5 janvier 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/16875

Chambre 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 05 JANVIER 2023



N° 2023/3













Rôle N° RG 21/16875 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIPD4







S.A. SERENIS ASSURANCES





C/



[R] [X]

Caisse CPAM ALPES MARITIMES



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Maud DAVAL-GUEDJ



Me Cyril OFFENBACH





























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de DRAGUIGNAN en date du 17 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/04278.





APPELANTE



S.A. SERENIS ASSURANCES,

dont le siège social est [Adresse 2]



représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Marc AUTHAMAYOU, avocat au barreau de NICE



INTIMEES



Madame [R] [X]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]



représentée et assistée par Me Cyril OFFENBACH, avocat au barreau de NICE





CPAM ALPES MARITIMES,

dont le siège social est [Adresse 4]



assignée et non représentée











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Myriam GINOUX, Conseillère





Greffier lors des débats : Mme Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.





ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023,



Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

EXPOSÉ DU LITIGE



Le 20 février 2020 en soirée, alors qu'elle circulait de l'autoroute A8, Mme [R] [X] a été victime d'un accident de la circulation impliquant son véhicule Opel Meriva, un Dacia Duster conduit par Mme [Z] [I] et, dans un second temps, une Toyota Rav 4 conduite par M. [F] [M]. Prise en charge par la SMUR, elle a été évacuée sur l'hôpital [5] de [Localité 7] où un médecin légiste a évalué à 120 jours son incapacité totale de travail initiale.



Par actes d'huissier en date des 18 et 21 juin 2021, elle a fait assigner la société anonyme (SA) Serenis Assurances, assureur de la conductrice adverse, ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes Maritimes devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins d'obtenir l'instauration d'une expertise médicale et de s'entendre allouer une provision de 50 000 euros sur l'indemnisation de son préjudice ainsi que 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance réputée contradictoire en date du 17 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :

- condamné la SA Serenis Assurances à payer à Mme [R] [X] la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

- ordonné une expertise médicale et commis le docteur [B] [C] pour y procéder ;

- condamné la SA Serenis Assurances aux dépens et à verser à Mme [R] [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Selon déclaration reçue au greffe le 1er décembre 2021, la SA Serenis Assurances a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.



Par dernières conclusions transmises le 13 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et :

- déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- dise qu'il n'y a lieu de la condamner sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, réduise la provision à une somme minime, bien inférieure à 10 000 euros ;

- condamne Mme [X] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Authamayou sur son affirmation de droit.



Par ordonnance en date du 18 mai 2022, la conseillère déléguée de la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [R] [X] par application des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile.



Régulièrement assignée à personne, la CPAM des Alpes Maritimes n'a pas constitué avocat.



L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 2 novembre 2022.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Par application de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie des conclusions de l'intimée, déclarées irrecevables, doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueuilli les prétentions de cette partie en première instance.



Sur la demande d'expertise



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.



La demande de mesure d'instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables, qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc aux appelants de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles leurs allégations et démontrer que le résultat des expertises à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective de procès au fond susceptibles d'être engagés ultérieurement.



Il résulte du procès-verbal d'enquête préliminaire que le 20 février 2020, vers 20 heures 35, les gendarmes de la brigade territoriale de [Localité 8] sont intervenus sur l'autoroute A8, à hauteur de la commune de [Localité 7], où trois véhicules étaient entrés en collision. Mme [X], conductrice d'une Opel Meriva (de prêt) impliquée dans l'accident, se trouvait allongée sur la chaussée et se plaignait de nombreuses douleurs sur l'ensemble du corps. Elle était évacuée par la SMUR sur l'hôpital [5] de [Localité 7] où un médecin légiste évaluait à 120 jours son incapacité totale de travail initiale.



Le premier juge a relevé que, dans les suites de cet accident, elle a présenté :

- un pneumothorax gauche,

- une fracture déplacée de l'olécrâne droit,

- une fracture de la dent 32,

- une plaie au cuir chevelu,

- une plaie du thorax gauche avec suture,

- une fracture tassement L1 avec recul minime du mur postérieur,

- des fractures costales déplacées en 5 et 6 droite et de l'arc postérieur de K7 à K2 avec épanchement pleural bilatéral, traumatisme cervical, hématome SCM gauche, plaie rétroauriculaire gauche,

- épanchement de Douglas.



Il a également mentionné, sans que cela soit contesté, que la persistance de ces séquelles résultait, en outre, du rapport du docteur [T], expert commis au titre de sa garantie contractuelle 'accident corporel conducteur', qui, après avoir rappelé ses hospitalisations et séjours de rééducation, a retenu un déficit fonctionnel permanent de 37 %.



Ces lésions et séquelles, sont, sans aucun doute possible, contemporaines de l'accident et compatibles avec le choc tel que décrit dans le procès-verbal de gendarmerie.



La réalité des préjudices soufferts par Mme [X], en lien avec l'accident en cause, est donc établie et il ressort de la compétence technique d'un médecin expert de déterminer plus avant le lien causal et l'ampleur des préjudices effectivement imputables au sinistre.



En l'état, Mme [X] démontre, avec l'évidence requise en référé, son intérêt légitime à la réalisation d'une expertise médicale destinée à nourir un futur procès au fond et ce, indépendamment de tout débat relatif à ses chances de succès lesquelles n'ont pas à être examinées et/ou évaluées dans le cadre d'une demande de mesure d'instruction in futurum fondée sur les dispositions précitées de l'article 145 du code de procédure civile.



L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise médicale formulée par Mme [X].



Sur la demande de provision



Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point. A l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision n'a alors d'autre limite que celui non sérieusement contestable de la créance alléguée. Enfin, c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Aux termes de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.



Pour la mise en oeuvre des dispositions de ce texte, la faute de la victime ayant contribué à son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur. Il n'est pas nécessaire pour que son droit à indemnisation soit exclu et, a fortiori, contesté qu'elle constitue la cause exclusive de l'accident.



L'article R. 414-4 du code de la route dispose :

I. - Avant de dépasser, tout conducteur doit s'assurer qu'il peut le faire sans danger.

II. - Il ne peut entreprendre le dépassement d'un véhicule que si :

1° Il a la possibilité de reprendre sa place dans le courant normal de la circulation sans gêner celle-ci ;

2° La vitesse relative des deux véhicules permettra d'effectuer le dépassement dans un temps suffisamment bref.

3° Il n'est pas lui-même sur le point d'être dépassé.

III. - Il doit, en outre, avertir de son intention l'usager qu'il veut dépasser.

IV. - Pour effectuer le dépassement, il doit se déporter suffisamment pour ne pas risquer de heurter l'usager qu'il veut dépasser. Il ne doit pas en tout cas s'en approcher latéralement à moins d'un mètre en agglomération et d'un mètre et demi hors agglomération s'il s'agit d'un véhicule à traction animale, d'un engin à deux ou à trois roues, d'un piéton, d'un cavalier ou d'un animal.



Aux termes de l'article R 414-10 alinéa 1 du même code, tout conducteur qui vient d'effectuer un dépassement par la gauche doit revenir sur sa droite sans provoquer le ralentissement du véhicule dépassé.



En l'espèce, il résulte de procès-verbal d'audition de Mme [Z] [I], qu'alors qu'elle circulait sur la voie de droite de l'autoroute A8, à une vitesse estimée à 100/110 km, elle a subitement ressenti un gros choc sur le côté gauche de son véhicule, ce qui (lui a) fait perdre le contrôle de ce dernier qui est entré en collision avec les glissières de sécurité en béton armé et métalliques. Au sortir de son automobile, elle s'est réfugiée sur le terre plein central et a aperçu Mme [X] allongée au sol non loin de son propre véhicule, immobilisé au milieu de la chaussée.



Entendue près de quatre mois après l'accident, soit le 17 juin 2020, Mme [X] n'a pas contesté cette version des faits. Elle a seulement précisé qu'elle ne savait pas comment cet accident s'était produit si ce n'est que le volant (s'était) mis à tourner dans tous les sens. Elle admettait qu'elle circulait au milieu de la chaussée ayant l'habitude de rouler au milieu ou à gauche.



Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'accident est à l'évidence imputable à un défaut de maîtrise de Mme [X], laquelle a perdu le contrôle de son véhicule alors qu'elle était en train de dépassser celui de Mme [I]. Son droit à indemnisation est dès lors, comme soutenu par l'appelante, sérieusement contestable sur le fondement de l'article 4, précité, de la loi du 5 juillet 1985. Il ne pourra être établi ou écarté que dans le cadre du débat qui s'engagera devant la juridiction du fond.



L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné la SA Serenis Assurances à payer à Mme [R] [X] la somme de 30 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Il est admis que la partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions susvisées.



Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle condamné la SA Serenis Assurances aux dépens et à verser à Mme [R] [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Il serait néanmoins inéquitable, en l'état des éléments de fait sus-exposés, de faire assumer par Mme [X] la charge des frais irrépétibles exposés par la SA Serenis Assurances en première instance et appel. Cette dernière sera donc déboutée de ses demandes formulées de ce chef.



Mme [R] [X] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une expertise et commis le docteur [B] [C] pour y procéder ;



L'infirme pour le surplus ;



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Déboute Mme [R] [X] de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Condamne Mme [R] [X] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La greffière Le président

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