31 janvier 2023
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 20/01502

1ère Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 31 Janvier 2023





N° RG 20/01502 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSJX



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 09 Novembre 2020





Appelante



S.C.I. LES HAUTS DE L'OUMEDE, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SAS MERMET et ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS











Intimée



L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par Me Georges PEDRO, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL LEXWAY, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE







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Date de l'ordonnance de clôture : 31 Octobre 2022



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 novembre 2022



Date de mise à disposition : 31 janvier 2023





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Composition de la cour :



Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,



Et lors du délibéré, par :



- Mme Hélène PIRAT, Présidente,



- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,



- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,





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Faits et Procédure





La SCI Les Hauts de l'Oumède, marchand de biens et représentée par M. [J] [U], acquérait une propriété bâtie à Ramatuelle dans le Var pour un montant de 2 500 000 euros. Elle s'engageait à revendre ce bien dans les quatre ans en se plaçant sous le régime des achats destinés à la revente, prévu par l'article 1115 du code général des impôts, afin de bénéficier de l'exonération des droits d'enregistrement à taux plein et de n'acquitter que la taxe de publicité foncière au taux de 0.60 %.



Par acte authentique en date du 2 mars 2009, la SCI Les Hauts de l'Oumède vendait l'immeuble à la SCI Les Ayguières pour un montant de 2 600 000 euros étant précisé que :

- la SCI Les Hauts de l'Oumède était détenue à 1 % par M. [U] et 99 % par la société suisse DPF Holding appartenant à M. [U] ;

- la SCI Ayguières, constituée le 9 février 2009, enregistrée le 25 février 2009 et immatriculée le 25 mars 2009, était détenue à 1 % par M. [U] et 99 % par sa fille Mme [S] [U]. L'acquéreur s'obligeait à payer au vendeur le prix au plus tard 10 ans après l'achat, soit le 2 mars 2009.



Le 4 août 2010, les services fiscaux adressaient une proposition de rectification n° 2120 à la société Les Hauts de l'Oumède, l'administration fiscale remettant en cause les droits d'enregistrement pour non-respect de l'engagement de revente dans le délai de 4 ans à compter de l'acquisition.



Après plusieurs démarches administratives, le rappel de l'imposition était mis en recouvrement le 27 mai 2013 conformément à l'avis émis par le comité d'abus de droit fiscal pour un montant en droits de 106 875 euros et en pénalités de 113 032 euros, sommes réglées dès le 31 mai 2013.



Le 28 décembre 2015, la SCI Les Hauts de l'Oumède présentait une réclamation qui était rejetée par décision en date du 19 février 2018.



Par exploit d'huissier en date du 20 avril 2018, la SCI Les Hauts de l'Oumède assignait l'administration des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en contestation dudit rejet.



Par jugement rendu le 9 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains :



- disait que la proposition de rectification n° 2120 du 30 janvier 2012 et l'avis de recouvrement émis le 17 mai 2013 étaient réguliers,

- déboutait la SCI Les Hauts de l'Oumède de l'ensemble de ses demandes, ;

- disait n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnait la SCI Les Hauts de l'Oumède aux dépens, conformément à l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales.



Par déclaration au greffe en date du 11 décembre 2020, la SCI Les Hauts de l'Oumède interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.







Prétentions et moyens des parties



Par dernières écritures en date du 28 octobre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Les Hauts de l'Oumède sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- annuler la décision de rejet du 19 février 2018 ;

- accorder la décharge des impositions litigieuses tant au titre des droits que des pénalités ;

- condamner la DGFIP au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Fillard, avocat ;

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise pour procéder à l'évaluation contradictoire du bien immobilier dont s'agit au jour du 4 mars 2005 ;

- en tout état de cause, décharger la SCI Les Hauts de l'Oumède de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts, au principal totalement et subsidiairement partiellement selon son appréciation souveraine.



Au soutien de ses prétentions, la SCI Les Hauts de l'Oumède expose essentiellement que :



' l'administration fiscale a procédé à une nouvelle vérification de comptabilité prohibée par les dispositions de l'article L 51 LPF dans la mesure où le premier redressement est le fruit d'une vérification de comptabilité et que le second redressement aboutit au même résultat après avoir procédé aux mêmes investigations, sur la même période et sur des documents identiques de telle sorte qu'il constitue nécessairement une seconde vérification de comptabilité;



' l'avis de mise en recouvrement est irrégulier en ce qu'il vise une proposition annulée, ce qui cause nécessairement grief ;



' la procédure d'assiette comme de recouvrement est entachée d'irrégularité ;



' la procédure d'abus de droit n'est pas qualifiée, faute de fondement pertinent de nature à qualifier un acte fictif ou une opération à but exclusivement fiscal,



' l'expertise ne concerne pas le prix de cession de l'immeuble, mais son prix d'acquisition puisque le redressement ne porte pas sur les droits perçus lors de la revente, mais sur ceux perçus lors de l'acquisition en 2005 ;

' elle doit être dégrevée de la majoration en totalité ou partiellement puisque  l'opération a généré un impôt global de 239 215 euros alors qu'en l'absence de revente dans le délai de 4 ans, il n'aurait été perçu que 106 875 euros et le but poursuivi n'était pas d'éluder l'impôt, mais de ne pas enregistrer une perte comptable considérable au regard de la valeur réelle du bien.





Par dernières écritures en date du 21 octobre 2022 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, l'Administration des finances publiques sollicite la confirmation de la décision entreprise et demande à la cour, y ajoutant de la cour de condamner l'appelante aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Au soutien de ses prétentions, l'Administration des finances publiques fait valoir que :



' le contribuable n'a pas été privé de la garantie empêchant l'administration de renouveler une vérification de comptabilité sur la période déjà vérifiée puisque :

- l'administration peut utiliser pour effectuer un rehaussement en matière de droits d'enregistrement des éléments recueillis lors d'une vérification de comptabilité

- les droits d'enregistrement rappelés portaient sur une période antérieure à celle vérifiée (année 2005). Il n'y avait donc pas lieu de les consigner dans la proposition n° 3924 indiquant les conséquences directes de la vérification de comptabilité, mais dans une proposition de rectification n° 2120 indépendante,

- la proposition de rectification du 30 janvier 2012 est consécutive aux éléments relevés au cours de la vérification de comptabilité effectuée entre le 8/06/2010 et le 30/07/2010



' la nouvelle procédure de rectification du 30 janvier 2012, adressée à la suite de l'abandon de celle du 4 août 2010, n'a pas donné lieu à une nouvelle vérification de comptabilité ;



' la cession immobilière du 2 mars 2009 constitue une vente de complaisance dans le but d'éviter la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts ;



' la demande d'expertise doit être rejetée en l'absence de litige sur la valeur vénale ;



' les droits de mutation à titre onéreux sont assis sur le prix exprimé dans l'acte et seule l'administration a la possibilité d'y substituer la valeur vénale du bien si celle-ci est supérieure au prix, la demande d'expertise est donc dépourvue d'objet ' les intérêts de retard sont destinés à réparer le préjudice financier subi du fait de la perception différée de la créance et la majoration est prévue en raison des agissements du contribuable ;





Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.




Une ordonnance en date du 31 octobre 2022 clôture l'instruction de la procédure.








MOTIFS ET DECISION





I - Sur la validité de la procédure de rectification et de recouvrement



La SCI Les Hauts de l'Oumède sollicite l'annulation de la décision de l'administration des finances publiques en date du 19 février 2018 rejetant sa réclamation sur la rectification des droits de mutation dus à la suite de l'achat d'une propriété à Ramatuelle le 4 mars 2005, ainsi que la décharge des impositions litigieuses (droits et pénalités), tout d'abord en raison selon elle de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration des finances publiques ayant abouti au redressement, en présentant trois motifs devant la cour :

- l'administration des finances publiques a procédé à une nouvelle vérification de sa comptabilité malgré l'interdiction édictée à l'article L51 du livre des procédures fiscales ;

- le droit à son information n'a pas été respecté

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier ;





a - sur la vérification de la comptabilité



L'article 51 du livre des procédures fiscales interdit, sauf cas particuliers, de réaliser deux fois pour un même impôt (ou taxe ou groupe d'impôts) une vérification de comptabilité d'un contribuable portant sur la même période de temps en énonçant dans son alinéa 1 : 'Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevée, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période'.



En l'espèce, l'administration des finances publiques a procédé à une vérification de la comptabilité de la SCI Les Hauts de l'Oumède sur la période entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009 et a, à l'issue, adressé à celle-ci deux propositions de rectification en date du 4 août 2010, l'une concernant un rappel de TVA et ses conséquences sur l'impôt sur les sociétés, la seconde concernant les droits d'enregistement de l'achat susvisé de 2005. Concernant cette seconde proposition de rectification, elle l'a abandonnée par courrier en date du 2 décembre 2011 et a adressé une nouvelle proposition de rectification en date du 30 janvier 2012 reprenant les mêmes fondements.



Certes dans cette seconde proposition, elle vise à nouveau la vérification de comptabilité de la période du 1 janvier 2007 au 31 décembre 2009 qui a été faite du 8 juin 2010 au 30 juillet 2010 par reprise de la première proposition mais elle n'a en aucun cas procédé à une nouvelle vérification de cette comptabilité pour adresser sa seconde proposition et la SCI Les Hauts de l'Oumède ne démontre pas d'ailleurs qu'une seconde vérification ait été effectuée, étant ajouté que les dispositions de l'article 51 précité ne prive pas l'administration de son droit de reprise de son contrôle sur les impôts sur lesquels avait porté sa vérification, en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE, 30 décembre 2002, n° 81989 ; CE, 21 mai 2014, n° 364610).



Ce motif d'irrégularité de la procédure fiscale a été à bon droit écarté par le premier juge.





b - sur la violation du devoir d'information



Il est exact que selon la jurisprudence du Conseil d'Etat (décision du 8 avril 1991 n°67938 ; CE, 22 janvier 2020, n° 420816 ), ''il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office, et, en particulier de celles des articles L.57 et suivants et de l'article L.75 de ce livre, qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer'.



Cependant en l'espèce il ressort des pièces du dossier que l'administration a reçu les observations de la SCI Les Hauts de l'Oumède sur la première proposition de rectification le 22 octobre 2010 et qu'elle y a répondu, que la SCI Les Hauts de l'Oumède a alors par courrier de son avocat en date du 22 novembre 2010 sollicité la saisine du comité de l'abus de droit fiscal. A cette demande, l'administration a répondu par courrier du 2 décembre 2011 qu'elle abandonnait 'la procédure' engagée par courrier du 4 août 2010 mais qu'elle lui faisait part de son intention de la reprendre prochainement. L'administration n'avait alors encore procédé à aucun recouvrement d'impôt et encore moins à un dégrèvement et elle a repris la procédure de contrôle sans procéder à une nouvelle vérification de comptabilité. Le comité d'abus de droit fiscal a ensuite été saisi.



Ce motif d'irrégularité sera donc écarté.





c - sur l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement



Aux termes de l'article R. 256-1 du code précité, 'l'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis.

(....).

Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications'.



En l'espèce, l'avis de recouvrement en date du 17 mai 2013 indique le montant des droits, des pénalités et des intérêts de retard. Il vise également la proposition de rectification, certes avec une erreur matérielle puisque la date inscrite est celle du 4 août 2010 au lieu du 30 janvier 2012 mais le contenu est identique dans sa motivation, ce qu'indique d'ailleurs l'avocat de la SCI Les Hauts de l'Oumède dans sa réclamation du 28 décembre 2015 'le service procède à un copier-coller' et la référence pour la majoration à la motivation du 31 août 2010 est liée au fait que la proposition de rectification du 30 janvier 2012 mentionne la décision d'arrêter les intérêts de retard au 31 août 2010, ce qui démontre d'ailleurs l'existence d'une simple erreur matérielle dans la date de la rectification puisque la première proposition était antérieure à cette date. Cette erreur, que la SCI Les Hauts de l'Oumède affirme comme étant de nature à entraîner la nullité de l'avis de recouvrement conformément aux prescriptions du bulletin officiel des impôts, s'analyse en une simple erreur matérielle qui n'a pas causé de grief à la SCI Les Hauts de l'Oumède.



En conséquence, l'avis de mise en recouvrement est régulier.



Ainsi, la demande d'annulation de la décision de rejet de l'administration sur l'irrégularité de la procédure de vérification et de recouvrement sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.







II - Sur l'abus de droit





La SCI Les Hauts de l'Oumède sollicite ensuite l'annulation de la décision de l'administration des finances publiques en date du 19 février 2018 ainsi que la décharge des impositions litigieuses (droits et pénalités) sur le fait que selon elle, la procédure d'abus de droit n'était pas qualifiée, faute de fondement pertinent de nature à qualifier un acte fictif ou une opération à but exclusivement fiscal.



Sur ce,



En vertu de l'article 64 al 1 du livre des procédures fiscales, 'Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles'.



la SCI Les Hauts de l'Oumède a fait l'acquisition d'une propriété à Ramatuelle le 4 mars 2005 au prix de 2 500 000 euros, en prenant l'engagement de la revendre dans un délai de quatre ans, afin de bénéficier de l'exonération des droits d'enregistrement prévue par l'article 1115 du code général des impôts, en sa qualité de marchand de biens. Elle réglait ainsi des droits à hauteur de 15 375 euros au lieu de 122 250 euros. Par acte du 2 mars 2019, elle revendait cette propriété au prix de 2 600 000 euros à la SCI Les Ayguières qui réglait 132 340 euros de droits d'enregistrement.



' Sur la communauté d'intérêts entre les deux SCI :



La SCI Les Hauts de l'Oumède, venderesse, dont le gérant est M. [J] [U], avait été créé à l'origine en 1996 par M. [U] et Mme [D] [U], laquelle possédait une part sur les 100 parts constituant le capital social. En 1997, les deux associés ont cédé leurs parts, sauf une pour M. [U], à la société DPF Holding, appartenant à ce dernier. Cette SCI a pour siège social le cartecentre [Adresse 1].



La SCI Les Ayguières, acheteuse, a été créée, quelques jours seulement avant l'achat, soit le 9 février 2019 avec deux associés, M. [U], détenteur d'une part, et sa fille, [S] [U], détentrice de 99 parts du capital social. D'ailleurs, ses statuts n'ont été enregistrés que le 25 février 2009 et elle a été immatriculée au RCS le 25 mars 2009, soit après son achat. La SCI Les Hauts de l'Oumède prétend que les démarches pour créer cette SCI ont duré plusieurs mois sans en rapporter la preuve. Si Mme [S] [U] est co-gérante de cette SCI, il y a lieu d'observer que M. [U] est également co-gérant et que le siège social est le même que celui de la SCI Les Ayguières soit le cartecentre [Adresse 1]. En outre, le comité d'abus de droit fiscal a relevé que lors de la signature des statuts de la SCI Les Ayguières, [S] [U] était représentée par le conseil de son père, et que ce même conseil représentait la SCI Les Ayguières lors de la vente, alors qu'il avait été auparavant chargé d'un mandat de vente par la SCI Les Hauts de l'Oumède.



Cette communauté d'intérêts des deux SCI, outre les liens familiaux existant entre leurs membres, un gérant commun, un siège social identique, se manifestait également à travers les conditions de paiement de la vente. En effet, le prix de vente de 2 600 000 euros n'a pas été réglé, la SCI Les Ayguières s'étant engagée dans l'acte notarié à le régler au plus tard dans les dix ans, avec un taux productif par an de 3 % et le notaire a été dispensé de prendre une inscription du privilège du vendeur, étant précisé que cette inscription dans le délai de deux mois prévu pour sa conservation n'a pas été évoquée. Par ailleurs, les bilans des exercices 2009 et 2010 de la SCI Les Hauts de l'Oumède ont mis en évidence que les intérêts du crédit vendeur (143 000 euros pour les deux années) n'avaient pas été réglés par la SCI Les Ayguières puisqu'inscrits dans le compte 4687 'produits à recevoir' et dans le passif du bilan de la SCI Les Ayguières.



Enfin, cette communauté d'intérêts s'est prolongée puisque notamment les changements des compteurs d'eau et d'électricité ont été faits pour l'eau le 25 août 2010 et pour électricité le 13 avril 2011 soit après l'envoi de la première proposition de rectification. Par ailleurs, dans le bilan de la SCI Les Ayguières, au bilan du passif, figurait dans la rubrique 'autres dettes' 'Haut de l'oumède', 2 226.56 euros pour 2009.





' Sur l'absence d'un intérêt d'ordre économique ou commercial



La SCI Les Hauts de l'Oumède avait acquis la propriété de Ramatuelle au prix de 2 500 000 euros. Elle avait eu l'intention a priori de la revendre puisqu'elle avait donné pour ce faire mandat à son conseil de trouver un acheteur au prix de 3 millions d'euros, mandat dénoncé le 25 août 2008 devant l'impossibilité de trouver un acquéreur. En tout état de cause, en la revendant au prix de 2 600 000 euros, elle n'avait réalisé aucune plus value dès lors qu'elle avait supporté les charges financières de cette demeure pendant quatre ans. Elle a réglé elle-même le prix de vente via le crédit vendeur octroyé sur un délai de dix ans, avec certes la prévision d'intérêts mais qui n'ont pas été perçus en tout cas avant le contrôle. Elle affirme que le prix de vente a été réglé en 2012 mais sans en justifier.



La SCI Les Hauts de l'Oumède fait valoir que cette demeure était inhabitable. Cependant, l'acte notarié de vente du 2 mars 2009 mentionne l'inverse (paragraphe 'état des biens vendus'). En tout état de cause, si tel était le cas, l'intérêt pour la SCI Les Ayguières d'acheter cette maison pose question, d'autant que comme le mentionne la SCI Les Hauts de l'Oumède, le PLU, bien que contesté par elle devant les juridictions administratives, ne permettait plus un projet d'extension et la SCI Les Ayguières achetait tout en ayant encore un problème lié à l'inscription au cadastre d'une parcelle comme faisant partie de la propriété.



La SCI Les Ayguières aurait réalisé des travaux dans cette propriété, affirmation qui au demeurant n'est pas justifiée, mais la SCI Les Hauts de l'Oumède avait, de par son objet social, également la possibilité d'y procéder. Elle prétend à ce titre qu'elle n'avait pas les fonds suffisants pour le faire ce qui ne l'a pas empêché cependant de consentir un crédit vendeur et ne pas en percevoir immédiatement les intérêts. La SCI Les Hauts de l'Oumède prétend également que la revente pour un prix supérieur à la valeur vénale de la demeure lui a permis de ne pas enregistrer une importante moins value dans son bilan et donc indirectement dans celui de sa holding, mais elle n'explique pas pourquoi, si la valeur vénale était effectivement d'environ 1 million d'euros de moins (achat par le précédent propriétaire l'année d'avant à 1 300 000 euros), elle avait investi autant sans se renseigner préalablement d'ailleurs sur l'état du PLU sachant que le conseil municipal avait défini ses objectifs en mars 2003, après une première délibération en 2001. Au surplus, la SCI Les Hauts de l'Oumède ne produit aucun élément de comptabilité ou même d'évaluation du bien de nature à justifier son allégation.



Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces constatations que l'opération litigieuse de cession de la propriété de Ramatuelle en date du 2 mars 2005 de la SCI Les Hauts de l'Oumède à la SCI Les Ayguières entre lesquelles il existe une communauté d'intérêts n'avait qu'un but exclusivement fiscal ce qui caractérise l'abus de droit.



En conséquence, les demandes de la SCI Les Hauts de l'Oumède tendant à l'annulation de la décision de rejet de l'administration des finances publiques en date du 19 février 2018 et de se voir accorder une décharge des impositions litigieuses seront rejetées.







III - Sur la demande subsidiaire d'expertise





La SCI Les Hauts de l'Oumède sollicite une expertise pour déterminer la valeur vénale de la propriété au moment de son acquisition en 2005, estimant que les droits de mutation doivent être calculés sur la valeur vénale et que l'expertise est de droit.



L'article R202-1 du livre des procédures fiscales prévoit notamment que : 'Toutefois, en matière de droits d'enregistrement ou de taxe de publicité foncière, les décisions prises sur les réclamations indiquées à l'article R. 190-1 et relatives à la valeur vénale réelle d'immeubles, de fonds de commerce et des marchandises neuves qui en dépendent, de clientèles, de droit à un bail ou au bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, de navires et de bateaux, peuvent être attaquées devant le tribunal judiciaire du lieu de situation des biens ou d'immatriculations des navires et bateaux'. Cette expertise est de droit selon l'article R202-3 du même code.



Cependant, comme le souligne l'administration des finances publiques, la décision de rectification de l'administration ne repose pas sur un litige relatif à la valeur vénale réelle de l'immeuble, le prix de cession n'ayant jamais été remis en cause.



En conséquence, la demande d'expertise sera rejetée, d'autant que la SCI Les Hauts de l'Oumède n'apporte aucun élément sur cette valeur vénale et n'explique pas pourquoi elle avait consenti à payer à son propre vendeur un prix supérieur de 1 200 000 euros par rapport au prix payé par ce dernier un an auparavant et qu'elle a revendu le bien quasiment au même prix, que lors son achat, à la SCI Les Ayguières.



La demande de la SCI Les Hauts de l'Oumède sera dès lors rejetée et le jugement confirmé de ce chef.







IV - Sur la demande de décharge de la majoration



Le rappel des droits d'enregistrement s'est élevé à la somme de 106 875 euros. Des intérêts de retard ont été calculés sur cette somme à partir du 1er juin 2005 et ont été arrêtés au 31 août 2010. Leur montant s'élève à la somme de 29 032 euros. Les intérêts de retard et leur calcul sont prévus à l'article 1727 du code général des impôts et sont destinés à réparer le préjudice financier de l'Etat en raison de la perception différée de l'impôt.



La majoration pour abus de droit est quant à elle d'un montant de 84 000 euros. La SCI Les Hauts de l'Oumède fait valoir qu'il s'agit d'une sanction, d'une 'ampleur considérable' soit de 80 % des droits rappelés ce qui permet, selon elle, à la cour de supprimer ou de modérer cette pénalité.



Cette majoration résulte de l'application de l'article 1729 du code général des impôts lequel prévoit que 'les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :

a. 40 % en cas de manquement délibéré ;

b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

c. 80 % en cas de man'uvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis'.



L'administration a calculé la majoration prévue par cet article et destinée à sanctionner les agissements reprochés au contribuable auteur d'un abus de droit. Cette sanction fiscale est proportionnée aux agissements commis.



Le jugement entrepris sera dès lors entièrement confirmé en ce qu'il a rejeté la prétention de la SCI Les Hauts de l'Oumède de ce chef.







V - Sur les demandes accessoires





Succombant, la SCI Les Hauts de l'Oumède sera tenue aux dépens d'appel et sa demande d'indemnité procédurale rejetée.



L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de l'administration des finances publiques à hauteur de 3 000 euros.









PAR CES MOTIFS,





La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne la SCI Les Hauts de l'Oumède aux dépens d'appel,



Déboute la SCI Les Hauts de l'Oumède de sa demande d'indemnité procédurale,



Condamne la SCI Les Hauts de l'Oumède à payer à l'administration des finances publiques une indemnité procédurale de 3 000 euros,







Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.





Le Greffier, La Présidente,









































































































Copie délivrée le

à

Me Michel FILLARD

Me Georges PEDRO











Copie exécutoire délivrée le

à

Me Georges PEDRO

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