12 janvier 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/02012

Pôle 6 - Chambre 7

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02012 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSCU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02094





APPELANT



Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas HOLLANDE, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



S.A. ING BANK N.V.

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :



Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller



Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY





ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES





La société ING BANK NV (ci-après désignée la société ING) est une institution financière d'origine néerlandaise qui emploie 52.000 salariés dans le monde. Elle exerce son activité en France par le biais d'une succursale qui emploie à titre habituel au moins onze salariés.

M. [R] [T] a été engagé par la société ING par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 13 août 2001 en qualité de chargé de clientèle sénior.



A compter du mois de mai 2013, il a bénéficié de la classification technicien niveau E de la convention collective nationale de la banque applicable à la relation contractuelle.



Entre juin 2015 et octobre 2018, date la mise en place du comité économique et social (CSE), M. [T] a été titulaire de trois mandats représentatifs du personnel : délégué du personnel, membre du CHSCT et représentant syndical du comité d'établissement.



Par courriel du 20 avril 2016, M. [T] a interrogé l'employeur sur la possibilité de bénéficier de la garantie de rémunération prévue par la loi Rebsamen.



Par courriel du 21 avril 2016, la société ING a informé M. [T] que la mise en oeuvre de la garantie devait s'apprécier au terme de ses mandats.



Au mois de mai 2017, la société ING a procédé à la fermeture de l'agence Opéra dans laquelle M. [T] exerçait ses fonctions de référent.



Dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi pris au profit de la société, M. [T] a été reclassé au centre de relation client à [Localité 4] à compter du 15 mai 2017 en tant que chargé qualité et projet, classification technicien niveau E.



Estimant être victime de discrimination syndicale, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 mars 2019 aux fins d'obtenir la condamnation de la société ING au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.



Par jugement du 15 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

Débouté la société ING de sa demande reconventionnelle,

Condamné M. [T] aux dépens de l'instance.



Le 3 mars 2020, M. [T] a interjeté appel du jugement.



Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 mai 2021, M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et statuant à nouveau de :

Juger que la garantie d'évolution de rémunération des représentants du personnel lui est

applicable,

Ordonner à la société ING la communication du montant correspondant aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les techniciens de niveau E dont l'ancienneté est comparable à la sienne entre 2015 et 2018,

Condamner, en conséquence, la société ING à réviser son salaire fixe pour l'année 2018 et, incidemment, pour les années 2019 et 2020,

Fixer le montant de sa prime annuelle pour l'année 2017 à hauteur de 15 % de son salaire annuel de référence et, en conséquence, de condamner la société ING à lui verser la somme de 4.226,90 euros bruts à titre de rappel sur rémunération variable,

Juger qu'il a été victime de discrimination syndicale,

Condamner, en conséquence, la société ING à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la discrimination syndicale,

Condamner la société ING à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société ING aux dépens.



Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 juillet 2021, la société ING demande à la cour de :

Confirmer le jugement,

Constater qu'aucun rattrapage de salaire ne devait être fait en application de l'article L. 2141-5-1 du code du travail,

Constater que M. [T] n'apporte pas d'éléments de fait supposant l'existence d'une discrimination,

En conséquence,

Débouter M. [T] de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner M. [T] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.



L'instruction a été déclarée close le 21 septembre 2022.






MOTIFS :



Sur l'application des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail :



L'article L. 2141-5-1 du code du travail, créé par la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi dite loi Rebsamen dispose :

'En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l'article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article, ces salariés, lorsque le nombre d'heures de délégation dont ils disposent sur l'année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l'établissement, bénéficient d'une évolution de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, au moins égale, sur l'ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise'.



Ce texte est entré en vigueur le 17 août 2015 et ne peut donc être utilement invoqué par le salarié qu'à compter de cette date.



***



En premier lieu, il n'est ni allégué ni justifié par les parties qu'un accord collectif de branche ou d'entreprise applicable au sein de la société ING détermine les garanties d'évolution de la rémunération des salariés visés par l'article L. 2141-5-1 du code du travail, c'est-à-dire les salariés titulaires d'un mandat représentatif du personnel. Par suite, la garantie prescrite par ce texte est applicable à la société ING.





En deuxième lieu, les parties s'accordent sur le fait qu'en tant que délégué du personnel, membre du CHSCT et représentant syndical du comité d'établissement, M. [T] pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail. Elles s'accordent également sur le fait qu'entre le 17 août 2015 date d'entrée en vigueur de la loi Rebsamen et octobre 2018, le salarié a bénéficié de 50 heures de délégation par mois au titre de ses trois mandats, ce qui représentait plus de 30% de son temps de travail mensuel de 151,67 heures. Par suite, M. [T] pouvait bénéficier de la garantie prévue par L. 2141-5-1 du code du travail pour la période du 17 juin 2015 à octobre 2018.



En troisième lieu, il n'est ni allégué ni justifié par les parties qu'à compter d'octobre 2018, date à laquelle ont pris fin les trois mandats précités de M. [T] et a commencé le mandat de membre du CSE, le salarié a bénéficié de temps de délégation par mois représentant plus de 30 % de son temps de travail. Par suite, il n'est pas établi au regard des écritures des parties et des pièces versées aux débats que M. [T] pouvait bénéficier de la garantie prévue par l'article L. 2141-5-1 du code du travail pour la période postérieure au mois d'octobre 2018.



En quatrième lieu, il se déduit de ce qui précède que M. [T] peut prétendre à une évolution de sa rémunération au moins égale, entre le 17 juin 2015 et octobre 2018 :

- aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable,

- ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise.



Ce qui est déterminant, pour l'application de l'une ou l'autre des deux méthodes prévues par la loi, consiste dans la présence ou non dans l'entreprise de salariés 'relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable' à M. [T].



Or, il ne se déduit ni des écritures de parties ni des pièces versées aux débats que la société ne disposait pas dans ses effectifs et au titre de la période concernée de techniciens de niveau E dont l'ancienneté était comparable à celle du salarié. Par suite, il sera considéré, faute d'éléments le contredisant, qu'au cours de la période concernée la société ING comportait dans ses effectifs des techniciens de niveau E bénéficiant d'une ancienneté comparable à celle de l'appelant.



De même, l'employeur soutient que le salarié ne pouvait bénéficier d'une revalorisation salariale entre décembre 2015 et décembre 2018 dans la mesure où, sur cette période, l'augmentation de la rémunération des techniciens de niveau E était de 2,97% et donc inférieure à celle de M. [T] qui était de 3,73%.



A l'appui de ses allégations, l'employeur produit :

- un tableau repris du bilan social de l'entreprise versé aux débats et indiquant, d'une part, la rémunération annuelle moyenne des techniciens de niveau E de l'entreprise sur la période concernée et, d'autre part, le pourcentage d'évolution de cette rémunération d'une année sur l'autre et au terme de la période concernée,

- un tableau indiquant la rémunération brute mensuelle de base du salarié sur la période concernée et le pourcentage d'évolution de cette rémunération d'une année sur l'autre et au terme de ladite période.



Toutefois, comme le soutient justement le salarié, il ne se déduit ni du bilan social produit ni des écritures de la société ni des autres pièces versées aux débats que la rémunération annuelle moyenne des techniciens de niveau E retenue par l'employeur est celle des techniciens de niveau E ayant une ancienneté comparable à celle de M. [T]. Il apparaît au contraire que ces données se rapportent à une moyenne de la rémunération versée aux préposés de l'entreprise bénéficiant de cette catégorie professionnelle, quelle que soit leur ancienneté.



Dès lors, il ne se déduit pas des éléments produits que la mise en oeuvre de la garantie prévue par l'article L. 2141-5-1 du code du travail ne pouvait aboutir en l'espèce à une évolution salariale au profit de M. [T] dans la mesure où l'employeur ne compare pas l'évolution de la rémunération de l'appelant à celle des techniciens de niveau E ayant une ancienneté comparable à la sienne.



En cinquième et dernier lieu, l'employeur est tenu de produire les éléments dont dépend la rémunération du salarié.



Par suite, il sera ordonné à la société ING de communiquer au salarié le montant correspondant aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les techniciens de niveau E dont l'ancienneté est comparable à la sienne entre le 17 juin 2015 et octobre 2018, comme le sollicite M. [T].



Ce dernier sollicite également, dans le dispositif de ses écritures, que la société ING soit condamnée 'à réviser son salaire fixe pour l'année 2018 et, incidemment, pour les années 2019 et 2020".



Toutefois, comme il a été dit dans les développements précédents, il n'est nullement établi que la garantie prévue par l'article L. 2141-5-1 s'applique à la période postérieure à octobre 2018. Dès lors, aucune demande au titre de la garantie et postérieure à cette date ne peut prospérer.



De même, l'employeur ne peut en l'état être condamné à réviser le salaire de M. [T] puisque cette condamnation nécessite au préalable la comparaison entre l'évolution, d'une part, de la rémunération de M. [T] et, d'autre part, de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les techniciens de niveau E de l'entreprise dont l'ancienneté est comparable à celle de l'appelant.



Par suite, la cour considère en l'espèce que cette demande de révision s'analyse en une demande de réexamen de la situation du salarié pour la période concernée.



Dès lors, il sera ordonné à l'employeur de procéder au réexamen de la rémunération applicable au salarié au mois d'octobre 2018 en application des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail.



Le jugement sera infirmé en conséquence.





Sur le rappel de salaire au titre de la prime annuelle :



Au préalable, les parties s'accordent sur les faits suivants :

- le salarié a perçu en 2018 une prime annuelle au titre de l'année 2017 d'un montant de 1.057 euros bruts correspondant à 3% de son salaire de référence, ce taux ayant été retenu par l'employeur dans son courrier de mars 2018 adressé à l'appelant,

- la prime annuelle est déterminée selon les modalités du guide de la gestion de la performance et des entretiens (ci-après désigné le Guide) versé aux débats,

- M. [T] a changé de fonction au cours de l'année 2017. Il occupait ainsi le poste de référent au sein de l'agence Opéra jusqu'au 14 mai 2017, puis celui de chargé de qualité après cette date, ces deux postes bénéficiant de la même classification, à savoir technicien de niveau E.



M. [T] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté les procédures prescrites par le Guide pour déterminer le montant de sa prime annuelle. Il estime ainsi qu'il est redevable du montant maximale de celle-ci au titre de l'année 2017 correspondant à 15% de son salaire annuel brut de référence, soit 5.283,90 euros ((35.226X15)/100). Il sollicite ainsi la somme de 4.226,90 euros correspondant à la différence entre la prime qu'il a perçu et celle qu'il aurait dû percevoir.



En défense, la société ING soutient qu'au terme de son évaluation, le salarié n'a bénéficié que de la note '3 - bon travail', ce qui ne lui ouvrait droit en application du Guide qu'à une prime annuelle comprise entre 3 et 10% de sa rémunération et que, compte tenu de sa performance au cours de l'année 2017, il ne lui a été attribué qu'un taux de 3%. Elle estime que l'intégralité de la procédure prescrite par le Guide n'était pas applicable compte tenu des différences existant entre les deux postes occupés par le salarié en 2017.



***



Lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable reposant sur l'atteinte d'objectifs, il appartient à l'employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. Par ailleurs, lorsque les modalités de calcul sont déterminées par l'employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues, et il appartient à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence ont été atteints. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause.



***



Il ressort des prescriptions du Guide que la prime annuelle est liée à l'appréciation de la performance du salarié sur une année. Cette appréciation nécessite le respect d'un calendrier des entretiens liés à la gestion de la perfomance, à savoir pour l'année 2017 :

- un entretien de fixation d'objectifs devant se dérouler entre le 1er janvier et le 28 février,

- une évaluation intermédiaire entre le 1er juin et le 31 juillet 2017,

- une évaluation finale entre le 15 novembre et le 31 janvier.



Ces évaluations sont articulées autour de trois axes :

- la tenue de poste,

- les comportements associés au code de conduite interne 'orange code',

- les efforts fournis pour l'atteinte et l'avancement des ambitions.



Pour chacun de ces axes, le salarié obtient une des appréciations suivantes :

- amélioration requise,

- bon travail,

- excellent.



L'obtention de ces appréciations détermine la fourchette applicable à la prime annuelle pour chaque catégorie de salarié. Ainsi, s'agissant des techniciens, une appréciation 'amélioration requise' équivaut à un taux compris entre 0 et 3%; une appréciation 'bon travail' équivaut à un taux compris entre 3 et 10% et une appréciation 'excellent' équivaut à un taux compris entre 10 et 15%.



Enfin, l'article 3.2. du Guide prévoit, cas de changement de poste avant l'évaluation intermédiaire du 1er juin : 'avant de quitter son équipe, votre ancien encadrant vous fait un feedback sur vos réalisations de l'année. Il transmet les éléments de ce feedback à votre nouvel encadrant. Lors du bilan intermédiaire, votre nouvel encadrant saisit les éléments de feedback de votre ancien encadrant. Vous fixez ensemble les nouveaux objectifs liés à votre mobilité ou promotion. Pour cela, vous devez réduire et ajuster la pondération des objectifs préalablement fixés en début d'année. Cela permet alors de pouvoir en fixer de nouveaux. Vous devez ensuite suivre le calendrier standard pour le reste de l'année'.











En l'espèce, il ne résulte d'aucun des éléments produits que :

- les trois entretiens prescrits par le Guide aux fins d'évaluer la performance de M. [T] ont eu lieu,

- des objectifs ont été fixés au salarié au titre de l'année 2017,

- le feedback prescrit par l'article 3.2 du Guide a été réalisé, alors que celui-ci était obligatoire, le changement de poste de l'appelant ayant eu lieu avant juin 2017.



De même, le courrier de mars 2018 par lequel l'employeur a notifié au salarié le taux de 3% applicable à sa prime annuelle 2017 ne mentionne pas les critères d'appréciation retenus pour le fixer.



Il s'en déduit que les procédures prescrites par le Guide n'ont pas été respectées par l'employeur.



Si dans le cadre de la contestation du montant de la prime annuelle par le salarié, l'employeur a indiqué à celui-ci, dans un courrier du 28 mai 2018, que le taux de 3% était lié à une évaluation 'bon travail', il n'en demeure pas moins que la société ne justifie ni de la fixation préalable d'objectifs sur la base desquels l'évaluation du salarié a porté, ni d'échanges contradictoires avec ce dernier réalisés dans le cadre des entretiens prescrits par le Guide portant sur sa performance, ni de l'impossibilité d'un feedback, la seule différence de missions entre les deux postes occupés par M. [T] au cours de l'année 2017 ne permettant à elle-seule de l'établir, d'autant que le Guide ne prévoit aucune dérogation en la matière.



Il se déduit de ce qui précède que faute pour l'employeur d'avoir respecté la procédure prescrite par le Guide, il sera intégralement fait droit à la demande pécuniaire de M. [T].



Le jugement sera infirmé en conséquence.





Sur la discrimination syndicale :



M. [T] sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.



La société ING s'oppose à cette demande.



L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.



Sur le terrain de la preuve, il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.







M. [T] considère que le traitement qu'il a ainsi subi en matière de rémunération s'inscrit dans le cadre d'une politique managériale antisyndicale de longue date au sein de la société ING.



Plus précisément, il soutient avoir subi une discrimination syndicale de la part de son employeur en raison des faits suivants mentionnés dans les développements précédents à savoir:

- non-respect de la procédure prévue par le guide de la gestion et de la performance des entretiens pour la détermination de sa prime annuelle,

- non-respect des critères prévus par l'article L. 2141-5-1, la société ne se référant pas aux augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle que lui et dont l'ancienneté est comparable.



Comme il a été dit précédemment, ces faits sont établis.



Il est constant qu'ils se sont produits alors que le salarié faisait l'objet d'un mandat syndical au sein de l'entreprise.



Par suite, M. [T] établit la matérialité d'éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale au sens des textes précités. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.



Se bornant à contester toute discrimination salariale, l'employeur ne démontre pas que les faits susmentionnés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.



Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que la preuve de la discrimination syndicale n'était pas rapportée.



Compte tenu des circonstances et de la durée de la discrimination et des conséquences dommageables pour M. [T] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.





Sur les demandes accessoires :



La société ING qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Elle sera condamnée à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel. Elle sera également déboutée de sa demande sur ce fondement.







PAR CES MOTIFS







La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,



INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société ING BANK NV de sa demande reconventionnelle,



Statuant à nouveau et y ajoutant :



CONDAMNE la société ING BANK NV à verser à M. [R] [T] les sommes suivantes:

- 4.226,90 euros bruts à titre de rappel sur rémunération variable,

- 2.000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,



DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur à la conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,



ORDONNE à la société ING BANK NV de communiquer à M. [R] [T] le montant correspondant aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les techniciens de niveau E dont l'ancienneté est comparable à celle de M. [T] entre le 17 juin 2015 et octobre 2018,



ORDONNE à la société ING BANK NV de procéder, au vu de ces éléments, au réexamen de la rémunération de M. [T] au mois d'octobre 2018 en application des dispositions de l'article L. 2141-5-1 du code du travail,



DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,



CONDAMNE société ING BANK NV aux dépens de première instance et d'appel.







LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.

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