12 janvier 2023
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/01004

Ch. Sociale -Section B

Texte de la décision

C 9



N° RG 21/01004



N° Portalis DBVM-V-B7F-KYRR



N° Minute :





















































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Sidonie LEBLANC



Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 12 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00273)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 09 février 2021

suivant déclaration d'appel du 25 février 2021





APPELANTE :



Madame [N] [S]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Sidonie LEBLANC, avocat au barreau de GRENOBLE





INTIMEE :



S.A. LA POSTE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 2], représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège de la société

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par Me Pascale HAYS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE

et par Me Céline VACHERON de la SELARL ALTICIAL, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE,





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,





DÉBATS :



A l'audience publique du 02 novembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, en présence de Capucine QUIBLIER, Greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;



Puis l'affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.



L'arrêt a été rendu le 12 janvier 2023.








EXPOSE DU LITIGE':



Mme [N] [S] a été embauchée le 1er janvier 2003 par la société anonyme La Poste suivant contrat de travail à durée indéterminée.



Elle a occupé les postes de facteur, puis facteur d'équipe.



Le 27 juin 2011, elle a été affectée à un poste dont la qualification de «'chef de cabine'» ou «'agent courrier'» est débattue entre les parties.



Mme [N] [S] a bénéficié de congés payés du 19 au 23 décembre 2017, ensuite desquels elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 26 décembre 2017 au 15 janvier 2018.



Le 16 janvier 2018, lors de sa reprise, Mme [N] [S] a été reçue par le médecin du travail.



Un nouvel arrêt de travail a été délivré à Mme [N] [S] du 22 au 29 janvier 2018, puis du 31 janvier au 14 mars 2018.



Le 31 janvier 2018, Mme [N] [S] a écrit un courrier à son employeur pour obtenir des explications sur sa situation professionnelle. A cette même date, le médecin du travail a écrit un courrier à la société La Poste au sujet de Mme [N] [S].



Le 13 février 2018, l'inspection du travail a adressé à la société La Poste un courrier recommandé.



Le 15 mars 2018 Mme [N] [S] a repris le travail. Elle était placée en arrêt de travail le 17 mars 2018.



Le 26 mars 2018, elle a été reçue par son directeur d'établissement. Une nouvelle fiche de poste lui a alors été remise.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 avril 2018, Mme [N] [S] a de nouveau écrit à son employeur pour contester le poste proposé.



Le 11 juillet 2018, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : «'Visite de reprise ce jour': Pré visite d'inaptitude. Etat de santé non compatible avec une reprise de travail sur le poste proposé en mars 2018. Risque d'inaptitude à tout poste actuel dans l'entreprise. Etude de poste et échanges avec l'employeur à faire. A revoir dans un délai de 15 jours (31 07 2018)'».



Le 31 juillet 2018, il a rendu l'avis suivant': «'Inapte au poste proposé (en mars 2018), inapte à tout poste actuel dans l'entreprise (toutes branches). Peut suivre une formation externe à l'entreprise ' 2ème visite médicale d'inaptitude'».



Mme [N] [S] a été convoquée par la société La Poste à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé en date du 27 septembre 2018.



Par lettre en date du 27 décembre 2018, la société La Poste a notifié à Mme [N] [S] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Par requête en date du 3 avril 2019, Mme [N] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir constater que son licenciement pour inaptitude avait une origine professionnelle et d'obtenir paiement de sommes salariales et indemnitaires résultant d'un licenciement injustifié ainsi que la réparation des préjudices subis.



La société La Poste s'est opposée aux prétentions adverses.



Par jugement en date du 9 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':



- dit que la décision du Pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble, rendue le 5 septembre 2019, est inopposable à la SA La Poste,

- dit que l'inaptitude de Mme [N] [S] est d'origine non-professionnelle

- dit que le licenciement de Mme [N] [S] est intervenu pour cause réelle et sérieuse,

- dit que Mme [N] [S] n'a pas subi d'agissements répétés de harcèlement moral et que la SA La Poste n'a pas violé son obligation de sécurité de résultat,

- débouté Mme [N] [S] de l'intégralité de ses demandes.

- débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle.

- laissé les dépens à la charge de Mme [N] [S].



La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 16 février 2021 pour Mme [S] et le 10 février 2021 pour la société La Poste.



Par déclaration en date du 25 février 2021, Mme [N] [S] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.





Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022, Mme [N] [S] sollicite de la cour de':



Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles L. 1152-2, L. 1152-3, L. 1226-10, L. 1226-14, L. 1235-3, L. 1235-3-1 du code du travail, Vu l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Vu la décision n°513 du Conseil d'administration de l'OIT prise lors de sa 344 ème session plénière de mars 2022

Vu les articles 19 et 157 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne (TFUE)



Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 9 février 2021,

Statuant à nouveau,

Dire recevables et bien fondées les demandes de Mme [N] [S],

Juger que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'accident.



En conséquent, condamner la société La Poste direction des Services Courrier Colis Isère, Pays de Savoie au paiement des sommes suivantes :

Indemnité spéciale de licenciement : 9 015,44 €

Indemnité compensatrice de préavis : 4022,14 €

Congés payés pendant le préavis : 402,21 €

Juger que Mme [N] [S] a subi des agissements répétés de harcèlement moral,

Juger que l'employeur a violé son obligation de sécurité,

Condamner la société La Poste à lui payer les sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10.000 €

Dommages et intérêts pour violation obligation de sécurité : 5.000 €

Juger que le licenciement pour inaptitude qui en a découlé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ecarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,



En conséquence,

Condamner la société La Poste à payer à Mme [N] [S] les sommes suivantes :

38210,33 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de la rupture de son contrat.



Subsidiairement,

Condamner la société La Poste au paiement des sommes suivantes :

- Dommages et intérêts au tire de la perte d'emploi : 26143,91 €

- Dommages et intérêts au tire du chômage et du préjudice moral : 5.000,00 €

- Dommages et intérêts au tire de la perte du niveau de vie : 5.000,00 €



En tout état de cause,

Condamner la société La Poste au paiement de la somme de 4022,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 402,14 € au titre des congés payés pendant le préavis.

Condamner la société La Poste à payer à Mme [N] [S] la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Débouter la société La Poste de l'ensemble de ses demandes.





Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, la société La Poste sollicite de la cour de':



Vu les articles du code du travail,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,



Il est demandé à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes :

- dire et juger la décision du Pôle social du tribunal de grande instance rendus le 5 septembre 2019 inopposable à la société,

- dire et juger qu'aucun accident du travail n'a été reconnu,

- dire et juger que l'employeur n'avait pas connaissance, au jour du licenciement, d'une origine professionnelle de l'inaptitude,

- dire et juger que l'inaptitude est d'origine non professionnelle,



En conséquence, débouter Mme [N] [S] de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre d'une prétendue inaptitude d'origine professionnelle.

- dire et juger que Mme [N] [S] a seulement vu ses conditions de travail évoluer à la suite de sa demande,

- dire et juger que Mme [N] [S] n'a subi aucun fait de harcèlement moral,

- dire et juger que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

- dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, débouter Mme [N] [S] de l'intégralité de ses demandes.



En tout état de cause

Condamner Mme [N] [S] à lui verser 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.





Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 septembre 2022.



L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 2 novembre 2022.





EXPOSE DES MOTIFS':



Sur le harcèlement moral':



L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.



L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.



Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.



La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.



Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.



Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.



A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.



L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral.



Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.



Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.



En espèce, Mme [S] établit la matérialité des éléments de fait suivants':

- après une période de congés payés, du 19 au 23 décembre 2017, et un arrêt maladie du 26 décembre 2017 au 15 janvier 2018, Mme [S] s'est vue retirer de son poste de chef de cabine qu'elle a exercé à compter du 27 juin 2011 après avoir fait acte de candidature, étant relevé qu'il est versé aux débats un avenant daté des 21 octobre 2011 et 03 septembre 2012 à effet du 27 juin 2011 aux termes duquel Mme [S] est rattachée à la fonction agent de courrier, classification II-1 de la convention collective de la Poste et de France Télécom, Mme [S] mettant par ailleurs en évidence qu'elle a été initialement embauchée au groupe fonctionnel B1 à compter du 01 janvier 2003, est devenue facteur classification I-2 à partir du 27 juin 2006, a évolué à la classification I-3 le 05 décembre 2007 puis facteur d'équipe niveau II-1 le 20 octobre 2008.



Elle verse aux débats ses évaluations professionnelles pour les années 2011 à 2015 (date de l'entretien le 30 mars 2016 pour la dernière) mettant en évidence que son employeur a considéré qu'elle a toujours rempli les attentes du poste.



S'agissant des conditions de reprise de son activité et de l'éviction du poste qu'elle occupait depuis de nombreuses années, il est versé aux débats les attestations de MM. [E] [Y], [M] [Z] et [P] [O], qui ne sauraient être écartées des débats dès lors, d'une part, que cette demande ne figure pas dans le dispositif qui seul lie la cour, au visa de l'article 954 du code de procédure civile, et que d'autre part, il est annexé à celles-ci la pièce d'identité des témoins. Celles-ci relatent de manière circonstanciée le fait que la salariée s'était vue retirer de son poste, nonobstant ses compétences d'après M. [Y], s'était vu confier très peu de tâches, interdire l'accès à la cabine et qu'elle vivait manifestement difficilement le traitement qui lui était réservé par sa hiérarchie.



Il est versé aux débats un arrêt maladie du 22 janvier 2018 jusqu'au 30 janvier 2018, rectifié le 27 mars 2018 en arrêt pour accident du travail à raison d'un «'choc psychologique à son retour d'arrêt maladie le 16/01/2018 annonce par son supérieur hiérarchique que son poste lui a été retiré. Anxiété aigüe, troubles de l'humeur, troubles du sommeil.'», étant relevé que la reconnaissance de l'accident du travail a été refusée par décision de la Cpam de l'Isère du 17 mai 2018, confirmée le 06 août 2018 par la commission de recours amiable mais que dans une décision du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 05 septembre 2019, au seul contradictoire de l'organisme social, il a été jugé que l'accident devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle dans les rapports entre l'assurée et la caisse.



L'inspectrice du travail a demandé à l'employeur des explications sur la situation de Mme [S] par courriel du 31 janvier 2018, quant à l'éviction de son poste qu'elle occupait depuis juin 2011 et au fait qu'elle n'avait plus de poste précis et très peu de tâches, rappelant à la société La Poste son obligation de sécurité.



Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 janvier 2018, Mme [S] a écrit à son employeur pour lui fait part, de manière circonstanciée, des conditions dégradées de sa semaine de reprise, évoquant une distribution erratique de ses tâches, faisant part de son incompréhension totale sur sa situation actuelle et indiquant qu'elle avait été placée en arrêt maladie par son médecin du traitant à raison de l'anxiété suscitée.



- S'il ne s'évince pas de l'attestation de M. [O], comme le soutient la salariée, que celui-ci aurait constaté, le 30 janvier 2018, la salariée attendant pendant 7 heures dans un petit bureau que la journée passe alors que ce témoin évoque les faits du 16 janvier 2018 puis situe la scène qu'il décrit dans le bureau «'un autre jour'», sans autre précision mais termine son témoignage en donnant son impression générale sur la semaine de reprise de Mme [S], de sorte que ses déclarations se rattachent à la reprise du 16 au 22 janvier 2018, Mme [S] produit, par contre, aux débats un extrait du cahier du CHSCT sur lequel elle a apposé, le 30 janvier 2018 à 10h30, la mention suivante': «'aujourd'hui, jour de ma reprise, aucun encadrant n'est venu me donner du travail. Depuis 5h30 je suis sans activités. Transparente, ignorée, mise au placard. Cette situation est stressante, inconfortable. Depuis ma mise à l'écart de la cabine j'ai l'impression de n'être 'plus rien', pire qu'un rebut'anéantie et je rentre dans une profonde déprime'».



Mme [S] a de nouveau été en arrêt maladie du 31 janvier au 15 mars 2018, la salariée ayant indiqué, dans un courrier du 09 avril 2018 adressé à son employeur, que cet arrêt lui a été prescrit compte tenu de son état de stress résultant du fait qu'elle a été ignorée de sa hiérarchie le 30 janvier 2018 et ne s'est vu confier aucun travail.





Il est versé aux débats un courriel du 30 janvier 2018 du Dr [D], médecin du travail, à la salariée, aux termes duquel celui-ci explique avoir discuté avec le DE (directeur d'établissement) des conditions d'annonce du changement, de ses conséquences et lui avoir indiqué les répercussions sur son état de santé (mal-être, perte de repères, absence d'activité').



Il est, par ailleurs, produit un courrier de l'inspection du travail du 13 février 2018, à l'employeur, en réponse à une correspondance du 02 février 2018 de celui-ci, aux termes duquel l'inspecteur du travail a, d'une part, fait le constat que la société La Poste a fait le lien entre le changement qu'il qualifie de brutal de poste de la salariée et des abandons de poste des 28 janvier 2016, 17 août 2017 ainsi que des manquements des 31 octobre et 21 novembre 2017 en lui rappelant que l'exercice du pouvoir disciplinaire est encadré et, d'autre part, considéré qu'il n'était pas apporté d'explications au fait que la salariée s'était trouvée sans consignes de travail à son retour de congé maladie, avec seulement des tâches ponctuelles confiées et une formation en e-learning. L'inspecteur du travail a terminé sa correspondance en sollicitant de l'employeur qu'il apporte les éléments sur la procédure disciplinaire suivie pour le changement de poste et sur les actions mises en place à la suite de l'accident du travail du 16 janvier 2018.



- Mmes [A], [B] et [K], dont les attestations ne sauraient être écartées dès lors que cette demande ne figure pas au dispositif des conclusions de l'intimée et qu'il est au demeurant produit une copie de leur carte d'identité, ont relaté le fait que Mme [S] avait été évincée sans ménagement de son poste, sans que des explications ne lui soient données et que la hiérarchie a continué à refuser de lui fournir un descriptif précis des nouvelles tâches qui lui ont été attribuées. Il ressort de ces témoignages que Mme [S] n'a été utilement reçue par un responsable hiérarchique que le 26 mars 2018, ensuite de l'insistance des représentants du personnel et qu'il lui a été communiqué une fiche de poste à cette occasion.



L'analyse comparée de la fiche de poste datée du 16 mars avec l'étude de poste d'agent de cabine faite par le médecin du travail le 29 juin 2018 met en évidence un appauvrissement qualitatif et quantitatif des tâches'; ce que Mme [S] a dénoncé de manière circonstanciée dans un courrier recommandé avec accusé de réception adressé à l'employeur le 09 avril 2018 avec une perte d'autonomie et d'initiative, la salariée étant cantonnée à des tâches d'exécution et de remplacement ou d'appui.



La salariée a de nouveau été en arrêt maladie à compter du 17 mars 2018 puis elle a été déclarée inapte à l'issue des visites à la médecine du travail des 11 et 31 juillet 2018, le professionnel de santé écartant toute possibilité de reclassement dans l'entreprise.



- il est versé aux débats un courrier du 24 mai 2018 du Dr [T] au Dr [U] aux termes duquel celle-ci indique qu'elle suit «'en consultation Mme [S] depuis janvier 2018 pour trouble de l'humeur, troubles du sommeil, anxiété, rumination, asthénie psychique et physique'; symptômes résultant d'un choc psychologique survenu au travail le 16 janvier 2018': l'accès à son bureau lui a été interdit sans explications ni avoir été prévenue par sa hiérarchie. Depuis ses symptômes s'aggravent en syndrome dépressif associé à une anxiété anticipative de retourner sur le lieu de travail, elle relie son état psychique à l'absence d'explication de la part de son employeur, et l'absence de tâches à réaliser lorsqu'elle s'est présentée sur son lieu de travail. Elle a un suivi psychiatrique et un suivi psychologique en parallèle du suivi avec le médecin généraliste. Je lui ai remis la déclaration d'accident du travail à destination de la sécurité sociale, mais elle a reçu un refus de prise en charge'».



Pris dans leur ensemble, l'ensemble de ces éléments de fait permet de supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils mettent en évidence des agissements répétés de l'employeur dans le temps ayant consisté à évincer la salariée d'un poste qu'elle occupait depuis 7 années à un retour de congés payés suivis d'un arrêt maladie, sans explication, puis à l'avoir laissée sans tâches précises et suffisantes, tant quantitativement que qualitativement, à trois reprises, du 16 janvier au 22 janvier 2018, puis du 30 au 31 janvier 2018, puis du 15 mars au 17 mars 2018, avec systématiquement un nouvel arrêt maladie à l'issue de ces périodes, dont le dernier a débouché sur une déclaration d'inaptitude au poste et un licenciement pour ce motif et ce, nonobstant les demandes d'éclaircissements à l'employeur de l'inspection du travail, l'alerte du médecin du travail sur les conséquences péjoratives sur la santé de la salariée de la situation et les deux courriers de contestation de la salariée.



La société La Poste n'apporte pas de justifications suffisantes étrangères à tout harcèlement moral en ce que':

- la décision de refus par la Cpam confirmée par la commission de recours amiable de voir reconnaitre un accident du travail le 16 janvier 2018 ne fait aucunement obstacle à la reconnaissance du harcèlement moral, compte tenu de l'indépendance du régime de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles par les organismes sociaux non seulement au regard des procédures énoncées aux articles L 1226-6 et suivants du code du travail mais encore, a fortiori, par rapport aux règles régissant la caractérisation d'agissements de harcèlement moral, qui procèdent notamment, en l'espèce, de faits reprochés à l'employeur en date du 16 janvier 2018, dont la salariée a, par ailleurs, considéré qu'ils étaient constitutifs d' un fait précis et soudain survenu à l'occasion du travail ayant entraîné une lésion de nature psychique, sans préjudice au demeurant de ses causes. Les décisions précitées sont d'autant moins exclusives en l'espèce de la matérialisation d'éléments de fait s'étant déroulés le 16 janvier 2018, rattachés à un ensemble plus vaste d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, qu'il est produit aux débats un jugement rendu le 5 septembre 2019 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble, qui reconnaît un accident du travail dont Mme [S] a été victime le 16 janvier 2018, qui n'a certes pas d'autorité de la chose jugée à l'égard de l'employeur non partie à l'instance mais la nature d'un fait juridique qu'il peut librement discuter, étant relevé que l'appelante verse, d'ailleurs, aux débats, les éléments sur lesquels la juridiction a motivé sa décision, en particulier les attestations de MM. [Y] et [Z].



- si l'employeur justifie effectivement que dans le dernier état, les relations contractuelles des parties étaient régies par un avenant à effet du 27 juin 2011 aux termes duquel Mme [S] a été promue agent de courrier classification II-1, il n'en demeure pas moins qu'elle a occupé jusqu'au 16 janvier 2018, soit pendant 7 ans un poste d'agent de cabine et qu'il n'est apporté aucune justification au fait qu'à compter de cette date, Mme [S] a dû attendre 3 mois avant d'avoir une définition précise de son nouveau poste dont les missions s'accompagnent objectivement d'une réduction significative d'initiative et d'autonomie. L'appel à candidature pour le poste de chef de cabine auquel Mme [S] a répondu et été retenue par son employeur en 2011 contredit clairement l'affirmation de l'employeur déniant toute spécificité au poste eu égard aux compétences requises exigées': connaissance de la réglementation postale, des produits distribués, des techniques de collectes et de distribution, pratique de l'informatique, capacité d'apprendre à travailler sur les logiciels cabine, précision et rigueur, aptitude au travail en équipe, autonomie/confiance en soi, recherche de l'efficacité, recherche de la satisfaction client.



L'employeur n'établit aucunement que de telles compétences et qualités professionnelles étaient exigées pour occuper le poste non dénommé de Mme [S], selon une fiche de poste transmise avec plusieurs mois de retard avec pour missions : tris lettres Cedex et Bp, entraide travaux intérieurs CDD, QS distribution': contrôle QS, mise à jour cahier des tournées, façadisation casiers, contrôle réexpéditions, distribution QL805.



- l'employeur ne fait qu'affirmer que la salariée aurait sollicité lors d'un entretien le 07 décembre 2017 un changement de poste alors que ce point est contesté.



Surtout, la justification de la décision d'éviction de la salariée de son poste à raison d'une réorganisation interne n'est aucunement établie. La cour d'appel ne peut que relever les explications contradictoires fournies par l'employeur à l'inspection du travail et à la Cpam dans le cadre de l'instruction sur l'accident du travail déclaré du 16 janvier 2018 puisque dans le premier cas ainsi que l'a d'ailleurs relevé l'inspecteur du travail, la société La Poste fait un lien entre sa décision de retirer la salariée du poste de chef de cabine et des manquements disciplinaires et dans le second cas, évoque une réorganisation interne.



Les attestations de MM. [I] [X] et [F], supérieurs hiérarchiques de Mme [S], reflètent au demeurant les imprécisions de l'employeur quant au motif l'ayant déterminé à retirer à Mme [S] ses fonctions de chef de cabine puisqu'il est évoqué à la fois une demande de changement de poste de la salariée et une réorganisation interne et ce alors même que Mme [S] produit des échanges de courriels du 22 novembre 2017 avec M. [I] aux termes desquels la salariée sollicite une entrevue afin d'évoquer sa souffrance au travail, se plaignant de dysfonctionnements, de remise en cause injustifiée de ses compétences professionnelles et d'un management inadapté de ses supérieurs caractérisé par un contrôle excessif, sans qu'il ne soit question de relations conflictuelles avec ses collègues.



Si l'employeur justifie effectivement que la salariée a eu des échanges oraux avec la hiérarchie sans pour autant que leur nature ne soit précisément déterminée, il n'explique pour autant pas la raison pour laquelle il lui a fallu attendre 3 mois avant de proposer une fiche de poste à la salariée lors d'un entretien le 26 mars 2018 et son absence de réponse aux courriers circonstanciés que lui a adressés la salariée pour se plaindre de ses conditions de travail dégradées depuis le 16 janvier 2018 en date des 31 janvier et 9 avril 2018.



Il s'ensuit que, sous couvert d'une simple modification alléguée des conditions de travail, l'employeur a manifestement, ainsi que l'a observé l'inspectrice du travail, abusé de son pouvoir de direction, de contrôle et de sanction, en mettant en oeuvre une sanction déguisée à l'égard de la salariée, sans le moindre respect du droit disciplinaire, ayant consisté à l'évincer d'un poste à compétences professionnelles spécifiques exercées depuis de nombreuses années pour ne lui confier ensuite que des tâches subalternes, sans contours précis et en quantité insuffisante.



- le moyen tiré du nombre réduit des journées de travail de la salariée, à savoir 8 jours, est inopérant, dès lors que la caractérisation du harcèlement moral, sous la réserve du harcèlement discriminatoire, suppose certes la répétition d'agissements mais la durée de ceux-ci est indifférente.



Or, l'employeur n'a pas seulement évincé la salariée de son poste le 16 janvier 2018 mais encore l'a laissée à trois reprises sans consignes de travail précises, en la cantonnant à des tâches subalternes et en quantité insuffisante'; périodes certes brèves mais qui ont systématiquement été suivies d'arrêts maladie.



- le défaut d'enquête de l'inspecteur du travail qui a pour autant adressé deux demandes successives d'explications à l'employeur ou encore l'inertie du CHSCT à la suite des mentions apposées sur le cahier dédié aux incidents par la salariée ne saurait constituer la justification de l'absence d'agissements de harcèlement moral dès lors que l'administration ou cet organe de représentation du personnel n'a justement pas exprimé expressément une position concluant à l'absence de tout harcèlement moral.



En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que Mme [S] a été victime d'agissements de harcèlement moral.



Eu égard à la durée de quelques mois pendant lesquels cette dernière a eu à subir des conditions de travail dégradées, il lui est alloué la somme de 6000 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.





Sur l'obligation de sécurité':



D'une première part, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.



D'une seconde part, l'article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.



Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.



L'article L. 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.



A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.



Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.



L'article R.4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.



L'article R4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.





L'article R4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.



D'une troisième part, l'article L. 1152-4 du code du travail énonce que':

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du code pénal.



En l'espèce, alors que l'employeur a été informé par le médecin du travail, d'après un courriel à la salariée du 30 janvier 2018, des conséquences négatives sur sa santé de la décision de la retirer du poste qu'elle occupait depuis de nombreuses années, que l'inspecteur du travail a rappelé, en janvier 2018, au directeur d'établissement, l'obligation de sécurité de l'employeur et notamment la mise en place d'une organisation du travail adaptée assortie des moyens correspondant et que la salariée a adressé deux courriers recommandés avec accusés de réception des 9 avril et 16 mai 2018 dénonçant la dégradation de ses conditions de travail, la société, la société La Poste ne justifie aucunement avoir respecté son obligation de prévention et de sécurité puisque':

- en réponse à l'inspecteur du travail, elle a, par courrier du 2 février 2018, expliqué que sa décision d'évincer la salariée de son poste résultait d'une série de manquements de sa part et d'une volonté alléguée de Mme [S], en affirmant avoir repositionné la salariée sur un poste de mêmes compétences, salaire et lieu de travail sans pour autant en fournir ni l'intitulé ni le détail des missions attribuées alors qu'il a été vu précédent qu'une fiche de poste n'a été transmise à la salariée qu'en mars 2018, avec un appauvrissement significatif du point de vue quantitatif et qualitatif et qu'elle s'est vu confier, dans l'intervalle, de manière erratique diverses missions sans cohérence ni continuité

- il n'est justifié d'aucune réponse aux préoccupations exprimées par le médecin du travail auprès du directeur d'établissement et l'employeur admet lui-même n'avoir pas pris la peine de répondre aux deux courriers, pourtant circonstanciés, que lui a adressés la salariée en faisant état de son mal-être, étant ajouté au surplus que Mme [S] avait d'ores et déjà sollicité, en novembre 2017, une entrevue avec sa hiérarchie pour évoquer sa souffrance au travail, qu'elle mettait en lien avec une évolution inadaptée du management dans l'établissement.



Si Mme [S] ne saurait obtenir l'indemnisation d'une faute à l'origine de l'accident du travail du 16 janvier 2018, reconnu, en l'état, exclusivement dans les rapports entre l'assurée et l'organisme social dans la mesure où celle-ci répond au régime et à la procédure spécifiques de la faute inexcusable et que la réparation du préjudice résultant de la déclaration d'inaptitude provoquée par les manquements préalables de l'employeur est d'ores et déjà assurée dans le cadre de la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a incontestablement causé un préjudice à tout le moins moral à la salariée, qui tenant compte du refus persistant de l'employeur de prendre en considération les alertes à ce titre émanant de l'administration du travail, du médecin du travail et de la salariée, est évalué à 4000 euros nets.





Il convient, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la société La Poste à payer cette somme à Mme [S], le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.





Sur le caractère professionnel de l'inaptitude fondant le licenciement':



Les règles et le régime relatifs au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle doivent trouver application lorsque l'origine de l'inaptitude a au moins pour partie une origine professionnelle et que l'employeur en avait connaissance au moment du licenciement.



D'une première part, le caractère, au moins en partie, professionnel de l'inaptitude de Mme [S] à son poste à l'issue des visites des 11 et 31 juillet 2018 à la médecine du travail, fondant son licenciement notifié par lettre du 27 décembre 2018, résulte suffisamment, non pas seulement du jugement en date du 05 septembre 2019 du pôle social du tribunal judiciaire du 05 septembre 2019 qui a reconnu, dans les rapports entre l'assurée et la caisse, le caractère professionnel de l'accident du 16 janvier 2018 correspondant à la date de reprise par Mme [S] et à son éviction de son poste d'agent de cabine qu'elle n'a jamais réintégré jusqu'à sa déclaration d'inaptitude définitive, après une période de quelques mois ponctuée de brèves reprises d'activité puis d'arrêts maladie, faute pour l'employeur de lui avoir confié un nouveau poste cohérent l'occupant à temps plein avec un niveau d'autonomie et de responsabilité comparables, mais encore et surtout de la position du médecin du travail exprimée dans un courrier du 28 mai 2018 au médecin traitant, qui après être revenu sur la procédure de contestation de la décision de refus de prise en charge de l'accident du travail, ne voyait comme issue à l'impossibilité d'une reprise de travail par la salariée avec un «'tableau de rejet de cette entreprise'» et «'un sentiment de blessure face à des explications non obtenues de la part de son responsable'», renvoyant sans conteste aux conditions de travail dégradées depuis l'éviction de son poste d'agent de cabine que l'alternative d'une rupture conventionnelle ou d'une inaptitude, l'option d'une démission étant écartée.



La décision du médecin du travail de déclarer inapte définitive la salariée à son poste est, dès lors, sans conteste en lien avec les conditions de travail dégradées de la salariée depuis le 16 janvier 2018.



D'une seconde part, si Mme [S] n'établit certes pas que l'employeur a été informé de la contestation qu'elle a élevée à l'encontre de la décision de la Cpam du 17 mai 2018, confirmée par la commission de recours amiable du 06 août 2018 de refus de prise en charge de l'accident déclaré pour un fait du 16 janvier 2018 au titre de la législation professionnelle ayant donné lieu à la décision de reconnaissance d'un accident du travail, dans les rapports entre la caisse et l'assurée, par jugement du 05 septembre 2019, preuve suffisante est rapportée que l'employeur avait pour autant connaissance certaine de l'origine au moins en partie professionnelle de l'inaptitude dès lors que celle-ci est la résultante non pas seulement d'un manquement à son obligation de sécurité mais encore de faits de harcèlement moral et qu'il est par ailleurs démontré que tant le médecin du travail, que l'inspecteur du travail mais encore la salariée elle-même à au moins deux reprises, avaient informé la société La Poste des conséquences péjoratives que la nouvelle organisation du travail avait sur la santé de Mme [S].



Il y a lieu, en conséquence, par infirmation du jugement entrepris de dire que l'inaptitude fondant le licenciement notifié le 27 décembre 2018 a au moins en partie une origine professionnelle de sorte que Mme [S] est fondée à solliciter l'application de l'article L. 1226-14 du code du travail.



Il convient, en conséquence, de condamner la société La Poste à payer à Mme [S] les sommes suivantes':

- 9015,44 euros à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement

- 4022,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 402,21 euros bruts au titre des congés payés afférents, étant relevé que le licenciement est par ailleurs déclaré sans cause réelle et sérieuse de sorte que Mme [S] est fondée non pas seulement à obtenir l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis mais l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.







Sur le licenciement':



Le licenciement pour inaptitude au poste causé par la faute de l'employeur est sans cause réelle et sérieuse.



En l'espèce, il est reconnu, d'une part, que l'inaptitude fondant le licenciement notifié par la lettre du 27 décembre 2018 a au moins en partie une origine professionnelle et d'autre part, il est jugé que l'employeur a manqué au préalable à son obligation de sécurité dans des conditions ayant entraîné une dégradation progressive de l'état de santé de la salariée au point que le médecin du travail a décidé en définitive de la déclarer inapte définitive à son poste et a écarté toute possibilité de reclassement dans l'entreprise, étant relevé qu'il est de surcroît reconnu des faits de harcèlement moral.



Il s'ensuit que preuve suffisante est rapportée que l'inaptitude fondant le licenciement a été provoquée par la faute de l'employeur si bien que le licenciement est par infirmation du jugement entrepris déclaré sans cause réelle et sérieuse.





Sur l'indemnisation du licenciement':



Si Mme [S] sollicite dans le dispositif de ses conclusions que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et non nul'; ce qui lui aurait permis dans cette dernière hypothèse d'obtenir, nonobstant l'opposition éventuelle de son employeur et si elle le demandait, sa réintégration, il n'en demeure pas moins qu'elle se prévaut explicitement dans la partie discussion de ses conclusions s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi du fait que son licenciement est entaché de nullité à raison des faits reconnus de harcèlement moral qui ont effectivement eu pour conséquence sa déclaration d'inaptitude définitive au poste et son licenciement subséquent.



Mme [S] est, dès lors, fondée au soutien de sa demande indemnitaire au titre de son licenciement à se prévaloir de ses dispositions de l'article L 1235-3-1 du code du travail, étant pour noté que la somme allouée ensuite est en l'espèce inférieure au plafond fixé par l'article L 1235-3 du même code en ce que :



-au jour de son licenciement injustifié, Mme [S] avait 16 ans d'ancienneté, préavis non exécuté compris et un salaire de l'ordre de 2011 euros bruts

-lle justifie avoir créé une entreprise en juin 2019 ayant pour activité la boulangerie, tout en ayant continué à percevoir à tout le moins jusqu'en juin 2021 des indemnités chômage.



Il convient, en conséquence, de lui allouer la somme de 24132 euros à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement injustifié, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.





Sur les demandes accessoires':



L'équité commande de condamner la société La Poste à payer à Mme [S] une indemnité de procédure de 2000 euros.



Le surplus des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.



Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SA La Poste, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS';



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';



INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions



Statuant à nouveau,



DIT que Mme [N] [S] a été victime de harcèlement moral



DIT que la SA La Poste a manqué à son obligation de prévention et de sécurité



DIT que l'inaptitude au poste fondant le licenciement a au moins en partie une origine professionnelle



DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 27 décembre 2018



CONDAMNE la SA La Poste à payer à Mme [N] [S] les sommes suivantes':

- six mille euros (6 000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- quatre mille euros (4 000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- neuf mille quinze euros et quarante-quatre centimes (9 015,44 euros) à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement

- quatre mille vingt-deux euros et quatorze centimes (4 022,14 euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- quatre cent deux euros et vingt-et-un centimes (402,21 euros) bruts à titre de congés payés afférents

- vingt-quatre mille cent trente-deux euros (24 132 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié



RAPPELLE que le point de départ des intérêts au taux légal sur ces sommes est la date du 04 avril 2019, sauf s'agissant des créances indemnitaires pour lesquelles le point de départ est le prononcé de l'arrêt



DÉBOUTE Mme [S] du surplus de ses prétentions au principal



CONDAMNE la SA La Poste à payer à Mme [S] une indemnité de procédure de 2000 euros



REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile



CONDAMNE la SA La Poste aux dépens de première instance et d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière Le Président

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