18 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.806

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00035

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Déroulement - Poursuite de l'activité au cours de la période d'observation - Demande de conversion formée sur requête d'un mandataire - Convocation du débiteur par le greffe - Nécessité (non)

Il résulte de la combinaison des articles L. 631-15, II, R. 631-3, R. 631-4 et R. 631-24 du code de commerce qu'en vue de convertir la procédure de redressement en liquidation judiciaire, si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui annule le jugement de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au motif que le débiteur n'a pas été convoqué par le greffe, tout en relevant que le tribunal avait été saisi par les requêtes du mandataire judiciaire et de l'administrateur et que la société débitrice, informée par le mandataire de la requête et de la date de l'audience, y était représentée par son avocat qui avait présenté des observations sur le fond

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 35 F-B

Pourvoi n° B 21-16.806




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JANVIER 2023

1°/ La société WRA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [B], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sempaco,

2°/ la société R&D, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [J], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Sempaco,

ont formé le pourvoi n° B 21-16.806 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société du Pas-de-Calais Ouest (Sempaco), société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés WRA et R&D, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mars 2021), le 12 décembre 2019, la société SEM du Pas-de-Calais Ouest (la société Sempaco) a été mise en redressement judiciaire et les sociétés WRA et R&D ont été respectivement désignées mandataire et administrateur judiciaires. Les 15 et 18 septembre 2020, le mandataire et l'administrateur ont déposé chacun une requête en conversion du redressement en liquidation judiciaire. Le tribunal a accueilli leur demande.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Le liquidateur et l'administrateur de la société Sempaco font grief à l'arrêt d'annuler le jugement de conversion, alors « qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur ; que c'est uniquement lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et que le débiteur n'a pas été préalablement invité à présenter ses observations, qu'il doit être convoqué à comparaître à la diligence du greffe, l'absence de cette convocation étant indifférente lorsque le tribunal statue sur requête et que le débiteur a comparu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Sempaco, débiteur, a été informée de la demande formée par les organes de la procédure collective tendant à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire par le mandataire judiciaire, qui lui a communiqué une copie de sa requête ; qu'il est également constant que le débiteur a pu constituer avocat, qu'il a été représenté à l'audience et qu'il a pu être entendu ; que pour prononcer la nullité du jugement entrepris, la cour d'appel a retenu que le débiteur n'avait pas été convoqué à l'audience par le greffe de la juridiction comme les textes le prescrivent ; qu'en statuant ainsi, cependant que la convocation du débiteur par le greffe de la juridiction n'est requise que dans l'hypothèse où le tribunal exerce son pouvoir d'office, et que, dans l'hypothèse où il est saisi sur requête, la loi exige seulement que le débiteur ait été entendu, ce qui était le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles L. 631-15, II, R. 631-3 et R. 631-24 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-15, II, R. 631-3, R. 631-4 et R. 631-24 du code de commerce :

3. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'en cours de période d'observation, le mandataire judiciaire ou l'administrateur demande au tribunal de convertir le redressement en liquidation judiciaire, il procède par voie de requête, le tribunal ne pouvant statuer que si le débiteur a été entendu ou dûment appelé. Si l'obligation d'une convocation par le greffe du débiteur s'impose lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office ou que l'ouverture de la procédure collective est demandée sur requête du ministère public, elle ne s'applique pas lorsque la demande de conversion est formée sur requête d'un mandataire.

4. Pour annuler le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire, l'arrêt retient que le débiteur n'a pas été convoqué par le greffe comme les textes le prescrivent, mais par la communication par le mandataire judiciaire d'une copie de sa requête.

5. En statuant ainsi, après avoir relevé que le tribunal avait été saisi par les requêtes du mandataire et de l'administrateur et que la société Sempaco, informée par le mandataire de la requête et de la date de l'audience, y était représentée par son avocat qui avait présenté des observations sur le fond, la cour d'appel a violé, par fausse application les deuxième et troisième textes susvisés, et par refus d'application le premier et le dernier textes visés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société SEM du Pas-de-Calais Ouest (la société Sempaco) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour les sociétés WRA et R&D, ès qualités.

La SELARL WRA, prise en la personne de Me [B], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAEM Sempaco, et la SELARL R&D, prise en la personne de Me [J], ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAEM Sempaco, font grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du jugement du 2 octobre 2020 du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer,

1°) Alors qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur ; que c'est uniquement lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et que le débiteur n'a pas été préalablement invité à présenter ses observations, qu'il doit être convoqué à comparaître à la diligence du greffe, l'absence de cette convocation étant indifférente lorsque le tribunal statue sur requête et que le débiteur a comparu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Sempaco, débiteur, a été informée de la demande formée par les organes de la procédure collective tendant à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire par le mandataire judiciaire, qui lui a communiqué une copie de sa requête (cf. arrêt attaqué, p. 5, §2) ; qu'il est également constant que le débiteur a pu constituer avocat, qu'il a été représenté à l'audience et qu'il a pu être entendu (cf. jugement entrepris, p. 3) ; que pour prononcer la nullité du jugement entrepris, la cour d'appel a retenu que le débiteur n'avait pas été convoqué à l'audience par le greffe de la juridiction comme les textes le prescrivent ; qu'en statuant ainsi, cependant que la convocation du débiteur par le greffe de la juridiction n'est requise que dans l'hypothèse où le tribunal exerce son pouvoir d'office, et que, dans l'hypothèse où il est saisi sur requête, la loi exige seulement que le débiteur ait été entendu, ce qui était le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles L. 631-15, II, R. 631-3 et R. 631-24 du code de commerce.

2°) Alors que, à tout le moins, lorsque la saisine du tribunal de la procédure collective aux fins de conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire résulte de la requête de l'administrateur ou du mandataire judiciaire, l'irrégularité éventuelle de la convocation subséquente du débiteur n'affecte pas la saisine de la juridiction et ne fait donc pas obstacle à l'effet dévolutif de l'appel ; qu'en l'espèce, le tribunal avait été saisi d'une requête en conversion par l'administrateur, le 15 septembre 2020, et par le mandataire judiciaire, le 18 septembre 2020 ; qu'en jugeant pourtant que l'irrégularité de la convocation du débiteur subséquente à la saisine du tribunal empêchait la dévolution de s'opérer, la cour d'appel a violé les articles R. 631-24 du code de commerce et 562 du code de procédure civile.

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