8 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.661

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00133

Titres et sommaires

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Voyageur représentant placier - Rémunération - Rémunération minimale forfaitaire - Attribution - Conditions - Dispositions contractuelles - Voyageur représentant placier multicartes - Conditions effectives d'exercice de son activité - Exclusivité de l'engagement - Pluralité de sociétés constituant un seul et même employeur - Portée

Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles. Doit, en conséquence, être approuvée une cour d'appel, qui, ayant constaté que trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur d'une salariée et fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a décidé que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 133 FS-B

Pourvoi n° H 20-23.661




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

1°/ La société Groupe Média plus communication, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Groupe des éditions municipales de France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ la société Infocom-édition, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° H 20-23.661 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Groupe Média plus communication, de la société Groupe des éditions municipales de France, de la société Infocom-édition, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), Mme [T] a été engagée, en qualité de voyageur représentant placier (VRP) multicartes, le 1er juin 2017, par la société Infocom-édition, le 17 juillet 2017 par la société Groupe des éditions municipales de France, le 30 octobre 2017 par la société Groupe Média plus communication.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 19 juin 2018, d'une demande de résiliation judiciaire de ses contrats de travail et de condamnation solidaire de ses employeurs à lui verser un rappel de ressource minimale forfaitaire ainsi que diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

3. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de chacun de ses employeurs le 19 octobre 2018.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les employeurs font grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les condamner solidairement à verser à la salariée certaines sommes à titre de ressource minimale forfaitaire outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, alors :

« 1°/ que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que Mme [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

2°/ qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise Mme [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

3°/ qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que Mme [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »



Réponse de la Cour

6. Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.

7. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.

8. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, qui a constaté que les trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur de la salariée et qui a fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a pu décider, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition et les condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats aux Conseils, pour les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition

PREMIER MOYEN DE CASSATION (garantie de ressource minimale forfaitaire du VRP)

Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

1°) Alors que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que madame [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité (arrêt, p. 7, dernier §), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

2°) Alors qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise madame [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;

3°) Alors, en tout état de cause, qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que madame [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle (conclusions, p. 21, § 2), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (prise d'acte de la rupture du contrat de travail)

Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

Alors que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en présence de manquements suffisamment graves de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à énoncer, par une pure et simple affirmation, que le supposé manquement imputé aux sociétés employeurs avait empêché la poursuite du contrat de travail (arrêt, p. 9, al. 6), sans préciser en quoi ce manquement, à le supposer établi, avait été de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail, comme elle y était pourtant invitée par les sociétés employeurs (conclusions, p. 27) et cependant qu'il ressortait au demeurant de ses constatations que le manquement aurait été établi dès la conclusion des contrats de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail.

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