5 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.706

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200025

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Preuve - Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale - Opérations de contrôle - Méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation - Mise en oeuvre - Régularité - Conditions

Il résulte de l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, et de l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, pris en application de cet article, que la mise en oeuvre, aux fins de régulation du point de législation, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation suit un protocole composé de quatre phases : la constitution d'une base de sondage ; le tirage d'un échantillon ; la vérification exhaustive de l'échantillon ; l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'employeur est associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées. La lettre par laquelle l'inspecteur du recouvrement répond, en application de l'article R. 243-59 du même code, aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d'observations. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel retient qu'est irrégulière la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation appliquée par l'URSSAF, dès lors que l'employeur n'ayant pas été associé à la troisième phase du contrôle, la procédure ne pouvait être régularisée par la communication à celui-ci, après l'envoi de la lettre d'observations et en réponse aux observations formulées par le cotisant, des résultats de l'analyse des pièces justificatives de chacun des échantillons

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Preuve - Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale - Opérations de contrôle - Méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation - Mise en oeuvre - Examen de l'échantillon - Modalités - Contradictoire - Nécessité

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 25 F-B

Pourvoi n° U 21-14.706




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-14.706 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Aquitaine, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 février 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 et 2012, l'URSSAF Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [2] (la société) un redressement comportant plusieurs chefs relatifs, notamment, aux frais professionnels de ses salariés.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et le second moyen, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement relatifs aux frais professionnels des salariés, alors « que respecte le caractère contradictoire de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation l'URSSAF qui informe l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagés et invite l'employeur à faire part de ses remarques ; que cette information peut valablement être donnée après l'envoi d'une première lettre d'observations dès lors que l'URSSAF a annulé cette lettre d'observations et l'a remplacée par une seconde lettre d'observations adressée à l'employeur après qu'il a pu faire valoir ses remarques sur les résultats précédemment communiqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après l'envoi d'une première lettre d'observations du 18 octobre 2013, l'URSSAF avait communiqué à la société, par lettre du 23 décembre 2013, les résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant les échantillons et les régularisations envisagés et l'avait invité à faire part de ses observations sur ces résultats jusqu'au 13 janvier 2014, que la société y avait répondu le 10 janvier 2014, puis que l'URSSAF lui avait notifié une seconde lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant valablement celle du 18 octobre 2013 ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas été associé à la troisième phase du contrôle par échantillonnage et extrapolation et en annulant les chefs de redressements consécutifs lorsqu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait été informé des résultats des vérifications et des régularisations envisagée, qu'il avait été invité à faire ses remarques et qu'il avait formulé ses observations avant l'issue de la procédure de contrôle matérialisée par l'envoi de la seconde lettre d'observations annulant et remplaçant la première, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 243-59 et R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige et l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en application de l'article R. 243-59-2 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, et de l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, pris en application de cet article, que la mise en oeuvre, aux fins de régulation du point de législation, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation suit un protocole composé de quatre phases : la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'employeur est associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillonnage et des régularisations envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées.

6. La lettre par laquelle l'inspecteur du recouvrement répond, en application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, aux observations formulées par le cotisant à la suite de la notification de la lettre d'observations, ne constitue pas une nouvelle lettre d'observations.

7. L'arrêt relève que la lettre d'observations du 18 octobre 2013 ne comporte aucune mention de la remise à l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur l'échantillon préalablement à la délivrance de cette lettre d'observations. Il retient que l'employeur n'a pas été associé à la troisième phase du contrôle. Il énonce que l'URSSAF, qui n'a pas respecté le principe de la contradiction lors des troisième et quatrième phases de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation, n'a pas pu valablement régulariser la procédure en communiquant le 23 décembre 2013, après l'envoi de la lettre d'observations du 18 octobre 2013 et en réponse aux observations formulées par la société, les résultats de l'analyse des pièces justificatives de chacun des échantillons.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation appliquée par l'URSSAF était irrégulière, de sorte que les chefs de redressements relatifs aux frais professionnels devaient être annulés.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'URSSAF Aquitaine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF Aquitaine et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) Aquitaine

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'Urssaf Aquitaine fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement du 23 février 2018 en ce qu'il a validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour son montant de 468.555 euros et a déclaré cette somme acquise à l'Urssaf, d'AVOIR en conséquence validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour un montant ramené à la somme de 75.955 euros au titre des cotisations et contributions outre les majorations de retard y afférentes qui devront être re-calculées en fonction du nouveau montant du redressement, d'AVOIR déclaré acquise à l'Urssaf Aquitaine uniquement la somme de 75.955 euros au titre des cotisations outre les majorations de retard afférentes réglées par la société [2] et d'AVOIR condamné l'Urssaf Aquitaine à restituer à la société [2] la somme de 326.335 euros au titre des cotisations indûment perçues, outre les majorations afférentes, ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter du 6 mars 2015.

1° - ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'Urssaf Aquitaine soutenait que les résultats des vérifications par échantillonnage avaient été communiqués à l'employeur lors de l'entretien de clôture du contrôle le 17 octobre 2013 ; qu'elle avait versé aux débats, sous la production n°3, la lettre du 20 novembre 2013 de la société [2] dans laquelle cette dernière reconnaissait que lesdits résultats lui avaient été remis le dernier jour du contrôle; qu'en écartant son moyen au prétexte que ni la lettre d'observations du 18 octobre 2013, ni la lettre de l'Urssaf du 23 décembre 2013 ne mentionnaient une telle remise, la cour d'appel qui n'a manifestement pas examiné la lettre du 20 novembre 2013, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2° - ALORS en tout état de cause QUE respecte le caractère contradictoire de la procédure de vérification par échantillonnage et extrapolation l'Urssaf qui informe l'employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l'échantillon et des régularisations envisagés et invite l'employeur à faire part de ses remarques ; que cette information peut valablement être donnée après l'envoi d'une première lettre d'observations dès lors que l'Urssaf a annulé cette lettre d'observations et l'a remplacée par une seconde lettre d'observations adressée à l'employeur après qu'il a pu faire valoir ses remarques sur les résultats précédemment communiqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après l'envoi d'une première lettre d'observations du 18 octobre 2013, l'Urssaf Aquitaine avait communiqué à la société [2], par lettre du 23 décembre 2013, les résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant les échantillons et les régularisations envisagés et l'avait invité à faire part de ses observations sur ces résultats jusqu'au 13 janvier 2014, que la société [2] y avait répondu le 10 janvier 2014, puis que l'Urssaf lui avait notifié une seconde lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant valablement celle du 18 octobre 2013 ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas été associé à la troisième phase du contrôle par échantillonnage et extrapolation et en annulant les chefs de redressements consécutifs lorsqu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait été informé des résultats des vérifications et des régularisations envisagée, qu'il avait été invité à faire ses remarques et qu'il avait formulé ses observations avant l'issue de la procédure de contrôle matérialisée par l'envoi de la seconde lettre d'observations annulant et remplaçant la première, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles R. 243-59 et R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige et l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en en application de l'article R. 243-59-2 du même code.

3° - ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant que l'Urssaf Aquitaine n'avait pu valablement régulariser la procédure en communiquant sa lettre du 23 décembre 2013 après l'envoi de la lettre d'observations du 18 octobre 2013 tout en constatant qu'elle avait valablement notifié ensuite une lettre d'observations du 7 février 2014 annulant et remplaçant celle du 18 octobre 2013 et visant à régulariser la procédure de contrôle, la cour d'appel qui a statué par des motifs incompatibles entre eux a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'Urssaf Aquitaine fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement du 23 février 2018 en ce qu'il a validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour son montant de 468.555 euros et a déclaré cette somme acquise à l'Urssaf, d'AVOIR en conséquence validé la mise en demeure du 10 novembre 2014 pour un montant ramené à la somme de 75.955 euros au titre des cotisations et contributions outre les majorations de retard y afférentes qui devront être re-calculées en fonction du nouveau montant du redressement, d'AVOIR déclaré acquise à l'Urssaf Aquitaine uniquement la somme de 75.955 euros au titre des cotisations outre les majorations de retard afférentes réglées par la société [2] et d'AVOIR condamné l'Urssaf Aquitaine à restituer à la société [2] la somme de 326.335 euros au titre des cotisations indûment perçues outre les majorations afférentes, ces sommes produisant intérêt au taux légale à compter du 6 mars 2015.

1° - ALORS QUE constituent des frais d'entreprise, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur qui ne découlant pas de son activité normale, qu'il a exposées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de son employeur ; qu'en qualifiant de « frais d'entreprise » les frais de réservation d'une salle de réunion avec cocktail dînatoire et réservation de six pistes de bowling pour un coût de 1776 euros, sans à aucun moment constater que ces frais avaient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations.

2° - ALORS QUE pour prouver que des dépenses constituent des frais d'entreprise, l'employeur doit fournir la liste nominative des salariés ayant bénéficié de ces dépenses afin de permettre au juge de vérifier qu'elles ont été effectuées dans l'intérêt de l'entreprise et en dehors de l'exercice normal de leur activité; qu'en affirmant que les frais de cocktail dînatoire et de soirée bowling constituaient des frais d'entreprise car ils procuraient au salarié un avantage en raison de sa participation à une manifestation organisée dans le cadre de la politique commerciale de l'entreprise alors que l'exercice normal de sa profession ne le prévoit pas, sans constater que l'employeur avait produit la liste nominative des salariés ayant participé à cette soirée qui seule permettait de vérifier que les dépenses avaient été effectuées dans l'intérêt de l'entreprise et en dehors de l'exercice normal de leur activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations.

3° - ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; que pour conclure au bien-fondé du redressement, l'Urssaf Aquitaine faisait valoir dans ses écritures d'appel que la société [2] se bornait à produire une facture correspondant aux cocktails dînatoire et à la réservation des pistes de bowlings sans produire aucune liste nominative des salariés ayant participé à cette soirée (cf. conclusions d'appel, p.29, §14) ; qu'en affirmant que ces frais constituaient des frais d'entreprise sans répondre à son moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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