16 décembre 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 20/02331

Sociale D salle 3

Texte de la décision

ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2066/22



N° RG 20/02331 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TJ7G



VCL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT OMER

en date du

06 Novembre 2020

(RG 20/00099 -section 3)











































GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Association A.P.R.T

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Frédérique VUATTIER, avocat au barreau de SAINT-OMER





INTIMÉ :



M. [B] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Agnès COURSELLE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER







DÉBATS : à l'audience publique du 03 Novembre 2022



Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER : Nadine BERLY



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ







Pierre NOUBEL



: PRÉSIDENT DE CHAMBRE





Virginie CLAVERT



: CONSEILLER





Laure BERNARD



: CONSEILLER









ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Octobre 2022






EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :



M. [B] [Z] a travaillé pour le compte de l'Association Loisirs et Promotion des Jeunes (ALPJ), ce à compter de novembre 1991.



L'Association Promotion et Reconnaissance par le Travail dite APRT a engagé M. [B] [Z], suite au transfert de son contrat de travail, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er janvier 1998, en qualité de maître ouvrier et avec reprise de son ancienneté.



Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des ateliers et chantiers d'insertion du 31 mars 2011.



M. [B] [Z] a fait l'objet de plusieurs avis d'aptitude avec restrictions médicales :

- le 12 juin 2006, une aptitude avec conditions d'un poste aménagé pendant deux mois : pas de travaux lourds de plus de 5 kg, pas de mouvement de flexion-extension- rotation du tronc à répétition,

-le 7 août 2006, une aptitude mentionnant «'éviter les travaux lourds (seul) A revoir dans un an'»,

- le 5 janvier 2009, une aptitude avec restrictions, pour une durée de trois mois «'pas de port de charges lourdes- limiter les mouvements de flexion, extension, rotation du rachis, charge de travail alléguée ' pas de conduite de véhicules-pas de travail en hauteur- aptitude limitée à la durée précisée'»,

- le 7 juin 2010, une aptitude avec restrictions, pas de port de charges lourdes,

- le 5 mai 2015, une aptitude y compris au travail en hauteur,

- le 10 juin 2016, une aptitude avec restriction pour le port de toutes charges

- en septembre 2016, une aptitude avec restriction pour le port de charges lourdes,

- le 31 janvier 2017, une aptitude avec restriction concernant le port de charges de plus de 10 kg,

- le 23 mai 2017, une aptitude avec restriction «'pour le port de charges lourdes de plus de 15 kg. Alterner les chantiers avec échafaudage et les chantiers sans échafaudage (à titre d'exemple et idéalement limiter les travaux sur échafaudage à trois jours alternant avec un autre chantier)'»,



Puis, M. [B] [Z] a été déclaré inapte définitivement par la médecine du travail avec impossibilité de reclassement, ce en date du 23 janvier 2018.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mars 2018, M. [B] [Z] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Se prévalant d'une situation de harcèlement moral, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [B] [Z] a saisi le 22 février 2019 le conseil de prud'hommes de Saint Omer qui, par jugement du 6 novembre 2020, a rendu la décision suivante :

- prononce la nullité du licenciement décidé par l'association APRT prise en la personne de son représentant légal à l'encontre de M. [B] [Z] le 7 mars 2018,

- en conséquent, condamne l'association APRT prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [B] [Z] les sommes suivantes :

- 4106,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 410,66 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents sur préavis,

- 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne l'association APRT à établir et faire parvenir à M. [B] [Z] les documents suivants : fiche de paye afférentes aux créances salariales susvisées, attestation destinée au Pôle emploi corrigée conformément au présent jugement,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

-déboute M. [B] [Z] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

-déboute l'association APRT du surplus de ses demandes, fins et conclusions reconventionnelles.



L'association APRT a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 3 décembre 2020.



Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 juillet 2021 au terme desquelles l'association APRT demande à la cour de :

-Infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de SAINT-OMER en date du 6 novembre 2020, en ce qu'il a retenu le harcèlement moral et a annulé le licenciement de M. [Z] pour inaptitude et lui a octroyé des sommes à ce titre,

-Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

-Dire le licenciement pour inaptitude régulier et bien fondé,

Reconventionnellement,

-Condamner M. [Z] à la somme de 10.000,00 € au titre de la procédure abusive,

-Condamner M. [Z] à la somme de 15.000,00 € au titre du préjudice subi compte tenu de l'atteinte à l'image et à la dignité de l'APRT,

-Condamner M. [Z] à la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de 1ère instance,

-Condamner M. [Z] à la somme de 3.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel,

-Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [Z] du surplus de ses demandes.

-Condamner M. [Z] aux entiers dépens.



Au soutien de ses prétentions, l'association APRT expose que :

- Les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, dès lors que M. [Z] n'a pas subi de mise au placard, ni de pressions ni de remarques désobligeantes ni de missions inadaptées aux restrictions médicales, ne s'est pas vu confier de chantiers ne respectant pas ses qualifications, et a fait l'objet d'une inaptitude en lien avec la dégradation générale de son état de santé qui préexistait en partie lors de sa prise de poste.

- Il n'appartient pas aux salariés de se substituer à l'employeur pour la répartition des chantiers dont la gestion relève de son pouvoir de direction.

-Les attestations des salariés versées aux débats doivent être remises en cause, en ce qu'elles émanent toutes de personnes en litige prud'homal avec l'employeur et qui critiquent les changements de fonctionnement de l'association à compter de 2013 et du changement de présidence avec l'arrivée de M. [M]. Elles sont également imprécises, entâchées d'erreurs et de mensonges et ne relatent aucun fait objectif.

- L'employeur a toujours respecté les préconisations de l'avis du médecin du travail, les qualifications de M. [Z] et son statut d'encadrant.

- Le salarié qui n'a jamais formulé aucune plainte lors de ses entretiens annuels, n'a, en outre, réalisé aucune démarche auprès de la médecine du travail, des membres du CSE ou encore de son employeur pour faire cesser les prétendus faits de harcèlement moral. Aucune procédure d'alerte n'a, en outre, été mise en oeuvre par la médecine du travail.

- En réalité, les difficultés rencontrées par M. [Z] qui n'a pas contesté l'avis d'inaptitude, trouvent leur origine dans des problématiques d'ordre personnel, et notamment la maladie de son petit fils et de son épouse, ce depuis 2006.

-Une confusion est opérée par l'intimée entre la dépression professionnelle, la souffrance au travail et les faits de harcèlement moral, les premières n'impliquant pas les seconds, ce d'autant que l'association a toujours respecté les préconisations de la médecine du travail et permis à M. [Z] de bénéficier d'aménagements de son poste pour lui permettre le maintien de son activité professionnelle, ce pendant 22 ans et alors qu'il n'était pas spécialisé en rénovation intérieure.

- Par ailleurs, aucun élément n'établit un lien entre la souffrance au travail alléguée et un manquement de l'employeur.

- De son côté, l'association APRT justifie par le biais d'attestations des autres salariés, de l'absence de harcèlement au sein de la structure.

- M. [Z] doit, par suite, être débouté de sa demande de licenciement nul et des conséquences financières y afférentes.

- Subsidiairement, concernant l'indemnité de licenciement, aucun rappel n'est dû à ce titre, étant précisé que le salarié n'a pas contesté dans le délai de six mois son reçu pour solde de tout compte.

- M. [Z] n'est pas fondé au regard de son licenciement pour inaptitude à obtenir une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents ni à obtenir un quelconque rappel ou différentiel de salaire.

- Dans le cas où le licenciement ne serait pas déclaré nul, l'association APRT n'a pas manqué à son obligation de sécurité, tant en ce qui concerne les visites médicales périodiques que le respect des restrictions médicales, ni à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, l'employeur n'ayant ni laissé M. [Z] en souffrance ni fragilisé son état et aucun lien avec l'inaptitude ne pouvant être établi.

- L'employeur n'a pas non plus manqué à son obligation de reclassement, ce compte tenu de l'avis du médecin du travail lequel a orienté la situation d'inaptitude de M. [Z] vers une absence de reclassement. Le licenciement présente donc une cause réelle et sérieuse.

- La demande de dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte de l'emploi n'est pas non plus fondée.

- Concernant la demande d'annulation de l'avertissement du 20 avril 2017, le salarié fait preuve de mauvaise foi dans cette demande, la sanction étant légitimée par une absence injustifiée sans pose de jour de congés ou de récupération et alors que la preuve d'un usage d'entreprise n'est pas établie.

-A titre reconventionnel, M. [Z] qui a fait preuve d'une intention de nuire à l'employeur allant jusqu'à adopter un comportement menaçant et irrespectueux en revenant sur son lieu de travail après son licenciement, doit être condamné au paiement de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la dignité de l'association, ce compte tenu de la perte de confiance des intervenants à l'égard de cette dernière dont l'objectif social a été remis en cause par les demandes abusives de M. [Z].



Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mai 2021, dans lesquelles M. [B] [Z], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

-CONFIRMER le jugement du 06 novembre 2020 du Conseil de Prud'hommes de SAINT-OMER en ce qu'il a :

- Constaté que des faits répétés de harcèlement moral ont été commis à l'encontre de M. [B] [Z] dans le cadre de sa relation de travail le liant à l'A.P.R.T.

- Prononcé la nullité du licenciement décidé par l'A.P.R.T. à l'encontre de M. [B] [Z] le 07 mars 2018

- Condamné l'A.P.R.T. à payer à M. [B] [Z] la somme de 4 106,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 410,66 euros bruts à titre de congés payés afférents sur préavis

- Condamné l'A.P.R.T. à établir et faire parvenir à M. [B] [Z] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au jugement

- Débouté l'A.P.R.T. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions reconventionnelles

-INFIRMER le jugement du 06 novembre 2020 du Conseil de Prud'hommes de SAINT-OMER en ce qu'il a

- Condamné l'A.P.R.T. à payer à M. [Z] la somme de 20 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul

- Condamné l'A.P.R.T. à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros nets au titre de l'article 700 du CPC

- Débouté M. [Z] du surplus de ses demandes, fins et conclusions :

Et, statuant à nouveau,

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de Monsieur [Z] est NUL

Par conséquent,

-CONDAMNER l'A.P.R.T. au paiement des sommes suivantes :

- 55 439,64 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 16 888,62 euros bruts à titre de rappel de salaires depuis le prononcé du licenciement jusqu'au jour du jugement à intervenir (à parfaire), outre 1 688,86 euros bruts à titre de congés payés afférents sur préavis (à parfaire)

- 4 106,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 410,66 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents sur préavis

- 601,02 euros bruts restant à devoir au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

À TITRE SUBSIDIAIRE

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude prononcé à l'encontre de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

-CONDAMNER l'A.P.R.T. au paiement des sommes suivantes :

- 39 013,08 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement non fondé

- 4 106,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 410,66 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents sur préavis

- 601,02 euros nets restant à devoir au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

En toute hypothèse,

-PRONONCER L'ANNULATION de l'avertissement notifié à M. [Z] par lettre recommandée du 20 avril 2017 comme étant injustifié et par conséquent abusif

En conséquence,

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement de la somme de 85,77 euros bruts à titre de rappel de salaire, ainsi que la somme de 8,58 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents.

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement de la somme de 1 500 euros nets en réparation du préjudice subi par M. [Z] de ce chef

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement de la somme de 10 000 euros nets en réparation du préjudice subi par M. [Z] de par la violation par son employeur de son obligation de reclassement

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement de la somme de 15 000 euros nets en réparation du préjudice subi par M. [Z] de par la violation par son employeur de son obligation de sécurité de résultat et de son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement de la somme de 20 000 euros nets en réparation du préjudice subi par M. [Z] pour perte d'emploi

-CONDAMNER L'A.P.R.T. à remettre à M. [Z] une attestation POLE EMPLOI, un reçu pour solde de tout compte et une fiche de paie récapitulative conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter du 8e jour suivant la notification de l'arrêt

-SE RÉSERVER le pouvoir de liquider l'astreinte

-DÉBOUTER l'A.P.R.T. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement d'une indemnité de 2 500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la première instance, outre à supporter les entiers frais et dépens de la première instance

-CONDAMNER l'A.P.R.T. en paiement d'une indemnité de 3 500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel, outre à supporter les entiers frais et dépens de la procédure d'appel.



A l'appui de ses prétentions, M. [B] [Z] soutient que :

- Son licenciement pour inaptitude est nul puisqu'il trouve son origine dans des agissements de harcèlement moral subis entre septembre 2013 et mars 2018, en lien avec l'abandon par la nouvelle direction des mesures d'aménagement dont il bénéficiait compte tenu de ses restrictions médicales interdisant le port de charges lourdes, le contrôle systématique de son travail dans le cadre de visites surprises sur chantiers, l'affectation à la réalisation de travaux inadaptés à ses restrictions médicales conduisant à la rechute de son état de santé et à des arrêts de travail réguliers, les critiques publiques et appréciations négatives dirigées à son encontre en lien avec ses difficultés de santé (hernie discale et surdité), une mise à l'écart du reste du groupe,

- Ces agissements ont eu des répercussions sur son état de santé et ont conduit à son inaptitude définitive qui a résulté du non-respect des restrictions médicales et des faits de harcèlement moral subis.

- Il a, ainsi, droit, conformément à l'article 2.3 de la convention collective à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois (non versée), les congés payés y afférents, ainsi qu'au regard de la rupture pour inaptitude à une indemnité de licenciement doublée soit un résiduel de 601,02 euros nets.

- Le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul doit, en outre, être fixé à hauteur de 27 mois de salaire.

- Il est également fondé à obtenir un différentiel de revenus pour la période entre le 8 mars 2018, date de son licenciement, et le jugement du 6 novembre 2020.

-Subsidiairement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail et à son obligation de sécurité du fait du défaut de suivi médical, du non-respect des restrictions médicales et du défaut de réaction face au harcèlement moral subi, ce qui justifie, en outre, de l'octroi au salarié de dommages et intérêts.

- En tout état de cause, l'association APRT a également manqué à son obligation de reclassement et ne peut se prévaloir de sa propre faute qui a conduit à une inaptitude à tout poste faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

- L'association APRT doit être condamnée au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi par l'intimé, lié au manquement à son obligation de reclassement mais également au préjudice causé par la perte de son emploi, ce compte tenu de la perte de six années de salaire avant d'arriver à l'âge de la retraite.

- L'avertissement donné au salarié du fait de la non prise en compte de l'usage de poser a posteriori une journée de récupération doit également être annulé et donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts, outre un rappel de salaire et des congés payés y afférents correspondant au montant de la retenue opérée.

- Enfin, l'employeur ne peut qu'être débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour atteinte à la dignité.



La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 octobre 2022.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.








MOTIFS DE LA DÉCISION :



Sur la preuve et les attestations de Mmes [P], [L], [R] et de M. [R] :



Conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.



L'association APRT sollicite la mise à l'écart des attestations établies par quatre anciens salariés, par ailleurs, également en litige avec elle, ce compte tenu de leur manque d'objectivité, de leur imprécision et des erreurs et mensonges qu'elles comportent.



Néanmoins, si Mmes [P], [R] et [L] et M. [R] ont saisi la juridiction prud'homale d'un recours, le seul fait pour ces salariés d'avoir un différend avec l'employeur (direct ou indirect ) ne permet pas en soi d'écarter toute force probante à leurs témoignages.



Surtout, ces attestations produites comportent, pour la plupart, la relation d'épisodes ou incidents précis qui sont soit datés, soit font référence à un chantier nommément désigné. Ils se trouvent, en outre, corroborés par des attestations d'autres salariés ou de l'ancien directeur de l'association mais également par des éléments extérieurs (ex: lettre de la CPAM concernant un contrôle du salarié, fiche d'inaptitude et avis d'inaptitude...).



Dans ces conditions, l'association APRT est déboutée de sa demande de mise à l'écart desdites attestations.



Sur la journée du 10 avril 2017, l'usage lié à la pose de jour de congés, la demande d'annulation de la sanction et les demandes financières :



M. [B] [Z] requiert l'annulation de l'avertissement dont il a fait l'objet par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 avril 2017, pour absence injustifiée le 10 avril 2017, et se prévaut d'une pratique, d'un usage, dans l'association, autorisant la pose a posteriori d'un jour de congé.



- Concernant la sanction et l'usage au titre de la pose de jour de congés :



Il résulte des dispositions de l'article L1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



Aux termes de l'article L1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.



En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [B] [Z] ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le 10 avril 2017 et n'a pas exercé ce jour-là de missions professionnelles.



Il n'est pas non plus contesté que le salarié n'a pas, au préalable, posé de congé ou de jour de récupération et qu'il n'a pas, ce jour-là, fait l'objet d'un arrêt de travail.



L'employeur justifie, par ailleurs, par la production du règlement intérieur de l'association et notamment de son article 5, que toute absence doit faire l'objet d'une autorisation préalable, qu'en cas d'absence imprévisible, une tolérance est établie avec la possibilité de produire un justificatif dans les 48 heures et qu'enfin, la méconnaissance de ces dispositions peut donner lieu à des sanctions.



L'association APRT démontre, par suite, le manquement par M. [B] [Z] à ses obligations à cet égard.



Et si ce dernier se prévaut d'un usage, d'une pratique de l'association autorisant la pose a posteriori d'un jour de récupération, suite à une absence, il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence de cet usage lequel doit répondre aux critères de généralité, de constance et de fixité.



A l'appui de cette démonstration, M. [B] [Z] produit, outre sa lettre de contestation de la sanction, un unique formulaire de demande de récupération signé du 8 août 2017 pour le 7 août précédent au nom de M. [T] [S].



Néanmoins, cette unique pièce est insuffisante à rapporter la preuve de l'usage précité, ce d'autant que le salarié concerné témoigne, dans une attestation produite par l'association APRT, de difficultés personnelles pouvant relever d'une absence imprévisible susceptible d'être régularisée dans les 48 heures.



Par ailleurs, M. [B] [Z] ne justifie ni de la régularisation d'un quelconque formulaire de demande de congé ni d'une circonstance insurmontable de nature à justifier d'une absence sans autorisation préalable.



Et si l'inspection du travail, alertée par le salarié, a adressé à l'APRT un courrier le 29 mai 2017 invitant l'employeur à régulariser le jour de congé, «'sous réserve des explications dont vous me ferez part'» et sans avoir recueilli préalablement les observations de ce dernier, cette lettre ne démontre pas l'existence d'un usage au sein de l'association, étant précisé qu'aucune suite n'a été donnée par l'inspection du travail, après les explications fournies par la direction.



L'avertissement notifié à M. [Z] est, par suite, fondé et proportionné au manquement. Il n'est, enfin, pas soutenu d'irrégularité procédurale concernant ladite sanction.



M. [B] [Z] est, par conséquent, débouté de sa demande d'annulation de la sanction.



- Concernant la demande de rappel de salaire, des congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour sanction injustifiée :



Succombant en sa demande d'annulation de l'avertissement, M. [B] [Z] ne peut qu'être débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre de la journée du 10 avril 2017, des congés payés ainsi que de dommages et intérêts y afférents, étant précisé que le jugement entrepris a omis de statuer sur l'ensemble de ces demandes.















Sur le harcèlement moral :



Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.



Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



En l'espèce, M. [B] [Z] verse aux débats de nombreuses pièces desquelles il résulte notamment que :



- Il s'est vu diagnostiquer courant mars 2006 une «volumineuse hernie postéro-latérale droite à l'étage L5-S1 (scanner du rachis lombaire du 29 mars 2006), laquelle n'a cessé d'évoluer défavorablement ayant été qualifiée de «'grosse récidive de hernie discale L5S1'» (scanner du 9 octobre 2008) et enfin, de discopathie dégénérative sévère (scanner du 4 mars 2015).



- Entre juin 2006 et janvier 2018 (date de son avis d'inaptitude), il a fait l'objet de 9 avis d'aptitude dont 8 avec réserves ou aménagement en lien avec le port de charges lourdes et 1 entre mai 2015 et juin 2016 prévoyant une aptitude sans réserve. Avant le prononcé de son inaptitude, il faisait l'objet depuis le 23 mai 2017, d'une aptitude avec restriction concernant le port de charges lourdes de plus de 15 kg et nécessité d'une alternance entre les chantiers avec échafaudage et les chantiers sans échafaudage «'(à titre d'exemple et idéalement limiter les travaux sur échafaudage à trois jours alternant avec un autre chantier)'».



- La déclaration d'inaptitude médicale du 23 janvier 2018 a été prononcée en raison d'une dépression professionnelle en lien avec une souffrance au travail, le médecin du travail estimant, alors que la pénibilité du poste actuel est à l'origine de l'inaptitude notamment compte tenu des postures pénibles, des pressions psychologiques, et de problèmes relationnels (fiche d'inaptitude).



- L'association APRT a progressivement abandonné les mesures d'aménagement dont il bénéficiait compte tenu de ses restrictions médicales interdisant le port de charges lourdes en lui confiant la réalisation de travaux inadaptés auxdites restrictions médicales. Le salarié s'est, ainsi, vu confier des tâches physiques en méconnaissance de ses restrictions médicales, la direction ne prenant pas en compte sa souffrance (attestation de M. [R]). A cet égard, M. [O] [Y], ancien encadrant technique ente août 2013 et mai 2016 atteste que M. [Z] se voyait confier des tâches inadaptées à ses restrictions médicales et l'avoir vu plusieurs fois «'être obligé de monter et de bouger des échafaudages ainsi que de porter des charges lourdes (pierres blanches, sac de ciment, sac de chaux) car il n'avait qu'une seule personne à encadrer sur son chantier et n'avait pas le choix'». M. [F] [A] confirme cette absence de prise en compte par l'association APRT des restrictions médicales dans l'affectation des chantiers, indiquant avoir lui même, alors qu'il bénéficie de la reconnaissance de travailleur handicapé, été envoyé sur des chantiers avec échafaudage, contrairement aux restrictions médicales dont il faisait l'objet.



- Le salarié faisait l'objet de critiques et dénigrements notamment lors de la réunion quotidienne du matin et alors même que l'ancien directeur atteste avoir toujours été totalement satisfait de son travail (attestation de M. [U] [X]). Ainsi il est fait état de l'acharnement, des propos, du rabaissement de M. [Z] devant les collègues lors du café du matin de la part de M. [N], celui-ci répétant régulièrement qu'il voulait «'dégager les vieux'» (attestation de Mme [L]) ou encore qu'il lui fallait «'travailler sur la pyramide des âges'» (attestation de Mme [P]) ou enfin, qu'il «'ne savait pas comment faire pour se séparer des vieux'» (attestation de M. [R]). Lors de l'entretien de remise des documents de fin de contrat par la direction, M. [N] lui a indiqué n'avoir «'pas besoin de bricoleux'», ce en présence de Mme [L] qui en atteste, et avoir sollicité une visite auprès du médecin du travail en vue de l'obtention d'une inaptitude (attestation de Mme [L]).



- Plusieurs salariés (attestations de Mmes [P], [L], [R] et de M. [R]) décrivent M. [Z] comme présentant un état de souffrance au travail, font état d'une altercation avec la hiérarchie à l'issue de laquelle le salarié «'était perdu, en pleurs, choqué, il n'arrivait plus à parler, il tremblait'» (incident du 11 avril 2017- attestation de Mme [L]).



L'un d'entre eux indique d'ailleurs avoir contacté le médecin du travail pour l'informer de ses craintes que son collègue «ne fasse une bêtise'». Une autre relate également avoir vu son collègue «'cassé en deux'» après un chantier. Enfin, M. [R] fait état d'une mise à l'écart «'Les derniers mois, on ne nous parlait plus au café du matin on ne nous demandait plus de nouvelles de nos chantiers ni des salariés en insertion'».



- Lors d'une réunion du 7 juin 2017 avec l'ensemble des encadrants, le directeur et le président de l'association, suite à un problème de sécurité sur un chantier de Thérioune avec un échafaudage non conforme signalé à l'inspection du travail dans le cadre d'un envoi anonyme, M. [Z] s'est vu reprocher d'être l'auteur de cette dénonciation (attestation de M. [R]).



- L'employeur a adressé à la CPAM Côte D'Opale le 19 janvier 2017 un courrier signalant à l'organisme la situation de M. [B] [Z], ses nombreux arrêts maladie et sous entendant leur caractère injustifié au regard des activités menées personnellement par l'intéressé en lien avec le club de football de [Localité 4] au Laert et les travaux qu'il réalise dans sa nouvelle maison et rapportées par d'autres collègues de travail, ce signalement ayant donné lieu à la mise en oeuvre d'un contrôle de l'intéressé.



Il résulte, par suite, de ces éléments pris dans leur ensemble, que M. [B] [Z] rapporte la preuve de faits matériellement établis qui permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.







De son côté, l'association APRT à qui il incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, se prévaut de ce que M. [Z] n'a pas été affecté à des chantiers ne relevant pas de ses compétences, n'a pas été soumis à un travail en contradiction avec les restrictions médicales posées par la médecine du travail, mesures qui en tout état de cause relevaient du seul pouvoir de direction de l'employeur. L'appelante soutient également que le salarié n'a jamais fait l'objet de dénigrement ou de critiques, que les difficultés psychologiques de M. [Z] trouvent leur origine dans la découverte de la maladie de son petit-fils et les difficultés de santé de son épouse, sans qu'un lien puisse être établi avec son travail, qu'il n'a mis en oeuvre aucune procédure d'alerte ni réalisé aucune démarche auprès du médecin du travail ou de son employeur, que l'intéressée établit une confusion entre une souffrance au travail et le harcèlement moral et qu'enfin, d'autres salariés attestent de l'absence de harcèlement moral au sein de l'association.



En premier lieu, concernant l'affectation de M. [Z] à des chantiers inadaptés à ses restrictions médicales, l'association APRT fait état du respect des avis du médecin du travail, du soutien apporté au salarié par d'autres collègues et de ce que la détermination des missions relève du pouvoir de direction de l'employeur.



Néanmoins, alors que l'intimé produit plusieurs attestations relatant son affectation sur des chantiers avec échafaudage et port de charges lourdes en contradiction avec les préconisations de la médecine du travail, l'association APRT ne verse aux débats ni les lettres de mission confiées au salarié, ni la liste des chantiers auquel il s'est trouvé affecté ni le descriptif des travaux à réaliser. L'employeur ne justifie, dès lors, nullement de ce que le travail confié à M. [Z] n'impliquait pas le port de charges lourdes, peu important qu'une aide ponctuelle ait pu lui être apportée. De la même façon, au cours de la période la plus proche de l'avis d'inaptitude, il n'est nullement justifié de l'alternance préconisée par le médecin du travail entre chantier avec et sans échafaudage.



Ainsi, si le pouvoir de direction de l'employeur implique la détermination du choix des chantiers affectés à un salarié lequel ne peut lui-même en décider, ce pouvoir trouve ses limites dans les restrictions médicales posées par le médecin du travail qui doivent d'autant plus être respectées lorsqu'elles sont précises, détaillées et réitérées dans le temps, comme en l'espèce.



L'association APRT ne démontre, dès lors, pas que les décisions prises concernant l'affectation de M. [Z] à des chantiers ne sont pas constitutives de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Elle ne justifie pas non plus que les décisions prises concernant l'intimé se justifient par la réticence au changement de celui-ci, dans un contexte de renouvellement de l'association, celle-ci ne produisant aucun document attestant de changements d'orientation ou encore de nouvelles mesures prises de façon générale au sein de la structure.



Par ailleurs, s'agissant des accusations, critiques et du dénigrement, l'association APRT ne fournit aucun élément concernant la dénonciation à l'inspection du travail au titre d'un échafaudage non conforme et les accusations portées à l'encontre de M. [Z], non pas concernant ce mauvais montage mais concernant la dénonciation anonyme qui en est à l'origine. A cet égard, le compte rendu de réunion du 7 juin 2017 mentionne expressément le fait que certains encadrants techniques ont alerté l'inspection du travail. Le seul fait pour le salarié d'avoir sollicité l'inspection du travail pour solutionner son litige avec l'employeur concernant son absence injustifiée, sans rapport avec un problème de sécurité, n'est, en outre, pas de nature à justifier d'une mise en cause en réunion publique devant les autres encadrants techniques dont certains attestent des reproches formulés par la direction à l'encontre de M. [Z] sur ce point.



De la même façon, concernant le courrier de signalement à la CPAM et le contrôle auquel ce signalement a abouti, l'association APRT ne justifie nullement de ce que M. [Z] qui faisait certes l'objet de nombreux arrêts de travail mais justifie de graves problèmes de dos, aurait travaillé sur le chantier de sa maison pendant ses arrêts maladies ou encore dans un club de football. Il n'est, ainsi, nullement produit d'attestation des salariés qui auraient rapporté à la direction ces agissements et dont se prévaut l'association dans son courrier adressé à l'organisme social.



En outre, concernant la mise à l'écart de M. [Z] et plus généralement «'des vieux'», celle-ci se trouve confortée par les propres attestations communiquées par l'employeur qui font état de deux groupes au sein de l'APRT (celui des anciens embauchés par le précédent directeur et celui des nouveaux engagés par le nouveau directeur) mais également du fait qu'après le changement de direction, les salariés ont ressenti un malaise au sein de l'APRT, avec notamment des divergences d'opinions que M. [C] reconnaît d'ailleurs avoir également pu ressentir.



L'association APRT ne justifie, dès lors, pas que l'attitude adoptée à l'égard de M. [B] [Z] n'est pas constitutive de harcèlement ni que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



L'employeur ne démontre pas non plus que le syndrôme dépressif dont a souffert M. [Z] qui a rencontré à plusieurs reprises la médecine du travail, comme en atteste son dossier médical, dans ce contexte de souffrance professionnelle, trouve son origine dans une cause étrangère au travail. En effet, si le médecin du travail a mentionné dans le dossier médical de l'intéressé un état dépressif lié au diagnostic de la maladie de son petit fils et à des difficultés de santé de son épouse,

la fiche d'inaptitude évoque exclusivement le lien avec l'activité professionnelle du salarié, sans plus faire référence à d'éventuels problèmes personnels qui, en tout état de cause, ne sont pas présentés de façon exclusive.



Par ailleurs, les attestations de salariés faisant état d'une bonne ambiance de travail ou encore de l'absence de constat de faits de harcèlement moral au sein de l'APRT ne sont pas probantes, dès lors qu'elles ne visent nullement la situation de M. [Z], ne décrivent aucun fait précis , proviennent, pour certaines de salariés n'ayant jamais travaillé avec ce dernier et doivent être nuancées, concernant l'ambiance de travail , par le fait qu'une assemblée générale avait été boycottée quelques temps auparavant par un grand nombre de salariés donnant lieu à l'organisation ultérieure d'une réunion par la direction afin de favoriser un échange avec ces derniers (compte rendu de réunion d'octobre 2016).



Enfin, le fait pour M. [B] [Z] d'avoir souhaité, lors de la remise de ses documents de fin de contrat le 13 mars 2018, obtenir, avec insistance, des explications concernant son licenciement pour inaptitude et son incapacité à gérer des chantiers, n'est pas de nature à justifier de sa mauvaise foi, ce d'autant que les témoignages s'opposent concernant l'attitude du salarié licencié lors de l'entretien, que l'association a alors exigé une demande écrite de l'intéressé pour se voir remettre tous documents, lui a interdit l'accès aux locaux, lui a adressé un courrier recommandé le 19 avril 2018 et a déposé une main courante un mois plus tard, sans qu'aucun «'incident'» ou visite n'aient été signalés au-delà du 6 avril 2018, et alors qu'il ignorait encore le refus de la direction de lui remettre ses fiches de paie sans demande écrite préalable.



Par conséquent, au regard des éléments produits pris dans leur ensemble, l'employeur ne prouve pas que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement. Il ne démontre pas non plus que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Le harcèlement moral subi par M. [B] [Z] est donc établi.



Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.



Sur les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi :



En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.



Par ailleurs, aux termes de l'article L1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.



Il résulte, en outre, de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.



En matière de harcèlement moral, l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle. Elle peut, ainsi, donner lieu à l'indemnisation du préjudice distinct subi.



Respecte, ainsi, l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.



En l'espèce, il résulte des pièces produites et des développements repris ci-dessus que M. [Z] a été victime par le biais des instances dirigeantes de l'association APRT d'agissements de harcèlement moral, pendant plusieurs mois, sans qu'aucune mesure ne soit prise pour y mettre un terme, ce qui caractérise un manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

L'association APRT ne justifie pas non plus avoir respecté les préconisations du médecin du travail concernant le port de charges lourdes dans l'attribution des différents chantiers au salarié.



M. [B] [Z] justifie, en outre, d'un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail en tant que telle, lequel se trouve démontré par les pièces produites faisant état d'un syndrome anxio-dépressif en lien avec le travail et ayant nécessité la prise d'anti-dépresseurs.



L'intimé démontre, par suite, que le manquement de l'association APRT à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail lui a causé un préjudice distinct qu'il convient de réparer à hauteur de 2 000 euros.



Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.











Sur le licenciement nul et ses conséquences financières :



- Concernant la nullité du licenciement :



Le licenciement pour inaptitude d'un salarié est nul s'il trouve son origine dans les conditions de travail du salarié et du harcèlement moral qu'il a subi.



En l'espèce, la rupture du contrat de travail résulte d'une situation d'inaptitude à tous postes, laquelle est la conséquence des conditions de travail du salarié et de la situation de harcèlement moral qu'il a subi.



Il s'évince, en effet, des développements repris ci-dessus que M. [Z] a été victime de la part de sa hiérarchie de faits de harcèlement moral au travail lesquels ont conduit à un avis d'inaptitude rendu le 23 janvier 2018 avec dispense de l'obligation de reclassement au motif que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.



Le lien de causalité entre l'inaptitude et ce harcèlement moral est, en outre, conforté, par les éléments médicaux produits par M. [Z] qui soulignent l'état psychologique altéré de ce dernier en lien direct avec les conditions de travail, à l'origine d'une grande souffrance morale.



Dans ces conditions, la preuve de ce que le harcèlement moral subi par M. [B] [Z] est à l'origine directe de son inaptitude, se trouve rapportée.



La rupture du contrat de travail résulte, ainsi, d'une situation d'inaptitude à tous postes, laquelle est la conséquence directe et certaine des conditions de travail du salarié et de la situation de harcèlement moral qu'il a subie. Dès lors, par application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement est nul.



Le jugement entrepris est, par suite, confirmé sur ce point.



Concernant les conséquences financières du licenciement nul :



Il résulte des dispositions de l'article 2.3 du titre VI, section 3 de la convention collective applicable, qu'en cas de licenciement, «'L'employeur doit justifier d'une cause réelle et sérieuse pour tout licenciement. Le salarié justifiant de 1 an d'ancienneté à la date de notification du licenciement bénéficie d'un préavis minimum de 2 mois et d'une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois par année d'ancienneté, sauf en cas de faute grave ou lourde. Le licenciement pour inaptitude physique répond à une procédure spécifique fixée par la loi. En cas de licenciement pour inaptitude physique, le montant de l'indemnité sera doublé. Le licenciement économique répond à une procédure spécifique prévue par la loi. L'indemnité de licenciement telle que prévue par la convention collective nationale des ACI s'appliquera selon l'ancienneté du salarié, sous réserve que cette indemnité conventionnelle reste plus favorable que l'indemnité légale de licenciement prévue à l'article R. 1234-2 du code du travail'».



Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, le salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis.



L'indemnité de préavis est, toutefois, due au salarié lorsque le licenciement a été déclaré nul par le juge ou encore de façon plus générale lorsque l'employeur est responsable de l'inexécution de ce préavis.



En l'espèce, il résulte des développements repris ci-dessus que le licenciement pour inaptitude de M. [Z] est nul pour être intervenu dans un contexte de harcèlement moral, de sorte que ce dernier a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, conformément aux dispositions précitées de la convention collective applicable.



L'employeur qui ne démontre pas avoir payé l'indemnité compensatrice de préavis laquelle n'apparaît d'ailleurs ni dans le reçu pour solde de tout compte ni dans le dernier bulletin de salaire est, par conséquent, condamné à payer à l'intimé, 4106,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 410,66 euros au titre des congés payés y afférents.



Le jugement entrepris est confirmé à cet égard.



Par ailleurs, le salarié a également droit au paiement d'une indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions légales plus favorables que celles de la convention collective lesquelles prévoient le doublement de cette indemnité, en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle, laquelle résulte des développements ci-dessus et du lien établi entre le harcèlement moral subi au travail et l'inaptitude.



En premier lieu, si les dispositions de l'article L1234-20 du code du travail confèrent un effet libératoire au reçu pour solde de tout compte en l'absence de dénonciation dans les six mois suivant sa signature, cet effet libératoire est anéanti, dès lors que le reçu pour solde de tout compte fait état d'une somme globale et ne détaille pas les sommes y afférentes.



Tel est le cas, en l'espèce, du reçu pour solde de tout compte signé le 7 mars 2018 par M. [Z] qui évoque le paiement de la somme globale de 34 992,07 euros en paiement des salaires, accessoires de salaire et de toutes indemnités. L'intimé est, par suite, recevable à contester le montant de l'indemnité de licenciement.



En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. [Z] pour être entré au service de l'employeur à compter de novembre 1991, le montant de l'indemnité de licenciement due à M. [Z] s'élève donc à la somme de 16 996,93 euros qui doit être doublée, conformément aux dispositions de la convention collective précitée, soit 33 993,86 euros nets.



L'association APRT qui n'a versé au salarié que la somme de 33 392, 84 euros, est, par suite, redevable envers l'intéressé d'un rappel d'indemnité de licenciement de 601,02 euros, demande sur laquelle la juridiction prud'homale n'a pas statué.



Concernant les dommages et intérêts pour licenciement nul, en application de l'article L1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, si un licenciement intervient pour une des causes de nullité prévues au deuxième alinéa et notamment en cas de harcèlement moral subi par le salarié et si celui-ci ne sollicite pas la poursuite de l'exécution du contrat de travail ou si sa réintégration dans l'entreprise est impossible, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.



Ainsi, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de M. [B] [Z] (pour être entrée au service de l'association APRT en novembre 1991), de son âge (pour être né le 2 novembre 1962) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (2053,32 euros bruts), des périodes de chômage subséquentes justifiées ainsi que de l'absence de reprise d'une activité professionnelle et de la perte de revenus qui en est résulté par rapport au salaire perçu dans le cadre du contrat litigieux, le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul est fixé à 40 000 euros.



Le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum alloué.



Sur la demande de rappel de différentiel de revenus et les congés payés y afférents :



M. [B] [Z] sollicite la condamnation de l'association APRT à lui verser un rappel de différentiel de revenus, outre les congés payés y afférents.



Cette demande s'analyse, en réalité, non pas en un rappel de salaire au sens strict du terme, compte tenu de la rupture du contrat de travail mais en une demande de dommages et intérêts correspondant au différentiel de revenus.



Les dommages-intérêts alloués à un salarié doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.



Or, le salarié licencié pour inaptitude se voit accorder des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la nullité de son licenciement lesquels réparent le préjudice né de la perte de son emploi et donc la perte de son salaire et la diminution corrélative de ses revenus.



Il en résulte que l'indemnisation au titre du différentiel de revenus et des congés payés y afférents se trouve comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement, un même préjudice ne pouvant être réparé deux fois.



Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.



Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour perte d'emploi :



M. [Z] formule également une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de son emploi à quelques années de la retraite.



Néanmoins, le salarié qui a obtenu une indemnisation au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne peut prétendre cumuler cette indemnisation qui répare la perte injustifiée de son emploi, avec des dommages et intérêts au titre du préjudice subi lié à la perte de cet emploi, un même préjudice ne pouvant être réparé deux fois.



L'intimé est débouté de cette demande et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.



Sur les dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de reclassement:



M. [Z] qui a obtenu une indemnisation au titre de son licenciement nul, ne peut prétendre cumuler cette indemnisation qui répare la perte injustifiée de son emploi, avec des dommages et intérêts au titre d'un éventuel manquement de son employeur à son obligation de reclassement.













Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées par l'association APRT :



- au titre des dommages et intérêts pour atteinte à la dignité de l'association :



L'association APRT ne démontre nullement que l'action prud'homale mise en oeuvre par M. [Z] et qui se trouve en grande partie accueillie, aurait porté atteinte à sa dignité. Il n'est pas non plus démontré que l'intéressé aurait adopté un comportement irrespectueux et menaçant à l'égard de son employeur postérieurement à son licenciement.



Elle ne justifie pas non plus d'un quelconque préjudice.



Cette demande est rejetée.



- au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive :



Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné au paiement de dommages-intérêts.



L'association APRT ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Z] dont les prétentions sont en grande partie accueillies, aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel.



Il y a dès lors lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.



Le jugement entrepris est, par suite, confirmé en ce qu'il a débouté l'association APRT de ses demandes de dommages et intérêts.



Sur la demande de remise de documents de fin de contrat :



Il convient d'ordonner à l'association APRT de délivrer à M. [B] [Z] une attestation destinée à Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail et une fiche de paie récapitulative conformes à la présente décision, sans qu'il soit besoin d'ordonner une astreinte.



Le jugement entrepris est confirmé à cet égard.



Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail :



Le licenciement de M. [B] [Z] ayant été jugé nul, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail.



En conséquence, la cour ordonne le remboursement par l'association APRT aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [B] [Z], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.













Sur les autres demandes :



Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance sont confirmées.



Succombant à l'instance, l'association APRT est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. [B] [Z] de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :





La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Omer le 6 novembre 2020, sauf en ce qu'il a omis de statuer sur les demandes de rappel d'indemnité de licenciement, d'annulation de la sanction, de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour sanction injustifiée, en ce qu'il a débouté M. [B] [Z] de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail, et en ce qu'il a fixé à 20 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul,



STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,



DIT que M. [B] [Z] est recevable à contester le montant de l'indemnité de licenciement versée ;



DÉBOUTE M. [B] [Z] de sa demande d'annulation de la sanction disciplinaire, de rappel de salaire et des congés payés y afférents et des dommages et intérêts pour sanction injustifiée ;



CONDAMNE l' Association Promotion et Reconnaissance par le Travail (APRT) à payer à M. [B] [Z] :

- 601,02 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité et manquement à l'exécution loyale du contrat de travail,

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;



ORDONNE le remboursement par l' Association Promotion et Reconnaissance par le Travail (APRT) aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [B] [Z], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;



















CONDAMNE l' Association Promotion et Reconnaissance par le Travail (APRT) aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [B] [Z] 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.









LE GREFFIER







Gaetan DELETTREZ







LE PRÉSIDENT







Pierre NOUBEL

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