8 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.314

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00111

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions collectives - Conventions diverses - Crédit agricole - Convention nationale - Licenciement - Obligations de l'employeur - Consultation des délégués du personnel - Moment - Détermination - Portée

L'avis des délégués du personnel prévu par l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018, n'a pas à être préalable à l'entretien préalable au licenciement, mais uniquement à la prise de décision de licencier par l'employeur

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Licenciement non disciplinaire - Obligations de l'employeur - Disposition conventionnelle - Avis des délégués du personnel - Moment - Détermination - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué du personnel - Attributions - Licenciement - Licenciement non disciplinaire - Disposition conventionnelle - Consultation pour avis - Moment - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Cassation


M. SOMMER, président



Arrêt n° 111 FS-B

Pourvoi n° E 21-15.314




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-15.314 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [Y], épouse [R], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 05 mars 2021), Mme [Y], engagée en qualité de guichetière le 16 mars 1982 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire, a été licenciée le 30 janvier 2017 pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement.

2. La convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 est applicable à la relation de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui remettre un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés et de le condamner à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage , alors « que selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé" ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018 :

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé.

6. Il résulte de cette disposition que l'avis des délégués du personnel n'a pas à être préalable à l'entretien préalable, mais uniquement à la prise de décision par l'employeur de licencier.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle et que les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans leur version applicable en la présente espèce, ne prévoyaient pas la consultation préalable des délégués du personnel, retient d'abord qu'en application de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole précité, s'agissant d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée, la consultation des délégués du personnel devait intervenir après constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement approprié à ses capacités, et en tout état de cause, avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable et qu'à défaut, l'article 14 précité était privé de toute portée.

8. Il retient ensuite qu'en engageant la procédure de licenciement par convocation du 3 janvier 2017 à un entretien préalable prévu le 11 janvier 2017, soit avant d'avoir procédé à la consultation des délégués du personnel, laquelle n'est intervenue que le 25 janvier 2017 et en procédant au licenciement de la salariée seulement quelques jours après cette consultation, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire a privé de toute substance ladite consultation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 05 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire

La caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) Centre Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [R] était dénué de cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à verser à la salariée les sommes de 5 449,16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 544,91 € au titre des congés payés afférents, 74 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamnée à remettre à Mme [R] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés, et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à Mme [R] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,

1. ALORS QUE selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, « le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé » ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2. ALORS en tout état de cause QU'à supposer que la consultation des délégués du personnel prévue par l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole en cas de licenciement pour un motif autre que disciplinaire doive intervenir avant la convocation à l'entretien préalable, le seul fait que cette consultation intervienne après l'entretien préalable ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte conventionnel susvisé, ensemble l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1232-1 du même.

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