18 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.581

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00045

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Dessaisissement du débiteur - Appel d'un jugement concernant son patrimoine - Appel formé par le débiteur seul - Irrecevabilité

Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile

PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Fin de non-recevoir soulevée d'office - Application - Entreprise en difficulté - Appel formé par le débiteur contre un jugement concernant son patrimoine

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Dessaisissement du débiteur - Appel d'un jugement concernant son patrimoine - Fin de non-recevoir - Régularisation - Intervention du liquidateur dans le délai d'appel

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 45 F-B

Pourvoi n° U 21-17.581









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JANVIER 2023

La Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (Sagim), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-17.581 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société S21Y, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [C] [W], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bâti GSB, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (Sagim), de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société S21Y, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 mars 2021), le 15 juin 2012, la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim), maître de l'ouvrage, a confié à la société Xavier Laine, entrepreneur principal, le lot relatif à l'isolation thermique d'un chantier de réhabilitation de logements HLM.

2. Par des contrats du 19 mars 2013, l'entrepreneur principal a sous-traité une partie de ce lot à la société Bâti GSB, le paiement du sous-traitant devant être réalisé directement par le maître de l'ouvrage.

3. Après la réalisation des travaux, la société Bâti GSB n'a pu obtenir du maître de l'ouvrage le paiement de ses factures.

4. La société Bâti GSB a assigné la Sagim en paiement de ses factures et en dommages et intérêts pour procédure abusive. Un jugement du 28 juin 2016 a rejeté ces demandes.

5. Mise en liquidation judiciaire le 6 juillet 2016, la société Bâti GSB a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2016.

6. L'affaire a été renvoyée à la mise en état et l'ordonnance de clôture révoquée, en raison de la survenue de la liquidation judiciaire et, par une ordonnance du 24 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté « l'interruption de l'instance » et enjoint aux parties de régulariser la procédure.

7. Le liquidateur de la société Bâti GSB est intervenu volontairement à l'instance.

8. Par une ordonnance du 16 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'incident et au fond signifiées par la Sagim.

Examen du moyen
Enoncé du moyen

9. La Sagim fait grief à l'arrêt, après avoir tenu l'appel pour recevable, de déclarer recevable l'intervention volontaire du liquidateur de la société Bâti GSB, de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 709,57 euros et d'ordonner la capitalisation des intérêts, alors :

« 1°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; qu'en s'abstenant de relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du dessaisissement du débiteur en liquidation et l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ qu'à supposer que l'intervention du liquidateur judiciaire puisse régulariser la procédure initiée par le seul débiteur dessaisi, c'est à la condition que cette intervention intervienne avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en s'abstenant de constater que l'intervention du liquidateur était intervenue dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-9 du code de commerce et 125, alinéa 1, et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

11. Même lorsqu'il est d'ordre public, le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation n'est recevable que s'il résulte d'un fait dont la cour d'appel a été mise à même d'avoir connaissance.

12. Selon les énonciations de l'arrêt, la société débitrice Bâti GSB, après sa mise en liquidation judiciaire, a relevé appel, seule, du jugement entrepris, puis son liquidateur est intervenu volontairement à l'instance d'appel.

13. En l'état des conclusions et pièces soumises à la cour d'appel par le seul liquidateur, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions de la Sagim, entraînant l'irrecevabilité des pièces qu'elle a produites, dont il ne ressortait ni précision ni aucune justification sur la signification du jugement au liquidateur, la cour d'appel n'a pas été mise à même de constater que le délai d'appel avait couru à l'égard du liquidateur et avait expiré à la date de son intervention volontaire.

14. En conséquence, le moyen, pris en sa seconde branche, étant irrecevable, l'intervention du liquidateur à l'instance d'appel a régularisé la fin de non-recevoir affectant l'appel du débiteur.

15. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim) et la condamne à payer à la société S21Y, en qualité de liquidateur de la société Bâti GSB, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (Sagim).

L'arrêt attaqué, critiqué par la SAGIM, encourt la censure ;

EN CE QUE, après avoir tenu l'appel pour recevable, il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Maître [C] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BATI GSB, il a infirmé le jugement du tribunal de commerce d'Alençon du 28 juin 2016, puis il a condamné la SA HLM SAGIM à payer à Maître [C] [W] la somme de 120.709,57 euros et a dit que les intérêts échus produiront intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

ALORS QUE, premièrement, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; qu'en s'abstenant de relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du dessaisissement du débiteur en liquidation et l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du Code de commerce, ensemble l'article 125 al. 1er du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, à supposer que l'intervention du liquidateur judiciaire puisse régulariser la procédure initiée par le seul débiteur dessaisi, c'est à la condition que cette intervention intervienne avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en s'abstenant de constater que l'intervention du liquidateur était intervenue dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-9 du Code de commerce et 125 al. 1er et 126 du code de procédure civile.

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