31 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.368

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00111

Titres et sommaires

CONTRAVENTION - atteinte au domaine public routier - action publique - prescription - délai

Il résulte des articles 9 du code de procédure pénale, selon lequel en matière de contravention, l'action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise si, dans cet intervalle, il n'a été effectué aucun acte d'instruction ou de poursuite et L. 116-6 du code de la voirie routière, selon lequel l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible, que, si les auteurs ou les personnes civilement responsables peuvent être condamnés à la réparation du dommage causé, quel que soit le temps écoulé depuis le fait constitutif de la contravention de voirie routière, cette contravention se prescrit selon les dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour rejeter l'exception tendant à la prescription de l'action publique, énonce qu'il résulte de l'article L. 116-6 du code de la voirie routière que l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible

Texte de la décision

N° X 22-83.368 F-B

N° 00111


MAS2
31 JANVIER 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2023





La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2021, qui, pour contravention au code de la voirie routière, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [1], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du conseil départemental de La Réunion, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Sur citation directe du conseil départemental de La Réunion, le tribunal de police a condamné la société [1] (la société) à 1 000 euros d'amende avec sursis pour la contravention au code de la voirie routière d'occupation du domaine public routier non autorisée et non conforme à sa destination et a prononcé sur les intérêts civils.

3. La société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors :

« 1°/ que la méconnaissance du principe non bis in idem ne constitue pas une exception de nullité devant être présentée avant toute défense au fond ; qu'elle peut être présentée à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en cause d'appel ; qu'en écartant toute méconnaissance du principe non bis in idem aux motifs que ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance, quand une telle exception pouvait être invoquée à tout moment de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 385 et 522 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'exception prise de la violation du principe non bis in idem est un moyen d'ordre public qui peut être soulevé à tout moment de la procédure en cas de poursuites successives, y compris pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que le principe non bis in idem était méconnu dès lors qu'à la suite de la citation directe délivrée à son encontre et postérieurement au jugement du 12 mars 2021, M. [X] [V], son gérant, avait été convoqué le 28 juillet 2021 à une audience du tribunal de police de Saint-Denis de La Réunion pour avoir, sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à sa destination,

occupé le domaine public routier ou ses dépendances, faits prévus par les articles R. 116-2, 3°, et L. 111-1 du code de la voirie routière et réprimés par l'article R. 116-2 du même code, et pour lesquels la société [1] avait été poursuivie et condamnée en première instance ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, que « cet élément n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté comme ayant dû être soulevé en première instance », quand il pouvait être invoqué à tout moment s'agissant de poursuites successives, la cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles 385 et 522 du code de procédure pénale ;

3°/ que le principe tenant au respect des droits de la défense et le principe de la contradiction supposent de mettre la personne poursuivie à même de présenter ses moyens de défense, et ce de manière utile et adéquate ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que le principe non bis in idem était méconnu dès lors qu'à la suite de la citation directe délivrée à son encontre et postérieurement au jugement du 12 mars 2021, M. [X] [V], son gérant, avait été convoqué le 28 juillet 2021 à une audience du tribunal de police de Saint-Denis de La Réunion pour avoir, sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à sa destination, occupé le domaine public routier ou ses dépendances, faits prévus par les articles R. 116-2, 3°, et L. 111-1 du code de la voirie routière et réprimés par l'article R. 116-2 du même code, et pour lesquels la société [1] avait été poursuivie et condamnée en première instance ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, que « cet élément n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté comme ayant dû être soulevé en première instance », quand la convocation de M. [X] [V] devant le tribunal de police, pour les mêmes faits, était postérieure au jugement du 12 mars 2021 ayant condamné la société [1] et n'avait donc pu être utilement invoquée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 385 et 522 du code de procédure pénale, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Pour écarter le moyen tiré de l'application du principe ne bis in idem, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté.

6. C'est à juste titre que le moyen relève que la cour d'appel ne pouvait opposer à la société la circonstance qu'elle n'avait pas soulevé la violation de ce principe devant le premier juge.



7. En effet, alors que la société invoquait la circonstance que, postérieurement à la citation directe qui lui a été délivrée le 28 juillet 2020 par le conseil départemental de La Réunion, une convocation par officier de police judiciaire a été remise à M. [V] [X], son gérant, le 28 juillet 2021, pour les mêmes faits, il appartenait à la cour d'appel de répondre à ce moyen, que la société ne pouvait présenter devant le tribunal de police, dont le jugement a été rendu avant cette seconde convocation.

8. La Cour de cassation, cependant, a le pouvoir de substituer un motif de pur droit à un motif erroné ou inopérant sur lequel se fonde la décision attaquée et de justifier ainsi ladite décision, dès lors que ledit motif a été mis dans le débat.

9. Elle est en mesure de dire, dans la présente espèce, que le moyen tiré de la violation du principe ne bis in idem n'est pas fondé.

10. En effet, en application des dispositions de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

11. Dès lors, c'est sans méconnaître ce principe que les faits ayant donné lieu aux procès-verbaux relevant des infractions à l'article R. 116-2 du code de la voirie routière, ont pu donner lieu à la citation directe de la société par le conseil départemental de La Réunion devant le tribunal de police et à la convocation de son gérant par officier de police judiciaire devant la même juridiction.

12. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors « que l'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été constatée ; que cette règle de prescription s'applique à l'action publique visant à faire sanctionner pénalement les infractions à la conservation du domaine public routier ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que l'action publique engagée à son encontre, qui visait des faits constatés le 1er juin 2018 et le 7 août 2019, était prescrite à la date de délivrance de la citation directe, soit le 28 juillet 2020 ; qu'en jugeant qu'il résultait de l'article L. 116-6 du code de la voirie routière que l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public est imprescriptible, pour en déduire que l'exception tirée de la prescription de l'action devait être rejetée, quand les dispositions de cet article ne visent que l'action en réparation et non l'action publique consistant à faire sanctionner des infractions à la conservation du domaine public routier, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure pénale ainsi que l'article L. 116-6 du code de la voirie routière. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 9 du code de procédure pénale et L. 116-6 du code de la voirie routière :

14. Selon le premier de ces textes, en matière de contravention, l'action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise si, dans cet intervalle, il n'a été effectué aucun acte d'instruction ou de poursuite.

15. Selon le second, l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible.

16. Il en résulte que, si les auteurs ou les personnes civilement responsables peuvent être condamnés à la réparation du dommage causé, quel que soit le temps écoulé depuis le fait constitutif de la contravention de voirie routière, cette contravention se prescrit selon les dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale.

17. Pour rejeter l'exception tendant à la prescription de l'action publique et confirmer la déclaration de culpabilité de la société, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de l'article L. 116-6 du code de la voirie routière que l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation à intervenir ne concerne que la déclaration de culpabilité pour les faits antérieurs au 28 juillet 2019, susceptibles d'être prescrits en l'absence d'actes interruptifs, la peine et les intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues.







PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 18 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux faits commis par la société [1] avant le 28 juillet 2019 ainsi qu'à la peine et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-trois.

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