1 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.789

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00086

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2023




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 86 F-D

Pourvoi n° H 21-18.789




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023

La société Virelec, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° H 21-18.789 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [W], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA - AGS [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à Mme [H] [E], dont le siège est [Adresse 2], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Virelec,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Virelec et de Mme [H] [E], prise en qualité de commissaire à l'éxécution du plan de la société Vivelec, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 29 avril 2021), Mme [W] a été engagée par la société Virelec (la société) à compter du 1er février 2010. Elle occupait en dernier lieu les fonctions de gestionnaire paye/RH à temps partiel.

2. Une procédure de redressement judiciaire de la société a été ouverte par jugement du tribunal de commerce du 17 mai 2016. Par ordonnance du 3 novembre 2016, le juge commissaire a autorisé le licenciement de cinq salariés en indiquant qu'était concerné le poste de gestionnaire paye/RH ayant les activités suivantes « établissement paies/déclarations sociales/gestion du social ».

3. La salariée a été licenciée le 10 novembre 2016 par l'administrateur judiciaire.

4. Par jugement du 31 janvier 2017, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement, Mme [E] étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

5. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal et du pourvoi incident réunis

Enoncé du moyen

6. La société et la commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt de dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le regroupement de deux emplois entraîne la suppression d'un poste ; que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que ''venu remplacer Mme [P], démissionnaire, M. [S] a été investi à la fois de ses fonctions de directeur administratif et financier et des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W]'' et que ''ce cumul a été assorti d'une augmentation de salaire de presque 800 euros, soit une part très importante de la rémunération mensuelle de 1 171,30 euros jusque-là versée à Mme [W]'' ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle relevait que M. [S] avait été recruté sur un poste distinct de celui qu'occupait la salariée, dès lors qu'il remplaçait Mme [P], et qu'il avait été investi à la fois des fonctions de directeur administratif et financier, occupées par cette dernière, que des fonctions jusque-là dévolues à la salariée, moyennant une augmentation de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que le poste de travail de la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier occupé par M. [S], de sorte qu'il avait bien été supprimé, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, ces deux derniers articles dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

7. Un salarié licencié à la suite d'une autorisation du juge-commissaire n'est recevable à contester la cause économique de son licenciement que lorsqu'il prouve que cette autorisation résulte d'une fraude. Il en est ainsi lorsqu'il est établi que le salarié a été immédiatement remplacé dans son emploi après son licenciement.

8. Pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les fonctions de gestionnaire paye/RH assumées par la salariée ont été confiées à un autre salarié exerçant les fonctions de directeur administratif et financier, initialement engagé en contrat à durée déterminée à temps partiel de 28 heures, durant le congé maternité de la salariée occupant le poste de directeur administratif et financier et ensuite recruté par contrat à durée indéterminé à temps plein le 1er décembre 2016, après la démission de celle qui occupait le poste, avec une augmentation de salaire constituant une part importante du salaire de la salariée.

9. Il ajoute que, contrairement à ce que la société a fait soutenir par son administrateur judiciaire dans sa requête au juge-commissaire, la suppression de l'emploi de l'intéressée n'a pas abouti à une économie salariale significative pour l'entreprise et n'a pas été accompagnée de la répartition de ses tâches sur l'ensemble du personnel administratif restant qui devait les exécuter sans pouvoir prétendre en contrepartie à une augmentation de salaire.

10. Il en déduit qu'il n'y a en réalité pas eu suppression du poste de la salariée et que c'est par l'effet d'une fraude qu'a été obtenue du juge commissaire l'autorisation de licenciement.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'emploi de gestionnaire paye/RH occupé par la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier existant dans l'entreprise, ce dont il résultait que l'emploi de la salariée avait été supprimé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il dit que le licenciement de Mme [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Virelec à payer à Mme [W] à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la somme, nette de CSG et de CRDS, de 8 500 euros, et par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 200 euros, l'arrêt rendu le 29 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.



MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocats aux Conseils, pour la société Virelec, demanderesse au pourvoi principal

La société Virelec fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Virelec à lui verser la somme, nette de CSG et de CRDS, de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors :

1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, pour accueillir la demande de la salariée et déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que « même si elle n'emploie pas expressément le terme de fraude, elle allègue « la préméditation de son départ par l'employeur, permettant de retenir son licenciement pour motif personnel déguisé en licenciement économique (page 19 de ses conclusions) » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la salariée s'était bornée, à l'appui de ses conclusions d'appel et du dispositif de celles-ci, à remettre en cause l'existence de la cause économique invoquée à l'appui du licenciement, en soutenant que l'élément matériel de ce licenciement (suppression de poste) faisait défaut, la cour d'appel a manifestement dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) que le juge, tenu en toutes circonstances, de faire respecter et de respecter luimême le principe de la contradiction, ne peut relever d'office un moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que dans leurs conclusions d'appel, ni la salariée ni l'employeur, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ni l'Unedic délégation AGS/CGEA de [Localité 6] n'ont discuté du point de connaître si l'autorisation de licenciement, résultant de l'ordonnance du juge-commissaire, avait été obtenue par fraude ; qu'il suit de là qu'en relevant d'office le moyen tiré de la fraude, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) que le regroupement de deux emplois entraîne la suppression d'un poste ; que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « venu remplacer Mme [P], démissionnaire, M. [S] a été investi à la fois de ses fonctions de directeur administratif et financier et des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W] » et que « ce cumul a été assorti d'une augmentation de salaire de presque 800 euros, soit une part très importante de la rémunération mensuelle de 1 171,30 euros jusque-là versée à Mme [W] » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle relevait que M. [S] avait été recruté sur un poste distinct de celui qu'occupait la salariée, dès lors qu'il remplaçait Mme [P], et qu'il avait été investi à la fois des fonctions de directeur administratif et financier, occupées par cette dernière, que des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W], moyennant une augmentation de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que le poste de travail de la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier occupé par M. [S], de sorte qu'il avait bien été supprimé, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.



Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocats aux Conseils, pour Mme [E], prise en sa qualité de commissaire à l'éxécution du plan de la société Virelec, demanderesse au pourvoi incident

Maître [H] [E], prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Virelec, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Virelec à lui verser la somme, nette de CSG et de CRDS, de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors :

1°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, pour accueillir la demande de la salariée et déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que « même si elle n'emploie pas expressément le terme de fraude, elle allègue « la préméditation de son départ par l'employeur, permettant de retenir son licenciement pour motif personnel déguisé en licenciement économique (page 19 de ses conclusions) » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la salariée s'était bornée, à l'appui de ses conclusions d'appel et du dispositif de celles-ci, à remettre en cause l'existence de la cause économique invoquée à l'appui du licenciement, en soutenant que l'élément matériel de ce licenciement (suppression de poste) faisait défaut, la cour d'appel a manifestement dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) que le juge, tenu en toutes circonstances, de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, ne peut relever d'office un moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que dans leurs conclusions d'appel, ni la salariée ni l'employeur, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ni l'Unedic délégation AGS/CGEA de [Localité 6] n'ont discuté du point de connaître si l'autorisation de licenciement, résultant de l'ordonnance du juge-commissaire, avait été obtenue par fraude ; qu'il suit de là qu'en relevant d'office le moyen tiré de la fraude, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) que le regroupement de deux emplois entraîne la suppression d'un poste ; que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que « venu remplacer Mme [P], démissionnaire, M. [S] a été investi à la fois de ses fonctions de directeur administratif et financier et des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W] » et que « ce cumul a été assorti d'une augmentation de salaire de presque 800 euros, soit une part très importante de la rémunération mensuelle de 1 171,30 euros jusque-là versée à Mme [W] » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle relevait que M. [S] avait été recruté sur un poste distinct de celui qu'occupait la salariée, dès lors qu'il remplaçait Mme [P], et qu'il avait été investi à la fois des fonctions de directeur administratif et financier, occupées par cette dernière, que des fonctions jusque-là dévolues à Mme [W], moyennant une augmentation de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que le poste de travail de la salariée avait été regroupé avec celui de directeur administratif et financier occupé par M. [S], de sorte qu'il avait bien été supprimé, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.

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