25 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.939

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00086

Titres et sommaires

IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Inobservation grave et répétée des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement de l'impôt - Plan de règlement - Information préalable - Qualité pour la délivrer - Commission des chefs des services financiers (CCSF)

Il résulte de l'instruction BOI-REC-SOLID-10-10-20, publiée le 12 septembre 2012, que pour un plan de règlement accordé à la société par le comptable ou la commission des chefs des services financiers (CCSF), une mention expresse informe le dirigeant que son inexécution ou le défaut de paiement des taxes courantes pourrait entraîner la mise en oeuvre de l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel énonce qu'en cas d'octroi d'un plan de règlement à une société par la CCSF, cette commission a qualité pour délivrer l'information concernant la mise en oeuvre de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 86 F-B

Pourvoi n° X 20-22.939




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023

M. [H] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-22.939 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ au comptable, responsable du service des impôts des entreprises de Dax, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Landes et du directeur général des finances publiques, domcilié [Adresse 3],

2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I], de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, responsable du service des impôts des entreprises de Dax, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Landes et du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020), le 27 mars 2013, la société Wood Home, dirigée par M. [I], a obtenu de la commission des chefs de services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale (la CCSF) un plan de règlement de ses dettes fiscales. Après paiement d'une première mensualité, la société Wood Home a été mise en redressement judiciaire, le 7 mai 2013, puis en liquidation judiciaire, le 23 avril 2014.

2. Après avoir déclaré ses créances au passif de la procédure collective et obtenu du liquidateur judiciaire la délivrance d'un certificat d'irrécouvrabilité, l'administration fiscale a assigné M. [I], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin d'obtenir sa condamnation solidaire au paiement des impositions dues par la société Wood Home.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'information de la société Wood Home au titre de la mise en œuvre
de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales en cas de non-respect du moratoire, de le déclarer responsable solidairement avec la société Wood Home du paiement de la somme de 184 357 euros et de le condamner en conséquence au paiement de cette somme, alors « qu'en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les contribuables peuvent se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration dans ses instructions ou circulaires publiées ; qu'il résulte du BOI-REC-SOLID-10-10-20, dans sa version applicable à l'espèce, que le comptable public doit informer le dirigeant que sa responsabilité pourra être engagée en cas de non-respect d'un plan de règlement et de non-paiement de l'arriéré ou des taxes courantes ; qu'en l'espèce, M. [I] faisait valoir que, faute de l'avoir informé que sa responsabilité pourrait être engagée en cas de non-respect par la société Wood Home du plan de règlement obtenu auprès de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage, ou de non-paiement de ses taxes courantes, le comptable public n'avait pas respecté la garantie prévue par la doctrine administrative, ce dont il résultait que le comptable public n'était pas recevable à solliciter sa condamnation solidaire au paiement des impôts dus par la société Wood Home ; qu'en rejetant cette fin de non-recevoir au motif que M. [I] avait valablement été informé de la possible mise en œuvre de sa responsabilité solidaire sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales par la décision de la CCSF ayant accordé un plan de règlement à la société Wood Home, cependant que la doctrine administrative énonce qu'une telle information doit être fournie par le comptable public et lui seul, la cour d'appel de Pau a violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article L. 267 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'instruction BOI-REC-SOLID-10-10-20, publiée le 12 septembre 2012, pour un plan de règlement accordé à la société par le comptable ou la CCSF, une mention expresse informe le dirigeant que son inexécution ou le défaut de paiement des taxes courantes pourrait entraîner la mise en œuvre de l'action prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de cette instruction, en vigueur au 27 mars 2013, que lorsqu'un plan de règlement est accordé par la CCSF, l'information que le dirigeant de la société pourra être poursuivi sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales en cas d'inexécution du plan ou de non-paiement des taxes courantes, peut être donnée par la CCSF sous la forme d'une mention expresse figurant dans la décision d'octroi du plan ou dans la lettre notifiant cette décision à son bénéficiaire.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a énoncé qu'en cas d'octroi d'un plan de règlement à une société par la CCSF, cette commission a qualité pour délivrer au contribuable l'information concernant la mise en œuvre de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

8. Le moyen, qui postule le contraire, doit donc être rejeté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [I] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. [I].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Monsieur [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'information de la société WOOD HOME au titre de la mise en oeuvre de l'article L. 267 du LPF en cas de non-respect du moratoire, de l'AVOIR déclaré responsable solidairement avec la société WOOD HOME au paiement de la somme de 184.357 euros, et de l'AVOIR condamné en conséquence au paiement de cette somme ;

ALORS QU' en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les contribuables peuvent se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration dans ses instructions ou circulaires publiées ; qu'il résulte du BOI-REC-SOLID-10-10-20 dans sa version applicable à l'espèce que le comptable public doit informer le dirigeant que sa responsabilité pourra être engagée en cas de non-respect d'un plan de règlement et de non-paiement de l'arriéré ou des taxes courantes ; qu'en l'espèce, Monsieur [I] faisait valoir que, faute de l'avoir informé que sa responsabilité pourrait être engagée en cas de non-respect par la société WOOD HOME du plan de règlement obtenu auprès de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage, ou de non-paiement de ses taxes courantes, le comptable public n'avait pas respecté la garantie prévue par la doctrine administrative, ce dont il résultait que le comptable public n'était pas recevable à solliciter sa condamnation solidaire au paiement des impôts dus par la société WOOD HOME ; qu'en rejetant cette fin de non-recevoir au motif que Monsieur [I] avait valablement été informé de la possible mise en oeuvre de sa responsabilité solidaire sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales par la décision de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage ayant accordé un plan de règlement à la société WOOD HOME, cependant que la doctrine administrative énonce qu'une telle information doit être fournie par le comptable public et lui seul, la cour d'appel de Pau a violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article L. 267 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Monsieur [I] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclaré responsable solidairement avec la société WOOD HOME au paiement de la somme de 184.357 euros, et de l'AVOIR condamné en conséquence au paiement de cette somme ;

1. ALORS QUE la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales est subordonnée à la démonstration de ce que les manoeuvres frauduleuses ou l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales imputées au dirigeant poursuivi ont constitué la cause exclusive de l'impossibilité pour l'administration fiscale de recouvrer la dette fiscale de la société ; qu'il incombe au juge de rechercher les circonstances, autres que le défaut de déclaration et de paiement, en raison desquelles l'inobservation des obligations fiscales de la société a rendu impossible le recouvrement des impositions en cause ; que Monsieur [I] avait expliqué que l'impossibilité dans laquelle s'était trouvée la société WOOD HOME d'honorer ses charges fiscales au titre de l'année 2012 résultait non seulement des difficultés financières engendrées par la baisse de son activité, mais également du fait qu'elle subissait d'importants impayés de la part de sa clientèle ; qu'en jugeant que les manquements graves et répétés à ses obligations fiscales imputés à Monsieur [I], consistant à avoir souscrit sans paiement cinq déclarations de TVA au titre des mois d'août à décembre 2012, constituaient la cause des difficultés de recouvrement par le service de la dette fiscale de la société WOOD HOME, sans rechercher si la circonstance que la société subissait d'importants impayés de la part de sa clientèle n'était pas de nature à exclure la mise en cause de la responsabilité de Monsieur [I] en tant que dirigeant sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition.

2. ALORS QU'en énonçant, pour juger que Monsieur [I] avait obtenu le moratoire du 27 mars 2013 de manière déloyale et qu'il n'était donc pas fondé à s'en prévaloir pour neutraliser l'action en responsabilité solidaire engagée contre lui sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, que lors du dépôt, le 7 décembre 2012, du dossier de la société WOOD HOME auprès de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage en vue de l'obtention d'un plan de règlement de ses dettes fiscales, Monsieur [I] avait passé sous silence la résiliation de la garantie décennale de l'activité de constructeur de maisons individuelles exercée par la société, laquelle lui aurait été notifiée par courrier de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment en date du 11 octobre 2012, sans rechercher s'il ne résultait pas du bilan économique, social et environnemental établi par l'administrateur judiciaire de la SARL WOOD HOME le 28 juin 2013 que seule la garantie financière de l'activité de construction de maisons individuelles avait été résiliée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

3. ALORS QUE pour juger que Monsieur [I] n'était pas fondé à se prévaloir du moratoire obtenu par la société WOOD HOME pour faire obstacle à la mise en cause de sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, la cour a énoncé que Monsieur [I] avait dissimulé, dans son dossier du 7 décembre 2012 sollicitant un moratoire, la résiliation de la garantie décennale de constructeur de maisons individuelles et de la garantie financière délivrée aux sous-traitants, et qu'il avait réitéré cette dissimulation en ne faisant pas état des résiliations dans sa réponse au courrier que lui avait adressé la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage le 4 février 2013 ; qu'en statuant ainsi, cependant que la cour a relevé que ce courrier se bornait à relancer la société sur certains points, c'est-à-dire à solliciter la transmission de ses comptes au 31 décembre 2012, d'un point d'étape concernant la vente du terrain et d'une proposition de garantie sur un bien détenu directement ou indirectement par la société, ce dont il résultait que la commission n'avait aucunement formulé une demande d'actualisation générale de la situation juridique et économique de la société, qui lui aurait imposé de faire état de la résiliation de certaines des garanties qu'elle avait souscrites, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

4. ALORS enfin QU'en retenant, pour juger que Monsieur [I] avait obtenu le moratoire du 27 mars 2013 de manière déloyale et qu'il n'était donc pas fondé à s'en prévaloir pour neutraliser l'action en responsabilité solidaire engagée contre lui sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, que la perte de ses garanties par la société WOOD HOME la condamnait inexorablement à un dépôt de bilan imminent, sans rechercher s'il ne résultait pas du rapport de l'administrateur judiciaire du 25 octobre 2013 que ce professionnel, tout en constatant la perte des garanties financières fin 2012, n'en préconisait pas moins le renouvellement de la période d'observation au regard de l'ensemble de la situation de l'entreprise, et s'il ne se déduisait pas de cette appréciation de l'administrateur judiciaire que la perspective d'un dépôt de bilan imminent dès le début de l'année 2013 n'était pas inéluctable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du LPF.

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