27 janvier 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/01840

Pôle 6 - Chambre 12

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 27 Janvier 2023



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/01840 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDG7O



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2020 par le Pole social du TJ de MELUN RG n° 19/00551



APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [K] [M] en vertu d'un pouvoir spécial



INTIME

Monsieur [T] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Karine DROUHIN, avocat au barreau d'ESSONNE



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Gilles BUFFET, Conseiller



Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats





ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.















La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Centre Val de Loire à l'encontre d'un jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Melun, dans un litige l'opposant à M. [T] [X].




FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Il convient de rappeler que M. [T] [X], avocat, a été affilié à la Caisse du régime social des indépendants (RSI) du Centre Val de Loire ; qu'une mise en demeure de payer la somme de 54.825 euros de cotisations, et 4.712 euros de majorations, pour la période "AN 2014 ECH 09/17" lui a été notifiée par l'Urssaf, Centre de recouvrement des cotisations maladie antérieures à 2018, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 juin 2018, présenté le 15 juin 2018, non réclamé par son destinataire ; que, par exploit d'huissier du 26 décembre 2018, l'Urssaf Centre, venant aux droits de la [5], a fait signifier une contrainte du 26 octobre 2018 à M. [T] [X] portant sur ces montants ; que, le 2 janvier 2019, M. [T] [X] a formé opposition contre cette contrainte devant le tribunal de grande instance de Melun ; que, par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Melun a déclaré l'opposition formée par M. [T] [X] recevable, annulé la contrainte délivrée pour un montant de 59.537 euros, condamné l'Urssaf Centre Val de Loire aux dépens, incluant les frais de signification de la contrainte et condamné l'Urssaf Centre Val de Loire à verser à M. [T] [X] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Ce jugement a été notifié à l'Urssaf Centre Val de Loire le 28 décembre 2020, lequel en a interjeté appel par courrier reçu par le greffe le 21 janvier 2021.



Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience et développées oralement par son représentant, l'Urssaf Centre Val de Loire demande à la cour de :

- constater que l'appel interjeté par l'Urssaf Centre Val de Loire est recevable,

- dire l'Urssaf Centre Val de Loire, venant aux droits de la [5], recevable et bien fondée en ses observations,

- infirmer le jugement déféré,

- condamner M. [X] au paiement des sommes de la contrainte du 26 octobre 2018 pour un montant de 54.825 euros en principal et 4.712 euros de majorations de retard, outre les intérêts de retard prévus à l'article D.612-20 du code de la sécurité sociale et édictés à l'article R.243-18 dudit code,

- condamner M. [X] au paiement des frais de signification de la contrainte.



Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience et développées oralement par son conseil, M. [T] [X] demande à la cour de :

-le recevoir en ses écritures et l'y déclarer bien fondé,

A titre principal, l'action en recouvrement étant prescrite, confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

Subsidiairement

- déclarer la contrainte signifiée le 26 décembre 2018 irrégulière,

- annuler, en conséquence, la contrainte,

- condamner l'Urssaf Centre à payer à M. [T] [X] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Urssaf Centre aux entiers dépens.



En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 25 novembre 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.




SUR CE,



La recevabilité de l'opposition de M. [T] [X] n'est pas contestée.



Sur la prescription



Aux termes du jugement déféré, le tribunal a fait application de l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 23 décembre 2011, et retenu que la mise en demeure de l'Urssaf du 5 juin 2018, présentée le 15 juin 2018 et non réclamée par son destinataire, ne pouvait valablement concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles la précédent, soit les cotisations exigibles en 2015, 2016 et 2017, de sorte que cette mise en demeure n'ayant pu interrompre la prescription de l'action en recouvrement des cotisations demandées pour l'année 2014, celle-ci était prescrite et la contrainte devait être annulée.



L'Urssaf Centre Val de Loire oppose que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi 2016-1827 du 23 décembre 2016, en vigueur à compter du 1er janvier 2017, doit recevoir application, de sorte que, s'agissant des cotisations dues pour l'année 2014, la prescription ne pouvait être considérée comme acquise que le 30 juin 2018 ; que la mise en demeure étant antérieure à cette date, la contrainte contestée ne pouvait être annulée pour ce motif.



M. [T] [X] réplique que seules les dispositions de l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 23 décembre 2011 au 1er janvier 2017, pouvaient recevoir application en l'espèce, la loi n'ayant pas d'effet rétroactif, et que la mise en demeure litigieuse ne pouvait donc interrompre la prescription que pour le paiement des cotisations exigibles pour les années 2015, 2016 et 2017, et non celles réclamées pour l'année 2014.



Il résulte de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n°2016-1827, en vigueur du 1er janvier 2017 au 23 décembre 2018, applicable à la mise en demeure litigieuse, que " Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant."



L'article L.244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2017, modifiée par la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016, dispose, en son alinéa 1er, que : "Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues."



L'article 24 IV de la loi n°2016-1827 de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit que l'alinéa 1er de l'article L.244-3 tel que modifié par ce texte, s'applique aux cotisations et contributions sociales au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017.



Aussi, le tribunal ne pouvait faire application de l'article L.244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi du 23 décembre 2016.



S'agissant de cotisations d'assurance maladie obligatoires dues pour l'année 2014 réclamées à M. [T] [X], le délai de prescription de trois ans a donc commencé à courir le 30 juin 2015.



Par conséquent, la mise en demeure du 5 juin 2018, notifiée par courrier recommandé avec avis de réception, présentée par les services postaux le 15 juin 2018, étant intervenue avant le 30 juin 2018, a interrompu la prescription de l'action en recouvrement de l'Urssaf Centre Val de Loire, de sorte que le tribunal ne pouvait considérer son action comme prescrite au jour de signification de la contrainte litigieuse.



Le jugement sera donc infirmé de ce chef.



Sur les autres moyens de contestation de la contrainte



M. [T] [X] soutient que la contrainte est irrégulière, l'Urssaf Centre Val de Loire ne justifiant pas qu'elle détenait les pouvoirs prévus par l'article 16 de la loi du 23 décembre 2016 pour signer la contrainte et "qu'en l'absence de pouvoir conféré par le directeur de l'Acoss et le directeur général national chargé du recouvrement au signataire de la contrainte, dont la signature est illisible, la contrainte doit être annulée".



L'Urssaf Centre Val de Loire réplique qu'elle était compétente pour délivrer la contrainte, exposant que la loi du 23 décembre 2016 a confié la gestion du recouvrement des cotisations d'assurance maladie des professionnels libéraux aux Urssaf à compter du 1er janvier 2018, une convention ayant été signée entre l'ensemble des Urssafs compétentes afin de mutualiser la gestion des arriérés de cotisations maladie,tandis que M. [T] [X] exerçant une activité libérale en Ile de France, son compte maladie était géré auparavant par la [5] Ile de France, de sorte que l'Urssaf Centre Val de Loire était compétente pour recouvrir ses cotisations d'assurance maladie obligatoires antérieures au 1er janvier 2018 et pouvait valablement signer la contrainte objet du litige.



L'article 16 de la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 avait introduit l'article L. 133-1-1.-I du code de la sécurité sociale aux termes duquel le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues à titre personnel, à l'exception de celles mentionnées aux articles L. 642-1 et L. 723-3, par les personnes mentionnées à l'article L. 611-1 relève de la compétence des organismes mentionnés aux articles L. 213-1, L. 225-1, L. 611-4, L. 611-8 et L. 752-4, en application des chapitres III et IV du titre IV du livre II, sous réserve d'adaptations par décret en Conseil d'Etat.



Il s'ensuit donc que le recouvrement des cotisations d'assurance maladie des professionnels libéraux a été confié aux Urssafs.



La contrainte litigieuse concernant le recouvrement de cotisations d'assurance maladie dues au titre des périodes antérieures au 1er janvier 2018, l'appelante justifie (pièce n°8) qu'une convention a été signée entre l'ensemble des Urssafs compétentes "de centralisation de la gestion de l'antériorité de la cotisation d'assurance maladie des professions libérales consécutivement au transfert du recouvrement de cette cotisation aux Urssaf", et qu'elle s'est vue transférer l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant de l'article 16 de la loi n°2016-1827 pour le versement de l'arriéré de cotisations maladie pour les professionnels libéraux qui dépendaient de la [5] Ile de France.



L'Urssaf Centre Val de Loire était donc compétente pour délivrer la contrainte contestée.



Le moyen opposé par M. [T] [X], qui ne conteste pas la qualité du signataire de la contrainte désigné comme directeur ou délégataire de cet organisme, est donc sans portée.



M. [T] [X] soutient que la contrainte serait nulle pour défaut de motivation, ne comprenant que la seule mention "AN 2014 ECH 09/17", de sorte qu'elle était incompréhensible.



L'Urssaf Centre Val de Loire réplique que la contrainte est régulière, celle-ci reprenant les éléments figurant dans la mise en demeure, permettant au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.



Selon l'article R. 133-3 du code de sécurité sociale, si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.



La motivation de la contrainte répond aux mêmes exigences que celles délimitées par la jurisprudence concernant les mises en demeure ; il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. (soc 19 mars 1992, pourvoi n° 88-11.682 , Bull V no 204).



En l'espèce, il est relevé que la contrainte notifiée à M. [T] [X] mentionne qu'elle porte sur ses cotisations d'assurance maladie, l'indication "AN 2014 ECH 09/17" renvoyant, sans ambiguïté, à celles afférentes à l'année 2014 et échues en septembre 2017 ; la contrainte distingue bien le montant des cotisations de 54.825 euros, et celui des majorations pour paiement tardif de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale de 4.712 euros.



Le cotisant ayant donc eu connaissance de la nature, l'étendue et la cause de son obligation, la contrainte est régulière.



M. [T] [X] ne contestant pas enfin son obligation à paiement ni les quantum réclamés, son opposition doit être rejetée. La contrainte délivrée le 26 décembre 2018 sera validée.



Partie succombante, M. [T] [X] sera débouté de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles et condamné aux dépens de première instance, comprenant le coût de signification de la contrainte, et d'appel.





PAR CES MOTIFS





LA COUR,



DECLARE recevable l'appel,



INFIRME le jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Melun sauf en ce qu'il a déclaré M. [T] [X] recevable en son opposition,



Statuant à nouveau,



DECLARE M. [T] [X] mal fondé en son opposition,



VALIDE la contrainte n°18299-3926 du 26 octobre 2018 du directeur de l'Urssaf Centre Val de Loire signifiée à M. [T] [X] le 26 décembre 2018 délivrée pour la somme de 59.537 euros correspondant à 54.825 euros de cotisations, et 4.712 euros de majorations, outre les majorations à échoir,



CONDAMNE M. [T] [X] aux dépens de première instance, comprenant le coût de signification de la contrainte, et d'appel,



DEBOUTE M. [T] [X] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La greffière Le président

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