18 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.576

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00034

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Contrat en cours - Bail commercial - Résiliation à l'initiative du bailleur - Causes postérieures au jugement d'ouverture - Défaut de paiement des loyers - Délai d'action - Point de départ - Applications diverses - Liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan - Date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire

L'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3°, de ce code, ne peut être introduite avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture. Lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire


ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Contrat en cours - Bail commercial - Résiliation à l'initiative du bailleur - Action en résiliation pour défaut de paiement des loyers postérieurs - Expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture - Appréciation - Moment - Date de la requête du bailleur

Pour apprécier si le bailleur qui agit en résiliation du bail a respecté le délai de trois mois prévu par les textes précités, le juge doit se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l'a saisi de la demande de résiliation, soit à la date de sa requête


ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Contrat en cours - Bail commercial - Résiliation à l'initiative du bailleur - Action en résiliation pour défaut de paiement des loyers postérieurs - Expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture

Il résulte de la combinaison des articles L. 622-14, 2°, L. 641-12, 3°, et R. 621-21, alinéa 1, du code de commerce que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire doit être introduite par voie de requête déposée après l'expiration du délai de trois mois courant à compter du jugement d'ouverture

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 34 FS-B

Pourvoi n° Q 21-15.576




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JANVIER 2023

La société Les Cèdres, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.576 contre l'arrêt rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [I] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [O] [I], prise en qualité de liquidateur de la société Balm,

2°/ à la société Balm, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Les Cèdres, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [I] Yang-Ting, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2021), la société Balm, qui exerçait son activité dans des locaux donnés à bail par la SCI Valois-Driand, aux droits de laquelle vient la SCI Les Cèdres (la SCI), a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2014, puis a bénéficié d'un plan de redressement le 15 juin 2016.

2. Un jugement du 19 septembre 2019 a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Balm et mis cette dernière en liquidation judiciaire, la société [I] Yang-Ting étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Le 23 octobre 2019, la SCI a saisi le juge-commissaire d'une requête en constatation de la résiliation du bail pour non-paiement des loyers depuis la mise en liquidation judiciaire de la société Balm. Le liquidateur lui a opposé le non-respect du délai de trois mois édicté par les articles L. 641-12, 3°, et L. 622-14, 2°, du code de commerce.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de constatation de la résiliation du bail, alors :

« 1°/ que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 641-12, 3°, du code de commerce, peut être engagée à l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture ; que le point de départ de ce délai est soit la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d'ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire ou lorsque la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de redressement ; qu'en jugeant que le point de départ du délai de trois mois à l'issue duquel l'action en résiliation du bail pouvait être introduite courait à compter du jugement de liquidation judiciaire et non à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement dès lors que la liquidation faisait suite à la résolution du plan de redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 641-12, 3° et L. 622-14, 2° du code de commerce ;

2°/ que pour apprécier si le délai de trois mois prévu à l'article L. 622-14, 2° du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3° du même code, est ou non écoulé, le juge doit se placer à la date à laquelle il statue, et non à la date de la demande ; qu'en se plaçant à la date de la requête pour apprécier si la condition tenant à l'écoulement du délai de trois mois était remplie, la cour d'appel a violé, derechef, les articles L. 641-12, 3° et L. 622-14, 2° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 622-14, 2° du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3° de ce code, ne peut être introduite avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture. Lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective, de sorte que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de trois mois est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire. Par conséquent, la cour d'appel a exactement retenu que, la SCI ayant saisi le juge-commissaire de sa demande de résiliation du bail par une requête du 23 octobre 2019, cependant que le jugement prononçant la résolution du plan de la société Balm et ouvrant sa liquidation judiciaire datait du 19 septembre 2019, cette requête, déposée moins de trois mois après ledit jugement, était irrecevable.

7. D'autre part, pour apprécier si le bailleur qui agit en résiliation du bail a respecté le délai de trois mois prévu par les textes précités, le juge doit se placer non à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le bailleur l'a saisi de la demande de résiliation. Dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit que la recevabilité de l'action en résiliation devait s'apprécier au jour de la saisine du juge-commissaire, par la requête du 23 octobre 2019.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense ; qu'en jugeant que le juge commissaire, devant lequel la procédure est orale, ne pouvait être valablement saisi de la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020 puis par écrit le 16 janvier 2020 et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020, la cour d'appel a violé les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce ;

2°/ que l'irrecevabilité de la demande initiale n'entraîne pas celle de la demande additionnelle, à moins que celle-ci ne se contente de modifier le quantum de la demande initiale ; qu'en jugeant que la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020, puis par écrit le 16 janvier 2020, et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020 ne pouvait prospérer eu égard à l'irrecevabilité de la demande initiale, la cour d'appel a violé, derechef, les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de la combinaison des articles L. 622-14, 2°, L. 641-12, 3° et R. 621-21, alinéa 1, du code de commerce que l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire doit être introduite par voie de requête déposée après l'expiration du délai de trois mois courant à compter du jugement d'ouverture.

11. Le moyen, qui repose sur un postulat erroné, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Les Cèdres aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Les Cèdres ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Les Cèdres.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La SCI Les Cèdres fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater la résiliation de plein droit qui avait été consenti à la société Balm et ordonner l'expulsion de Me [I], es qualités, de la société Balm et de tous occupants de leur chef ;

ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en ayant, dans ses motifs, retenu que la requête était irrecevable faute d'avoir été introduite à l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article L. 641-12 3° du code de commerce, tout en confirmant, dans son dispositif, le jugement qui avait déclaré cette requête recevable mais mal fondée, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

La SCI Les Cèdres fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater la résiliation de plein droit du bail qui avait été consenti à la société Balm et ordonner l'expulsion de Me [I], es qualités, de la société Balm et de tous occupants de leur chef ;

1/ ALORS QUE l'action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l'article L. 641-12, 3°, du code de commerce, peut être engagée à l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture ; que le point de départ de ce délai est soit la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d'ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire ou lorsque la liquidation judiciaire fait suite à la résolution du plan de redressement ; qu'en jugeant que le point de départ du délai de trois mois à l'issue duquel l'action en résiliation du bail pouvait être introduite courait à compter du jugement de liquidation judiciaire et non à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement dès lors que la liquidation faisait suite à la résolution du plan de redressement, la cour d'appel a violé les article L. 641-12, 3° et L. 622-14, 2° du code de commerce ;

2/ ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si le délai de trois mois prévu à l'article L. 622-14, 2° du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3° du même code, est ou non écoulé, le juge doit se placer à la date à laquelle il statue, et non à date de la demande ; qu'en se plaçant à la date de la requête pour apprécier si la condition tenant à l'écoulement du délai trois mois était remplie, la cour d'appel a violé, derechef, les articles L. 641-12, 3° et L. 622-14, 2° du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

La SCI Les Cèdres fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à constater la résiliation de plein droit qui avait été consenti à la société Balm et ordonner l'expulsion de Me [I], es qualités, de la société Balm et de tous occupants de leur chef ;

1/ ALORS QUE les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense ; qu'en jugeant que le juge commissaire, devant lequel la procédure est orale, ne pouvait être valablement saisi de la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020 puis par écrit le 16 janvier 2020 et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020, la cour d'appel a violé les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce ;

2/ ALORS, en outre, QUE l'irrecevabilité de la demande initiale n'entraîne pas celle de la demande additionnelle, à moins que celle-ci ne se contente de modifier le quantum de la demande initiale ; qu'en jugeant que la demande additionnelle formée verbalement par la SCI Les Cèdres à l'audience du 9 janvier 2020, puis par écrit le 16 janvier 2020, et tendant au constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges du premier trimestre 2020 ne pouvait prospérer eu égard à l'irrecevabilité de la demande initiale, la cour d'appel a violé, derechef, les articles 65 et 68 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 621-21 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

La SCI Les Cèdres fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à prononcer la résiliation du bail qui avait été consenti à la société Balm et ordonner l'expulsion de Me [I], es qualités, de la société Balm et de tous occupants de leur chef ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (p. 6, § 4), la SCI Les Cèdres faisait valoir qu'à supposer que le point de départ du délai de trois mois prévu par l'article L. 622-14 du code de commerce soit situé à la date du jugement de liquidation, elle avait, en tout état de cause, formé une demande de résiliation judiciaire du bail devant le tribunal de commerce conforme aux exigences de l'article L. 641-12 du code de commerce ; qu'en laissant sans réponse ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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