18 janvier 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/07465

Pôle 1 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 18 JANVIER 2023



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07465 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUR7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/51287





APPELANTES



COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT DELEGATION SPECIALE DES COMITES SOCIAUX ET ECON OMIQUES CENTRAUX DES SOCIETES ENEDIS ET GRDF, dont le siège se situe au siège du Comité Social et Economique Central de la société GRDF - [Adresse 4] pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté par Me Fabrice FÉVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P126





FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE C.G.T - FNME. - CGT prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté par Me Fabrice FÉVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P126







INTIMÉES



S.A. ENEDIS prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

N° SIRET : 444 60 8 4 42

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : T03



S.A. GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF) prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

N° SIRET : 444 78 6 5 11

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : T03



SYNDICAT FEDERATION CFE-CGC ENERGIES pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assisté par Me François LEGRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0926





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président

Patricia LEFEVRE, conseillère



Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




******

La société Enedis (anciennement Electricité réseau distribution France - ERDF) est une filiale à 100% de la société EDF. Elle exploite et gère le système de distribution d'électricité français et permet aux consommateurs l'accès au réseau des fournisseurs. Elle compte plus de 38 500 salariés et dispose pour la représentation de son personnel d'un comité social et économique central (CSE-C) et de 27 comités sociaux et économiques (CSE-E).



La société Gaz réseau distribution France (ci-après la société GRDF) est une filiale à 100 % de la société Engie. Elle assure l'acheminement du gaz naturel vers 11 millions de clients répartis dans plus de 9 500 communes. Elle compte plus de 11 000 salariés et dispose pour la représentation de son personnel d'un comité social et économique central (CSE-C), de sept comités sociaux et économiques d'établissement (CSE-E) soit six CSE-E régionaux pour les directions réseaux (DR) et les directions Client territoire (DCT) et un CSE-E pour le siège et les fonctions centrales.



Les sociétés ERDF et GRDF ont été créées, le 1er janvier 2008, pour se conformer à l'exigence posée par l'article 23 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 de séparer les activités de distribution d'énergie des activités de production, transport et commercialisation tant du gaz que de l'électricité.



Le 23 juillet 2010 les sociétés GRDF et ERDF, conduites à renégocier l'ensemble des accords collectifs antérieurement applicables, ont conclu, chacune et dans des termes strictement identiques, avec les organisations syndicales un accord sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations au sein de chacune des deux structures.



À l'exception des salariés des établissements des fonctions centrales de direction d'Enedis et des fonctions centrales de direction de GRDF, le personnel de ces deux sociétés appartient à un service commun, institué par l'article 2 de la loi précitée du 9 août 2004, codifié à l'article L.111-71 du code de l'énergie. Ce service commun, qui couvre tout le territoire national, est constitué de :

- 25 directions régionales d'Enedis, chargées du réseau de distribution électrique ;

- 6 directions réseaux et directions clients territoires de GRDF, chargées du réseau de distribution gaz ;

- 4 unités opérationnelles nationales Enedis-GRDF, chargées du domaine logistique et des fonctions transversales du service commun (entités mixtes), dont les salariés ont deux employeurs, Enedis et GRDF.



Ces unités opérationnelles nationales regroupent environ 2560 salariés et sont au nombre de quatre :

- l'unité opérationnelle nationale ressources humaines (RH) et médico-social ;

- l'unité opérationnelle nationale logistique Serval ;

- l'unité opérationnelle nationale comptable ;

- l'unité opérationnelle nationale informatique et télécommunications.

Les questions intéressant ces services communs sont, en application de l'article R 713-14 du code du travail, de la compétence de la délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux des sociétés Enedis et GRDF.



Les deux opérateurs ont lancé des projets visant à assurer un 'démixtage' de leurs activités

opérationnelles communes. Ainsi à compter du 1er janvier 2018, il a été mis fin aux activités mixtes (gaz et l'électricité) pour les employés jusqu'alors affectés aux unités client fournisseur du Service commun des deux entreprises et à compter du 1er janvier 2019, certaines activités supports et logistiques communes ont été transférées vers les fonctions centrales des entreprises.



En juillet 2021, les sociétés Enedis et GRDF ont initié l'étude du projet Transformation des activités communes et elles ont présenté le calendrier envisagé à l'issue de la concertation sociale.



Le 16 novembre 2021, elles ont communiqué aux représentants du personnel de la délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux Enedis et GRDF, en vue d'une première réunion prévue le 30 novembre 2021, un document présentant le projet de 'transformation des activités communes-évolution des unités opérationnelles nationales' (ci-après projet TAC) visant ces quatre unités à l'exception des services de médecine conseil, médecine du travail et gestion des centres d'action sociale dépendant de l'unité opérationnelle RH et médico-sociale.



A l'issue de sa réunion du 30 novembre 2021, la Délégation spéciale a adopté une délibération aux termes de laquelle les élus ont demandé des informations complémentaires sur plusieurs sujets (notamment la répartition de la charge de travail des équipes concernées, les projections dans les futures organisations sur la base de la clé de mixité, les modalités de recueil des choix et la situation des salariés en équipes constituées, le sort des instances représentatives du personnel, les conséquences en termes de mobilité géographique et fonctionnelle, les conséquences économiques et financières) et ont décidé de recourir au Cabinet Acante, ce cabinet d'expertise devant les éclairer sur les modifications des conditions de travail, les impacts sur les futurs emplois, les risques psychosociaux et les conséquences environnementales liées au projet.



L'expert dont la lettre de mission initiale en date du 13 décembre 2021 a été mise à jour, le 10 janvier 2022 a adressé, le 3 février 2022, aux membres élus de la Délégation spéciale une note intermédiaire visant ce qu'il considérait comme un manque d'information (sur les charges de travail, la réalité de la mixité, la notion d'équipe constituée, l'organisation cible) avant d'adresser, aux directions des entreprises, le 7 février suivant, un rapport provisoire.



Les membres de la délégation spéciale ont été convoqués à une nouvelle réunion prévue le 17 février 2022 avec pour ordre du jour, la restitution de l'expertise menée par le cabinet Acante et le recueil de l'avis de la Délégation spéciale sur le projet TAC.



La délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux des sociétés Enedis et GRDF s'est réunie le 17 février 2022 et la séance suspendue à 18h26 a été reprise, le 21 février suivant. A l'issue de cette ultime réunion, les élus ont voté une délibération concluant que face à l'insuffisance flagrante de l'information transmise à la Délégation spéciale sur le projet TAC évolution des UON, il lui est impossible de rendre un avis et confirmant son intention de mettre en oeuvre les mesures nécessaires, en ce compris l'action judiciaire, pour faire respecter sa délibération. Compte tenu de ce vote, le président de séance, M. [M] directeur des ressources humaines de GRDF a précisé, qu'à défaut d'avis explicite et compte tenu de l'expiration du délai de consultation, il considérait que la Délégation spéciale avait émis un avis négatif et il a clos la séance.



C'est dans ce contexte qu'entre la convocation des membres de la Délégation spéciale et sa première réunion, la délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux des sociétés Enedis et GRDF et la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) dûment autorisées par une ordonnance du 11 février 2022, ont, par acte extra-judiciaire du 14 février 2022, fait assigner à jour fixe les sociétés Enedis et GRDF devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond, afin principalement, au constat que la délégation spéciale ne dispose pas des informations suffisantes pour émettre un avis éclairé sur le projet présenté de transformation des activités communes, qu'il soit enjoint aux sociétés Enedis et GRDF de transmettre à la délégation spéciale les éléments d'information écrits et précis sur huit points (la teneur de future décision unilatérale conjointe des deux distributeurs, l'état des effectifs au 31 décembre 2021, la notion d'équipe constituée, les mobilités fonctionnelles et/ou géographiques, l'impact environnemental), sollicitant la prolongation du délai de consultation de la délégation spéciale pour une durée de trois mois à compter de la remise de I'intégralité des éléments d'information dont la communication sera ordonnée et qu'il soit, sous astreinte, interdit ou fait interdiction aux sociétés Enedis et GRDF de mettre en 'uvre le projet tant que la délégation spéciale n'aura pas été régulièrement informée et consultée.



Par jugement contradictoire rendu le 21 avril 2022 selon la procédure accélérée au fond, le juge du tribunal judiciaire de Paris, a débouté les sociétés Enedis et GRDF de leurs demandes d'irrecevabilité, a débouté la fédération FNME-CGT et la fédération CFE-CGC Énergies (intervenante volontaire) de l'intégralité de leurs demandes et a condamné la délégation spéciale à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la FNME CGT à payer à chacune de ces sociétés, la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, les deux demanderesses étant condamnées avec la Fédération CFE-CGC Énergies aux dépens.



Le 27 avril 2022, la délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux des sociétés Enedis et GRDF et la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) ont relevé appel de cette décision, dans ses dispositions qui rejetent leurs demandes, entrant en voie de condamnation à leur encontre et relative aux dépens, intimant les sociétés Enedis et GRDF ainsi que la fédération CFE CGC Energies.



Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la délégation spéciale et la fédération FNME-CGT demandent à la cour, au visa des articles L.2312-15, L.2312-8, L.2312-9 et L.2312-12 du code du travail, et de l'article 481-1 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ces dispositions qu'elles rappellent, et statuant à nouveau,

- les déclarer recevables et bien fondées en leur action et en leur appel ;

- juger que la délégation spéciale ne dispose pas des informations suffisantes pour émettre un avis éclairé sur le projet TAC et en conséquence,

- enjoindre aux sociétés Enedis et GRDF de transmettre à la Délégation spéciale les éléments d'information écrits et précis sur les points/questions suivants, dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 5000 euros par jour de retard et par information manquante :

- la teneur de la future décision unilatérale conjointe des deux distributeurs qui déterminera et précisera les mesures d'accompagnement envisagées dans le cadre de l'application et la précision des principes et mesures des accords de réorganisation du 23 juillet 2010,

- l'état des effectifs au 31 décembre 2021 avec la précision des postes vacants, des postes tenus par des intérimaires ou des alternants, des salariés sans poste/affectation (nombre et répartition chez chaque distributeur), le nombre de missions confiées à des prestataires,

- présentation de la mixité des activités : présenter pour chaque UON et chacun de leurs services la mixité des activités et équipes concernées en précisant la nature de la mixité prise en compte pour la future répartition des activités (mixité de l'activité, des agences, équipes ou des salariés),

- état des lieux et évaluation des charges de travail par activités qui seront réparties (avec l'identification des surcharges ou sous-charge de travail), avec notamment la charge des activités réalisées pour les UON,

- sur la notion d'équipe constituée et ses conséquences :

- la précision des modalités, des critères retenus et des raisons de cette qualification pour chaque équipe constituée notamment pour celles ainsi qualifiées en raison d'une spécialisation cible,

- personnes et moyens d'exploitation corporels et/ou incorporels,

- activité propre et dissociable,

- son objectif économique propre et autonomie fonctionnelle,

- sur la construction et l'application de clé(s) de mixité :

- présentation et explication du périmètre fonctionnel et des territoires d'application des clés de mixité et transmission des agences/ équipes/salariés concernés par l'application de ces clés de répartition,

- modalités et éléments de construction de ces clés de mixité pour chaque unité opérationnelle nationale,

- modalités précises et concrètes d'application des clés de mixité,

- application aux détachés syndicaux, les détachés sociaux et les Mis à Disposition (MAD) des activités sociales,

- sur les mobilités fonctionnelles et/ou géographiques :

- nombre de salariés amenés à changer de métier et/ou activité, et nature des changements et des postes proposés, teneur des mesures d'accompagnement proposées,

- nombre de salariés amenés à changer de lieu de travail, et nature des changements et mesures d'accompagnement proposées,

- sur l'impact environnemental du projet TAC Évolution des unités opérationnelles nationales :

- transmission et présentation des données relatives aux conséquences environnementales des déménagements et allongements de temps de trajets des salariés concernés, notamment avec l'évaluation des conséquences sur l'empreinte carbone et les éventuels travaux nécessaires pour les nouveaux sites de travail,

- transmission et présentation des données relatives aux conséquences environnementales des flux actuels logistiques, et de ceux évalués au regard de la future organisation des plate-forme Enedis et GRDF envisagées (10 plate-formes pour Enedis, 1 plate-forme pour GRDF)

-analyse économique et financière de l'impact du démixtage côté Enedis et GRDF :

gain escompté du projet, investissement immobilier et SI etc..,



- prolonger le délai de consultation de la délégation spéciale de trois mois courant à compter de la remise de l'intégralité des éléments d'information dont la remise a été ordonnée par la décision à intervenir ;

- suspendre et/ou faire interdiction aux société Enedis et GRDF de mettre en 'uvre le projet « transformation des activités communes - évolution des Unités Opérationnelles nationales », et tout acte subséquent, tant que la délégation spéciale n'aura pas été régulièrement informée et consultée, et ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée ;

- se réserver la possibilité de liquider lesdites astreintes ;

- condamner les sociétés Enedis et GRDF à verser à la fédération FNME-CGT la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;

- débouter les parties de toutes demandes qui pourraient être dirigées contre elles ;

- condamner les sociétés Enedis et GRDF à verser à la délégation spéciale la somme de 8 000 euros, et à la fédération FNME-CGT celle de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel comprenant notamment les frais de signification de la décision à intervenir, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des prétentions et des moyens développés, la fédération CFE CGC énergies demande à la cour, au visa des articles L.2132-3, L.2312-8 et suivants du code du travail, d'infirmer le jugement dans ses dispositions rejetant les demandes de la délégation spéciale et de la fédération CFE CGC Energies et les condamnant au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnant au côté des demanderesses aux dépens et statuant à nouveau, de faire droit aux demandes des appelantes et plus précisément, d'enjoindre aux sociétés intimées de transmettre à la délégation spéciale les éléments écrits sollicités s'agissant de la teneur de la future décision unilatérale conjointe des deux distributeurs, l'état des effectifs au 31 décembre 2021, la présentation de la mixité des activités, la notion d'équipe constituée et ses conséquences, la construction et l'application de clé(s) de mixité, les mobilités fonctionnelles et/ou géographiques ainsi que sur l'impact environnemental du projet TAC. Elle sollicite également qu'il soit fait droit aux demandes de prolongation du délai de consultation, et de suspension ou d'interdiction de mettre en oeuvre ce projet tant que la délégation spéciale n'aura pas été régulièrement informée et consultée, le tout sous les astreintes sollicitées dont la cour se réservera la liquidation.

Elle réclame également la condamnation des sociétés Enedis et GRDF à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.



Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, les sociétés Enedis et GRDF demandent à la cour, au visa de l'article L.2312-15 code du travail, de confirmer le jugement entrepris et en conséquence de débouter la délégation spéciale, la fédération FNME-CGT et la fédération CFE CGC Energies de leurs demandes et à titre subsidiaire, s'il était fait droit à tout ou partie des demandes de communication et à la demande de prorogation du délai, de proroger le délai de consultation d'un mois et de rejeter la demande d'astreinte, sollicitant en tout état de cause, la condamnation des appelantes et de la fédération CFE CGC Energies à lui payer la somme de 3.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.






SUR CE, LA COUR



En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'effet dévolutif est attaché à l'acte d'appel qui en délimite l'objet en énonçant les chefs du jugement critiqués. Il s'ensuit que la délégation spéciale et la fédération FNME-CGT ne peuvent, par leurs écritures étendre leur critique au chef non critiqué dans leurs déclarations d'appel soit le rejet des fins de non-recevoir soutenues par les sociétés Enedis et GRDF qui ne le remettent pas en cause.



La délégation spéciale et la fédération FNME-CGT procèdent à de longs développements sur l'office du juge qu'aurait méconnu le premier juge en jugeant que la demande de suspension du projet ne pouvait qu'être rejetée quel que soit le mérite de la demande de communication d'information. Au visa de l'article L 2315-12 du code du travail, lu avec l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui consacre un effet utile à la consultation des organes représentatifs des travailleurs, elles affirment, ainsi que le juge d'ailleurs la Cour de cassation, que dans l'hypothèse d'une consultation du comité social et économique par l'employeur en méconnaissance de ses obligations légales, le juge des référés peut ordonner la suspension du projet de décision concerné dans l'attente de la conduite régulière du processus d'information et de consultation de l'organisme, et ce afin d'assurer à celui-ci un effet utile. Elles avancent que toute demande connexe (en l'espèce, la suspension ou l'interdiction sollicitée), c'est-à-dire fondée sur les mêmes faits ou dérivant de la même situation juridique (la communication d'information) peut être présentée devant la juridiction spécialement compétente pour connaître de cette situation juridique.



Elles contestent que leurs demandes soient dépourvues d'objet, seule la délégation spéciale ayant le pouvoir de se prononcer sur le projet litigieux qui intéresse les services communs aux deux entreprises.



Elles insistent ensuite sur la nécessité d'une information loyale et complète de la délégation spéciale, sur l'ensemble des questions soulevées par ses membres élus dès la première réunion du 30 novembre 2021 afin qu'ils puissent émettre un avis éclairé. Elles ajoutent que les arrêts de cette cour du 27 octobre 2022, qui contraignent chacune des entreprises à appliquer leur accord collectif du 23 juillet 2010 à l'ensemble des salariés des unités opérationnelles nationales concernées induit une profonde modification du projet. Elles contestent que la transmission d'information à l'expert mandaté par la délégation spéciale puisse suppléer à l'information due à l'organe représentatif, relèvent que le tribunal a ignoré l'avis de l'expert, puis elles analysent la liste des fichiers transmis à l'expert pour affirmer que l'information donnée sur le projet reste insuffisante et ne répond pas aux interrogations essentielles des élus, ainsi que l'a d'ailleurs constaté l'expert, puis elles reprennent une à une leurs prétentions.



La fédération FNME-CGT fait valoir qu'il y a une atteinte aux prérogatives des institutions représentatives du personnel et en déduit qu'elle est fondée à agir. Reprenant l'argumentation des appelantes, elle soutient que le tribunal a méconnu les prérogatives de l'instance représentative du personnel qui est en droit d'obtenir des informations précises afin d'émettre un avis éclairé. Elles ajoutent que les entreprises se sont défendues de ne pas avoir fourni certaines informations à la délégation spéciale sous prétexte qu'elles devraient intervenir au stade de la consultation des comités sociaux et économiques des sociétés, ce qui est inopérant et qui de surcroît n'a pas été fait.



A titre liminaire, la société Enedis et la société GRDF contestent que les arrêts du 27 octobre 2022 leur imposent de présenter un nouveau projet et donc de mettre en oeuvre une nouvelle concertation. Elles prétendent en premier lieu, qu'ayant accepté de réitérer le processus d'information au niveau de leurs comités sociaux et économiques centraux, qui ont émis un avis négatif, les 19 mai (Enedis) et 8 septembre 2022 (GRDF), les demandes des appelantes sont désormais sans objet. Elles soutiennent également qu'elles ne sont pas fondées, dans la mesure où les conditions devant être remplies pour obtenir la prolongation du délai de consultation de la délégation spéciale ne sont pas réunies, faute de démonstration de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé. Elles analysent la mission de l'expert et au constat qu'elle est de faciliter la compréhension d'un projet ou d'un sujet par les élus, en déduit que les éléments transmis à l'expert sont une des sources d'information du CSE et participent à l'effet utile de la consultation du comité en permettant à ce dernier d'être éclairé par l'apport d'un savoir technique avant de rendre son avis. Elles soutiennent que ni la délégation spéciale, ni l'expert n'ont tenté d'obtenir des informations qu'ils estiment désormais absolument utiles à la formulation d'un avis ; qu'elles ont transmis aux élus une documentation précise et complète, dès le lancement de la procédure d'information-consultation sur le projet TAC et qu'elles ont ensuite répondu à toutes leurs interrogations, de sorte qu'elles ont respecté leurs obligations en matière d'information-consultation de l'instance.



L'article L 2312-15 du code du travail dispose : le comité social et économique émet des avis et des v'ux dans l'exercice de ses attributions consultatives.

Il dispose à cette fin d'un délai d'examen suffisant et d'informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l'employeur, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations.

Il a également accès à l'information utile détenue par les administrations publiques et les organismes agissant pour leur compte, conformément aux dispositions légales relatives à l'accès aux documents administratifs.

Le comité peut, s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants.

Cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité, le juge peut décider la prolongation du délai prévu au deuxième alinéa.

L'employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et v'ux du comité.



En application de l'article R 713-14 du code du travail dans les entreprises disposant de services communs en application de l'article 5 de la loi du 8 avril 1946, un nombre de sièges qui tient compte de l'importance de l'effectif de ces services rapporté à l'effectif total de l'entreprise doit être réservé à des représentants de ces services communs au sein de chacun des comités centraux des dites entreprises (...) Pour l'examen des questions intéressant spécifiquement des services communs visés à l'alinéa précédent, les attributions du comité central d'entreprise sont exercées par une délégation spéciale représentant les deux comités centraux concernés. Cette délégation est composée de l'ensemble des membres des dits comités issus des services communs. Elle est présidée par un directeur responsable désigné par accord entre les présidents des comités centraux d'entreprise.



Ces textes imposent l'examen du projet de transformation des activités communes-évolution des unités opérationnelles nationales par la délégation spéciale, seule compétente pour se prononcer sur celui-ci. L'émission d'un avis des comités centraux d'entreprise sur ce projet ne saurait par conséquent, se substituer à celui de la délégation spéciale.



Il convient de relever que les comités centraux de chacune des entreprises concernées devaient également se prononcer sur le projet TAC, ainsi que le rappelait d'ailleurs un des intervenants assistant le directeur RH de GRDF qui présidait la séance du 30 novembre 2021 (§ 730 pièce appelantes N°7), lorsqu'il a précisé le périmètre des consultations des différentes institutions représentatives. Les dossiers d'information remis à ces comités centraux (pièces 17 et 18 des entreprises), d'ailleurs postérieurement à l'expiration du délai de consultation, reprennent cette limite puisqu'il est écrit que les éléments présentés dans le présent dossier sont circonscrits au périmètre du CSE-C (d'Enedis ou de GRDF) qui est compétent en matière d'impact pour (Enedis ou GRDF) de l'évolution des 4 Unités Opérationnelles Nationales.



Il s'ensuit que non seulement les dispositions légales et réglementaires excluent que les sociétés intimées puissent se prévaloir des avis, concertations et consultations intervenues au sein de chacune des entreprises et des informations communiquées dans le cadre des CSE-C mais que ces consultations ont été limitées à l'impact au sein des services de chacune des sociétés du transfert des activités jusqu'alors confiées au service commun.



Le premier moyen soutenu par les sociétés Enedis et GRDF n'est pas pertinent et elles ne peuvent pas plus arguer que le fait d'avoir associé les organisations syndicales au processus contribue nécessairement à l'information des élus.



Les sociétés Enedis et GRDF écartent toutes difficultés particulières d'accès à l'information nécessaires à la formulation d'un avis motivé, au motif que le délai de consultation a été prorogé à deux reprises (au 17 février puis au 21 février), qu'elles ont transmis toutes les informations utiles et sollicitées afférentes au projet, en lien avec les prérogatives de la délégation spéciale et qu'elles ont répondu aux interrogations que ce soit de l'expert ou des membres de l'instance représentative du personnel. Lorsqu'elles reprennent de manière synthétique chacune les prétentions des appelantes pour les confronter à l'information donnée (pages 73 et 74 de leurs conclusions), les entreprises se réfèrent entre autres pièces, à la liste des documents transmise à l'expert, le 8 décembre 2021.



Il ressort de l'article L 2312-15 du code du travail qu'il appartient à l'employeur de déterminer les informations nécessaires au comité et si ce dernier peut exiger d'avoir connaissance de documents, lorsque celle-ci conditionne le bon déroulement de la consultation, l'employeur n'est pas tenu de satisfaire à toutes les demandes d'information ou de production de documents formulées par le comité d'entreprise, mais simplement de fournir à celui-ci des informations précises et suffisantes pour lui permettre d'apprécier correctement la portée et la viabilité du projet qui lui est soumis et de donner un avis éclairé. S'il est indéniable que le rapport de l'expert désigné par l'institution représentative participe à son information sur les points inclus dans sa mission et l'analyse qu'il fait de la documentation qui lui a été remise, il n'appartient pas à l'expert de procéder à la communication à l'institution représentative des pièces qui lui ont été remises par les employeurs. Il est d'ailleurs aux termes de sa lette de mission (pièce 10 Enedis-Grdf) tenu au strict respect du principe de confidentialité concernant l'ensemble de sa mission qu'il s'agisse des documents transmis et des propos tenus au cours de tous les entretiens. Le Cabinet Acante a d'ailleurs rappelé ce principe lors de la réunion du 17 février 2022.



En revanche, la cour ne peut pas suivre les appelantes lorsqu'elles affirment qu'il importe de soumettre à l'information et à la consultation de la délégation spéciale les modifications importantes induites par les arrêts rendus par la cour de ce siège le 27 octobre 2022 dans deux instances introduites le 5 janvier 2022. En effet, aux termes de ces arrêts, les accords collectifs du 23 juillet 2010 (dans leur volet accompagnement des réorganisations) s'appliquent à l'ensemble des salariés concernés par le projet et non, comme prévu à l'article 8-1-3-3 du projet transmis à la Délégation spéciale, aux seuls salariés dont l'équipe actuelle n'est pas maintenue. En effet, les appelantes prétendent voir poursuivi le processus de consultation entamé sur la base du projet présenté et discuté le 30 novembre 2021 et non à voir initier une nouvelle consultation sur un projet comportant des modifications, selon elles substantielles, ce qui excéderait d'ailleurs les pouvoirs du juge saisi en application de l'article L 2312-15 du code du travail.



S'agissant de l'insuffisance alléguée de l'information donnée, la délégation spéciale et la fédération FNME-CGT mettent en exergue l'absence de tout élément de présentation des mesures d'accompagnement social envisagées par les deux entreprises dans leur future décision unilatérale conjointe prise en application des accords collectifs du 23 juillet 2010.



Dans le document de présentation remis à la délégation spéciale, les entreprises ont confirmé leur volonté de prendre une décision conjointe déterminant les mesures d'accompagnement social et financier en application des accords collectifs conclus le 23 juillet 2010. L'annexe 3 du dossier de présentation du projet TAC intitulé ' principales mesures RH des accords de réorganisation du 23 juillet 2010 " contient l'énonciation des mesures (désignation d'un coordinateur, information collective des salariés, accompagnement individuel, découverte du nouveau contexte professionnel, professionnalisation et indemnisation des changements de lieu de travail et prime à la mobilité) parmi celles prévues aux dits accords qui ont vocation à être mises en oeuvre dans le cadre du projet TAC.



Non seulement cette énonciation est suffisamment précise pour que la délégation spéciale puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur ce volet du projet, mais les mesures en cause sont définies aux accords de 2010 et pour certaines précisées dans des documents internes (N 70-49 et politique d'entreprise en substitution de la DP 20-159).



S'agissant de l'état des effectifs, de la mixité des activités et de l'évaluation de la charge de travail par activités des unités opérationnelles nationales, ainsi qu'il est dit ci-dessus, les sociétés intimées n'ont pas communiqué aux élus de la délégation spéciale les documents communiqués à l'expert.



Mais ayant reçu les documents qu'il a sollicités afin de lui permettre de déterminer l'état des effectifs au 30 novembre 2021, l'expert a analysé l'évolution des effectifs entre fin 2020 (sur la base des chiffres fournis à la délégation spéciale) à partir de ces documents et des informations recueillies lors de ses entretiens avec les salariés. Il a présenté une situation des effectifs prenant en compte les modifications apportées notamment dans l'organisation de l'Opérateur informatique et télécoms.



Dans son rapport provisoire du 7 février 2022, l'expert a précisé les effectifs actuels des composantes de chacune des unités opérationnelles nationales, leur niveau de spécialisation par énergie, tant lorsqu'il présente l'organisation générale de ces unités que lors de l'examen de chacune d'entre-elles et les appelantes n'expliquent pas en quoi, ces informations ne leur permettaient pas d'appréhender le projet présenté et ses conséquences.



L'expert regrette un transfert envisagé uniquement en terme d'effectifs et non d'activités et par conséquent l'absence d'estimation des missions et tâches prises en charge par les unités opérationnelles nationales. Il conteste que le transfert des effectifs soit en adéquation avec celui des charges (compte tenu de l'existence de postes vacants, de salariés sans poste, d'une affectation des alternants dans la même équipe que leur tuteur ainsi que de missions confiées à des prestataires extérieurs, tous éléments qu'il recense).



Ainsi que le relèvent les sociétés Enedis et Grdf et qu'il a été répondu à la délibération de la délégation spéciale du 30 novembre 2021, cette question concerne uniquement les salariés qui ne sont pas transférés au sein d'équipes constituées et elle a amené une réponse circonstanciée des employeurs sur la base d'une évaluation en équivalent temps plein reproduite dans leur réponse (pages 4 et 5).



Il convient d'ajouter que l'organisation dans leur structure d'accueil, des activités transférées relève de la compétence du comité social et économique de cette structure, ce qu'énonce le projet (page 28) qui décrit précisément quel sera le schéma de principe des rattachements et a été rappelé dans la réponse à la délibération du 30 novembre 2021 et lors de la séance du 17 février 2022 (§ 1685). Cette information permettait à la délégation spéciale de statuer en connaissance de cause et exclut qu'elle puisse exiger un état des lieux et une évaluation de la charge de travail des activités qui seront réparties.



Pour estimer insuffisante l'information sur la mixité des activités, les appelantes se réfèrent à la seule note de l'expert du 3 février 2021 or, la réponse à la délibération du 30 novembre 2021 fournit des informations précises sur ce point. Elle vient préciser pour chaque unité opérationnelle nationale, le pourcentage affecté à chaque énergie selon un critère déterminé pertinent correspondant l'activité de l'unité (en page 2) et elle renvoie au projet communiqué à la délégation spéciale qui de la page 7 à 26 décrit les activités de chacune des unités opérationnelles nationales en énonçant pour chacune leur spécialisation (vers l'une ou l'autre des énergies) ou leur mixité puis en pages 28 à 40 reprend pour chacune des unités, les activités concernées par le démixtage ainsi que le schéma de leur reprise par la structure d'accueil dont il est précisé qu'elle fera l'objet d'une consultation de ses institutions représentatives du personnel.



L'expert relève que l'application de la clef de mixité est, pour certaines unités transférées, écartée pour recourir à une autre logique (un transfert des équipes mixtes constituées vers l'opérateur de leur activité dominante ou le recours à la spécialisation de sites), ce qui est le cas des unités OIT et Serval prises comme exemple par les appelantes. Il ne critique pas ce recours et se demande pourquoi cette logique n'a pas été appliquée jusqu'au bout. Il identifie le risque (de sous ou sur-effectif dans l'entreprise d'accueil) attaché à une clef de répartition qui ne correspond pas tout à fait à la répartition des activités entre les deux opérateurs.



S'agissant des détachés syndicaux, les détachés sociaux et les salariés mis à disposition il est précisé dans la réponse à la délibération du 30 novembre 2021, qu'ils seront répartis selon la clé de mixité de leur unité, les directions ajoutant qu'elles ne peuvent présager avec précision de cette future répartition, du fait qu'elles n'ont, à date, aucune information sur le rattachement futur des salariés protégés au sein des nouvelles structures, pour lequel des orientations devront être précisées par les organisations syndicales, affirmation qui n'est pas contredite.



Il s'ensuit que les élus de la délégation spéciale étaient précisément informés des critères de répartition du personnel affecté aux services transférés et les informations complémentaires sollicitées n'ont pour finalité que d'évaluer l'impact dans l'entreprise d'accueil, de ces transferts.



Les demandes d'information relatives à la construction et l'application de clé(s) de mixité ne peuvent pas plus prospérer, les critères relatifs à l'activité de chaque unité retenus pour déterminer la part de son activité affectée à chaque énergie ayant été ainsi qu'il est dit ci-dessus portés à la connaissance de la délégation spéciale comme les services concernés par l'application de ce critère.



S'agissant des informations sollicitées sur la notion d'équipe constituée, les services de chacune des unités opérationnelles nationales concernés sont listés à l'annexe 5 du projet et ils répondent pour la quasi-totalité à la définition donnée à cette notion dans la note en réponse à la délibération du 30 novembre 2021, soit les équipes déjà spécialisées ou les équipes poursuivant la même nature d'activité. L'expert relève que dans quelques cas, cette notion renvoie à la spécialisation visée. Il retient à ce titre les équipes logistiques de Serval ainsi que l'agence sécurité du SI et l'agence Contrats de l'OlT, dont ils relèvent pour ces agences, qu'elles rejoignent Enedis du fait de leurs activités majoritairement orientées vers Enedis, ainsi que le précise le document d'information-consultation. Il s'ensuit l'application d'un critère multiforme, identifié comme tel dès la première présentation du projet et une détermination précise des équipes concernées.

Il convient d'ajouter que lorsque la délégation spéciale abordait cette notion dans sa délibération prise à l'issue de la séance du 30 novembre 2021 (sa pièce 8), son interrogation portaient sur le fait que les directions estimaient qu'elles n'avaient pas, s'agissant des équipes constituées à recueillir l'accord des salariés sur le choix de leur employeur, ni à respecter les accords de 2010, débat clos par les arrêts rendus le 27 octobre 2022.



L'information sur les mobilités fonctionnelles et/ou géographiques, a été fournie dès le document initial de consultation (pages 49 à ) il est précisé que les salariés ont vocation à être affecté sur le même emploi avec la même nature d'activités que celui qu'ils exercent actuellement et que ces affectations, sauf exceptions, n'entraîneront pas de modification de lieux de travail, hormis quelques exceptions au sein de la même agglomération. Il est évoqué le sort des alternants (ils suivent dans la mesure du possible leur tuteur) et des intérimaires, puis il est évoqué la procédure d'affectation des salariés dont l'équipe n'est pas maintenue, le nombre de salariés concernés dans chacune des unités opérationnelles nationales ainsi que le nombre de salariés (quelques dizaines) concernés par un changement de lieu de travail. Les directions ont répondu à l'interrogation de la délégation spéciale du 30 novembre 2021, rappelant notamment que les situations où un salarié (parmi les 250 hors équipes constituées) serait concerné par un changement de métier ou de nature d'activités relèvent des situations individuelles. Ces situations ne peuvent être à ce stade quantifiées (les entretiens et échanges avec les salariés ne s'étant pas encore tenus).



Cette évaluation des salariés potentiellement concernés (250) rejoint le nombre de salariés figurant sur la liste nominative transmise à l'expert des salariés (221) devant faire l'objet d'une procédure d'affectation en application des accords collectifs, aucun élément ne permettant de contredire l'évaluation faite par les directions du nombre de salariés amenés effectivement à changer de lieu de travail.



Enfin, tant l'impact environnemental incluant les actions initiées ou à venir que l'analyse économique et financière sont évoqués en page 37 et 38 du document de consultation.



La délégation spéciale était donc informée de la manière dont les sociétés prenaient en compte les conséquences environnementales de son projet. Il est précisé au dossier de consultation que l'impact du changement de lieu de travail (au sein de la même agglomération et pour quelques salariés) est marginal et s'agissant de la logistique, il est avancé une réduction de l'empreinte carbone (diminution du nombre de transports liés à la fin du transport dédié et à l'optimisation du remplissage des camions).



La prétention des appelantes repose principalement sur la citation partielle de l'échange figurant au procès-verbal de la séance du 30 novembre 2021 (§ 1420 à 1455), qui vient confirmer l'absence de modification du nombre de plate-forme GRDF, en conformité avec le projet qui ne prévoit aucune modification des implantations géographiques, ce qui a été rappelé dans la réponse à la délibération de la délégation spéciale du 30 novembre 2021.



Il convient également de noter que l'expert, destinataire du document explicitant notamment les informations fournies sur l'impact environnemental de la logistique (la pièce 48 des sociétés) ne remet pas en cause la pertinence des informations fournies ni n'a sollicité des informations complémentaires.



Les appelantes comme la fédération CFE CGC Energies se dispensent de toute démonstration d'une prétendue insuffisance de l'information sur l'impact économique et financier venant soutenir leur prétention de la voir complétée.



Enfin, il convient de relever qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer ou d'examiner la suffisance ou non de l'information communiquée par la société Enedis ou la société GRDF dans le cadre des consultations de leurs comités économiques et sociaux d'établissements.



Compte tenu du rejet des demandes principales de la délégation spéciale et de la fédération FNME-CGT, leurs autres demandes seront rejetées comme le seront les prétentions de la fédération CFE CGC Energies.



La décision déférée sera confirmée, y compris dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles des parties. A hauteur d'appel, les appelantes qui succombent seront condamnées aux dépens et à verser une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par les sociétés GRDF et Enedis, unies d'intérêt pour assurer leur défense devant la cour.





PAR CES MOTIFS



Dans la limite de l'appel dont elle est saisie ;



Confirme le jugement rendu le 21 avril 2022 ;



Y ajoutant,



Condamne la délégation spéciale des comités sociaux et économiques centraux des sociétés Enedis et GRDF à payer, chacune, aux sociétés Enedis et GRDF, unies d'intérêt la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.