9 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.454

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200148

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 148 F-D

Pourvoi n° U 21-16.454




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023

1°/ l'association Carole moto club, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société L'Equité, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° U 21-16.454 contre l'arrêt rendu le 8 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 11), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Malakoff Mederic prévoyance, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de l'association Carole moto club et de la société L'Equité, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [D], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2021) et les productions, M. [D] a été victime, le 2 septembre 2012, d'un accident de motocyclette alors qu'il participait à une course organisée par l'association Carole moto club, assurée par la société L'Equité (l'assureur).

2. M. [D] a assigné devant un tribunal de grande instance l'association Carole moto club et l'assureur en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'association Carole moto club et l'assureur font grief à l'arrêt de fixer la perte de gains professionnels futurs de M. [D] à la somme de 213 002,44 euros et, en conséquence, de les condamner in solidum à verser à M. [D] la somme de 1 152 483,79 euros, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites, alors :

« 2°/ que le principe de la réparation intégrale commande que la victime ne retire ni perte ni profit ; qu'il en résulte que lorsque la victime a perçu des indemnités journalières de la caisse de sécurité sociale, celles-ci doivent s'imputer sur le montant de son préjudice et donc être déduites des sommes qui lui sont allouées ; qu'en l'espèce, il était constant comme résultant des conclusions respectives des parties que M. [D] avait perçu une somme de 13 872,21 euros au titre des indemnités journalières versées par la caisse de sécurité sociale ; qu'en conséquence, en se bornant à imputer la pension d'invalidité réglée par la CPAM (la caisse) soit la somme de 106 191,09 euros (outre les prestations versées par Malakoff Médéric Prévoyance) sans déduire de la somme revenant à M. [D] la somme correspondant aux indemnités journalières, soit 13 872,21 euros, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et a ainsi violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

3°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, dans les motifs de son arrêt, retenu que, sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs de M. [D], s'impute la pension d'invalidité réglée par la caisse soit la somme de 106 191 09 euros et, dans son dispositif, fixé les postes du préjudice corporel de M. [D] « après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance maladie » qui s'élevaient à 120 064,11 euros, en ce compris les indemnités journalières à hauteur de 13 872,21euros (et 106 191,03 euros correspondant aux arrérages et au capital invalidité) ; qu'en statuant de la sorte, elle s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, examinée d'office

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

6. Sous couvert de méconnaissance du principe de la réparation intégrale et de violation des articles 1382, devenu 1240, du code civil, et 455 du code de procédure civile, les griefs tendent à dénoncer une omission matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. L'association Carole moto club et l'assureur font grief à l'arrêt de fixer l'indemnité d'assistance permanente par une tierce personne pour la période échue à la somme de 220 538 euros et 32120 euros pour la période à échoir et, en conséquence, de condamner l'association Carole moto club et l'assureur in solidum à payer à M. [D] la somme de 1152 483,79 euros, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, M. [D] sollicitait, au titre de l'assistance tierce personne, depuis la date de consolidation jusqu'au 31 décembre 2020, une somme de 207 228 euros sur la base d'une indemnisation de la tierce personne à hauteur de 21 euros par jour [lire «heure»]; qu'en condamnant dès lors l'association Carole moto club et l'assureur à payer à la victime une somme de 220 528 euros sur la base d'un taux horaire de 22 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, partant, a violé l'article 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Pour fixer l'indemnité d'assistance par une tierce personne, pour la période échue de la consolidation du 1er avril 2014 au jour de la décision à la somme de 220 538 euros, et pour la période à échoir à la somme de 32 120 euros, l'arrêt relève que la nécessité d'une tierce personne pour aider M. [D] dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d'autonomie, n'est pas contestée dans son principe et son étendue, mais reste discutée seulement s'agissant de son coût, M. [D] sollicitant une indemnisation selon un taux horaire de 21 euros sur une année de 390 jours et l'association Carole moto club et l'assureur concluant à la confirmation du jugement qui a réparé ce poste selon un taux horaire de 18 euros sur une année de 365 jours.

10. L'arrêt énonce qu'en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduite en cas d'aide familiale ni subordonnée à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Il ajoute qu'eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation doit s'effectuer sur la base d'un taux horaire de 22 euros sur une année de 365 jours, ce qui n'excède pas le montant annuel sollicité au titre de ce besoin par M. [D].

11. En l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain dans la fixation du taux horaire de la tierce personne assistant la victime, la cour d'appel a exactement apprécié à la date de sa décision, sans méconnaissance des termes du litige, l'étendue de l'indemnisation due par le tiers responsable au titre de cette assistance et en a souverainement fixé le montant.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Carole moto club et la société L'Equité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Carole moto club et la société L'Equité et les condamne à payer à M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour l'association Carole moto club et la société L'Equité

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'association Carole Moto Club et la société l'Equité font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR fixé la perte de gains professionnels futurs de M. [D] à la somme de 213.002,44 € et d'AVOIR, en conséquence, condamné in solidum l'association Carole Moto Club et la société L'Equité à verser à M. [D] la somme de 1.152 483,79 euros provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites ;

1°) ALORS QUE l'association Carole Moto Club et la société l'Equité soutenaient, d'une part, que M. [D] avait 63 ans, soit l'âge de faire valoir ses droits à la retraite et, d'autre part, que l'Association Toits du Monde, son dernier employeur - et dont M. [D] était toujours président - n'employait plus aucun salarié, ce qui conduisait à penser que M. [D] n'aurait pas pu continuer à travailler au sein de cette association jusqu'à 67 ans (conclusions d'appel p. 14) ; qu'en retenant dès lors qu'« il n'est pas démontré que l'association Toits du monde aurait cessé de l'employer » de sorte qu'« il convient d'admettre que sans l'accident, M. [D] aurait travaillé jusqu'à 67 ans ainsi qu'il l'affirme », sans répondre au chef de conclusions soutenant que M. [D] était président bénévole et qu'il n'existait plus aucun salarié au sein de l'association, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale commande que la victime ne retire ni perte ni profit ; qu'il en résulte que lorsque la victime a perçu des indemnités journalières de la caisse de sécurité sociale, celles-ci doivent s'imputer sur le montant de son préjudice et donc être déduites des sommes qui lui sont allouées ; qu'en l'espèce, il était constant comme résultant des conclusions respectives des parties que M. [D] avait perçu une somme de 13.872,21 au titre des indemnités journalières versées par la caisse de sécurité sociale ; qu'en conséquence, en se bornant à imputer la pension d'invalidité réglée par la CPAM soit la somme de 106.191,09 € (outre les prestations versées par Malakoff Médéric Prévoyance) sans déduire de la somme revenant à M. [D] la somme correspondant aux indemnités journalières, soit 13.872,21€, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et a ainsi violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, dans les motifs de son arrêt, retenu que, sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs de M. [D], s'impute la pension d'invalidité réglée par la CPAM soit la somme de 106.191.09€ (arrêt p. 11) et, dans son dispositif, fixé les postes du préjudice corporel de M. [D] « après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance maladie » (arrêt p. 14) qui s'élevaient à 120.064,11€, en ce compris les indemnités journalières à hauteur de 13.872,21€ (et 106.191,03€ correspondant aux arrérages et au capital invalidité); qu'en statuant de la sorte, elle s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'association Carole Moto Club et la société l'Equité font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR fixé l'indemnité assistance permanente tierce personne pour la période échue à la somme de 220.538 € et 32.120 € pour la période à échoir et, d'AVOIR en conséquence, condamné l'association Carole Moto Club et la société l'Equité in solidum à payer à M. [D] la somme de 1.152 483,79 euros provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites ;

ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, M. [D] sollicitait, au titre de l'assistance tierce personne, depuis la date de consolidation jusqu'au 31 décembre 2020, une somme de 207.228 € sur la base d'une indemnisation de la tierce personne à hauteur de 21 € par jour (i.e : heure) (conclusions d'appel notifiées le 2 octobre 2020 p. 16) ; qu'en condamnant dès lors l'association Carole Moto Club et la société l'Equité à payer à la victime une somme de 220.528 € sur la base d'un taux horaire de 22 € , la cour d'appel a méconnu les termes du litige et, partant, a violé l'article 5 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'association Carole Moto Club et la société l'Equité font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR fixé à la somme de 93.405,60 le préjudice de M. [D] au titre de l'indemnité pour frais de véhicule adapté et d'AVOIR, en conséquence, condamné in solidum l'association Carole Moto Club et la société l'Equité à payer à M. [D] la somme de 1.152 483,79 euros provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites ;

ALORS QUE le juge doit viser les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; qu'en l'espèce, les parties s'opposaient sur le coût d'achat d'un véhicule Toyota Rav 4, M. [D] alléguant un prix de 43.273,89 € (conclusions p. 11) tandis que l'Association Carole Moto Club et L'Equité soutenaient qu'au vu du site internet de Toyota, le coût d'achat était de 33.300 € (conclusions p. 11), le tribunal ayant, quant à lui, retenu un prix de base de 30.000 € (jugement p. 6) ; que dès lors, en énonçant, pour fixer le surcoût d'achat du véhicule adapté à 22.000 € que « le coût d'achat d'un véhicule Toyota Rav 4 (…) doit être fixé à ce jour à 37.000 € » (arrêt p. 9 in fine) sans préciser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour procéder à cette évaluation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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