4 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/00454

Pôle 1 - Chambre 11

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU 04 février 2023

(1 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 23/00454 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHAYK



Décision déférée : ordonnance rendue le 02 février 2023, à 11h48, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Evry



Nous, Agnès Marquant, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Claire Beccavin, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,




APPELANT

LE PRÉFET DU VAL-DE-MARNE

représenté par Me Aziz BENZINA, du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau de Val-de-Marne





INTIMÉ

M. [E] [P]

né le 13 Février 2001 à [Localité 2], de nationalité Algérienne

demeurant [Adresse 1]



Ayant pour conseil choisi en première instance Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris,



LIBRE, non comparant, représenté par Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris , convoqué par le commissariat territorialement compétent à l'adresse ci-dessus indiquée ;





MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience,



ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,



- Vu l'ordonnance du 02 février 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Evry faisant droit aux moyens de nullité soulevés, déclarant la procédure irrégulière, rejetant la demande du préfet du Val-de-Marne tendant à la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé, disant n'y avoir lieu à la prolongation de sa rétention administrative, lui rappelant qu'il a l'obligation de quitter le territoire national et l'informant qu'il est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de 10 heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République, lorsqu'il est mis fin à sa rétention ;



- Vu l'appel motivé interjeté le 03 février 2023, à 11h07, par le conseil du préfet du Val-de-Marne ;



- Vu l'avis d'audience, donné par courriel le 3 février 2023 à 11h 54 à Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris, conseil choisi ;



- Après avoir entendu les observations du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;



- Vu les observations du conseil de M. [E] [P], qui demande la confirmation de l'ordonnance ;






SUR QUOI,





Motivation





M [E] [P] a été placé en rétention administrative le 31 janvier 2023 pour l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français du 04 mars 2022 notifiée le même jour . Par ordonnance du 02 février 2023, le juge des libertés et de la détention d' Evry a rejeté la requête du préfet en prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours, après avoir déclaré la procédure irrégulière.



A l'appui de son recours , la préfecture du Val-de-Marne soulève que le premier juge a retenu une irrégularité résultant de l'absence en procédure de mention sur la nécessité de faire appel à un interprète par téléphone pour la notification des droits en garde à vue de M [E] [P] alors qu'aucun grief n'est justifié.



Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).



Aux termes de l'article 63-3-1 du code de procédure pénale, dès le début de la garde à vue , la personne peut demander à être assistée par un interprète.



En application des articles L.141-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 706-71 du code de procédure pénale, le recours à un interprète peut s'effectuer par l'intermédiaire d' un moyen de télécommunication en cas de nécessité.



En application des dispositions de l'article L743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la procédure de maintien en rétention, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.



En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que notification du placement en garde à vue et des droits afférents a été faite à l'intéressé par le truchement d'une interprète en arabe Mme [N] [L] par téléphone, le 30 janvier 2023 à 11h05 alors qu'il a été interpellé et placé en garde à vue à 10h45. La necessité du recours à un interprète par téléphone n'est effectivement pas précisée dans la procédure.



La partie appelante fait valoir notamment que l'intéressé a bien été destinataire du formulaire prévu à l'article 803-6 du Code de procédure pénale et a pu exercer ses droits, ayant demandé à faire prévenir un membre de sa famille ce qui a été effectif le 30 janvier 2023 à 11h32 .





L'étranger a soulèvé que l'irrégularité de cet interprétariat lui ferait grief , en raison de l'absence effective de l'assistance d'un interprète par téléphone et de la demande vaine de son avocat dès la notification du placement en garde à vue.



Un arrêté du 06 septembre 2019 a prévu l'application concrète des dispositions de la loi en prévoyant, à l'article A53-8 que « toute pièce de procédure sous format numérique peut, s'il y a lieu, être imprimée par les magistrats et agents de greffe qui les assistent, les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale, les fonctionnaires et agents exerçant des pouvoirs de police judiciaire, les services pénitentiaires ou de la protection judiciaire de la jeunesse afin d'être remise ou transmise sous format papier.

Les pièces ayant fait l'objet d'un procédé de signature sous forme numérique au sens de l'article D. 589-2 conservent leur valeur probante, après leur impression, s'il est joint une attestation unique indiquant qu'elles sont fidèles à leur version sous format numérique dont est détenteur le service mentionné au premier alinéa ou si chaque impression fait l'objet d'une mention certifiant sa fidélité par le service précité. »



Il peut encore être précisé qu'aux termes de l'article A 53-2 du même code, « Est une signature électronique avancée reposant sur un certificat qualifié au sens de l'article D. 589-3 une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/ CE, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement. Le dispositif technique permettant d'apposer cette signature électronique fait l'objet d'une homologation de sécurité conformément à l'article 5 du décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l'application des articles 9,10 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. »



L' article A53-4 indique encore que « le dispositif technique mentionné à l'article D. 589-4 permet de recueillir la signature manuscrite de toute personne, y compris de celle concourant à la procédure au sens de l'article 11, afin d'en faire une image numérique intégrée au corps de l'un des actes mentionnés au premier alinéa du I de l'article 801-1.

Le recueil sous forme numérique d'une ou plusieurs signatures manuscrites se fait sous le contrôle de la personne chargée d'apposer sa signature électronique sur l'acte, conformément au deuxième alinéa de l'article D. 589-4.

L'identité de celui qui procède à une signature manuscrite recueillie sous forme numérique est obligatoirement mentionnée dans l'acte. Le cas échéant, il est mentionné si cette identité est présumée ou inconnue.

Après l'apposition de la signature électronique, l'ensemble des éléments que l'acte contient, dont les signatures manuscrites recueillies sous forme numérique, ne peut être altéré.

Lorsque, pour la tenue de l'acte, il est recouru à des moyens de télécommunication audiovisuelle en application de l'article 706-71, le recueil sous forme numérique de la signature manuscrite peut se faire avec l'assistance d'une personne, non partie à la procédure, présente aux côtés du signataire.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux signatures manuscrites recueillies sous forme numérique par l'appareil mentionné à l'article R. 49-1. »



En l'espèce, il y a lieu de constater que les prescriptions de l'arrêté précité n'ont pas été suivies, en l'absence de jonction de l'attestation de conformité de la procédure numérisée ce qui cause grief à l'intéressé qui conteste le contenu du procès-verbal de notification des droits en garde à vue .



La notification irrégulière des droits en garde à vue cause également grief à l'intéressé pour le même motif



Il suit que l'irrégularité résultant de la notification irrégulière des droits de la garde à vue de l'intéressé doit être accueillie, en raison du grief démontré par l'intimé.



Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance querellée par substitution partielle de motifs.





PAR CES MOTIFS





CONFIRMONS l'ordonnance.



ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.



Fait à Paris le 04 février 2023 à



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,













REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS:



Pour information:



L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.



Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé

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