30 janvier 2023
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 22/02669

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 30 JANVIER 2023









N° RG 22/02669 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MXLR







S.A.S. TELELEC



c/



S.C.I. DRAKAR



























Nature de la décision : AU FOND



APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 30 mai 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/02462) suivant déclaration d'appel du 02 juin 2022





APPELANTE :



S.A.S. TELELEC agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]



représentée par Maître Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :



S.C.I. DRAKAR prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [O] [U], domicilié en cette qualité [Adresse 1].



représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,



Greffier lors des débats : Véronique SAIGE





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.






* * *







EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE



Le 1er janvier 2007, la Sci Drakar a donné à bail commercial à la société Air Informatique, devenue la Sas Telelec, un local situé [Adresse 2].



Ce contrat a été résilié le 22 septembre 2020 et les locaux ont été restitués le 1er avril 2021.



Disant les locaux rendus en mauvais état d'entretien et d'insalubrité, par acte d'huissier du 19 novembre 2021, la Sci Drakar a fait assigner la Sas Telelec pour la voir condamner à lui verser les sommes de 33.047,10 € au titre de la remise en état du local commercial et de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- Condamné la Sas Telelec à verser à la Sci Drakar une somme de 33.047,10 € à titre de provision sur son préjudice ;

- Débouté la Sas Telelec de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Sas Telelec à verser à la Sci Drakar la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La Sas Telelec a relevé appel de cette décision par déclaration du 2 juin 2022.



Par conclusions déposées le 28 juin 2022, la Sas Telelec demande à la cour de :

A titre principal,

- Infirmer l'ordonnance entreprise ;

- Débouter la Sci Drakar de sa demande de provision à valoir sur son préjudice ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer la décision entreprise ;

- Débouter la Sci Drakar de toutes ses demandes ;

- Condamner la Sci Drakar au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Par conclusions déposées le 12 juillet 2022, la Sci Drakar demande à la cour de :

- Débouter la Sas Telelec ;

- Confirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

- condamner la Sas Telelec à lui payer le coût de la remise en état du local commercial, soit la somme de 33.047,10 € à titre de provision ;

- condamner la Sas Telelec à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire qu'à défaut de règlement spontané des sommes qui précèdent, les émoluments résultant de l'exécution forcée réalisée par l'intermédiaire d'un huissier retenus en application de l'article A444-32 du code de commerce seront supportés par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas Telelec aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Trassard & Associés sur son affirmation de droit en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.



L'affaire a été fixée à l'audience du 5 décembre 2022.



L'instruction a été clôturée le 21 novembre 2022.



Par écriture du 5 décembre 2022, la SCI Drakar a sollicité le rejet des dernières écritures et pièces de la Sas Telelec au titre des articles 15 et 16 du code de procédure civile



Par note autorisée en délibéré, la Sas Telelec a dit ne pas s'opposer à un rabat de l'ordonnance de clôture pour permettre à l'intimée de répondre et s'oppose à ce que ses dernières conclusions et la dernière pièce communiquées soient écartées des débats.




MOTIFS DE LA DÉCISION



I Sur la demande de rejet des conclusions et pièces communiquées par la Sas Telelec le 19 novembre 2022.



En vertu de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.



L'article 16 du même code ajoute que ' Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations'.



Afin de fonder sa demande d'incident, la partie intimée expose que les conclusions et pièces communiquées le 19 novembre 2022 ont été communiquées après 19 heures, alors que la clôture est intervenue le lundi 21 novembre suivant.



Elle s'oppose également au rabat de l'ordonnance de clôture, remarquant que les conclusions en cause étaient intervenues plus de quatre mois après les siennes, laissant à la partie adverse un délai suffisant pour y répondre avant la clôture des débats.



La partie demanderesse explique pour sa part ne pas s'opposer à une demande de rabat de l'ordonnance de clôture afin de permettre à son adversaire de pouvoir répliquer à ses dernières conclusions qui ne font que préciser ses demandes en appel et n'ajoutent qu'une seule pièce.



Elle entend donc que ces éléments soient déclarés recevables.



***



La cour constate que le principe du contradictoire exige que les dernières conclusions et pièces la Sas Telelec soient écartées des débats, leur production étant intervenue dans les faits tardivement et n'ayant pas permis à la Sci Drakar de répondre sans que l'ordonnance de clôture soit rabattue, alors qu'un délai de plusieurs mois avait été laissé à l'appelante pour conclure.



Il s'ensuit qu'il ne sera tenu compte que des premières conclusions de l'appelante et de ses 15 premières pièces communiquées à cette occasion.



II Sur la demande de provision faite par la Sci Drakar.



L'article 835 du code de procédure civile prévoit que 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.



La Sas Telelec reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de ses contestations sérieuses, l'obligation mise en avant par son adversaire étant contestable. Elle dénonce le fait que seul un devis soit communiqué et qu'aucune facture de remise en état ne l'est, les seules factures versées étant celles de modification des lieux objets du litige pour permettre leur relocation à une entreprise ayant une autre activité.



Elle rappelle en outre que son ancien dirigeant, jusqu'à la cession du 31 juillet 2018, est le gérant de l'intimée et qu'il ne saurait se plaindre d'un défaut d'entretien ou d'une défaillance du locataire qu'il était précédemment, alors qu'il a manqué à ses déclarations dans le cadre de la garantie du passif et au respect des obligations du bail.



Elle souligne le fait que la question de la garantie du passif fait l'objet d'une procédure devant le tribunal de commerce de Bordeaux et en déduit une contestation sérieuse.



De plus, elle estime que la production du devis n'est pas suffisante pour solliciter la provision réclamée, faute de facture, les seules existantes étant relatives à la réfection totale des lieux loués et non à un rafraîchissement des lieux, dont seraient exclues les grosses réparations et la vétusté.



Elle soutient que le devis ne correspond à aucune réalité, note que les lieux ont été restitués en 2021 et qu'aucun point sur les travaux à réaliser n'a alors été effectué, alors qu'ils ont été reconfigurés à ce jour.



De surcroît, elle observe que la vétusté ne saurait être mise à sa charge en application de l'article 1755 du code civil et que la plupart des travaux réalisés relèvent de cette cause, outre que des photographies montrent que le bardage était déjà abîmé en 2017 et que le changement de placo est lié à un dégât des eaux survenu pendant l'occupation des lieux et indemnisé par l'assurance de la partie adverse.



***



Il convient de relever en premier lieu que le contrat de bail, tel que repris par l'appelante, a été conclu le 1er janvier 2007, soit plus de 14 ans avant la restitution des lieux et que ces derniers, en l'absence d'état des lieux d'entrée et du fait de la présomption posée à l'article 1731 du code civil, doivent être présumés avoir été pris en bon état.





Or, il ressort tant de l'état des lieux de sortie en date du premier avril 2021 que du devis n°912 de la société Pereira Constructions en date du 20 mai 2021 (pièces 3 et 4 de l'intimée) qu'une partie non négligeable des travaux sollicités résulte sans conteste de la vétusté, notamment la peinture des murs, les réfections de ces derniers, le nettoyage d'une partie des éléments tels que prises ou interrupteurs, sols plinthes, quand bien même une autre partie, notamment les traces d'impacts, relève de dégradations locatives à la charge de l'appelante.



Il s'ensuit que si le principe de la créance invoqué ne saurait être sérieusement contestable, il convient en revanche d'infirmer le premier juge en ce que le montant résultant des réparations locatives ne saurait être équivalent à celui du devis communiqué, ce dernier ne tenant pas compte de la vétusté et faisant référence à une remise en état neuf des locaux concernés.



Au vu de ces éléments, seule une valeur de 10% des travaux de réfection avancés est avérée, en dehors des travaux relatifs aux murs extérieurs pour lesquels un montant de 2.000 € sera retenu, du fait des dégradations des bardages suite aux chocs avec les véhicules sur la façade, les tourets de câble et matériels sur le côté gauche, soit la somme de ((33.047,10 € - 7.800 €) / 10 + 2.000 €) 4.524,71 €.



Par conséquent, la Sas Telelec sera condamnée à verser à titre de provision sur les réparations locatives au titre du contrat en date du 1er janvier 2007 à l'égard de la Sci Drakar la somme de 4.524,71 €.



III Sur les demandes annexes.



Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la Sas Telelec succombant au principal à la présente instance, elle supportera la charge des dépens de celle-ci, dont distraction au profit de la Selarl Trassard & associés, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.



En revanche, il sera rappelé, que les dispositions de l'article A444-32 du code de commerce ne prévoient pas de dérogation légale au principe du paiement d'une partie des frais d'exécution forcée par le créancier.



Aussi, ce chef de demande sera rejeté.



En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.



Lors du présent litige, l'équité n'exige pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ce chef de demande sera donc rejeté.





PAR CES MOTIFS :



LA COUR,



REJETTE les conclusions remises par la Sas Telelec au greffe le 19 novembre 2022 ainsi que la pièce n°16 communiquée par cette partie à cette occasion ;



CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 mai 2022, sauf en ce que cette décision a :

- condamné la Sas Telelec à payer à la Sci Drakar la somme de 33.047,10 € à titre de provision sur son préjudice ;



Statuant à nouveau,



CONDAMNE la Sas Telelec à payer à la Sci Drakar la somme de 4.524,71 € à titre de provision sur son préjudice ;



DÉBOUTE les parties de leurs demandes supplémentaires ou contraires ;



y ajoutant,



REJETTE la demande faite par les parties au litige sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



REJETTE la demande faite par la Sci Drakar tendant à déroger aux dispositions de l'article A444-32 du code de commerce ;



CONDAMNE la Sas Telelec aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Trassard & associés, avocat.





Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier, Le Président,

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