30 janvier 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 23/00258

Chambre Premier Président

Texte de la décision

N° RG 23/00258 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIU4









COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 30 JANVIER 2023



Nous, Mariane Alvarade, présidente de chambre près de la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)



Assistée de Mme Guillard, Greffière ;







APPELANTS :



M. [G] [Y]

né le 28 Décembre 1979 à [Localité 9]



Résidence habituelle :

[Adresse 1]

[Localité 6]



Lieu d'admission :

Etablissement Public CENTRE HOSPITALIER DU [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 8]



assisté de Me Marion DODEUR, avocat au barreau de ROUEN





ASSOCIATION TUTELAIRE DES MAJEURS PROTEGES

Es qualité de curateur de M. [G] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Marion DODEUR, avocat au barreau de ROUEN







INTIMÉS :



PARQUET GENERAL

[Adresse 3]

[Localité 6]



non comparant







M. PREFET DE SEINE MARITIME

Représenté par l'Agence Régionale de Santé

[Adresse 5]

[Localité 6]



représentée par Madame [J] [W], munie d'un pouvoir





CENTRE HOSPITALIER DU [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 8]



non représenté



***





Vu l'admission de M. [G] [Y] en soins psychiatriques au centre hospitalier du [Localité 10] à compter du 11 août 2017, sur décision du représentant de l'Etat en Seine-Maritime ;



Vu la saisine en date du 4 janvier 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen par M. le Préfet de Seine-Maritime ;



Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 9 janvier 2023 ordonnant la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de M. [G] [Y] ;



Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de cette ordonnance par M. [G] [Y] et reçue au greffe de la cour d'appel le 19 janvier 2023 ;



Vu les avis d'audience adressés par le greffe ;



Vu la transmission du dossier au ministère public ;



Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 25 janvier 2023,



Vu les observations du préfet de la Seine-Maritime formulées à l'audience,



Vu le certificat médical du docteur [T] en date du 24 janvier 2023,



Vu les débats en audience publique du 26 janvier 2023 ;




***



FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS



M. [Y] a précédemment été admis en soins psychiatriques au centre hospitalier du [Localité 10] suivant arrêtés municipal et préfectoral du 11 août 2017, sur le fondement des certificats médicaux des docteurs [Z] et [R] constatant que le patient, en rupture de soins, est sthénique et véhément, qu'il décrit des éléments persécutifs vis-à-vis des aides à domicile... qu'il profère des injures et menaces verbales, menaçant également de se suicider par immolation, préconisant 'une hospitalisation pour éviter tout risque de passage à l'acte auto agressif et hétéro agressif', ceci au regard d'un antécédent de passage à l'acte grave. Il était maintenu en hospitalisation complète par décision du préfet en date du 16 août 2017.



Il a par suite été pris en charge sous une autre forme incluant des soins ambulatoires dans le cadre d'un programme de soins à compter du 20 juillet 2020, puis était de nouveau pris en charge sous la forme d'une hospitalisation complète le 3 août 2022.



Sur saisine du représentant de l'État en date du 10 août 2022, le juge des libertés et de la détention a suivant ordonnance du 12 août 2022 ordonnée la mainlevée de la mesure avec effet différé de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi conformément aux dispositions de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique, retenant que le dernier certificat médical ne mettait pas en évidence de symptômes psychiatriques lourds, évoquant simplement des délires sur des événements antérieurs, éléments ne justifiant pas la nécessité d'une surveillance psychiatrique constante, alors qu'il s'agit d'un patient dont l'état de santé physique nécessite une prise en charge particulière.



Suivant certificats médicaux des docteurs [U] et [E] en date des 9 septembre, 10 octobre et du docteur [U] en date 10 novembre 2022, il était constaté un état clinique stable, l'absence de délire actif, ainsi qu'une difficulté pour le patient à prendre en charge ses soins avec une diminution de sa motivation et le sentiment qu'ils sont inutiles.



Suivant décision du représentant de l'Etat en date du 9 décembre 2022, M. [Y] a été maintenu la mesure en soins psychiatriques, sur le fondement du certificat médical du docteur [E], à compter du 11 décembre 2022, ce médecin ayant constaté que le patient présentait 'surtout des difficultés à gérer son handicap moteur et ses douleurs' que 'son humeur est fluctuante' et qu'il est réticent aux soins psychiatriques'. Suivant décision préfectorale du 29 décembre 2022, M. [Y] a réintégré le centre hospitalier du [Localité 10] dans le cadre d'une hospitalisation complète .



Suivant requête en date du 4 janvier 2023, le Préfet de la Seine Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète.



  Selon avis en date du 25 janvier 2023, le ministère public requiert le maintien de l'hospitalisation complète sous contrainte.

 

Entendu, M. [Y] a indiqué pratiquer l'humour à haute dose, ce qui n'est pas toujours compris, que ses propos ont été mal interprétés, que les médecins affirment qu'il a des idées suicidaires, que si tel était le cas, étant handicapé il serait déjà passé à l'acte. Il a ajouté ne pas se souvenir de l'épisode de défenestration qui date de plus de 20 ans, que le docteur [N] lui a expliqué utiliser des formules stéréotypées, comme 'un grave trouble à l'ordre public' aux fins de le maintenir à l'hôpital, mais qu'il n'y a rien de personnel. Il s'oppose au maintien de l'hospitalisation complète sous contrainte.

 

Son conseil sollicite à titre principal la mainlevée de la mesure avec prise d'effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi.

Il fait valoir que les soins à domicile dans le cadre d'un programme de soins sont adaptés à sa situation, que les certificats médicaux ne mettent pas en évidence de symptômes psychiatriques lourds nécessitant une surveillance psychiatrique constante, qu'en particulier, le certificat médical du docteur [E] en date du 9 décembre 2022 ne mentionne pas de manière claire et précise que le patient risque de compromettre la sûreté des personnes et de porter une atteinte de façon grave à l'ordre public, qu'en raison de son handicap, une prise en charge particulière est nécessaire, qu'aujourd'hui, ce sont plutôt des complications physiques auxquelles il doit faire face qui jouent sur son humeur, d'autant qu'il a le sentiment d'une mauvaise prise en charge par les auxiliaires de vie qui n'ont pas d'horaires fixes.

Il précise qu'un programme de soins pourrait être mis en place en remplacement de l'hospitalisation sous contrainte.



Mme la représentante de la préfecture de la Seine maritime fait valoir :

que les derniers certificats médicaux concluent à la nécessité de poursuivre les soins en hospitalisation complète alors qu'il est constaté une dégradation de l'état clinique à l'origine de la réintégration en hospitalisation complète, que les mêmes éléments avaient été observés en 2017 lors de l'admission, le patient alternant les soins en hospitalisation complète et les programmes de soins. Il apparaît nécessaire de stabiliser la situation pour sa sécurité et celle des équipes.






MOTIVATION DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de l'appel



L'appel formé dans les formes et délais requis est recevable.





Sur le fond



Aux termes de l'article L 3213-1 du code de la santé publique : « I. Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.



Il résulte des éléments du dossier que M. [Y] a fait l'objet d'une décision de réintégration en hospitalisation complète suivant arrêté du 29 décembre 2022, suivant avis du docteur [U], lequel a opéré les constatations suivantes ' Le patient présente une dégradation de son état clinique. ll exprime des douleurs qu'il estime insupportables. Il décrit des difficultés à s'alimenter. Les propos ne sont pas toujours cohérents et il a pu récemment exprimer des idées de mort passives. Il ne semble pas prendre correctement son traitement. Il reste réticent aux soins', que l'avis motivé du 4 janvier 2023, produit à l'appui de la saisine de la juridiction mentionne ' (qu'il) présente une accélération psychomotrice, une sthénicité, est très véhément envers l'équipe, il est logorrhéique, il persévère sur des idées délirantes de persécution à mécanisme interprétatif. Il présente un important sentiment de dévalorisation et d'incurabilité en lien avec son incapacité physique pour lequel il reste très ambivalent car il demande de l'aide mais refuse les soins et l'hospitalisation. Il existe une dangerosité pour lui-même en cas d'arrêt des soins.

Il convient ce jour de maintenir l'hospitalisation complète sous contrainte.



Il ressort suffisamment des pièces produites et des débats que les conditions exigées demeurent réunies en l'espèce, et si aux termes du certificat médical de situation établie par le docteur [T] le 24 janvier 2023, il est constaté que le patient ne présente plus de troubles du comportement, il est relevé qu'il persiste en entretien une irritabilité ainsi que des éléments de persécution, que le patient en outre ne critique pas les troubles ayant conduit à l'hospitalisation actuelle et présente une anosognosie des troubles, ce médecin mettant en évidence des troubles du jugement majeur, alors qu'il est observé une situation d'alternance entre les soins en hospitalisation complète et les programmes de soins, ces éléments étant de nature à justifier que les soins nécessaires à l'état de la personne concernée ne peuvent être dispensés que sous la forme d'une hospitalisation complète, en raison de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public.





PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;



Déclare recevable l'appel interjeté par M. [G] [Y] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 09 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN ;



Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;



Laisse les dépens à la charge du Trésor public.



Fait à Rouen, le 30 Janvier 2023.







LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

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