25 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.985

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00071

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 71 F-D

Pourvoi n° V 21-18.985




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023

1°/ M. [S] [K], domicilié [Adresse 4],

2°/ M. [O] [K], domicilié [Adresse 2],

3°/ Mme [U] [K], domiciliée [Adresse 5],

4°/ M. [L] [D], domicilié [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° V 21-18.985 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [K], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [M] [K], domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de MM. [S] et [O] [K], de Mme [U] [K] et de M. [L] [D], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [K] et de M. [M] [K], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 avril 2021), la société à responsabilité limitée [K] a pour associés MM. [M], [S] et [O] [K], Mme [U] [K] et M. [D], M. [M] [K] en étant le gérant.

2. MM. [S] et [O] [K], Mme [U] [K] et M. [D] (les consorts [K] [D]) ont assigné la société [K] et M. [M] [K] aux fins de voir prononcer la révocation de ce dernier de ses fonctions de gérant et sa condamnation à réintégrer la somme de 858 730 euros au bénéfice distribuable de la société [K].

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts [K] [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de révocation judiciaire de M. [M] [K] de ses fonctions de gérant de la société [K] en raison de ses manquements en application des dispositions de l'article L. 223-25 du code de commerce, alors « que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime ; qu'après avoir constaté l'existence d'irrégularités et d'anomalies imputables à la gestion du gérant de la société [K], M. [M] [K], la cour d'appel a rejeté la demande tendant à sa révocation pour la raison que lesdites irrégularités et anomalies constituent "essentiellement d[es] erreurs qui n'ont pas eu pour conséquence de favoriser un associé ou le dirigeant au détriment des autres associés et que les provisions non justifiées peuvent être régularisées", en quoi elle a ajouté à l'article L. 223-25, alinéa 2, du code de commerce des conditions qu'il ne comporte pas et l'a en conséquence violé. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société [K] et M. [M] [K] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 223-25 du code de commerce :

7. Selon ce texte, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

8. Pour rejeter la demande des consorts [K] [D] de révocation de M. [M] [K] de ses fonctions de gérant, l'arrêt retient que, s'il résulte du rapport d'expertise que des irrégularités et des anomalies ont été constatées sur des postes des comptes de la société [K], l'expert relève qu'il s'agit essentiellement d'erreurs qui n'ont pas eu pour conséquence de favoriser un associé ou le dirigeant au détriment des autres associés et que les provisions non justifiées peuvent être régularisées. L'arrêt en déduit que ces irrégularité sont insuffisantes pour justifier la révocation judiciaire du gérant.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, nonobstant leurs conséquences limitées, les anomalies comptables constatées ne justifiaient pas, en elles-mêmes, la révocation du gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Les consorts [K] [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation de M. [M] [K] à réintégrer au bénéfice distribuable de la société [K], déduction faite de l'impôt sur les sociétés, la somme de 858 730 euros injustement prélevée, alors « que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'après avoir constaté que les consorts [K] [D] démontraient, sur la base du rapport d'expertise judiciaire, qu'il y avait lieu à réintégration des sommes de 13 000 euros, 86 000 euros et 500 000 euros, la cour d'appel retient que les consorts [K] ne produisent pas la preuve que cette régularisation n'est pas intervenue ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la société [K] et à son gérant de démontrer que cette régularisation avait été faite, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

11. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

12. Pour rejeter la demande des consorts [K] [D] de condamnation de M. [M] [K] à réintégrer la somme de 858 730 euros dans le bénéfice distribuable de la société [K], l'arrêt, après avoir relevé qu'il résulte du rapport d'expertise que certaines sommes ont été indûment inscrites comme charges dans les comptes de la société et que la réintégration de ces sommes dans le résultat de cette dernière permettra une éventuelle distribution de bénéfice pour l'ensemble des associés, retient que les consorts [K] [D] ne produisent pas la preuve que cette régularisation n'est pas intervenue.

13. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à M. [M] [K] d'établir que les irrégularités comptables constatées avaient été régularisées, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de MM. [S] et [O] [K], Mme [U] [K] et M. [D] tendant à la révocation de M. [M] [K] de ses fonctions de gérant de la société [K] et à sa condamnation à réintégrer la somme de 858 730 euros dans le bénéfice distribuable de la société [K], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;

Condamne la société [K] et M. [M] [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [K] et M. [M] [K] et les condamne à payer à MM. [S] et [O] [K], Mme [U] [K] et M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour MM. [S] et [O] [K], Mme [U] [K] et M. [L] [D].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande des consorts [K]/[D] de révocation judiciaire de M. [M] [K] de ses fonctions de gérant de la Sarl [K] en raison de ses manquements en application des dispositions de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

ALORS QUE le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime ; qu'après avoir constaté l'existence d'irrégularités et d'anomalies imputables à la gestion du gérant de la Sarl [K], M. [M] [K], la cour d'appel a rejeté la demande tendant à sa révocation pour la raison que lesdites irrégularités et anomalies constituent « essentiellement d[es]erreurs qui n'ont pas eu pour conséquence de favoriser un associé ou le dirigeant au détriment des autres associés et que les provisions non justifiées peuvent être régularisées » (arrêt, p. 7, al. 3), en quoi elle a ajouté à l'article L. 223-25, alinéa 2, du code de commerce des conditions qu'il ne comporte pas et l'a en conséquence violé.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts [K]/[D] de leur demande de condamnation de M. [M] [K], ès-qualités de gérant, à réintégrer au bénéfice distribuable de la sarl [K], déduction faite de l'impôt sur les sociétés, la somme totale de 858.730 euros injustement prélevée ;

ALORS QUE celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'après avoir constaté que les consorts [K]/[D] démontraient sur la base du rapport d'expertise judiciaire qu'il y avait lieu à réintégration des sommes de 13.000 euros, 86.000 euros et 500.000 euros, la cour d'appel retient que les consorts [K] ne produisent pas la preuve que cette régularisation n'est pas intervenue ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la société [K] et à son gérant de démontrer que cette régularisation avait été faite, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil.

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