11 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.739

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00026

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 janvier 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 26 F-D

Pourvoi n° D 21-16.739




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 JANVIER 2023

La société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-16.739 contre le jugement rendu le 1er avril 2021 par le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, statuant selon la procédure accélérée au fond, dans le litige l'opposant à la société Guadeloupe entretien maintenance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, 1er avril 2021), la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes, entité adjudicatrice, a publié au Journal officiel de l'Union européenne un avis en vue de l'attribution d'un marché public ayant pour objet la maintenance de ses installations de climatisation.

2. Elle a informé la société Guadeloupe entretien maintenance que son offre, classée en deuxième position, derrière l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane, n'avait pas été retenue.

3. La société Guadeloupe entretien maintenance a assigné la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes en procédure accélérée au fond, sur le fondement des articles 1441-1 du code de procédure civile et 5 de l'ordonnance n° 2009- 515 du 7 mai 2009, en demandant la communication des caractéristiques et des avantages de l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane et, en particulier, le montant de son offre pour chacun des sous-critères financiers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes fait grief au jugement de dire que les éléments d'information contenus dans la lettre du 3 février 2021 sont insuffisants pour permettre à la société Guadeloupe entretien maintenance de contester utilement les motifs du rejet de son offre et ne sont pas conformes aux obligations d'information du soumissionnaire évincé et de lui ordonner de communiquer à cette société, dans un délai de 15 jours, les caractéristiques et avantages de l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane, les montants relatifs à la partie prix unitaires du BPU et la part du taux de marge constituant respectivement les 2e et 3e sous-critères financiers de l'offre, alors « que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes a opposé au reproche que lui faisait la société Guadeloupe entretien maintenance d'avoir manqué à son obligation de communiquer les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue, les dispositions de l'article L. 2132-1 du code de la commande publique qui imposent à l'acheteur de "ne pas communiquer des informations confidentielles dont il a eu connaissance à la faveur d'une procédure de passation", ainsi que les dispositions de l'article L. 151-1 du code de commerce, protégeant le secret des affaires, et a invoqué un arrêt de la Cour de cassation (Com. 6 décembre 2016, n° 15-26.414, publié au bulletin) ayant jugé que "l'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer aux candidats dont l'offre a été écartée pour un autre motif que son caractère inapproprié, irrégulier ou inacceptable les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue et notamment, dans le cadre d'un appel d'offres mettant en œuvre des critères de sélection fondés sur cet élément, son prix, sauf à établir, ce qui n'était pas invoqué en l'espèce, qu'une telle divulgation serait contraire à la loi, en particulier violerait le secret industriel et commercial, serait contraire à l'intérêt public, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques", pour en conclure qu'elle "n'était pas tenue, dans le cadre de la présente procédure, de communiquer les informations demandées sauf à méconnaître les droits de l'attributaire à entraver le jeu de la concurrence, a fortiori en Guadeloupe" ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans se prononcer, comme il y était invité, sur l'atteinte au secret des affaires pouvant résulter de la communication à la société Guadeloupe entretien maintenance des informations qu'elle réclamait, le président du tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. En ordonnant à la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes de communiquer à la société Guadeloupe entretien maintenance, dans un délai de 15 jours, les caractéristiques et avantages de l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane, les montants relatifs à la partie prix unitaires du BPU et la part du taux de marge constituant respectivement les 2e et 3e sous-critères financiers de l'offre, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes faisait valoir qu'elle était tenue, en application de l'article L. 2132-1 du code de la commande publique et de l'article L. 151-1 du code de commerce, protégeant le secret des affaires, de ne pas communiquer des informations confidentielles dont elle a eu connaissance à la faveur d'une procédure de passation de marché, ce dont elle déduisait qu'elle ne pouvait communiquer les informations demandées sauf à méconnaître les droits de l'attributaire, le président du tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant la juridiction du président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, autrement composé ;

Condamne la société Guadeloupe entretien maintenance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Guadeloupe entretien maintenance à payer à la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Aéroportuaire Guadeloupe pôle Caraïbes.

La Société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC) fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que les éléments d'information contenus dans la lettre du 3 février 2021 étaient insuffisants pour permettre à la SAS Guadeloupe entretien maintenance de contester utilement les motifs du rejet de son offre et n'étaient pas conformes aux obligations d'information du soumissionnaire évincé et de lui avoir ordonné de communiquer à la SAS Guadeloupe entretien maintenance, dans un délai de 15 jours, les caractéristiques et avantages de l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane, les montants relatifs à la partie à prix unitaires du BPU et la part du taux de marge constituant respectivement les 2e et 3e sous-critères financiers de l'offre ;

Alors 1°) qu'aux termes de l'article R. 2181-4, 2° du code de la commande publique, l'entité adjudicatrice communique au soumissionnaire les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ; que, dans ses conclusions (§ n° 25), la SAGPC a fait valoir qu'elle avait satisfait à son obligation de communication, dès lors qu'elle avait communiqué à la société GEM, dans son courrier de rejet du 3 février 2021, les notes obtenues par l'attributaire, figurant dans un tableau ; qu'elle a ajouté (§ n° 27) que, dans son courrier en réponse à la demande de la société GEM, du 12 février 2021, elle lui avait communiqué « l'ensemble des notes attribuées au titre des critères, sous-critères et sous-critères de second rang (‘‘sous sous-critères'') », ce qui avait permis à cette dernière de « prendre pleinement connaissance des caractéristiques de l'offre retenue au regard de la sienne », étant précisé qu' « un extrait du rapport d'analyse des offres (RAO) concernant les appréciations portées sur l'offre technique de la société GEM est d'ailleurs versé au débat » ; que le juge du référé précontractuel a énoncé que les éléments transmis par la SAGPC « se limitent aux notes attribuées au titre des sous-critères financiers concernant essentiellement l'offre de la (société GEM) », que « les données chiffrées sont insuffisantes à elles seules pour porter une appréciation comparée des caractéristiques techniques entre les deux offres et notamment à clarifier l'attribution du marché à la société Idex énergie Antilles Guyane » et que si la SAGPC « a bien transmis à la SAS Guadeloupe entretien maintenance les éléments de l'offre de la société Idex énergie Antilles Guyane relatifs à la partie à prix forfaitaire, les éléments relatifs à la partie prix unitaires ainsi que le taux de remise sur le prix hors-BPU n'ont pas été communiqués, alors que ces deux points constituent des éléments d'appréciation des offres respectivement des 2e et 3e sous-critères financiers » ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si les éléments communiqués par l'entité adjudicatrice ne suffisaient pas, à eux seuls, à établir qu'elle avait communiqué au soumissionnaire les caractéristiques et avantages de l'offre retenue, le président du tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée, ensemble l'article 6 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

Alors 2°) et en toute hypothèse que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la SAGPC a opposé au reproche que lui faisait la société GEM d'avoir manqué à son obligation de communiquer les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue, les dispositions de l'article L. 2132-1 du code de la commande publique qui imposent à l'acheteur de « ne pas communiquer des informations confidentielles dont il a eu connaissance à la faveur d'une procédure de passation » (concl., § n° 34), ainsi que les dispositions de l'article L. 151-1 du code de commerce, protégeant le secret des affaires (concl., n° 35), et a invoqué un arrêt de la Cour de cassation (Com. 6 décembre 2016, n° 15-26.414, publié au bulletin) ayant jugé que « l'acheteur soumis aux règles de la commande publique doit communiquer aux candidats dont l'offre a été écartée pour un autre motif que son caractère inapproprié, irrégulier ou inacceptable les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue et notamment, dans le cadre d'un appel d'offres mettant en oeuvre des critères de sélection fondés sur cet élément, son prix, sauf à établir, ce qui n'était pas invoqué en l'espèce, qu'une telle divulgation serait contraire à la loi, en particulier violerait le secret industriel et commercial, serait contraire à l'intérêt public, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques », pour en conclure (§ n° 36) qu'elle « n'était pas tenue, dans le cadre de la présente procédure, de communiquer les informations demandées sauf à méconnaître les droits de l'attributaire à entraver le jeu de la concurrence, a fortiori en Guadeloupe » ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans se prononcer, comme il y était invité, sur l'atteinte au secret des affaires pouvant résulter de la communication à la société GEM des informations qu'elle réclamait, le premier président du tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que dans ses conclusions (§ n° 37), la SAGPC avait pareillement opposé au reproche qui lui faisait la société GEM d'avoir omis de lui transmettre le « montant de la partie à prix unitaires du marché », et le « prix global du sous-critère relatif au BPU », le secret des affaires, renvoyant à ses développement précédents (§ n° 34 s.) ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, par lesquelles la SAGPC invoquait un risque d'atteinte au secret des affaires, le premier président du tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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