1 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.663

Chambre commerciale financière et économique - Formation plénière de chambre

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00096

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 96 FP-D

Pourvoi n° K 21-13.663







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER FÉVRIER 2023

1°/ la société Ono Pharmaceutical co.Ltd, société de droit japonais, dont le siège est [Adresse 4] (Japon) et domiciliée dans la procédure [Adresse 1] (Japon),

2°/ M. [Y] [N], domicilié [Adresse 3]),

ont formé le pourvoi n° K 21-13.663 contre l'arrêt n° RG : 18/10522 rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et de M. [N], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, et l'avis de M. Debacq, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen de la chambre, Mme Vaissette, conseiller doyen de section, M. Mollard, conseiller doyen de section, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Champalaune, Daubigney, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2021, n° RG 18/10522), le 6 janvier 2016, la société Ono Pharmaceutical (la société Ono) et M. [N] ont déposé conjointement, une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 16C0001 portant sur le produit pembrolizumab, sur le fondement du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.

2. Cette demande était formulée sur la base du brevet européen déposé le 2 juillet 2003, publié sous le n° EP 1 537 878 (le brevet EP 878) et délivré le 22 septembre 2010, sous le titre « Compositions immunostimulantes », dont la société Ono et M. [N] sont titulaires.

3. Elle faisait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire accordée le 17 juillet 2015 sous le n° EU/1/15/1024 à la société Merck Sharp & Dohme (la société MSD), pour une spécialité pharmaceutique dénommée « Keytruda », qui a pour principe actif le pembrolizumab.

4. Par décision du 2 mars 2018, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a rejeté la demande de CCP n° 16C0001, sur le fondement de l'article 3, sous a), du règlement précité, au motif que le produit, objet de cette demande, n'était pas protégé par le brevet EP 878.

5. La société Ono et M. [N] ont formé un recours contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La société Ono et M. [N] font grief à l'arrêt de rejeter leur recours contre la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI, alors « que le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé "Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps", produit devant elle par le directeur général de l'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

7. Il résulte de ce texte que la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI, devant se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise, ne peut prendre en compte les pièces nouvelles produites devant elle.

8. Pour retenir que l'identification du pembrolizumab dans le brevet de base nécessitait une activité inventive autonome et rejeter en conséquence le recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI ayant refusé d'accorder un CCP sur ce produit, la cour d'appel s'est fondée, notamment, sur un article scientifique produit pour la première fois devant elle.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

10. La société Ono et M. [N] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une "activité inventive autonome" ; que toutefois, un produit ne requiert une telle "activité inventive autonome" que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ledit produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que "la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques" "très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre"" et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer son brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce qui constituerait "un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une "activité inventive autonome" au sens de l'arrêt Royalty Pharma", sans examiner, comme elle le devait, la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient "bien connus" et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 et les articles 69 (1) et 83 de la Convention sur le brevet européen (CBE), signée à Munich le 5 octobre 1973 :


11. Selon le premier de ces textes, un CCP est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande et à la date de celle-ci, le produit est protégé par un brevet de base en vigueur.

12. Aux termes du deuxième, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.

13. Aux termes du dernier, l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.

14. Dans son arrêt du 30 avril 2020, Royalty Pharma Collection Trust (C-650/17), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date. »

15. La Cour de justice précise à cet effet que, aux fins de vérifier si un produit donné est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, il convient de vérifier, lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionné dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nécessairement et spécifiquement visé dans l'une de ces revendications. À cette fin, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D'une part, le produit doit nécessairement relever, pour l'homme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de l'invention couverte par ce brevet. D'autre part, l'homme du métier doit être en mesure d'identifier ce produit de façon spécifique à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet, et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du même brevet (arrêts du 25 juillet 2018, Teva UK e.a., C-121/17, point 52, et Royalty Pharma Collection Trust précité, point 37).

16. Après avoir constaté que le pembrolizumab était implicitement et nécessairement visé par le brevet en ce qu'il relève de la définition fonctionnelle du produit, l'arrêt retient qu'il a fallu cinq années à un tiers pour déposer un brevet concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce brevet mentionnant trois inventeurs et comportant 21 revendications précisant les séquences des anticorps se liant au PD-1 humain et correspondant au pembrolizumab. Il en déduit que le temps nécessaire au dépôt de ce brevet constitue un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder, à partir du brevet EP 878, à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma Collection Trust. Il ajoute que la preuve n'est ainsi pas rapportée que le pembrolizumab était spécifiquement identifiable par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, d'une part, si les procédés de fabrication des anticorps monoclonaux étaient bien connus de l'homme du métier à la date du dépôt de la demande du brevet EP 878 et si ce dernier, dans sa description, décrivait comment cribler les anticorps concernés pour identifier ceux qui remplissent la fonction de l'invention, à savoir ceux qui inhibent « le signal immunosuppresseur de PD-1 », d'autre part, si l'homme du métier pouvait ainsi, à la lecture du brevet et grâce à ses connaissances générales, obtenir, par une opération de routine tous les anticorps remplissant la fonction visée par le brevet, y compris le pembrolizumab, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

18. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 (RG n° 18/10522), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Ono Pharmaceutical co.Ltd et M. [N].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société Ono Pharmaceutical et M. [Y] [N] à l'encontre de la décision rendue le 2 mars 2018 par le directeur général de l'INPI ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans sa décision du 2 mars 2018, pour retenir que la revendication 3 du brevet EP 1 537 878 ne visait pas nécessairement et de manière spécifique le pembrolizumab, le directeur général de l'INPI a relevé que « ces deux autres critères énoncés par le CJUE […] exigent une identification concrète du produit dans les enseignements du brevet de base » et « qu'en l'espèce, la description ne contient aucune indication, tel qu'un mode concret de réalisation ou tout autre enseignement, permettant d'individualiser spécifiquement le pembrolizumab » ; qu'en retenant que la décision contestée du directeur général de l'INPI ne reviendrait pas à exiger une identification concrète du produit mais que cette décision aurait « vérifi[é] que le produit était « spécifiquement identifiable » par l'homme du métier à partir de ses connaissances et de l'état de la technique à la date du dépôt », la cour d'appel a dénaturé la décision du directeur général de l'INPI du 2 mars 2018, en violation du principe susvisé ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'il s'ensuit que l'octroi d'un CCP ne peut être refusé au seul motif que le produit dont il fait l'objet ne serait pas individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement du brevet de base ; qu'en refusant d'annuler la décision du 2 mars 2018, alors que le directeur général de l'INPI avait commis une erreur de droit en subordonnant l'octroi du CCP à l'existence d'une « identification concrète du produit dans les enseignements du brevet » ou l'indication d'un « mode concret de réalisation ou tout autre enseignement permettant d'individualiser spécifiquement le pembrolizumab », la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ainsi que l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS QUE le recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI est dépourvu d'effet dévolutif ; que saisie d'un tel recours, la cour d'appel doit se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où la décision contestée a été prise et ne peut donc se fonder sur des pièces nouvelles n'ayant pas été produites ou évoquées dans le cadre de la procédure devant le directeur général de l'INPI ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un article intitulé « Introduction aux techniques utilisées en biochimie – Préparation des anticorps », produit devant elle par le directeur général de l'INPI, cependant que cette pièce n'avait pas été produite dans le cadre de la procédure devant ce dernier ni visée dans la décision contestée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS QU'un produit est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu'il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l'une des revendications du brevet de base et relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l'enseignement dudit brevet, dès lors qu'il est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le même brevet, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base et de l'état de la technique à cette même date ; qu'à l'inverse, un produit ne peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, lorsqu'il a été développé après la date de dépôt de la demande de brevet, au terme d'une « activité inventive autonome » ; que toutefois, un produit ne requiert une telle « activité inventive autonome » que dans l'hypothèse où, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, l'homme du métier n'était pas en mesure d'obtenir ledit produit en mettant en oeuvre les enseignements du brevet sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à cette même date ; qu'en affirmant, de manière inopérante, d'une part, qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et, d'autre part, que cette analyse serait confortée par la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer son brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab, ce qui constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de l'arrêt Royalty Pharma », sans examiner, comme elle le devait, la description du brevet de base EP 1 537 878, qui précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et qui enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le caractère « spécifiquement identifiable » du produit doit s'apprécier au regard des éléments divulgués par le brevet de base, lequel est présumé valable ; qu'ainsi, le produit est spécifiquement identifiable dès lors que le processus permettant son obtention est décrit dans le brevet de base et ce, sans que la cour d'appel, qui n'est pas saisie d'une demande d'annulation du brevet de base pour insuffisance de description, puisse remettre en cause la pertinence de cette description sur la base d'éléments étrangers au brevet ; qu'en se fondant, pour juger que l'identification du pembrolizumab nécessiterait une « véritable « activité inventive autonome » », sur les affirmations contenues dans un article d'introduction aux techniques utilisées en biochimie pour la préparation des anticorps relevant que la production d'anticorps supposerait la mise en oeuvre d'un processus complexe et de techniques « très coûteuses en terme d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre », quand le brevet de base précisait que les procédés de fabrication des anticorps étaient « bien connus » et décrivait de façon détaillée les étapes de production d'un anticorps anti-PD-1 et le procédé de criblage permettant d'identifier ceux qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1, et enseignait ainsi tous les éléments nécessaires pour permettre à l'homme du métier d'obtenir les anticorps couverts par sa revendication 1, dont le pembrolizumab, la cour d'appel a violé l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;

6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'existence d'une activité inventive autonome ne peut se déduire du seul constat du caractère prétendument complexe, long et coûteux des opérations à mettre en oeuvre pour l'obtention du produit ; qu'en affirmant qu'il ressortirait d'un article daté de l'année 2007 que « la préparation d'anticorps monoclonaux suppose un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques « très coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre » » et que le temps nécessaire au dépôt du brevet EP 2 170 959 concernant spécifiquement le pembrolizumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser en quoi le pembrolizumab ne serait pas spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet de base EP 878, par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré à la date du dépôt ou de la priorité de ce même brevet et de l'état de la technique à cette même date, ni en quoi l'obtention de ce produit nécessiterait une « activité inventive autonome », en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;

7°) ALORS QU'une invention de sélection consiste à sélectionner, parmi une famille de composés connus globalement pour des propriétés déterminées, un composé doté de cette propriété à un degré élevé ou optimal, permettant une plus grande efficacité ou une utilisation plus aisée ; qu'un produit ne requiert pas une « activité inventive autonome » lorsqu'il pouvait être obtenu, à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, par l'homme du métier en mettant en oeuvre les enseignements de ce même brevet et ses connaissances générales ; que la circonstance que le produit soit également protégé, dans sa structure, en tant qu'invention de sélection, par un brevet ultérieur lui-même valable est, à cet égard, dénué d'incidence ; qu'en relevant que la circonstance qu'il a fallu cinq années à la société MSD pour déposer le brevet EP 2 170 959 (EP 959) concernant spécifiquement le pembrolizumab constituerait « un indice robuste de la complexité des recherches à effectuer et de la nécessité de procéder à partir du brevet EP 878 à une « activité inventive autonome » au sens de la jurisprudence Royalty Pharma », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le brevet EP 959 déposé ultérieurement par la société MSD ne couvrait pas une simple invention de sélection et si, dans ces conditions, le temps écoulé entre le dépôt du brevet EP 878 et celui de ce brevet EP 959 ne correspondait pas simplement au temps nécessaire pour sélectionner le pembrolizumab parmi les anticorps couverts par le brevet EP 878 et découvrir ses caractéristiques avantageuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection ;

8°) ALORS QUE l'objectif fondamental du règlement n° 469/2009 consiste à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique, qui contribue de façon décisive à l'amélioration continue de la santé publique ; que l'octroi de cette période d'exclusivité supplémentaire a vocation à encourager la recherche et, pour ce faire, vise à permettre un amortissement des investissements effectués dans cette recherche ; qu'en relevant que « la société MSD, qui a réalisé des investissements ayant abouti au dépôt du brevet EP 959 qui a rendu possible le développement du pembrolizumab, a été récompensée par l'octroi d'un CCP 15C0097 qui expirera le 21 juillet 2030 », cependant qu'en elle-même, la circonstance qu'un CCP ait déjà été accordé à la société MSD pour le pembrolizumab sur la base d'un autre brevet couvrant spécifiquement la structure de ce produit ne remettait pas en cause le droit de la société Ono et de M. [N] d'obtenir un CCP pour le même produit sur la base de leur brevet EP 1 537 878, couvrant l'utilisation des anticorps anti-PD-1 qui inhibent le signal immunosuppresseur de PD-1 pour le traitement du cancer, afin de récompenser les investissements de recherche mis en oeuvre par la société Ono et M. [N] pour l'usage particulier de cette classe d'anticorps, à laquelle appartient le pembrolizumab, dans le traitement du cancer, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant, en violation de l'article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection.

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