4 janvier 2023
Cour d'appel de Rennes
RG n° 21/00862

9ème Ch Sécurité Sociale

Texte de la décision

9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/00862 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RKSV













CNAV



C/



[Y] [C]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JANVIER 2023



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et lors du prononcé,





DÉBATS :



A l'audience publique du 08 Novembre 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargée de l'instruction de l'affaire, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;



DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:



Date de la décision attaquée : 19 Novembre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de SAINT-BRIEUC - Pôle Social

Références : RG 19/181



****

APPELANTE :



LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par M. [B] [S], en vertu d'un pouvoir spécial



INTIMÉE :



Madame [Y] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, avocat au barreau de RENNES






















EXPOSÉ DU LITIGE :



Le 8 avril 2011, Mme [Y] [C] a déposé auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de la Santé au Travail (la caisse), une demande de pension de réversion suite au décès de [M] [O], son ex-époux.



Une pension de réversion lui a été attribuée à compter du 1er mars 2011, pour un montant mensuel de 795,42 euros.



Par ailleurs, par lettre du 28 juin 2014, elle a sollicité auprès de la caisse d'assurance retraite la liquidation de ses pensions de retraite personnelles au titre :



- du régime général de sécurité sociale ;

- du régime de sécurité sociale des indépendants.



À la suite d'un contrôle de ses ressources diligenté par la caisse en juillet 2017, Mme [C] a déclaré percevoir :



- une retraite de base brute mensuelle de 1 551,57 euros, en ce compris la pension de réversion ;

- une pension de retraite complémentaire brute mensuelle de 2 327,68 euros servie par AG2R ;

- une pension de réversion complémentaire brute mensuelle de 176,49 euros servie par Audiens ;

- une pension de retraite brute mensuelle de 25,93 euros servie par la caisse du régime social des indépendants au titre de son activité de commerçante.



La caisse a suspendu le versement de la pension de réversion à compter du 1er septembre 2018, compte tenu des ressources déclarées.



Le 9 septembre 2018, la caisse a notifié à Mme [C] un indu de pension de réversion d'un montant de 15 212,68 euros pour la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2018, compte tenu de la prescription biennale.



Par lettre adressée le 7 janvier 2019 intitulée 'démarche préalable en vue de la résolution amiable du litige', Mme [C] a contesté l'indu et la réduction de sa pension depuis le mois d'octobre 2018.



Faute de réponse de la caisse, Mme [C] a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 26 avril 2019.



Par jugement du 11 juin 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :



- annulé la mise en demeure du 6 septembre 2018 ;

- ordonné la réouverture des débats quant à la recevabilité d'une part de la révision par la caisse de la pension de réversion de Mme [C] et, d'autre part, de sa demande en paiement en découlant au regard des dispositions de l'article L. 355-3 et de celles des articles L. 133-4-6 et L. 932-13 du code de la sécurité sociale, soulevées d'office.



Par jugement du 19 novembre 2020, ce tribunal a :



- déclaré irrecevable la demande de révision de la pension de réversion de la caisse faute d'avoir été notifiée valablement dans le délai de deux années à compter de laquelle elle a eu connaissance de l'entièreté des ressources de Mme [C] ;

- déclaré irrecevable la demande en paiement de la somme de 15 212,68 euros par la caisse à l'encontre de Mme [C] ;

- débouté la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [C] ;

- ordonné rétroactivement à la caisse de procéder au paiement de la retraite de réversion non-versée depuis le mois de septembre 2018 au profit de Mme [C] ;

- dit n'y avoir lieu à allouer à Mme [C] des dommages et intérêts ;

- condamné la caisse à payer à Mme [C] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la caisse aux dépens.



Par déclaration adressée au greffe le 28 décembre 2020, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 novembre 2020, en ce qu'il a :



- déclaré irrecevable la demande de révision de la pension de réversion de la caisse faute d'avoir été notifiée valablement dans le délai de deux années à compter de laquelle elle a eu connaissance de l'entièreté des ressources de Mme [C] ;

- déclaré irrecevable la demande en paiement de la somme de 15 212,68 euros par la caisse à l'encontre de Mme [C] ;

- débouté la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [C] ;

- ordonné rétroactivement à la caisse de procéder au paiement de la retraite de réversion non-versée depuis le mois de septembre 2018 au profit de Mme [C] ;

- condamné la caisse à payer à Mme [C] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la caisse aux dépens.



Par ses écritures parvenues au greffe le 5 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à allouer à Mme [C] des dommages et intérêts en l'absence d'effet dévolutif de l'appel sur ce chef de contestation ;



- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :



* déclaré irrecevable la demande de révision de la pension de réversion de la caisse faute d'avoir été notifiée valablement dans le délai de deux années à compter de laquelle celle-ci a eu connaissance de l'entièreté des ressources de Mme [C] ;

* débouté la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [C] ;

* ordonné rétroactivement à la caisse de procéder au paiement de la retraite de réversion non-versée depuis le mois de septembre 2018 au profit de Mme [C] ;

* condamné la caisse à payer à Mme [C] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* ordonné l'exécution provisoire ;

* condamné la caisse aux dépens.





Et statuant à nouveau :



A titre principal :

- dire que la condition de ressources n'est plus satisfaite ;

- dire la révision du 6 septembre 2018 bien fondée en son principe et non prescrite ;

- dire n'y avoir lieu au paiement rétroactif de la pension de réversion non versée depuis le 1er septembre 2018 ;

- condamner Mme [C] aux dépens ;

- condamner Mme [C] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ses écritures parvenues par le RPVA le 27 septembre 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [C] demande à la cour de :



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :



* annulé la mise en demeure du 9 septembre 2018 notifiée par la caisse pour un montant de 15 212,68 euros ;

* déclaré irrecevable la demande de révision de la pension de réversion de la caisse ;

* déclaré irrecevable la demande en paiement de la somme de 15 212,68 euros par la caisse à l'encontre de Mme [C] ;

* débouté la caisse de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [C] ;

* ordonné rétroactivement à la caisse de procéder au paiement de la retraite de réversion non-versée depuis le mois de septembre 2018 au profit de Mme [C] ;

* condamné la caisse à payer à Mme [C] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la caisse aux dépens.



- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit n'y avoir lieu à allouer à Mme [C] des dommages et intérêts ;



En conséquence,



- déclarer irrecevable et mal fondée la caisse à réviser la pension de réversion faute de justifier d'une notification de révision opposable à l'assurée ;

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la caisse à lui verser la somme de 5 000 à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la caisse au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



1 - Sur la recevabilité de l'appel :



Il résulte des dispositions combinées des articles 528, 538 et 932 du code de procédure civile que les parties peuvent interjeter appel dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, l'appel devant être porté devant le greffe de la cour.



En application des articles 641, 642, 668 et 669 du code de procédure civile, lorsque le délai de recours est exprimé en mois, ce délai expire le dernier jour du mois qui porte le même quantième que le jour de la notification qui fait courir le délai. Cependant, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.



Il résulte de l'examen de l'avis de réception de la lettre recommandée versée au dossier par le greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc que la caisse a reçu notification du jugement le 25 novembre 2020.



Par conséquent, le délai pour interjeter appel expirait le 28 décembre 2020 à minuit, le 25 décembre 2020 étant férié et les 26 et 27 décembre 2020 étant respectivement un samedi et un dimanche, cette date limite étant celle de l'expédition de la lettre recommandée avec avis de réception formalisant l'appel.



La caisse ayant interjeté appel de la décision par courrier recommandé expédié le 28 décembre 2020 (pièce n°14 de la caisse), elle doit être déclarée recevable en son recours pour l'avoir formé dans le délai qui lui était imparti.



2 - Sur la demande de révision de la pension de réversion :



La cour observe à titre liminaire qu'aux termes de ses dernières écritures, la caisse ne conteste plus le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de condamnation de Mme [C] au paiement de la somme de 15 212,68 euros.



Seuls sont donc en discussion la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant de la faculté de révision de la pension de réversion et ses conséquences sur les droits de Mme [C] à compter du 1er septembre 2018.



L'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale fixe le principe du droit à pension de réversion du conjoint divorcé de l'assuré décédé, assimilé au conjoint survivant, à partir de l'âge et dans les conditions fixées par décret.



L'article R. 353-1 du même code précise les conditions de ressources exigées pour l'attribution de la pension de réversion.



L'article R. 353-1-1 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 3 juin 2011, énonce les modalités de révision de la pension de réversion en cas de modification des ressources dans les termes suivants :



'La pension de réversion est révisable en cas de variation dans le montant des ressources, calculé en application des dispositions de l'article R. 353-1, dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles R. 815-20, R. 815-38, R. 815-39 et R. 815-42. La date de la dernière révision ne peut être postérieure :



a) A un délai de trois mois après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base et complémentaire lorsqu'il peut prétendre à de tels avantages ;



b) A la date à laquelle il atteint l'âge prévu par l'article L. 161-17-2, lorsqu'il ne peut pas prétendre à de tels avantages'.



Les modalités de révision sont celles de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.



L'article R. 815-38 du code de la sécurité sociale impose aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de déclarer à l'organisme ou au service qui leur sert cette allocation tout changement survenu dans leurs ressources, leur situation familiale ou leur résidence, et l'article suivant permet à cet organisme ou service de procéder, à tout moment, à la vérification des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des demandeurs ou au contrôle des ressources, de la résidence ou de la situation familiale des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.



Comme l'a jugé la Cour de cassation, il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 353-1-1, R. 815-18 et R. 815-38 du code de la sécurité sociale que si la date de la dernière révision de la pension de réversion ne peut être postérieure, notamment, à un délai de trois mois après la date à laquelle le conjoint survivant est entré en jouissance de l'ensemble des avantages personnels de retraite de base et complémentaire lorsqu'il peut prétendre à de tels avantages, c'est à la condition que l'intéressé ait informé de cette date l'organisme auquel incombe le paiement de la pension de réversion (2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-24.019 ; 2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.034).



Dans l'hypothèse où la caisse a été informée tardivement d'une modification des ressources perçues par le conjoint survivant, elle peut réviser la pension, et notifier l'indu en découlant.



En l'espèce, Mme [C], née le 24 octobre 1951, s'est vue attribuer une pension de réversion à effet au 1er mars 2011.



Elle bénéficie de ses avantages personnels de retraite de base et complémentaires depuis le 1er juillet 2014.



Il n'est pas contesté que la perception de ces avantages personnels n'a été portée à la connaissance de la caisse que lors du retour du questionnaire adressé par celle-ci au mois de juillet 2017. La réponse de Mme [C] est datée du 21 août 2017.



Par lettre du 9 septembre 2018, la caisse a réclamé à Mme [C] le paiement d'un trop-perçu d'un montant de 15 212,68 euros déterminé suite à la révision de sa pension de réversion, qu'elle mentionne avoir notifié par lettre séparée.



Si la caisse produit aux débats la copie d'une lettre adressée à Mme [C] le 6 septembre 2018 intitulée 'notification de retraite : extrait d'inscription au registre des retraites' au terme de laquelle elle informe l'intéressée que sa pension de réversion est réduite à zéro compte tenu du montant de ses ressources et qu'un trop-perçu de 15 212,68 euros existe sur la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2018, outre la mention des voies et délais de recours, la caisse ne justifie pas de la réception de celle-ci par Mme [C] qui conteste l'avoir reçue.



Il s'en évince que la caisse ne justifie d'aucune décision, notifiée à Mme [C], portant révision de la pension de réversion, avec mention des voies et délais de recours.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de révision de la pension de réversion de la caisse et ordonné à cette dernière de procéder au paiement des pensions non-versées depuis le mois de septembre 2018 au profit de Mme [C].



3 - Sur la demande de dommages et intérêts :



L'intimée ne rapportant pas la preuve d'une faute commise par la caisse lui ayant causé un préjudice distinct de l'absence de paiement de sa pension de réversion à compter du 1er septembre 2018, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de ce chef.



4 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :



Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [C] ses frais irrépétibles.



La caisse sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros.



Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.



PAR CES MOTIFS :



La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,



DÉCLARE recevable l'appel formé par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse ;



CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mentionné 'faute d'avoir été notifiée valablement dans le délai de deux années à compter de la date à laquelle la Caisse nationale d'assurance vieillesse a eu connaissance de l'entièreté des ressources de Mme [C]' ;



CONDAMNE la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse à verser à Mme [C] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse aux dépens.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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