des animateurs re'seau) ;

' le pre'tendu de'faut de formation continue des franchise's et la pre'tendue double facturation de la formation initiale ;

' la clause sur la gestion et administration du personnel ;

' la clause sur la gestion et l'administration de l'activite' commerciale (outils informatiques);

' la clause sur le respect de l'e'volution du re'seau ;

' la clause sur l'information du franchiseur ;

' la clause de non-concurrence applicable pendant la dure'e du contrat de franchise ;

' la clause sur l'obligation d'assurances ;

' la clause sur l'obligation de confidentialite' et discre'tion ;

' la clause de non-concurrence post-contractuelle ;



En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de l'ensemble de leurs demandes fonde'es sur L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;



II. A. 2/ Sur le rejet de la demande d'annulation du contrat de franchise



A' TITRE PRINCIPAL,



-Constater l'impossibilite' pour les Franchise's de solliciter l'annulation des contrats de franchise conclus avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;



En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de leur demande d'annulation des contrats de franchise conclus avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442- 6, I, 2° du Code de commerce ;



A' TITRE SUBSIDIAIRE,



A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de ce'ans conside'rait que les Franchise's ont la faculte' de solliciter l'annulation des contrats de franchise conclus avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6 du Code de commerce :



-Constater que la demande d'annulation des contrats de franchise ne saurait uniquement re'sulter de la nullite' de clauses de ces contrats, si nombreuses soient elles, faute pour les Franchise's de de'montrer que ces clauses ont constitue' la volonte' impulsive et de'terminante du consentement des parties a' contracter ;

En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de leur demande d'annulation des contrats de franchise conclus avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz ;



II. A. 3/ Sur le rejet de la demande de résiliation du contrat de franchise



-Constater l'absence de manquement de la socie'te' Fra-Ma-Pizz dans le cadre de la transmission du savoir-faire et l'absence de disparition du savoir-faire PIZZA SPRINT ;

-Constater l'absence de manquement de la socie'te' Fra-Ma-Pizz a' ses obligations contractuelles ;

En conse'quence,

-De'bouter la socie'te' Renna Pizza de sa demande de re'siliation du contrat de franchise conclu avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz aux torts exclusifs de FRA-MA- PIZZ ;



A toutes fins utiles, s'agissant de la demande de re'siliation du contrat de franchise conclu par la socie'te' OSENE PIZZ avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz :



-Constater que le contrat de franchise liant la socie'te' Osene Pizz a' la socie'te' Fra-Ma-Pizz a cesse' suite a' la liquidation de la socie'te' Osene Pizz le 4 fe'vrier 2014 ;



-Constater que les griefs fondant la demande de la socie'te' Osene Pizz de re'siliation dudit contrat de franchise portent sur des faits poste'rieurs a' la cessation dudit contrat ;



En conse'quence,

-Rejeter la demande de la socie'te' Osene Pizz de re'siliation du contrat de franchise conclu avec la socie'te' Fra-Ma-Pizz aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz ;



I.A. 4/ A toutes fins utiles sur le rejet des demandes des franchisées sur le fondement de l'article L.442-6, I, 1° du code de commerce (avantage sans contrepartie)



-Constater l'absence d'avantage sans contrepartie au sens de l'article L.442-6, I, 1° du Code de commerce ;



En conse'quence,

-De'bouter les Franchise's de l'ensemble de leurs demandes fonde'es sur L.442-6, I, 1° du Code de commerce ;



II. A. 5/ Sur le rejet des demandes financières des franchisés



A titre pre'alable,

-Dire et juger que Domino's Pizza France est totalement e'trange're aux faits qui fondent les griefs formule's par les Franchise's, de sorte qu'aucune demande de condamnation « in solidum » ne peut e'tre formule'e a' son encontre ;



En conse'quence,

-Rejeter la demande de condamnation in solidum formule'e a' l'encontre de la socie'te' Domino's Pizza France ;



Dans l'hypothe'se extraordinaire ou' la Cour d'appel de ce'ans prononcerait l'annulation des Contrats de Franchise, il lui est demande' de :



-Conside'rer que les sommes dues par Fra-Ma-Pizz au titre de la restitution en nature se compensent totalement avec les sommes dues par les Socie'te's Franchise'es au titre de la restitution par e'quivalent ;



En conse'quence,

-Prononcer la compensation entre les sommes que Fra-Ma-Pizz et les Socie'te's Franchise'es pourraient se devoir en exe'cution de l'arre't a' intervenir ;



Dans l'hypothe'se extraordinaire ou' la Cour d'appel de ce'ans prononcerait la re'siliation des Contrats de Franchise aux torts de Fra-Ma-Pizz, il lui est demande' de :



-Conside'rer que la re'siliation ne proce'de que pour l'avenir, c'est-a'-dire pour la pe'riode poste'rieure a' la date de re'siliation des Contrats de Franchise ;



En conse'quence,

-De'bouter les Socie'te's Franchise'es de leur demande de remboursement des sommes verse'es ante'rieurement a' la date de re'siliation des Contrats de Franchise ;



En toutes hypothe'ses :



-Constater que la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] ne justifient pas le fondement de leurs demandes d'indemnisation (nullite' ou re'siliation), ni me'me le contrat de franchise auxquelles ces demandes se rattachent ;

-Constater que la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] e'chouent dans la preuve d'une faute de Fra-Ma-Pizz, d'un pre'judice et d'un lien de causalite' entre la faute invoque'e et le pre'judice alle'gue' ;



En conse'quence,

-Rejeter l'ensemble des demandes financie'res formule'es par la socie'te' Renna Pizza, Monsieur [Z] [W] et Madame [E] [W] ;



II. B/ Sur les demandes reconventionnelles des concluantes



-Constater qu'en intentant la pre'sente proce'dure, la socie'te' Renna Pizza et Monsieur [Z] [W] ont commis un abus manifeste du droit d'ester en justice qui doit e'tre sanctionne' ;



En conse'quence,



-Condamner in solidum la socie'te' Renna Pizza et Monsieur [Z] [W] au paiement de la somme de 200.000 euros aux socie'te's Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France au titre de la proce'dure abusive engage'e a' leur encontre et de la somme de 6.000 euros au titre d'une amende civile ;



II. C/ En toute hypothèse





-Rejeter l'ensemble des pre'tentions et demandes des Franchise's non rejete'es par le jugement dont il est fait appel du Tribunal de commerce de RENNES 31 janvier 2020 (RG n°2016 F 00213) ;



-Condamner in solidum la socie'te' Renna Pizza et Monsieur [Z] [W] a' verser a' Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et DOMINOS Pizza France la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du Code de proce'dure civile ;

-Condamner in solidum la socie'te' Renna Pizza et Monsieur [Z] [W] a' supporter les de'pens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, aux offres de droit.



Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 octobre 2022, la société Renna Pizza ainsi que M et Mme [W] demandent à la Cour de :



-De'clarer recevable et bien fonde'e l'appel incident de la Socie'te' Renna Pizza et de M. et Mme [W];



Infirmer la de'cision entreprise en ce qu'elle a :



-De'clare' irrecevables les demandes de M. et Mme [W] et de la Socie'te' Renna Pizza tendant a':

' De'clarer recevable et bien fonde'e la demande du Ministre de l'Economie ;

' Y faire droit en tous points ;

' De'clarer recevable et bien fonde'e l'intervention volontaire principale des concluants ;

' Joindre les instances engage'es par les concluants a' l'instance enro'le'e sous le n° 2017 F 00131 ;



-De'boute' la Socie'te' Renna Pizza et M. et Mme [W] de leurs demandes ;



Confirmer la de'cision entreprise en ce qu'elle a :



-De'clare' irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's PIZZA France et Pizza Center France tendant a' :



' Rejeter la demande de jonction de la pre'sente instance avec l'instance initie'e par M. le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017 F 00131) ;

' Constater que l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a' l'encontre des de'fenderesses dans la mesure ou' ce texte n'observe pas le principe de le'galite' des de'lits et des peines consacre' respectivement par (i) la convention europe'enne des droits de l'homme et des liberte's fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

' Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;

' Constater que les demandes fonde'es non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait e'te' instaure'e par la socie'te' Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;

' Constater l'absence de de'se'quilibre significatif au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;





-De'boute' les Socie'te's Fra-Ma-Pizz, Domino's PIZZA France et Pizza Center France de leurs demandes ;



-Prononce' la re'siliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France ;



Statuant a' nouveau, en conse'quence :



-Prononcer l'annulation de chacune des clauses affecte'es d'un de'se'quilibre significatif, au sens de l'article L442-6 I 2° du Code de commerce ;

-Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conse'quence, annuler les contrats de franchise,



A de'faut,

-Prononcer leur re'siliation aux torts exclusifs de la Socie'te' Fra-Ma-Pizz ;

-De'bouter les Socie'te's Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;



En tout e'tat de cause :



(1) Concernant la Socie'te' Renna Pizza



Au titre de la restitution du droit d'entre'e :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 10.000 €,

Au titre de la restitution des redevances :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 75.408 €,

Au titre de pertes de marge sur les approvisionnements :

-Condamner in solidum les Socie'te's Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 253.997,20 €,

Au titre des prestations de marketing :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser les sommes de 15.900 € 10.344 €,

Au titre de la perte de la valeur du fonds :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 290.033,45 €, ou, subsidiairement a' 55 055 € ;



(2) Concernant M. [W]



Au titre de la perte de revenus :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 115.365 €,



Au titre du pre'judice moral :

-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 60.000 €





(3) Concernant Mme [W]



Au titre du pre'judice moral :



-Condamner in solidum les Socie'te's Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' lui verser la somme de 60.000 €

-Ordonner la capitalisation des inte'rêts au taux le'gal par anne'es entie'res conforme'ment a' l'article 1343-2 du Code civil, a' dater de l'assignation ;

-Condamner in solidum les Socie'te's Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France a' verser a' chacun des concluants la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du Code de proce'dure civile ;

-Les condamner in solidum aux de'pens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exe'cution (y compris les e'moluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce).



L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.





La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.






MOTIVATION





I- Sur la qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France



Les sociétés Pizza Center France et Domino's Pizza, au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile, font valoir qu'elles n'ont pas qualité pour se défendre face aux demandes d'annulation ou de résiliation du contrat de franchise et des demandes indemnitaires subséquentes, en sorte que les prétentions formulées à leur encontre sont irrecevables. Elles soutiennent qu'elle sont totalement étrangères aux faits qui fondent les griefs des franchisés, puisqu'elles n'ont pas conçu les contrats litigieux, ni participé aux discussions qui ont précédé leur conclusion, ni apposé leur signature sur ces contrats et qu'elles n'ont accompli aucune des actions propres à permettre de leur imputer un rôle dans la violation de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce, ni même avoir eu un 'rôle actif' directement ou indirectement aux manquements contractuels allégués. Elles rappellent que le principe d'autonomie des personnes morales membres d'un même groupe ne cède que s'il est démontré qu'il n'existe en réalité qu'une seule personne morale et/ou une confusion des patrimoines.



Réponse de la Cour,



Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.



Les sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France ne soulèvent aucun moyen relatif à leur droit d'agir à l'encontre des prétentions émises par les franchisés à leur égard sur le fondement d'une part des dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce interdisant certaines pratiques restrictives ou d'autre part d'une responsabilité dans les manquements contractuels invoqués, c'est- à- dire à leur qualité à se défendre à une telle action.









En effet les moyens invoqués par les Domino's Pizza et Pizza Center France ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien-fondé des prétentions des franchisés, à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives alléguées ou des manquements contractuels invoqués sont caractérisés à leur égard.



Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de leur défaut de qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France sera rejetée.



Le jugement sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du franchisé et de M et Mme [W] en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.





II-sur la demande d'annulation du contrat de franchise



La société franchisée a été déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise par le tribunal de commerce qui, se référant à sa décision rendue dans l'instance initiée par le Ministre de l'économie, a considéré que la nullité des seules clauses relatives à l'intuitu personae et aux modalités de résiliation et cession du contrat au titre du déséquilibre significatif ne permet pas de vider de sa substance le contrat.



Au titre de leur appel incident, la société Renna Pizza ainsi que M. et Mme [W] demandent l'infirmation du jugement sur ce point et sollicitent de la Cour aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions de :

' Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce

' Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,



Ils font valoir pour l'essentiel d'une part que l'impossibilité pratique pour eux de fixer librement leurs prix de vente justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise (point 87 des conclusions) et d'autre part qu'un grand nombre de clauses du contrat de franchise doivent être annulées sur le fondement du déséquilibre significatif ou de l'avantage sans contrepartie et que l'annulation de toutes ces clauses vidant le contrat de sa substance, celui-ci doit être annulé



A cet effet, il est soutenu que sont nulles les clauses suivantes du contrat :

' la clause d'intuitu personae,

' la clause de résiliation et la clause relative à la cessation du contrat de franchise,

' la clause relative à l'aménagement du point de vente des franchisés,

' la clause d'approvisionnement exclusif,

' la clause imposant de détenir un stock minimum,

' la mise en oeuvre du contrôle des points de vente,

' la fixation des prix de vente et la maîtrise des actions promotionnelles par Fra-Ma-Pizz,

' les facturations de frais accessoires non justifiées.



En réplique, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza relèvent d'abord que l'article L.442-6, I , 2° sur lequel la société franchisée fonde sa demande de nullité de contrat offre uniquement la possibilité pour un plaideur d'obtenir l'annulation des clauses générant un déséquilibre significatif et non l'annulation mécanique de l'intégralité du contrat.



Ensuite, elles soutiennent que l'action de la société franchisée est prescrite en ce que le point de départ de la prescription est la conclusion du contrat de franchise en application de l'article 2224 du code civil.



Sur le fond, elles font essentiellement valoir que les conditions d'application de l'article L.442-6, I 2° précité ne sont pas réunies pour les clauses et pratiques litigieuses, d'une part l'élément de soumission n'est pas démontré dans le cadre du contrat de franchise et d'autre part aucun déséquilibre significatif n'est démontré dans les droits et obligations des parties pour aucune des clauses ou pratiques litigieuses. Elles soutiennent que les conditions

d'application de l'article L.442-6, I, 1° ne sont pas davantage remplies. Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les clauses litigieuses aient été essentielles et déterminantes du consentement de la société cocontractante au contrat de franchise.



Réponse de la Cour



*sur la prescription de l'action en annulation



Dans le dernier état de ses écritures, la société Renna Pizza sollicite l'annulation du contrat de franchise, non plus au titre d'un vice du consentement, mais en ce que plusieurs clauses contractuelles doivent être annulées au titre de pratiques restrictives de concurrence vidant ainsi le contrat de sa substance (conclusions points 199 et suivants).



S'agissant de la durée de la prescription, celle-ci est fixée à cinq années par l'article L.110-4 du code de commerce .



S'agissant de la détermination du point de départ du délai de prescription, il y a lieu d'appliquer l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.



Comme le font valoir à juste titre les sociétés appelantes, le point de départ de l'action en nullité d'un contrat est la date de conclusion du contrat. La société Renna Pizza n'apporte pas d'élément précis la concernant permettant d'établir qu'elle n'était pas en mesure d'apprécier à cette date la validité des clauses contractuelles dont elle réclame l'annulation, étant précisé qu'elle fait valoir un certain nombre de pratiques dont elle aurait pris la mesure avec l'enquête diligentée par le ministre de l'économie mais qui ne se rattachent à aucune clause particulière du contrat ( les prix, contrôle des points de vente, frais...)



Dès lors l'action en annulation du contrat de franchise conclu le 2 mars 2009 introduite le 11 mai 2016 devant le tribunal est prescrite et partant irrecevable.





III-Sur les manquements au titre du contrat de franchise



Pour prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Fra-Ma-Pizz et la condamner in solidum avec la société Domino's Pizza France à payer diverses indemnités, le tribunal a retenu qu'à compter de 2017, à la suite du rachat de la société Fra-Ma-Pizz par Domino's Pizza France, le savoir-faire n'a plus été transmis, voire est devenu inexistant.



La société franchisée soutient que la société Fra-Ma-Pizz a été défaillante dans l'exécution de ses obligations et notamment :

' n'a pas respecté ni garantie l'indépendance des franchisés dans la gestion de leurs activités,

' n'a pas assuré son obligation d'assistance,

' a été défaillante dans la transmission et l'actualisation de son savoir-faire,

' a laissé périr l'enseigne,

' a surfacturé de nombreux frais injustifiés.



Elle fait valoir que l'ensemble de ces manquements et pas seulement ceux postérieurs à la cession engage la responsabilité contractuelle de la société Fra-Ma-Pizz, et sollicite la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs outre des dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par ces fautes. Soutenant que la société Domino's Pizza France a contribué de façon indirecte à la réalisation du dommage, il est sollicité sa condamnation in solidum au paiement des sommes réclamées en réparation des préjudices invoqués.



La société Fra-Ma-Pizz conteste l'ensemble des manquements allégués. Elle fait valoir pour l'essentiel qu'elle a respecté ses obligations de franchiseur, notamment de transmission du savoir-faire, et tout particulièrement après le rachat par la société Domino's Pizza France, la poursuite du contrat de franchise Sprint Pizza ayant été assurée jusqu'à son terme.



La société Domino's Pizza France conteste toute faute de nature à engager sa responsabilité, et en particulier les griefs relatifs à l'opération d'acquisition. Elle fait notamment valoir qu'elle est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs de la société franchisée et de son gérant et met en avant le principe de l'autonomie des personnes morales.



1- Sur grief tiré du respect de l'indépendance du franchisé dans la gestion de ses activités



La société franchisée et ses dirigeants dénoncent, en divers points de leurs dernières conclusions, des pratiques du franchiseur Fra-Ma-Pizz limitant de manière abusive leurs facultés à déterminer seuls la gestion de leur activité à savoir la fixation des prix, la maîtrise des actions promotionnelles, l'aménagement et le contrôle du point de vente.



Cependant la Cour constate que la société franchisée et ses dirigeants n'invoquent ces pratiques qu'au soutien de leur demande d'annulation du contrat de franchise et qu'elles ne sont explicitement alléguées ni au titre de la résiliation du contrat de franchise (points 210 à 249 des conclusions), ni au titre de l'indemnisation d'un préjudice particulier (points 254 et suivants des conclusions).



Aussi l'examen de la Cour se limitera au grief tiré de l'obligation d'approvisionnement, seul celui-ci est spécifiquement invoqué au titre de la demande de résiliation du contrat et de l'indemnisation d'un préjudice particulier de pertes sur marge.



* sur l'obligation d'approvisionnement



La société franchisée et ses dirigeants font principalement valoir que le réseau Pizza Sprint fonctionnait avec une centrale d'achat la société Pizza Center exerçant sous l'enseigne Logis Pizza, conçue au seul profit du groupe franchiseur au détriment du franchisé. Ils expliquent que le nom et l'existence de cette centrale d'achat ne figurait ni dans le DIP ni dans le contrat de franchise dans lequel il était seulement indiqué que le franchiseur sélectionnait chaque année des listes de produits et de fournisseurs. Ils relèvent qu'en réalité, seule Logis Pizza était retenue et que le franchisé de fait était tenu de s'approvisionner auprès de cette société , au travers de divers contrôle ou menace de résiliation du contrat de la part du franchiseur. Or, ils soutiennent que cette centrale d'achat fonctionnait 'à l'envers', en ce que au lieu de permettre au franchisé de bénéficier d'économies d'échelle liées au groupement des achats, il était au contraire contraint de s'approvisionner à des prix 40% supérieurs au niveau du marché, remettant en cause la rentabilité du point de vente. Ils font observer que cette pratique confinait à la fraude concernant le pâton, indispensable à la fabrication des pizzas.



Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza répliquent pour l'essentiel d'une part qu'il ne pèse aucune obligation d'approvisionnement exclusif sur la société franchisés auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur. Elles précisent que la clause d'approvisionnement du contrat de franchise offre la possibilité au franchisé, s'il le souhaite de s'approvisionner auprès de fournisseur extérieur sous réserve de respecter la procédure contractuellement fixée, faculté que le franchisé a fait le choix de ne pas mettre en oeuvre pendant de nombreuses années. D'autre part, elles soutiennent que les prix pratiqués par Pizza Center France étaient cohérents au regard des prix du marché sans pratique de marge excessive et qu'il n'est versé aux débats aucun élément de nature à prouver l'existence de prix supérieurs pratiqués par Pizza Center France ou Transgourmet, outre que, pour qu'une telle comparaison soit possible, il conviendrait de

comparer des produits précisément identifiés et qui seraient réellement comparables. Elles précisent qu'il a bien existé une recette de pâton spécifique fourni à titre exclusif par grain d'Orgel à Fra-Ma-Pizz jusqu'à l'année 2017.



Réponse de la Cour,



La société Renna Pizza indique, sans être utilement contredite, qu'aucun DIP n'a été remis à M. [W] avant la signature de ce contrat de franchise et qui ne lui a été transmis pour régularisation que le 23 mars 2012 (pièce n°12). Il est en outre relevé que la société a été placée en redressement judiciaire en février 2014 et a bénéficié d'un plan de redressement le 19 juin 2015.



Le contrat de franchise stipule au titre de l'approvisionnement que :



Au chapitre 6.2 Assistance technique et commerciale -communication du savoir-faire

(...)

article 6.2.4 Gestion et administration de l'activité commerciale

(...)

' Stock

Le Franchisé s'engage à détenir en permanence un stock minimum d'encours de fabrication disponible d'une semaine d'exploitation environ soit pour une valeur minimum comprise entre 3.000 et 5.000 HT selon l'évaluation du Franchiseur ;



'Approvisionnement

Le franchiseur sélectionne, chaque année, des listes de produits et de fournisseurs correspondants aux normes de qualité et de traçabilité du réseau, décrites dans la bible.



Le Franchisé s'engage à respecter les critères définis.



Il est cependant libre de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs, dès lors que les produits intègrent l'ensemble des critères définis dans la bible et notamment :

- les caractéristiques de qualité et de traçabilité fixées,

- les caractéristiques de conservation et de stockage,

- les compositions qui doivent être strictement identiques à celles visée dans la Bible,

- le fait que les fabricants des produits qui doivent être les mêmes que ceux éventuellement visés dans la Bible, le Franchisé conservant de s'approvisionner auprès du fournisseur revendeur de son choix si l'ensemble des critères de la Bible sont respectés



Le franchisé s'interdit expressément de s'approvisionner auprès de fournisseurs n'assurant pas le transport des produits sous température dirigée.



Le Franchisé s'engage à communiquer et tenir à disposition du Franchiseur les fiches techniques des produits qu'il achète, ainsi que les conditions de vente applicables.



La Cour relève que la clause d'approvisionnement telle que rédigée ne prévoit pas un approvisionnement exclusif. Il est organisé une sélection de produit par le franchiseur suivant des normes de qualité et de traçabilité définies dans la 'bible' que le franchisé s'engage à respecter soit en s'approvisionnant chez 'les' fournisseurs référencés par le franchiseur, soit auprès du fournisseur choisi par le franchisé à condition de respecter les critères définis dans la bible, et de communiquer une fiche technique au franchiseur.



Outre le fait que la clause d'approvisionnement insérée au contrat ne prévoit pas expressément un approvisionnement exclusif, il y a lieu de rappeler que le DIP ne contenait pas non plus d'information particulière sur l'organisation de l'approvisionnement, ni sur l'existence de la société Pizza Center France. Il n'apparaît pas que le candidat à la franchise disposait de la Bible avant la signature du contrat de franchise.



Or, il ressort des éléments versés aux débats par la société franchisée, notamment :

- du courrier de M. [W] du 31 octobre 2014 (pièce PC n° 13),

- des auditions de M. [W] le 9 février 2016 par la DGCCRF et d'autres franchisés (pièce PC n°50),

- des auditions du responsable opérationnel de la société Pizza Center France (pièce DGCCRF n°23 visée dans les conclusions point n° 17 et extraits repris dans l'arrêt du 5 janvier 2022 versé aux débats pièce n° 131)

- des échanges de courriels au sein du réseau entre franchisés et franchiseur (pièce PC n°3,19,20,25)

-et des rapports de visite des animateurs cités par la société Fra-Ma-Pizz dans ses conclusions (points 196 et suivants , pièces PC 3.1 à 3.7)



que contrairement à ce que laissait présager la rédaction de la clause d'approvisionnement, en pratique, la société Pizza Center France était non seulement le seul fournisseur référencé par le franchiseur mais également que les franchisés devaient s'approvisionner exclusivement ou quasi-exclusivement auprès de ce fournisseur qui était en lien direct avec le franchiseur pour appartenir au même groupe,



que l'exclusivité de l'approvisionnement n'était pas un libre choix de la part du franchisé mais le résultat d'une forte pression, voir de menace de résiliation, de la part du franchiseur, notamment M. [I], et mise en oeuvre par un contrôle étroit des animateurs de réseau chargés principalement de cette mission,



que l'approvisionnement théoriquement 'libre' auprès de fournisseurs autres que Logis Pizza, se heurtait en réalité à des critères dissuasifs pour les franchisés, à savoir des fiches techniques des produits achetés et conditions de vente applicables à transmettre pour validation préalable du franchiseur et quasiment jamais obtenue ainsi que des contrôles visuels des animateurs réseau et des alertes informatiques en cas d'absence de commande par Logis Pizza.



Il n'est en outre pas démontré de la part de la société Fra-Ma-Pizz que les produits sélectionnés par le fournisseur Pizza Center, notamment les produits alimentaires destinés à la confection des pizzas, avaient une spécificité au regard du savoir-faire Pizza Sprint ou répondait à des critères de qualité ou de sécurité particuliers. Ainsi, il ressort des pièces versées aux débats par le franchisé (pièces PC n° 25,26, 27, 98,99, 101) que le pâton, indispensable pour la fabrication de pizza, ne pouvait être acheté ailleurs que chez Logis Pizza au motif d'une recette spécifique dont la réalité et l'utilité pour le savoir-faire du réseau n'ont pas été concrètement démontrés par les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France (pièces PC n°3.14).



La société franchisée établit également (pièces PC n°22 et 23) qu'elle était astreinte de faire une commande minimum de 20 colis par 'famille de produits' secs/surgelés et que si des commandes n'étaient pas suffisantes le franchisé était relancé par Logis Pizza. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté par la société Pizza Center, qu'elle était la seule bénéficiaire des remises commerciales négociées sur la base d'engagements de volume d'achat et de mise en avant des produits.



De plus, les tableaux comparatifs de prix établis par les franchisés (pièce PC n°26, 74 à 80, 102) et de ratios de marges (pièce PC n°24- enquête DGCCRF) mettent en évidence que :

- les marges (opérationnelle, brute et nette) réalisées par la société Pizza Center sur les produits vendus au réseau Pizza Sprint étaient substantiellement supérieures à celles réalisées par d'autres entreprises intervenant dans le même secteur d'activité,

- des prix, notamment des produits alimentaires pour la confection des pizzas tels que le pâton, plus élevés sur toute la période 2015 à octobre 2017, que ceux pratiqués par d'autres acteurs équivalents sur le marché ou Transgourmet à compter de mai 2018,



Enfin, il ressort des pièces versées aux débats par le franchisé, qu'il était soumis par la tête de réseau, d'une part à une très forte incitation à suivre une politique tarifaire de vente unique dans le réseau (pièces PC n°28 , n°29 à 40, 104 et 105) d'autre part à l'utilisation

d'un système informatique ne permettant pas d'établir lui-même ses prix ( article 6.2.4 du contrat de franchise, pièce PC n° 41 et 50du franchisé), contraignant davantage la gestion commerciale de son point de vente.



Certes les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France produisent des études et relevés de prix (pièce PC n°10, 3.11 et 3.12) démontrant que les pièces produites par le franchisé ne permettent pas d'établir des prix pratiqués par Logis Pizza supérieurs de 30% à 40 % à celui du marché. Néanmoins, il ressort des éléments du débat que la stratégie d'approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif auprès de Logis Pizza menée par la tête de réseau permettait de générer une rentabilité certaine de la société Pizza Center, filiale du groupe Pizza Sprint, sans pour autant qu'il soit sérieusement démontré que cette politique produise un avantage concurrentiel pour les franchisés en terme de prix d'achat ou soit nécessaire à la préservation de l'identité et la réputation du réseau



L'ensemble de ces éléments, non seulement a été jugé par la Cour de céans dans son arrêt du 5 janvier 2022 comme caractérisant une pratique restrictive de concurrence créant un déséquilibre significatif entre les droits du franchiseur et les obligations du franchisé, mais en outre dans la présente situation de la société Renna Pizza constitue aussi une exécution déloyale du contrat de concert avec la société Pizza Center France de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société Renna Pizza.



2-sur le grief tiré du non-respect des obligations relatives à la transmission et actualisation du savoir-faire, l'assistance et le maintien de l'importance du réseau



La société franchisée et ses dirigeants font principalement valoir qu'à la suite de l'acquisition de l'ensemble des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center par la société Domino's Pizza France le 26 janvier 2016, l'intention de cette dernière était à court terme la conversion du réseau Sprint Pizza à l'enseigne Domino's Pizza. Selon les franchisés, bien que l'annonce ait été faite de la poursuite des contrats de franchise pour ceux qui ne souhaitaient pas rejoindre le réseau concurrent Domino's Pizza, la stratégie n'en demeurait pas moins de faire disparaître le réseau Sprint Pizza. Ils relèvent à cet effet un nombre restreint d'animateurs de réseau sans expérience suffisante, l'absence de plan marketing ou de projet de développement de la communication sur les réseaux sociaux, un savoir-faire ne faisant plus l'objet d'une actualisation, à savoir l'évolution du site internet, la diversification des modes de distribution ou la mise au point de nouvelles recettes, confinant à sa disparition. Ils observent que le franchiseur ne s'est plus employé à développer son réseau et que celui-ci est passé de janvier 2016 à juillet 2018 de 89 magasins à 9. Ils ajoutent qu'ils ont rencontré des difficultés logistiques à la suite de la reprise de la centrale d'achat par la société Transgourmet et qu'ils n'ont plus bénéficié de l'assistance du franchiseur. Ils en déduisent que le franchiseur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité.



Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza répliquent pour l'essentiel que le franchiseur a bien respecté ses obligations contractuelles jusqu'à la cessation des contrats de franchise, à savoir l'obligation de formation continue, l'obligation de marketing/communication par diverses campagnes de publicités, l'obligation d'assistance telle que l'organisation de comités de pilotage, la possibilité de commander en ligne et le maintien de l'usage de l'enseigne et des signes distinctifs. Elles soutiennent que le savoir-faire n'a pas disparu, qu'il a toujours été transmis et que le nombre de points de vente composant le réseau de franchise est indifférent au savoir-faire. En revanche elles prétendent que le franchiseur n'est pas tenu à une obligation d'actualisation du savoir-faire ni de maintenir l'importance du réseau. Elles insistent sur le fait qu'aucun changement d'enseigne n'a été imposé aux franchisés, que les conversions constatées se sont toujours faites sur la base du volontariat.



Réponse de la Cour,



Comme l'expose le franchiseur lui-même dans ses conclusions ( points 167 et suivants), la franchise répond à un schéma économique particulier. Elle repose sur un savoir-faire, développé par les investissements du franchiseur et dont il est proposé la réitération à des partenaires indépendants-les franchisés- avec lesquels il va collaborer pour créer un réseau de franchise. Par la conclusion du contrat de franchise permettant la transmission du savoir-faire du franchiseur, son assistance, et l'utilisation de son enseigne à laquelle est déjà attachée une clientèle, le franchisé va bénéficier d'un avantage concurrentiel.



En l'espèce, la Cour constate que dans le préambule du contrat signé par la société Renna Pizza, il est expressément rappelé que le franchiseur a mis au point un savoir-faire et une méthode spécifique de fabrication, de commercialisation, de distribution et de livraison de pizzas à domicile expérimentée avec succès depuis 1992 et que le franchisé a conclu le contrat, convaincu de l'originalité et de l'intérêt de ce savoir-faire et de l'expérience du franchiseur. L'objet du contrat de franchise stipule que le franchiseur concède au franchisé, qui l'accepte, le droit d'exploiter la franchise Pizza Sprint dans le cadre de son activité de fabrication, de vente à emporter et de livraison à domicile de pizzas, le droit d'utiliser les signes distinctifs et le savoir-faire développés par le franchiseur et de bénéficier de son assistance commerciale et technique. Ainsi le franchiseur s'est engagé à assurer une formation non seulement initiale mais aussi continue (article 6.2.2.1) notamment sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits en établissant chaque année civile un calendrier précisant les dates et objets des formations retenues et auxquelles doivent assister le franchisé ou ses collaborateurs. En contrepartie de l'accès au réseau, et de la mise à disposition de savoir-faire et de l'assistance apportée par le franchiseur, le franchisé doit s'acquitter d'un droit d'entrée et de redevances mensuelles (article 6.6).



Comme l'a relevé le tribunal, le franchiseur s'est en outre expressément engagé à faire évoluer la franchise. En effet l'article 6.3 intitulé 'Respect de l'évolution du réseau' stipule que :



'Le franchisé sera tenu de respecter la cohésion et l'image du réseau à l'égard de la clientèle.



A cet égard, et compte tenu de l'obligation que s'impose le Franchiseur de faire évoluer la Franchise, le Franchisé s'engage à se conformer aux directives et instructions qui seront nécessaires à cette évolution, et notamment à modifier la présentation et le graphisme des signes distinctifs et /ou les conditions d'exercice de son activité'



Il s'ensuit que par la signature de ce contrat et le paiement des redevances, le franchisé entend bien bénéficier pour son activité d'un avantage concurrentiel tiré du savoir-faire et de l'expérience du franchiseur ainsi que de la notoriété du réseau. Aussi, tant le savoir-faire que la notoriété du réseau, sont des moyens mis au service de la constitution et de la préservation de cet avantage concurrentiel . Il appartient donc au franchiseur d'actualiser ce savoir-faire aux évolutions du secteur d'activité considéré et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de l'image et de la notoriété du réseau.



Or, à la suite de l'acquisition par la société Domino's France des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, la Cour relève les éléments suivants :





Au moment de cette acquisition en janvier 2016, le projet à très court terme était la conversion du réseau Pizza Sprint à l'enseigne Domino's Pizza ( pièces franchisé PC n°61,63,64). Aux termes du contrat de franchise, le franchiseur Pizza Sprint n'avait aucune obligation d'information du franchisé qui n'avait effectivement pas été mis au courant de ce projet de cession et des conséquences sur le devenir du réseau, alors même que le contrat de franchise de la société Renna Pizza signé pour une durée de 10 années ne devait se terminer qu'en juin 2019. Le franchisé a été mis devant le fait accompli lors d'un séminaire du 13 octobre 2015 qui ne comportait pas cette information à l'ordre du jour ( pièce franchisé PC n° 58 - invitation au séminaire du 13 octobre 2015). Alors que le franchisé n'avait aucune information juridique et financière concrètes sur le devenir de son contrat de franchise Sprint Pizza et de son activité (pièce franchisé PC n°50), la conversion de l'enseigne était confirmée pour février 2016 par un courrier de M. [I] le 23 octobre 2015, en ces termes :



'Il s'agit désormais de travailler ensemble à tourner la page Pizza Sprint (...) Des dates précises vont maintenant rythmer le passage à la nouvelle enseigne Domino's (...) Enfin, au mois de février 2016, l'ensemble des points de vente en propre Pizza Sprint basculeront sous enseigne Domino's Pizza. Ces points de vente deviendront alors vos centres de formation en support supplémentaire à l'académie Domino's Pizza située à [Localité 8].'



Le site AC Franchise, dans son article consacré à la franchise Pizza Sprint indiquait (PC franchisé n°63) :



'La'franchise'Pizza'Sprint,'née'en'1998,'est'une'enseigne'de'pizza'en'livraison'et'à'

emporter qui'a'connu'un'développement'conséquent.'De'3'restaurants'Pizza'Sprint'en'1998,'le'réseau'est passé'à'90'points'de'vente'Pizza'Sprint'en'2015.'



L'enseigne'a'été'rachetée'par'Domino's'Pizza'fin'2015'et'les'points'de'vente'passeront'sous enseigne'Domino's'pour'la'plupart.'Le'5'février'2016,'l'enseigne'nous'a'écrit'

"L'enseigne'Pizza Sprint'ne'développe'plus'son'réseau,'car'en'effet'elle'fusionne'et'est'absorbée'par'Domino's'Pizza". C'est'donc'auprès'de'Domino's'Pizza'que'vous'pouvez'candidater'désormais.'



Le site Pizza Sprint renvoyait les internautes vers le site Domino's Pizza (PC franchisé n°64).



Au motif avancé de conditions financières peu attractives au sein du réseau Domino's Pizza, un certain nombre de franchisés Pizza Sprint, dont la société Renna Pizza, n'ont pas souhaité la conversion de leur enseigne et exigé la poursuite de leur contrat de franchise Pizza Sprint en cours. Du fait de ce rachat, les clauses contractuelles ne permettaient pas non plus aux franchisés de résilier par anticipation leur contrat sans pénalité et ils étaient tenus à une obligation de non-concurrence post-contractuelle.



La poursuite de la société franchiseur Fra-Ma-Pizz a finalement été confirmée en mars 2016 avec la présentation d'un nouvel organigramme et interlocuteur à la suite des inquiétudes manifestées par les franchisés n'ayant pas souhaité rejoindre le réseau Domino's Pizza, dont M. [W] (pièce franchiseur n°5.1, 5.6).



Certes, la société Fra-Ma-Pizz produit aux débats divers documents (pièces PC 5.1 à 5.34) attestant du maintien d'une présence opérationnelle minimum du franchiseur pour assurer :

- des examens annuels des chiffres du réseau, des audits de performance, et la communication au réseau de ces analyses ( notamment PC n°5.2, 5.7, 5.8)

- des synthèses des visites des clients mystères ( PC n°5.3, 5.9, 5.16, 5.31),

- la préparation et tenue régulière de comités de pilotage Copil ( PC n° 5.11, 5.12, 5.18),

- de la tenue d'un site internet et de l'animation d'une page facebook (PC n°4.10, 4.11, 4.21)



En revanche, la Cour constate, notamment à la lecture des bilans annuels (notamment PC n°5.18,5.32) et des comptes-rendus de Copil, que sur la période 2016 à 2020 :

- les actions marketing se sont limitées chaque années à des campagnes nationales de Pizzas spéciales suivant le même dispositif d'action (guide campagne PC n°4.9 et suivantes) et de format publicitaire standard (affiche en magasin, e-mailing, une page facebook et site WEB)

- une newsletter en 2018,

- en quatre années, il est noté l'organisation de trois jeux et loterie, d'un menu spécial coupe du monde et d'un partenariat 'planète sauvage'ou'spectacle Roméo et Juliette',



- d'un programme de fidélisation de commande en ligne,

- aucune évolution de la carte, seul le bilan de 2018 faisant état de 'l'intégration d'une nouvelle bouteille d'eau gazeuse',

- l'animation sur les réseaux sociaux s'est limitée à un site internet et une page Facebook,



Au titre de la formation continue, il n'est présenté aucun plan annuel de formation tel que prévu au contrat de franchise. Il est justifié d'une formation 'logiciel Talc' en 2017 ( PC n° 5.13) et d'un courriel évoquant l'accueil au sein d'un magasin en 2018 d'une personne pour une formation 'accueil client et prise de commande Talc' (pièce PC n°5.27).



La société franchisée fait observer, sans être sérieusement contredite, que le site internet Pizza Sprint n'a pas évolué depuis 2015, que le franchiseur n'a pas cherché à faire évoluer ses méthodes commerciales, tels que des plans de communication sur les réseaux sociaux, le développement d'une application pour passer des commandes en ligne sur un téléphone, le renouvellement des produits et des recettes, ou toute autre adaptation aux nouvelles attentes de la clientèle depuis 2016, et ce en comparaison de ce qui a été développé sous l'enseigne Domino's Pizza (PC n°110).



A compter de 2018, les franchisés ont rencontré des difficultés pour l'assistance commerciale et technique de la part du franchiseur ( PC n°69, n°123 et suivantes). Le réseau n'était plus référencé courant 2020 (PC n°123).



Enfin, il n'est pas contesté que le réseau Pizza Sprint qui comptait 89 magasins en 2016, a été réduit à 35 magasins en 2017, puis à 11 magasins en juillet 2018, puis à 4 magasins en 2020. Si le franchiseur fait état de ce que le franchisé a continué à exploiter, jusqu'à la cessation du contrat en 2019, son magasin sous l'enseigne et les signes distinctifs Pizza Sprint, force est de constater que ces signes de ralliements de la clientèle ne pouvaient avoir qu'un impact commercial réduit au regard de la notoriété déclinante voire 'moribonde' du réseau dès l'année 2016.



Il ressort de l'ensemble de ces constatations, qu' à compter de l'année 2016, le franchiseur a manqué à ses obligations contractuelles en ne fournissant plus d'effort d'actualisation de son savoir-faire, en ne respectant pas son obligation de formation et d'assistance sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits, et en contribuant à la dégradation de la notoriété du réseau.



Ces manquements caractérisant une inexécution partielle du contrat de franchise sont de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Fra-Ma-Pizz.



3-Sur la responsabilité de la société Domino's Pizza France :



Dans sa documentation financière semestrielle pour la période allant jusqu'au 1er janvier 2017 (pièce franchisé PC n°65), la société Domino's Pizza annonçait que la fin de la conversion du réseau Pizza Sprint était attendue à la fin de l'année fiscale 2017, soit le 30 juin 2017. Dans le rapport de gestion au président DPF 2018 (Pièce franché PC n°109), il est indiqué : ' Au titre de l'exercice en cours qui sera clos le 30 juin 2019, nous prévoyons de continuer notre progression tant en nombre de points de vente qu'en chiffre d'affaires par magasin. Nous prévoyons également de continuer la conversion des magasins sous enceigne Pizza Sprint sous l'enseigne Domino's Pizza.' Il ressort du rapport du commissaire aux comptes sur les comptes DPF 2018 (pièce franchisé PC n°92) que la majeure partie des activités des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France a été transférée à la société Domino's Pizza France après leur acquisition.



Aussi, de part sa propre stratégie de développement , la société Domino's Pizza France a contribué aux manquements contractuels de la société franchiseur Fra-Ma-Pizz et des préjudices en découlant à compter de 2016.







Ces agissements sont de nature à engager la responsabilité extra-contractuelle de la société Domino's Pizza France qui sera condamnée in solidum avec la société Fra-Ma-Pizz à la réparation de ces préjudices.





IV-Sur la demande de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise



La société franchisée demande la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Fra-Ma-Pizz.



Cependant, la Cour constate que le contrat de franchise de la société Renna Pizza est arrivé à son terme le 21 juin 2019.



Aussi, le 31 janvier 2020 date à laquelle le tribunal de commerce a statué, la demande de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise était sans objet, en sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.





V-Sur les demandes indemnitaires de la société Renna Pizza



1- Sur la demande au titre de la restitution du droit d'entrée



La société franchisée réclame la somme de 10 000 euros au titre du remboursement du droit d'entrée.



L'annulation du contrat de franchise n'ayant pas été prononcée, et aucun manquement n'ayant été retenu au titre de l'accès proprement dit au réseau, la société franchisée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.



2-Sur la demande au titre des redevances



Au titre de l'article 6.6 du contrat de franchise, en contrepartie de la mise à disposition du savoir-faire et de l'assistance apportée par le franchiseur pendant toute l'exécution du contrat, le franchisé était tenu au versement d'une redevance hors taxes de 3,5% de son chiffre d'affaires HT.



La société franchisée demande la condamnation in solidum de la société Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui payer la somme de 75 408 euros au titre de la restitution des redevances versées depuis le début du contrat de franchise.



L'annulation du contrat de franchise n'a pas été prononcée ni sa résiliation, en sorte que la société franchisée ne peut demander la restitution de l'intégralité des redevances payées.



En revanche, il a été relevé des manquements contractuels de la société Fra-Ma-Pizz ayant conduit au non-respect partiel des obligations du franchiseur en contrepartie desquelles la société franchisée lui a versé des redevances à compter du 1er janvier 2016.



La Cour évalue le préjudice en résultant à 50% du montant des redevances versées depuis janvier 2016 jusqu'à la fin du contrat au 21 juin 2019.



Le franchisé ne produit pas le détail du montant de la redevance versée chaque année. Le montant total versé sur 10 années n'est pas contesté. Sur la base d'un montant de redevance annuel moyen de 6284 euros, le préjudice est évalué à la somme 10997 euros ([6284 x 3,5] x0,5).



Les sociétés Fra-Ma-Pizz sera condamnée à restituer la somme de 10 997 euros à la société Renna Pizza au titre des redevances pour les exercices 2016 à juin 2019.







La société Renna Pizza sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre et de sa demande de condamnation in solidum de la société Domino's Pizza qui n'a pas perçu ces redevances



Le jugement sera infirmé sur ces points.



3- sur le préjudice de pertes de marge sur les approvisionnements



Au motif d'une sur-marge pratiquée de 40% du prix du marché, la société Renna Pizza réclame la somme de 253 997,20 euros, représentant 40% du prix de ses achats (634 993 euros) auprès de la société Pizza Center depuis le début du contrat de franchise. Elle fait valoir que cette pratique de sur-marge résulte du comportement de la société Fra-Ma-Pizz et a été comptablement perçue par la société Pizza Center et Fra-Ma-Pizz, en sorte que ces sociétés doivent être condamnées in solidum à réparer son préjudice.



La société Fra-Ma-Pizz soutient pour l'essentiel que, outre le fait que les manquements allégués au titre de l'obligation d'approvisionnement ne sont pas démontrés, les pièces de la société franchisée ne permettent pas non plus d'établir que la société Pizza Center France aurait pratiqué une sur-facturation de l'ordre de 30 à 40 % par rapport aux concurrents et sur des produits substituables.



Réponse de la Cour,



Des motifs qui précédent, il ressort que de concert, la société Pizza Center France en sa qualité de société fournisseur du franchisé et la société Fra-Ma-Pizz en sa qualité de franchiseur ont engagé leur responsabilité contractuelle dans la mise en oeuvre de la clause d'approvisionnement du contrat de franchise de manière déloyale et source d'un déséquilibre significatif, et ce au préjudice de la société franchisée.



Il n'est effectivement pas démontré par la société franchisée que le préjudice subi à ce titre se situe à hauteur d'une surfacturation de 40% des prix du marché.



Néanmoins, au vu des éléments soumis aux débats ( notamment Pièce franchisé PC n° 26), la Cour évalue le préjudice subi au titre de ces pratiques à un surcoût de 15 % des achats effectués par le franchisé auprès de la société Pizza Center France.



Il ressort du récapitulatif des achats HT réalisés par la société Renna Pizza (pièce n°12) de 2009/2010 à 2017 (fin de l'approvisionnement auprès de la société Pizza Center France) un montant total d'achat pour cette période de 634 993 euros, soit un préjudice évalué à la somme de 95 248,95 euros.



Dès lors, les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France seront condamnées in solidum à payer à la société Renna Pizza la somme de 95 248,95 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la mise en oeuvre fautive de l'obligation d'approvisionnement.



Le jugement sera infirmé sur ce point.



4- Sur la demande au titre des prestations marketing



La société franchisée fait valoir qu'une somme de 150 euros par mois était facturée au titre d'un pack marketing, alors que la prestation était incluse dans le contrat de franchise de base, soit l'équivalent de 15900 euros sur la durée du contrat et qu'en outre cette prestation a été sur-facturée à hauteur de 10 344 euros. Elle demande la condamnation in solidum des sociétés Fra-MA-Pizz et Domino's Pizza France à lui payer ces sommes.



Toutefois la société franchisée ne produit aux débats aucun élément permettant de mettre en évidence une sur-facturation ou le paiement de somme ne correspondant à aucune prestation.





La société franchisée sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.



5-Sur la demande au titre de la perte de la valeur du fonds



La société franchisée fait valoir qu'en l'absence de contrat de franchise, le fonds de commerce perd toute sa valeur. Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à une indemnisation égale au ratio de valorisation appliqué lors de l'acquisition du réseau Pizza Sprint par Domino's Pizza France ' soit 115% de son chiffre d'affaires réalisé en 2017 ' et, subsidiairement, égale au ratio pratiqué lors de cessions individuelles de fonds de commerce au sein du réseau Pizza Sprint ' soit 87% du chiffre d'affaires annuel moyen.



La société Renna Pizza réclame une indemnisation à titre principal de 290 033,45 euros, soit l'équivalent de 115% de son chiffre d'affaires réalisé en 2017 (252 203 x 115%).



Subsidiairement, la société Renna Pizza fait valoir d'une part que les données de l'administration fiscale évaluent la valeur d'un fonds de commerce de pizzeria entre 50 et 100 % du chiffre d'affaires et que d'autre part lorsque le réseau existait les cessions de fonds étaient réalisées sur une base de 80 à 85% du chiffre d'affaires. Or, elle relève qu'elle a péniblement vendu son fonds de commerce à la somme de 155 000 euros, alors que la valorisation espérée du fonds était de 87% du chiffre d'affaires annuel sur les trois derniers exercices de 2017 à 2019 (241 442 euros) , soit la somme de 210 055 euros. Elle demande subsidiairement l'indemnisation de la différence à hauteur de 55 055 euros.



En réplique, les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France rappellent les principes de réparation intégrale du préjudice et de répartition de la charge de la preuve, et prétendent que les sociétés franchisées ne démontrent pas l'existence d'une perte de valeur de leur fonds, ni n'apportent d'éléments probants au soutien de leur évaluation de cette perte de valeur. Elles soutiennent que leur préjudice n'est certain ni pour les sociétés qui n'ont pas cédé leur fonds ' puisque la perte de valeur n'est alors pas acquise ', ni pour celles qui l'ont cédé ' puisque le prix obtenu est alors cohérent avec leur valeur intrinsèque. Elles précisent qu'en toute hypothèse aucun lien de causalité ne saurait être établi entre une faute imputable au franchiseur et une hypothétique perte de valeur de ces fonds.



Dans le cas précis de la société Renna Pizza, il est fait observer que celle-ci en vendant son fonds de commerce à près de 65% de son chiffre d'affaires, la société franchisée l'a vendu au prix du marché excluant tout préjudice.



Réponse de la Cour,



La Cour relève en premier lieu que la société Renna Pizza a vendu son fonds de commerce le 2 décembre 2020 pour la somme de 155 055 euros, soit après la fin du contrat de franchise intervenue le 21 juin 2019.



La valorisation du fonds de commerce à hauteur de 115% du chiffre d'affaires est dépourvue de pertinence.



Ensuite cette vente a été réalisée à près de 64 % du chiffre d'affaires annuel moyen des trois dernières activités du fonds (241 442 euros), soit un prix se situant dans la moyenne

des fourchettes de coefficients d'évaluation produits par les parties (pièces franchisé PC n° 129 et 130, pièce n°6 du franchiseur), ce prix pouvant dès lors correspondre à celui du marché.



En l'absence d'autre élément pour étayer sa demande, la société Renna Pizza ne justifie pas de l'existence d'un préjudice certain concernant la perte de valeur de son fonds de commerce en lien avec les manquements retenus.





La société Renna Pizza sera déboutée de sa demande de ce chef de préjudice.



Le jugement sera infirmé sur ce point.





VI-Sur les demandes indemnitaires de M et Mme [W]



M. [W] ne formule plus de demande au titre de ses apports dans les sociétés Renna Pizza et Ozene Pizz.



1-Sur la demande au titre de la perte de revenus de M. [W]



M. [W] expose qu'en 2008, il était salarié dans un magasin et qu'il percevait un revenu annuel de 29 608 euros. Il constate que son activité dans le cadre du contrat de franchise lui a procuré un revenu moindre. Il évalue cette baisse de revenu à 115 365 euros de 2010 à 2020 en comparaison de son revenu perçu dans le cadre de son activité salariée en 2008.



Comme le relèvent à juste titre les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France, il n'est pas possible de soutenir l'existence d'une 'perte de revenu' sans point de référence pertinent pour établir la comparaison. En effet, il n'est pas pertinent de comparer un revenu perçu en qualité de salarié sur une année, avec la rémunération que s'est versée M. [W] sur 10 années d'activité en qualité de gérant de société.



M. [W] ne démontrant pas l'existence d'un préjudice lié à une perte de revenu, sera débouté de sa demande d'indemnisation de ce chef.



Le jugement sera confirmé sur ce point.



2-Sur la demande au titre du préjudice moral de M et Mme [W]



M et Mme [W], en leur qualité de gérant et salarié de la société Renna Pizza, exposent que les multiples difficultés rencontrées au cours de l'exécution du contrat, l'orientation autoritaire de M. [I], son absence de loyauté à l'égard des franchisés, le mépris manisfesté à leur égard, le temps passé à tenter en vain d'obtenir des réponses sur l'évolution de leur activité, l'importance des conséquences sur leur situation personnelle et professionnelle, leur ont causé à chacun à titre personnel un préjudice moral à hauteur de 60 000 euros chacun.



Les difficultés récurrentes auxquelles ont été confrontés Met Mme [W] tout au long du contrat de franchise ( notamment pièces n°, 22,23, 24 et PC 86) et telles que constatées au titre des manquements des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza ont été de nature à leur causer un préjudice moral que le tribunal a justement évalué à la somme de 15 000 chacun.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza à verser à M et Mme [W] chacun la somme de 15 000 euros.





VII- Sur la demande de capitalisation des intérêts



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.





VIII- Sur les demandes au titre d'une procédure abusive



Compte tenu du sens de la décision rendue, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts de voir prononcer une amende civile au titre d'un abus d'ester en justice.



Le jugement sera confirmé sur ce point.





IX- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux dépens de première instance, et à payer à M et Mme [W] et la société Renna Pizza la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France, succombant partiellement en leur appel, seront condamnées aux dépens d'appel.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leurs demandes et condamnées in solidum à payer à M et Mme [W] et la société Renna Pizza chacun la somme de 5 000 euros.





PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,



Infirme le jugement en ce qu'il a :



-déclaré irrecevables les demandes de la société Renna Pizza et de M. Et Mme [W] en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France,

- débouté la société Renna Pizza ainsi que M et Mme [Z] et [E] [W] de leur demande tendant à annuler le contrat de franchise,

- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France,

- débouté la société Renna Pizza de sa demande au titre des pertes de marge sur les approvisionnements,

- condamné in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza à rembourser à Renna Pizza les redevances de franchise versée au titre des années 2017, 2018, 2019, 2020,

- condamné in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza à payer à Renna Pizza la somme de 137 881,45 euros au titre de la perte de valeur de son fonds,



Le confirme pour le surplus ;



Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,



Déclare recevables les prétentions formulées par la société Renna Pizza ainsi que M et Mme [W] à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ;



Déclare irrecevable comme prescrite l'action en annulation du contrat de franchise de la société Renna Pizza ;



Déclare sans objet la demande de la société Renna Pizza de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise arrivé à son terme le 21 juin 2019 ;



Condamne in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France à payer à la société Renna Pizza la somme de 95 248,95 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la mise en oeuvre fautive de l'obligation d'approvisionnement ;



Condamne la société Fra-Ma-Pizz à restituer la somme de 10 997 euros à la société Renna Pizza au titre des redevances pour les années 2016 à juin 2019 ;









Déboute la société Renna Pizza de sa demande au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;



Condamne in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France aux dépens d'appel ;



Condamne in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France à payer à la société Renna Pizza ainsi qu'à M et Mme [W] chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rejette toute autre demande.









LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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