25 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.169

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00074

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023




Rejet


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 74 F-D

Pourvoi n° V 21-19.169




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
DU 25 JANVIER 2023

La société Apave Sudeurope, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-19.169 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [I] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Apave Sudeurope, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 mai 2021), M. [F] a été engagé par la société Apave Sudeurope suivant contrat de travail du 17 avril 1979 en qualité d'inspecteur adjoint. Il a ensuite été promu aux fonctions d'inspecteur principal.

2. Le 3 octobre 2014, l'employeur a informé le salarié de l'attribution d'un véhicule d'entreprise pour l'exercice de ses fonctions, ce que ce dernier a refusé, considérant qu'elle emportait modification de son contrat de travail.

3. Le 2 juin 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'un rappel de frais kilométriques et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts « en réparation du préjudice subi du fait de la modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail », alors :

« 1°/ qu'à moins qu'elles ne soient contractuellement prévues, les conditions de prise en charge des frais professionnels peuvent être unilatéralement modifiées par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 1 du contrat du salarié « prévoit le recrutement du salarié en qualité d'inspecteur aux mêmes conditions générales du personnel » et qu'au moment de l'embauche, l'entreprise ne possédait pas de parc automobile ; qu'elle en a déduit que ''le contrat stipulait bien, par l'assujettissement aux conditions générales du personnel, le remboursement des frais de déplacement selon des modalités précises'', en sorte que la mise à disposition d'un véhicule de service venant remplacer le remboursement des frais de déplacement du salarié utilisant son véhicule personnel, constituerait une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le contrat prévoyait une modalité spécifique de prise charge des frais de déplacement du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ en retenant, pour dire que l'employeur aurait modifié le contrat de travail du salarié que ''les différents textes conventionnels prévoient que l'employeur rembourse au salarié les frais de déplacement (repas découcher kilomètres)'', sans viser aucun texte, ni s'expliquer sur leur portée s'agissant de la modification contractuelle retenue, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, d'abord, constaté que la lettre d'engagement du salarié du 19 avril 1979 prévoyait le recrutement du salarié en qualité d'inspecteur-adjoint « aux mêmes conditions générales que notre personnel et aux conditions particulières suivantes : inspecteur-adjoint premier échelon au service électrique avec comme lieu de travail Artigues ».

6. Elle a, ensuite, relevé que l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement prévoyait en son article 1.1.1 que ce texte s'appliquait « aux salariés appelés à se déplacer habituellement et pour lesquels la nécessité des déplacements est généralement prévue par le contrat de travail soit explicitement, soit implicitement en raison de la nature du travail ou du poste » et que l'employeur ne contestait nullement que la nature même des fonctions du salarié impliquait pour celui-ci des déplacements professionnels et donc nécessairement l'utilisation par lui de son véhicule personnel.

7. Elle a souverainement retenu que, dans la mesure où la lettre d'engagement renvoyait explicitement aux conditions générales du personnel, le salarié bénéficiait, de par son contrat de travail, d'un remboursement de ses frais de déplacement.

8. Elle a encore constaté que l'employeur, par courrier du 3 octobre 2014, indiquait au salarié qu'à compter de janvier 2015 un véhicule de l'entreprise lui serait attribué pour effectuer ses déplacements professionnels et que cette affectation impliquait qu'il n'avait plus à utiliser son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions et des déplacements y afférents.

9. Elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, qu'impliquant l'annulation et le remplacement de l'indemnité de remboursement des frais de déplacement, cette mise à disposition constituait une modification du contrat de travail dépassant le simple pouvoir de direction de l'employeur.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Apave Sudeurope aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Apave Sudeurope et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Apave Sudeurope

La société APAVE SUDEUROPE fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, de l'AVOIR condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 13.200 € à titre de dommages et intérêts « en réparation du préjudice subi du fait de la modification unilatérale par l'employeur du contrat de travail » ;

1. ALORS QU' à moins qu'elles ne soient contractuellement prévues, les conditions de prise en charge des frais professionnels peuvent être unilatéralement modifiées par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 1 du contrat de Monsieur [F] « prévoit le recrutement du salarié en qualité d'inspecteur aux mêmes conditions générales du personnel » et qu'au moment de l'embauche, l'entreprise ne possédait pas de parc automobile ; qu'elle en a déduit que « le contrat stipulait bien, par l'assujettissement aux conditions générales du personnel, le remboursement des frais de déplacement selon des modalités précises », en sorte que la mise à disposition d'un véhicule de service venant remplacer le remboursement des frais de déplacement du salarié utilisant son véhicule personnel, constituerait une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le contrat prévoyait une modalité spécifique de prise charge des frais de déplacement du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2. ALORS QU'en retenant, pour dire que la société APAVE SUDEUROPE aurait modifié le contrat de travail de Monsieur [F] que « les différents textes conventionnels prévoient que l'employeur rembourse au salarié les frais de déplacement (repas découcher kilomètres) », sans viser aucun texte, ni s'expliquer sur leur portée s'agissant de la modification contractuelle retenue, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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