19 janvier 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/21248

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 JANVIER 2023



(n° , 15 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21248 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAI2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/00139





APPELANTE



COSTA CROCIERE SPA , société de droit étranger dont le siège social est sis

[Adresse 13]) ,prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

dont la succursale française est située sise

[Adresse 1]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 9]



Représentée et assistée par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574, substitué à l'audience par Me Julie MANISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574,







INTIMÉS



Monsieur [Y] [O]

[Adresse 12]

[Adresse 7]

[Localité 15]



Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté à l'audience de Me Karène BIJAOUI-CATTAN de la SELARL KBC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque B613





SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée et assisté à l'audience de Me Elisabeth MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0965





SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8],



Représentée par Me Stanislas COMOLET de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P435, substitué à l'audience par Me Frédéric MALAISE, avocat au barreau de PARIS, toque : E490





MUTUELLE DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée et assisté par Me Albert MARUANI BEYARD de l'AARPI MARUANI MAURA DELGOVE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1436









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été plaidée le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA







ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors de la mise à disposition.










***









FAITS et PROCEDURE



Monsieur [Y] [O] et son épouse ont le 8 mars 2014 réservé auprès la SARL VOYAGE REDUC (agence de voyage exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE) une croisière en mer des Caraïbes sur le navire Costa Magica (appartenant à la société de droit italien COSTA CROCIERE SpA), pour un circuit entre [Localité 14] (Guadeloupe) et [Localité 16] (Italie) du 29 mars au 17 avril 2014.



La SA AXA FRANCE est l'assureur de la société VOYAGE REDUC.



Le 29 mars 2014, premier jour de la croisière, alors que le bateau avait quitté [Localité 14] et était en mer, les époux [O] sont après le dîner montés sur le 12ème pont du navire. Monsieur [O] est tombé de l'un des gradins jouxtant le terrain de sport situé sur ce pont.



Les services de sécurité, alertés, sont intervenus et Monsieur [O] a été pris en charge par l'équipe médicale du navire. Une luxation de l'épaule a été diagnostiquée, des injections pratiquées et les époux [O] ont regagné leur cabine vers 2h30 du matin. Une radiographie a été faite lors de l'escale à [Localité 11], en république dominicaine, le 31 mars 2014.



Les époux [O] ont poursuivi leur croisière jusqu'à [Localité 16], où ils sont arrivés le 17 avril 2014.



Monsieur [O] a à son retour à [Localité 15] consulté son médecin traitant, le docteur [X], qui le 23 avril 2014 lui a prescrit une radiographie, laquelle, pratiquée le 29 avril 2015, a révélé une fracture "basi capital associée à un décroché du massif trochitérien millimétrique".



Il a déclaré ce sinistre à son assureur, la SA MAIF.



La MAIF a les 7 mai et 5 juin 2014 adressé deux courriers recommandés à la société VOYAGE REDUC (BSP CROISIERE), sans réponse, puis a par courrier du 27 mars 2015 réclamé la garantie et le versement d'une provision de 3.000 euros à la compagnie AXA FRANCE, assureur de l'agence de voyage.



La compagnie AXA FRANCE a par courrier du 4 juin 2015 répondu qu'une déclaration de sinistre entre les mains de son assurée était nécessaire et a formulé toute réserve quant à sa prise en charge, évoquant une faute de Monsieur [O].



Monsieur [O] a le 27 juillet 2015 été soumis, à la demande de son assureur la MAIF, à l'examen du docteur [B] [M], laquelle a le même jour établi son rapport, fixant la consolidation de l'intéressé au 29 mars 2015 et se prononçant sur les divers chefs de préjudice subis.



Par courrier du 14 septembre 2015, la compagnie AXA FRANCE, assureur de l'agence de voyage VOYAGE REDUC (BSP CROISIERE), a notifié à Monsieur [O] le maintien de sa position et un refus de garantie.



Par courrier du 1er avril 2016, la compagnie AXA FRANCE a demandé à Monsieur [O] de compléter une fiche d'information, "sans préjuger, à ce stade, des garanties accordées et des responsabilités encourues".



N'obtenant pas l'indemnisation de ses préjudices, Monsieur [O] a par actes des 5, 7 et 16 décembre 2016 assigné les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC (BSP CROISIERE), la compagnie AXA FRANCE et la MUTUELLE du MINISTERE de la JUSTICE (MMJ, organisme social dont il dépend) en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.



*



Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 17 octobre 2019, a :



- déclaré opposable "la pièce 16" [sic],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société COSTA CROCIERE,

- déclaré les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC responsables à hauteur de moitié des dommages subis par Monsieur [O] du fait l'accident dont il a été victime le 29 mars 2014,

- condamné in solidum les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE à indemniser Monsieur [O], en deniers ou quittances, des préjudices qu'il a subis, et ce à hauteur de 50%,

- condamné in solidum les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE à payer à Monsieur [O] la somme de 200 euros en remboursement de ses frais de croisière,

- dit que le rapport du docteur [M] est opposable aux parties,

- avant dire droit sur la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [O] et sur l'ensemble des demandes de la MMJ, renvoyé à la mise en état du Pôle de la réparation du préjudice corporel du tribunal,

- rappelé en tant que de besoin qu'il appartient au demandeur de produire la créance définitive de son ou ses organismes payeurs,

- condamné in solidum les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE à payer à Monsieur [O] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés COSTA CROCIERE à payer à la société VOYAGE REDUC la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure [sic],

- réservé les dépens,

- condamné la société COSTA CROCIERE à garantir la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



La société COSTA CROCIERE a par acte du 18 novembre 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant Monsieur [O], la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE et la MMJ devant la Cour.



*



La société COSTA CROCIERE, propriétaire du navire Costa Magica, dans ses dernières conclusions n°5 signifiées le 9 mai 2022, demande à la Cour de :



- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,



Y faisant droit,



- infirmer le jugement en ce qu'il :

. lui a déclaré inapplicable le régime de responsabilité pour faute prouvée et soumis à une prescription biennale mis en 'uvre par le Règlement (CE) n°392/2009 et par les dispositions de la Convention d'Athènes de 1974 qu'il transpose,

. a rejeté la fin de non-recevoir qu'elle oppose,

. l'a déclarée responsable à hauteur de moitié des dommages subis par Monsieur [O] du fait de l'accident en date du 29 mars 2014,

. l'a condamnée :

. in solidum avec la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE à indemniser Monsieur [O] des préjudices qu'il a subis à hauteur de 50% et à payer à ce dernier 200 euros au titre du remboursement de la croisière et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. à payer à [sic, garantir] la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,

. a dit le rapport du docteur [M] opposable aux parties,

. avant dire droit sur la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [O] et sur les demandes de la MMJ, a renvoyé à la mise en état du Pôle de la Réparation du préjudice corporel du tribunal,

. l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter Monsieur [O], la société VOYAGES REDUC et la compagnie AXA FRANCE ainsi que la MMJ de l'ensemble de leurs demandes contraires,



Et statuant à nouveau,



A titre principal,



- déclarer irrecevable, car prescrite à son égard, l'action en indemnisation de Monsieur [O],

- déclarer irrecevables car prescrites les demandes de la MMJ, de la société VOYAGE REDUC et de la compagnie AXA FRANCE à son encontre,



A titre subsidiaire,



- constater qu'aucune faute ne lui est imputable,

- constater que l'accident litigieux est imputable à la seule faute de la victime,



A titre infiniment subsidiaire,



- dire que Monsieur [O] n'établit pas la réalité et le quantum du préjudice qu'il allègue,



En tout état de cause,



- débouter Monsieur [O], la MMJ, la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.



La société VOYAGE REDUC, agence de voyage, dans ses dernières conclusions signifiées le 12 août 2021, demande à la Cour de :



A titre principal,



- réformer le jugement en tant qu'il a limité la responsabilité de Monsieur [O] dans l'accident qu'il a subi à 50% et en conséquence débouter celui-ci de l'ensemble de ses demandes,



A titre subsidiaire,



- confirmer le jugement en ce qu'il a limité le droit à indemnisation de Monsieur [O] au titre des préjudices qu'il a subis à hauteur de 50%,



En toute hypothèse,



- condamner la société COSTA CROCIERE à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par l'arrêt, en principal et au titre des frais de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- confirmer le jugement en tant qu'il a condamné la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant condamner la même société à lui verser la somme de 5.000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d'appel,

- laisser à la charge des autres parties leurs frais irrépétibles et dépens.



La compagnie AXA FRANCE, assureur de la société VOYAGE REDUC, dans ses dernières conclusions signifiées le 14 mai 2020, demande à la Cour de :



- la recevoir et la déclarer bien fondée en son appel incident à l'encontre du jugement,



Et statuant à nouveau,



A titre principal,



- dire que le comportement fautif de Monsieur [O] est exclusif de toute indemnité,

- rejeter en conséquence le recours subrogatoire formulé par la MMJ,

- prononcer en conséquence sa mise hors de cause,

- débouter Monsieur [O] de l'intégralité de ses demandes relatives au remboursement de la croisière,



A titre subsidiaire,



- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société COSTA CROCIERE, jugé que celle-ci a effectué une mission d'organisateur de voyage au sens de l'article L211-16 du code du tourisme, jugé qu'aucune prescription ne saurait être retenue à son endroit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société COSTA CROCIERE à garantir la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE de toute condamnation prononcée à leur encontre.



Monsieur [O], dans ses dernières conclusions n°3 signifiées le 11 octobre 2022, demande à la Cour de :



- le recevoir et déclarer bien-fondé en son appel incident à l'encontre du jugement,



Et statuant à nouveau,



A titre principal,



- juger qu'il n'a commis aucune faute ou imprudence ayant contribué à la réalisation de son sinistre,

- juger que son droit à indemnisation ne peut être réduit de moitié,

- juger que son droit à indemnisation est intégral,

- débouter la société VOYAGE REDUC de sa demande de voir réformer le jugement entrepris et visant à retenir qu'il est exclusivement responsable de l'accident survenu,

- débouter la société VOYAGE REDUC de sa demande visant à réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à lui rembourser 200 euros sur le prix de la croisière,

- débouter la compagnie AXA FRANCE en ce qu'elle sollicite l'infirmation du jugement et qu'il soit déclaré responsable de l'accident et débouté de l'intégralité de ses demandes,



A titre subsidiaire,



- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société COSTA CROCIERE,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société COSTA CROCIERE a réalisé une mission d'organisateur de voyage au sens de l'article L211-16 du code du tourisme,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'aucune prescription ne saurait être retenu à son encontre,



En conséquence et en tout état de cause,



- juger que les sociétés VOYAGE REDUC et COSTA CROCIERE sont responsables de l'accident dont il a été victime le 29 mars 2014 à bord du Corsisa Magica [sic : Costa Magica],

- juger qu'il s'agit d'un forfait touristique,

- juger que les sociétés VOYAGE REDUC et COSTA CROCIERE sont tenues d'une responsabilité de plein droit,

- juger que la compagnie AXA FRANCE, en sa qualité d'assureur de la société VOYAGE REDUC sera tenue à garantie,

- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme de 8.624,93 euros au titre de son préjudice corporel,

- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme de 533 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge,

- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme 2.000 euros au titre de son préjudice moral,

- déclarer la décision à intervenir commune à la MMJ,



Au surplus,



- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme de 1.580 euros au titre des frais de croisière,

- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société VOYAGE REDUC, la compagnie AXA FRANCE son assureur et la société COSTA CROCIERE aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL KBC Avocats (représenté par Maître Karène BIJAOUI-CATTAN).



La MMJ, organisme de sécurité sociale dont dépend Monsieur [O], dans ses dernières conclusions signifiées le 31 juillet 2020, demande à la Cour de :



- la recevoir en ses demandes,

- la dire fondée à exercer son recours subrogatoire à l'encontre des sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et de la compagnie AXA FRANCE, ès qualités d'assureur de cette dernière, pour le recouvrement des frais de santé assumés en raison de l'accident objet du présent litige survenu le 29 mars 2014 et dont a été victime Monsieur [O],

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC,

- dire, statuant à nouveau, que leur responsabilité est pleine et entière,



En conséquence et statuant à nouveau,



- condamner in solidum les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE, ès qualités d'assureur de cette dernière, à lui verser la somme de 940,32 euros selon décompte arrêté au 29 juin 2015, avec intérêt de droit, en raison de l'accident dont a été victime Monsieur [O] et objet du présent litige,

- juger qu'elle se réserve le droit de présenter sa créance relative aux débours ultérieurs et non connus à ce jour,

- condamner in solidum les sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE, ès qualités d'assureur de cette dernière, à lui payer la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



*



La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 12 octobre 2022, l'affaire plaidée le 17 novembre 2022 et mise en délibéré au 19 janvier 2023.




MOTIFS



Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [O]



Les premiers juges ont retenu l'applicabilité du seul code du tourisme aux sociétés VOYAGE REDUC et COSTA CROCIERE et considéré en conséquence que le croisiériste ne pouvait opposer la prescription biennale de l'article 16 de la Convention d'Athènes à l'action en réparation des époux [O].



La société COSTA CROCIERE reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué, estimant que l'ensemble des critères d'applicabilité du règlement (CE) n°392/2009 du 23 avril 2009 et de la convention d'Athènes de 1974 étaient remplis en l'espèce, excluant, pour elle, l'application du code du tourisme. Sur le fondement du règlement européen et de ladite convention, elle soulève la prescription des demandes dirigées contre elle en conséquence de l'accident du 29 mars 2014.



La société VOYAGE REDUC considère quant à elle que le code du tourisme lui est applicable. Si sa responsabilité devait être retenue, elle exerce un recours contre la société COSTA CROCIERE, soutenant que les croisières ne sont pas soumises au règlement européen, n'étant pas un simple transport mais un voyage inclus dans un forfait touristique.



La compagnie AXA FRANCE, assureur de la société VOYAGE REDUC, exerce un recours contre la société COSTA CROCIERE si sa garantie au profit de l'agence de voyage devait être retenue, affirmant également que seul le code du tourisme est applicable à l'armateur, alors responsable de plein droit.



Monsieur [O] applique le code du tourisme aux deux sociétés VOYAGE REDUC et COSTA CROCIERE et estime donc son action en réparation, engagée moins de trois ans après l'accident et son débarquement en Italie, non atteinte par la prescription.



Sur ce,



L'irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).



La société COSTA CROCIERE soulève la prescription de l'action de Monsieur [O] à son encontre sur le fondement de l'article 16 du règlement (CE) n°392/2009, dont l'applicabilité en l'espèce doit donc être préalablement examinée.



1. sur le droit applicable



La convention d'Athènes, relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, a été conclue le 13 décembre 1974 dans le cadre de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) par plusieurs Etats incluant la France, aux fins d'unification des règles nationales applicables en matière de responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident et de réparation des dommages subis par les passagers. Elle a été amendée à Londres selon le protocole du 1er novembre 2002.



Le règlement (CE) 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident, vise à harmoniser les règles concernant la responsabilité et les assurances des compagnies de navigation transportant des passagers en mer et introduit dans le droit européen les dispositions de la convention d'Athènes de 1974 (modifiée par le protocole de Londres de 2002) ainsi que les lignes directrices de l'OMI. L'article 12 du règlement prévoit son entrée en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal Officiel de l'Union européenne, à partir de la date d'entrée en vigueur de la convention d'Athènes pour la Communauté et en tout état de cause au plus tard le 31 décembre 2012. Ledit règlement est donc applicable depuis cette date en France, nonobstant l'absence de toute loi de transposition et d'adhésion à la convention d'Athènes à cette époque.



Il importe en conséquence peu que la France n'ait autorisé l'adhésion de la France à la convention d'Athènes de 1974, telle qu'amendée par le protocole de Londres de 2002, que par la loi n°2016-700 du 30 mai 2016 (article unique) publiée au Journal Officiel par décret n°2017-395 du 10 mai 2017, postérieurement à l'accident dont a été victime Monsieur [O] au mois d'avril 2014. Cette adhésion individuelle a étendu l'applicabilité de la convention d'Athènes aux voyages maritimes nationaux et a permis d'assurer la reconnaissance internationale des certificats d'assurances délivrés par la France, mais cette convention est applicable aux voyages maritimes internationaux depuis la signature du règlement européen de 2009 et son entrée en vigueur en 2012.



Le régime établi par le règlement européen coexiste en conséquence, depuis 2012, avec le régime des dispositions des articles L211-1 et suivants du code du tourisme concernant les agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours, et plus particulièrement le forfait touristique.



Les dispositions des articles L211-1 et suivants du code du tourisme sont certes également issues du droit européen et notamment de la transposition en droit français de la directive n°90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait. Cependant, la hiérarchie des normes et le principe de primauté du droit de l'union européenne, régulièrement rappelé par la Cour de Justice des Communautés européennes (Cour de Justice de l'Union européenne depuis le traité de Lisbonne de 2009) imposent aux juridictions nationales des Etats membres de l'Union européenne d'appliquer le règlement immédiatement applicable et d'écarter les dispositions du code du tourisme incompatibles avec ce règlement.



Or l'article 2 du règlement CE N°392/2009 qui définit son champ d'application énonce qu'il s'applique à tout transport international au sens de l'article 1er, point 9, de la convention d'Athènes ainsi qu'au transport par mer à l'intérieur d'un seul Etat membre à bord de navires des classes A et B au titre de l'article 4 de la directive 98/18/CE lorsque, notamment, le navire bat pavillon d'un Etat membre ou est immatriculé dans celui-ci (a), ce qui est le cas en l'espèce alors que le navire Costa Magica qui a transporté Monsieur [O] appartient à la société COSTA CROCIERE, société de droit italien, et est immatriculé en Italie.



L'article 1er de la convention d'Athènes est relatif aux définitions des termes employés et le point 9 définit le transport international comme tout transport dont le lieu de départ et le lieu de destination sont, selon le contrat de transport, situés dans deux Etats différents ou dans un seul Etat si, selon le contrat de transport ou l'itinéraire prévu, il y a un port d'escale intermédiaire dans un autre Etat. Ainsi, alors que le voyage de Monsieur [O] a démarré au port de [Localité 14] (Guadeloupe, France) pour se terminer à [Localité 16] (Italie), il s'agit bien d'un transport international maritime, soumis aux termes de la convention d'Athènes.



Aucune disposition du règlement européen de 2009 n'exclut les voyages maritimes, ou croisières, de son champ d'application, étant d'ailleurs observé que son article 7 contient une référence explicite à la directive n°90/314/CEE précitée, qui a donné lieu à l'introduction en droit français de dispositions légales relatives au forfait touristique à compter du 1er janvier 2005 dans le code du tourisme dont la partie législative a été instaurée par ordonnance n°2004-1391 du 20 décembre 2004.



C'est donc à tort que les premiers juges ont, pour examiner la responsabilité de la société COSTA CROCIERE, écarté l'application du règlement (CE) 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer au profit du seul code du tourisme et de ses articles L211-1 et suivants.



La société VOYAGE REDUC n'est quant à elle pas un transporteur international par mer, mais une agence de voyage, et a vendu à Monsieur [O] un forfait touristique, point qui n'est contesté d'aucune part. C'est donc à bon droit que l'agence de voyages ne se prévaut pas des dispositions du règlement européen, mais de celles du code du tourisme, et que les premiers juges ont estimé que ces dispositions lui étaient applicables.



2. sur la prescription



L'article 16 de l'annexe 1 au règlement européen (CE) n°392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident, portant dispositions de la convention d'Athènes relatives au transport par mer de passagers et de leurs bagages pertinentes pour l'application dudit règlement, concerne le délai de prescription pour les actions en responsabilité. Il énonce que toute action en réparation du préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager, ou de perte ou de dommages survenus aux bagages, est soumise à une prescription de deux ans. Ce délai de prescription court, dans le cas de lésions corporelles, à partir de la date du débarquement du passager.



Monsieur [O] a été blessé, au cours de sa croisière sur le navire Costa Magica, le 29 mars 2014. Il a poursuivi la croisière jusqu'à son débarquement le 17 avril 2014 dans le port de [Localité 16], ainsi que cela était prévu à son contrat. La prescription de son action en réparation contre la société COSTA CROCIERE était donc acquise depuis le 17 avril 2016, lorsqu'il a par acte du 7 décembre 2016 assigné le propriétaire du navire devant le tribunal de grande instance de Paris.



L'article 14 de l'annexe 1 du règlement européen déjà cité dispose qu'aucune action en responsabilité, en cas de décès ou de lésions corporelles du passager ou de perte ou de dommage survenus aux bagages, ne peut être intentée contre le transporteur substitué autrement que sur la base de la convention. Il apparaît en conséquence que les recours en garantie contre la société COSTA CROCIERE de la société VOYAGE REDUC et de la compagnie AXA FRANCE, qui ne justifient d'aucun acte interruptif de prescription dans les deux années ayant suivi le débarquement de Monsieur [O] à [Localité 16], le 17 avril 2014, sont également prescrits.



*



Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'application du règlement européen dans le cadre de l'action en réparation de Monsieur [O] contre la société COSTA CROCIERE. Statuant à nouveau, la Cour, en application de l'article 16 de l'annexe 1 de ce règlement, déclarera Monsieur [O] qui ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription avant leur assignation du mois de décembre 2016, irrecevable, car prescrit en ses demandes présentées contre la société COSTA CROCIERE.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a appliqué le code du tourisme pour examiner la responsabilité de la société VOYAGE REDUC, fondement sur lequel l'action en réparation de Monsieur [O] n'est pas prescrite et est donc recevable.



La société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE, son assureur, seront en revanche déclarés prescrits en leur action récursoire à l'encontre de la société COSTA CROCIERE, prescrite.



Sur la responsabilité de la société VOYAGE REDUC



Les premiers juges ont, sur le fondement du code du tourisme, retenu la responsabilité de plein droit de la société VOYAGE REDUC (et COSTA CROCIERE) au titre de l'accident dont Monsieur [O] a été victime le 29 mars 2014, mais estimé que l'intéressé avait lui-même commis une faute d'imprudence, cause partielle de son dommage, de sorte que son droit à indemnisation a été réduit de moitié.



La société VOYAGE REDUC critique le jugement, estimant que Monsieur [O] s'était rendu dans un espace interdit, clôturé, signalé, la nuit et qu'il était seul à l'origine de son propre dommage et devait donc être débouté de toute demande présentée contre elle.



La compagnie AXA FRANCE, assureur de la société VOYAGE REDUC, fait de même valoir l'existence d'une faute de Monsieur [O], exclusive de responsabilité de l'agence de voyage.



Monsieur [O] critique également le jugement, considérant de son côté n'avoir commis aucune faute de nature à réduire son droit à indemnisation.



Sur ce,



L'article L211-1 I du code du tourisme, en sa version applicable en l'espèce, à l'époque de la conclusion du contrat et de l'accident (mars 2014), énonce que les dispositions relatives aux agents de voyage et autres opérateurs de la vente de voyages et de séjours s'appliquent également aux opérations de production ou de forfaits touristiques. Elles sont donc applicables à la société VOYAGE REDUC, agence de voyages auprès de laquelle Monsieur [O] et son épouse ont commandé une croisière entre la Guadeloupe et [Localité 16] sur le navire Costa Magica entre les 29 mars et 17 avril 2014, répondant à la définition dudit forfait posée par l'article L211-2 (point II) du même code.



Or il ressort des termes de l'article L211-16 du code du tourisme, en sa version applicable aux faits de l'espèce, que la personne qui vend un forfait touristique est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci, ajoutant qu'elle peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.



La référence à la "bonne" exécution par l'agence de voyages de ses obligations atténue le caractère de plein droit de sa responsabilité. Cette référence n'est plus faite dans le texte tel que modifié ensuite par la loi n°2019-486 du 22 mai 2019.



Monsieur [O] n'évoque pas la mauvaise exécution par la société VOYAGE REDUC des termes de son contrat, laquelle ne pourrait pas concerner les conditions de sécurité sur le navire (qui relèvent de la responsabilité de la société COSTA CROCIERE) et aurait pu, tout au plus en l'espèce, concerner le choix de l'armateur, non remis en cause en l'espèce. Monsieur [O] n'a en tout état de cause pas à démontrer la faute de la société VOYAGE REDUC, responsable de plein droit. Celle-ci peut en revanche apporter la preuve de la propre faute de l'intéressé.



Il n'est justifié d'aucune interdiction d'accéder au 12ème pont du bateau de nuit.



Les photographies versées aux débats par la société COSTA CROCIERE, dont la société VOYAGE REDUC se prévaut, laissent apparaître que le terrain de sport situé sur le 12ème pont du navire Costa Magica est grillagé afin d'empêcher les balles et ballons de sortir du terrain lors de son utilisation, mais sans nécessairement impliquer que celui-ci était fermé à tout accès la nuit. Sur le point et sur ce grillage sont apposées des affiches, rédigées en cinq langues incluant le français, précisant les conditions d'accès au terrain (tenue de sport obligatoire / interdiction d'y fumer, boire ou manger / utilisation du terrain aux risques de l'utilisateur / interdiction d'y pratiquer le football /accompagnement par un adulte des enfants de moins de 16 ans /réservation obligatoire en journée pour moins de 30 minutes). Ces conditions ne concernent que l'accès et l'utilisation du terrain de sport. Or il n'est pas reproché à Monsieur [O] d'y avoir accédé.



L'accident a en effet eu lieu en dehors de ce terrain de sport, sur les gradins le surplombant.



Ces gradins ne sont pas inclus dans le périmètre du grillage enfermant le terrain de sport, et restent donc libres d'accès. Ils permettent certes aux passagers d'assister aux jeux se tenant sur ledit terrain lorsqu'eux-mêmes ne jouent pas, mais rien n'établit qu'ils soient affectés à ce seul usage, pour les seuls spectateurs en journée. Il n'est justifié d'aucune restriction quant à leur utilisation en dehors de tout jeu pratiqué sur le terrain et, notamment, d'aucune interdiction de les emprunter la nuit.



Une imprudence de la part de Monsieur [O] aurait pu être retenue s'il était avéré que le 12ème pont n'était aucunement éclairé la nuit de l'accident, ou l'était insuffisamment pour permettre d'utiliser les gradins en toute sécurité. Mais aucun élément tangible du dossier, probant, n'établit la réalité d'une insuffisance d'éclairage des gradins en cause. Les photographies produites par la société COSTA CROCIERE montrent que le pont était éclairé de nuit, ce que Monsieur [O] ne conteste d'ailleurs pas.



La société VOYAGE REDUC ne rapporte la preuve d'aucune imprudence de Monsieur [O], d'aucun accès de celui-ci à un espace interdit au public ou interdit de nuit, d'aucun manque de vigilance ou de bon sens de sa part.



C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu une faute d'imprudence de Monsieur [O] réduisant de moitié son droit à indemnisation. Le jugement sera infirmé de ce chef et, statuant à nouveau, la Cour dira la société VOYAGE REDUC pleinement responsable, de droit, des dommages subis par l'intéressé du fait de sa chute le 29 mars 2014 sur le pont du navire.



Sur l'indemnisation des préjudices de Monsieur [O]



Les premiers juges ont considéré que le rapport d'expertise communiqué par Monsieur [O], même non contradictoirement établi, avait été soumis à la discussion contradictoire des parties et restait opposable aux parties à l'instance, sans qu'une expertise n'ait à être ordonnée. Ils ont ensuite estimé que Monsieur [O] avait du fait de son accident été privé de certains équipements sportifs du navire, justifiant une indemnité de 400 euros, réduite de moitié, la faute de la victime ayant été retenue par les premiers juges. Ces derniers ont ensuite renvoyé la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [O] à la 19ème chambre du tribunal, compétente en la matière.



Monsieur [O] fonde ses demandes indemnitaires sur un rapport d'expertise médical amiable, soumis à la discussion contradictoire des parties en première instance. Il rappelle cependant ne s'être jamais opposé à aucune mesure d'expertise judiciaire. Il sollicite l'indemnisation de son préjudice corporel à hauteur de 199,95 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire de classe I, de 824,98 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire de classe II, de 3.600 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent de 3% et de 4.000 euros au titre des souffrances endurées. Il fait ensuite valoir une somme de 533 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge et un préjudice moral de 2.000 euros. Il réclame enfin le remboursement du prix de la croisière de 1.580 euros, croisière dont il n'a pu jouir pleinement et dont la poursuite a été décidée par le médecin chef du navire qui n'a proposé aucune autre solution. Il estime que les dommages et intérêts accordés par les premiers juges sont sans aucune mesure avec la réalité de son préjudice.



La société VOYAGE REDUC considère qu'aucune somme ne saurait être allouée à Monsieur [O].



La compagnie AXA FRANCE, assureur de la société VOYAGE REDUC, fait à titre subsidiaire valoir la réduction du droit à indemnisation de Monsieur [O] et s'oppose à sa demande de remboursement, même partiel, du prix de la croisière.



La MMJ, à laquelle Monsieur [O] est adhérent, indique avoir pris en charge, au titre des frais de santé de celui-ci, la somme de 940,32 euros arrêté au 29 juin 2015 et réclame la condamnation in solidum des sociétés COSTA CROCIERE, VOYAGE REDUC et de la compagnie AXA FRANCE au remboursement de ladite somme.



Sur ce,



Monsieur [O] doit être intégralement indemnisé des préjudices qu'il a subis.



1. sur l'opposabilité du rapport d'expertise communiqué par Monsieur [O]



Monsieur [O] verse aux débats le rapport d'examen médical du docteur [M], dressé le 27 juillet 2015 à la demande de la MAIF, assureur de l'intéressé.



Aucun élément de ce rapport ni du dossier ne permet de conclure que le médecin ait invité les représentant des sociétés COSTA CROCIERE et VOYAGE REDUC et leurs assureurs à ses opérations et que ces parties aient pu constater les conditions d'exécution des opérations ni discuter de l'avis du médecin avant même le dépôt de son rapport et éventuellement lui soumettre leur propre avis ou leurs propres éléments.



Le rapport a cependant été régulièrement communiqué en première instance et alors soumis à la discussion contradictoire des parties. Aussi constitue-t-il en l'état une pièce du dossier qu'il n'y a pas lieu d'écarter. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le rapport en cause opposable aux parties.



Il appartiendra aux magistrats chargés de la liquidation du préjudice corporel de dire si ce rapport et les autres éléments produits aux débats par Monsieur [O] (rapport de visite médicale du médecin de bord, factures de soins et de médicaments, compte-rendu de radiographie, etc.) sont suffisants pour établir ses préjudices et les évaluer.



2. sur le remboursement des frais de croisière



Le bon de la commande passée par les époux [O] sur le site www.bsp-croisieres.com fait état d'un prix de 1.774 euros et de déductions diverses (offre spéciale pour une croisière en mars, réduction de la carte Costa, offre Camif, geste commercial, etc.) de sorte que le prix de la croisière a été de 1.220 euros, prix effectivement réglé par l'intéressé et son épouse. Monsieur [O] fait état de frais de croisière à hauteur de 1.580 euros sans expliquer ce à quoi correspond ce prix et de quelles réductions dont il ne pourra plus faire usage il se prévaut.



La croisière de Monsieur [O], prévue pour une durée de 20 jours (19 nuits) à compter du 29 mars 2014, n'a pas été interrompue par l'accident. Monsieur [O] ne justifie pas d'une décision unilatérale du médecin de bord en ce sens, et ne démontre pas avoir lui-même sollicité un rapatriement.



Monsieur [O], blessé à l'épaule, n'a certes pas pu profiter pleinement et sans souci aucun de la croisière. Mais si ses activités sportives ont nécessairement été limitées par sa blessure, il n'est pas établi qu'il n'ait pu profiter du bienfait des piscines (le docteur [M] évoque dans son rapport du 27 juillet 2015, une "autorééducation en piscine ne premier mois lors de la croisière" conseillée par le médecin de bord), des sorties et autres activités proposées sur le navire.



Les souffrances de Monsieur [O] et encore son préjudice moral (voire celui de son épouse) sont en outre et en tout état de cause examinées au titre de la liquidation de son préjudice et ne peuvent entraîner un remboursement, même partiel, du prix de la croisière.



Au vu de ces éléments, les premiers juges ont à juste titre refusé le remboursement intégral d'une somme de 1.580 euros, pas même déboursée par Monsieur [O], mais à tort retenu un préjudice global pour l'intéressé à hauteur de 400 euros (diminué de moitié alors que les premiers juges ont retenu une part de responsabilité de sa part), sans précision sur l'évaluation de ce montant.



Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 200 euros le préjudice financier de Monsieur [O] sur le prix total de la croisière. Statuant à nouveau, la Cour déboutera celui-ci de toute demande en remboursement, total ou partiel, des frais de croisière.



3. sur la liquidation du préjudice corporel



La Cour de céans ne saurait examiner la demande d'indemnisation et de liquidation de son préjudice présentée par Monsieur [O], au titre de laquelle les premiers juges n'ont pas statué, renvoyant cet examen à une autre chambre du tribunal de grande instance de Paris, compétente pour ce faire. Ce point sera confirmé par la Cour.



La créance de la MMJ sera examinée dans ce cadre.



Sur les dépens et frais irrépétibles



Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis à la charge de la société COSTA CROCIERE les dépens et frais irrépétibles de première instance, in solidum avec la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE.



Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant au jugement, la Cour condamnera in solidum la société VOYAGE REDUC et son assureur la compagnie AXA FRANCE, qui seuls succombent en leurs demandes, aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit du conseil de Monsieur [O] qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.



Tenues aux dépens, la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE seront condamnées in solidum à payer la somme équitable de 4.000 euros à Monsieur [O] en indemnisation des frais exposés en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur le même fondement et pour les mêmes motifs, la société VOYAGE REDUC et la compagnie AXA FRANCE seront condamnées in solidum à payer la somme de 2.500 euros à la société COSTA CROCIERE en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS,



La Cour,



Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 octobre 2019 (RG n°17/139),



CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit le rapport d'examen médical de Monsieur [Y] [O] du 27 juillet 2015, établi par le docteur [B] [M], opposable aux parties à l'instance, et a renvoyé la liquidation du préjudice de Monsieur [Y] [O] à la 19ème chambre du tribunal,



INFIRME le jugement pour le surplus,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



DIT le règlement (CE) 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 et la convention d'Athènes du 13 décembre 1974 (telle que modifiée par le protocole de Londres du 1er novembre 2002) applicables à la société de droit italien COSTA CROCIERE SpA, et DIT l'action en réparation de Monsieur [Y] [O] irrecevable, car prescrite à l'encontre de ladite société sur ce fondement,



DIT les actions récursoires de la SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous l'enseigne commerciale BSP CROISIERE, et de la SA AXA FRANCE IARD contre la société de droit italien COSTA CROCIERE SpA, irrecevables, car prescrites,



DIT la SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE, pleinement responsable, de plein droit, sur le fondement de l'article L211-16 du code du tourisme, des dommages subis par Monsieur [Y] [O] du fait de l'accident dont il a été victime le 29 mars 2014,



DEBOUTE Monsieur [Y] [O] de sa demande de remboursement de la croisière effectuée entre le 29 mars et le 17 avril 2014 sur le Navire Costa Magica appartenant à la société de droit italien COSTA CROCIERE SpA,



CONDAMNE la SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE, et son assureur la SA AXA FRANCE IARD à indemniser Monsieur [Y] [O], en deniers ou quittances, de l'entier préjudice subi,



DIT que la liquidation de ce préjudice et la créance de la MUTUELLE du MINISTERE de la JUSTICE seront examinées par la 19ème chambre du tribunal de grande instance de Paris,



CONDAMNE in solidum la SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE, et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL KBC Avocats (Maître Karène BIJAOUI-CATTAN),



CONDAMNE in solidum la SARL VOYAGE REDUC, exerçant sous le nom commercial BSP CROISIERE, et la SA AXA FRANCE IARD à payer la somme de 4.000 euros à Monsieur [Y] [O] et la somme de 2.500 euros à la société de droit italien COSTA CROCIERE SpA en indemnisation de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.









LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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