1 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-21.903

Chambre commerciale financière et économique - Formation plénière de chambre

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00098

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2023




Sursis à statuer


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 98 FP-D

Pourvoi n° E 18-21.903




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023

1°/ La société Organon France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société MSD France,

2°/ la société Organon LLC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis), venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp., société de droit américain,

ont formé le pourvoi n° E 18-21.903 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Biogaran, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller doyen de section, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Organon LLC, venant aux droits de la société Merck Sharp & Dohme Corp. et de la société Organon France, venant aux droits de la société MSD France, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Biogaran, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Mollard, conseiller doyen de section rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Comte, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte aux sociétés Organon LLC et Organon France de leur reprise d'instance aux lieu et place des sociétés Merck Sharp & Dohme Corp. (la société MSD) et MSD France.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2018) rendu en matière de référé, la société MSD est titulaire du brevet européen désignant la France n° 0 720 599 (le brevet EP 599), intitulé « composés d'azétidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques », déposé le 14 septembre 1994, qui a expiré le 14 septembre 2014.

3. Ce brevet a pour objet de protéger une nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques, les azétidinones hydroxy-substitués, auxquels appartient l'ézétimibe, ainsi que la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, pour le traitement et la prévention de l'athérosclérose.

4. Les revendications 1 à 8 du brevet EP 599 portent sur les composés de la famille des azétidinones hydroxy-substitués, l'ézétimibe étant spécifiquement visé par la revendication 8, tandis que la revendication 10 a trait à l'utilisation d'un composé selon l'une quelconque des revendications 1 à 8 pour la fabrication d'un médicament pour le traitement ou la prévention de l'athérosclérose. La revendication 9 protège la combinaison d'un azétidinone hydroxy-substitué avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, dans un support pharmaceutiquement acceptable. La revendication 17 vise notamment la composition d'un azétidinone hydroxy-substitué et de la simvastatine, qui est un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol appartenant à la famille des statines.

5. Sur la base du brevet EP 599, la société MSD a obtenu de l'Institut national de la propriété intellectuelle la délivrance de deux certificats complémentaires de protection (CCP) :

– le 4 février 2005, le CCP n° 03C0028, expirant le 17 avril 2018, pour le principe actif ézétimibe (le CCP 028), au vu d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) obtenue en France, le 11 juin 2003, pour le médicament « Ezetrol » ayant l'ézétimibe pour seul principe actif ;

– le 21 décembre 2006, le CCP n° 05C0040, expirant le 2 avril 2019, pour la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine (le CCP 040), au vu d'une AMM obtenue en France, le 28 juillet 2005, pour le médicament « Inegy » constitué de cette combinaison.

6. Le 15 février 2018, la société MSD et sa filiale française, la société MSD France, ont assigné en référé la société Biogaran, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques, afin de voir constater l'existence d'une atteinte imminente de contrefaçon des droits de la société MSD sur le CCP 040 et ordonner l'interdiction jusqu'au 2 avril 2019 inclus de la fabrication et de la commercialisation de compositions pharmaceutiques en reproduisant les caractéristiques.

Sur le sursis à statuer

7. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit de l'Union se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et que l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l'Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l'Union (arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21, et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 48).

8. Le 17 février 2022, un tribunal de commerce de Finlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-119/22, saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation de l'article 3, sous a) et c), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

9. Le 2 mars 2022, la cour suprême d'Irlande a, par renvoi préjudiciel enregistré sous le numéro C-149/22, saisi la Cour de justice d'une demande d'interprétation de la même disposition.

10. La réponse que la Cour de justice apportera à ces demandes est de nature à influer sur l'issue du présent pourvoi, lequel fait grief à la cour d'appel d'avoir violé ladite disposition.

11. Dès lors, il convient de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-119/22 et C-149/22.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

SURSEOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Teva et Teva Finland (C-119/22) et Merck Sharp & Dohme Corp. (C-149/22) ;

Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience de formation de section du 27 juin 2023 ;

Réserve les dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

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