8 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.805

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00112

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Métallurgie - Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 - Article 16 - Absence pour maladie ou accident - Garantie d'emploi - Domaine d'application - Détermination - Portée

L'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas le licenciement du salarié pendant la suspension du contrat de travail pour maladie pour d'autres causes que la maladie, la garantie d'emploi pour une durée déterminée n'étant prévue que pour le licenciement à la suite d'une absence pour maladie et nécessité de remplacement et prévoit les conditions de l'attribution de l'indemnité de préavis en l'étendant pour certains licenciements spécifiques

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 112 FS-B

Pourvoi n° A 21-16.805




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société BBGR, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-16.805 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [H], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BB GR, de la SARL Corlay, avocat de M. [H], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 mars 2021), M. [H] a été engagé en qualité de cadre commercial le 26 février 2001 par la société Novisia.

2. Le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2016 à la société BBGR, soumise à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

3. Le salarié a été placé en arrêt de travail le 20 octobre 2017 et licencié pour insuffisance professionnelle le 25 octobre 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif et au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « que l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas à l'employeur de licencier le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie non professionnelle, pour un motif tiré de son insuffisance professionnelle ; qu'en affirmant en l'espèce que ce texte offrait ''une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier [un salarié absent pour cause de maladie] aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif'' pour en déduire que le licenciement de M. [H], prononcé pour insuffisance professionnelle alors qu'il était en congé maladie depuis le jour de l'entretien préalable, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 1° de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 :

5. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

6. Selon l'article susvisé, les absences relevant de maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dès que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l'entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.
À l'issue de la durée d'indemnisation à plein tarif, l'employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif. Dans ce cas, la notification du constat de la rupture sera faite à l'intéressé par lettre recommandée.
Lorsque l'employeur aura pris acte de la rupture du contrat de travail, il devra verser à l'intéressé une indemnité égale à celle que celui-ci aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé. (...)
Au cours de l'absence de l'ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l'ingénieur ou cadre licencié l'indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l'indemnité de congédiement, le cas échéant. (...)

7. Ces dispositions conventionnelles n'interdisent pas le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie pour d'autres causes que la maladie, la garantie d'emploi pour une durée déterminée n'étant prévue que pour le licenciement à la suite d'une absence pour maladie et nécessité de remplacement et prévoient les conditions de l'attribution de l'indemnité de préavis en l'étendant pour certains licenciements spécifiques.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif, l'arrêt retient que ces dispositions, qui n'ont pas pour seul objet de déterminer l'indemnisation due au salarié malade, offrent aussi une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif, qu'il est constant que le salarié a été licencié non pour l'un des trois motifs visés par la convention collective, ni même pour un motif disciplinaire ou pour inaptitude physique, mais pour insuffisance professionnelle, et que le licenciement prononcé en violation d'une garantie conventionnelle d'emploi est abusif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inopposabilité de sa clause de forfait annuel en heures et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société BB GR

La société BBGR fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné la société BBGR à payer à M. [H] la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;

ALORS QUE l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas à l'employeur de licencier le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie non professionnelle, pour un motif tiré de son insuffisance professionnelle ; qu'en affirmant en l'espèce que ce texte offrait « une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier [un salarié absent pour cause de maladie] aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif » pour en déduire que le licenciement de [H], prononcé pour insuffisance professionnelle alors qu'il était en congé maladie depuis le jour de l'entretien préalable, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

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