5 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.487

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200024

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 - Domaine - Assujetissement à un régime de sécurité sociale - Conditions - Office du juge

Selon l'article 13, § 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat membre de résidence si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre ou à la législation de l'Etat membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'Etat membre de résidence. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui retient que les chauffeurs routiers de nationalité portugaise employés par une société française sont soumis à un régime de sécurité sociale français sans rechercher si ces salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs Etats membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'Etat membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'il déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, laquelle avait vocation à continuer à s'appliquer aux salariés dans les conditions de l'article 87, § 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004

SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Généralités - Affiliation des salariés au régime français de sécurité sociale - Salariés travaillant pour une entreprise française - Conditions - Office du juge

UNION EUROPEENNE - Sécurité sociale - Affiliation - Coordination des systèmes de sécurité sociale - Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 - Office du juge


SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - Action en recouvrement - Conditions - Office du juge - Respect du contradictoire - Cas

Viole l'article 14 du code de procédure civile, la cour d'appel qui confirme le bien-fondé d'un redressement opéré par une URSSAF à l'encontre d'une société française sans avoir appelé en la cause les salariés intéressés ayant conclu un contrat de travail avec une société sous-traitante portugaise, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société française

SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Généralités - Redressement URSSAF - Qualification des relations de travail - Obligation de mise en cause des salariés

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2023




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 24 F-B

Pourvoi n° U 21-13.487





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023

La société [5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-13.487 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de l'URSSAF du Centre,

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre-Val de Loire, venant aux droits de l'URSSAF du Centre, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 janvier 2021), la société [5] (la société) a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2011 à 2013 par l'URSSAF du Centre-Val de Loire (l'URSSAF), à la suite d'un constat de travail dissimulé dressé par procès-verbal du 19 janvier 2015 transmis par la gendarmerie nationale.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ qu'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entraîner l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'œuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal », sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

2°/ à titre subsidiaire, que l'article 13 § 1 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'œuvre en faveur de la société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays », sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

3°/ que selon l'article 11 §3 a) du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004, « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] », quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11, paragraphe 3, 13, paragraphe 1, et 87, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et l'article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 :

4. Selon le premier de ces textes, sous réserve des articles 12 à 16, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre.

5. Selon le deuxième, dans sa rédaction initiale entrée en vigueur le 1er mai 2010, comme dans sa rédaction issue du règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, entré en vigueur le 28 juin 2012, la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre, ou à la législation de l'État membre dans lequel l'entreprise ou l'employeur qui l'emploie a son siège ou son domicile, si la personne n'exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l'État membre de résidence.

6. Selon le quatrième, aux fins de l'application de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004, une « partie substantielle d'une activité salariée ou non salariée » exercée dans un État membre signifie qu'une part quantitativement importante de l'ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu'il s'agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas d'une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. Dans le cadre d'une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % de ces critères indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné.

7. Il résulte du troisième, qui fixe les dispositions transitoires pour l'application du règlement (CE) n° 883/2004, que lorsque l'application de ce règlement conduit à déterminer une législation de sécurité sociale ne correspondant pas à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, le travailleur concerné continue d'être soumis à la législation à laquelle il était soumis en vertu de ce dernier règlement, sauf s'il demande que la législation résultant du règlement (CE) n° 883/2004 lui soit appliquée (CJUE, arrêt du 19 mai 2022, INAIL et INPS c/ [6], C-33/21, point 67).

8. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante embauchés pour la plupart entre 2008 et 2010 et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants. Il relève que les transferts de fonds entre les deux sociétés permettaient le financement de manière quasi exclusive du fonctionnement de la société sous-traitante, notamment le paiement des salaires.

9. L'arrêt retient également qu'il n'y a pas lieu de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société sous-traitante basé au Portugal, dans la mesure où ces salariés sont nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les salariés exerçaient leur activité dans un ou plusieurs États membres, quel était leur lieu de résidence, s'ils exerçaient une partie substantielle de leur activité dans l'État membre de résidence, ni si la législation de sécurité sociale qu'elle déterminait correspondait à celle applicable en vertu du titre II du règlement (CE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 5°/ qu'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 14 du code de procédure civile :

12. Il résulte de ce texte que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

13. Pour dire bien fondé le redressement litigieux, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'il existe un lien de subordination entre les salariés de la société portugaise sous-traitante et la société, dans la mesure où la première ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la seconde sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants.

14. En statuant ainsi, sans qu'aient été appelés en la cause les salariés intéressés, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 0090/2017 et 0209/2017, l'arrêt rendu le 26 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne l'URSSAF du Centre-Val de Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Centre-Val de Loire et la condamne à payer à la société [5] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.






MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [5]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La Société [5] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision rendue par la Commission de recours amiable, d'AVOIR confirmé l'intégralité des redressements, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF les sommes réclamées, soit la somme totale de 1.101.481 € et d'AVOIR rejeté tous ses autres chefs de demande ;

1. ALORS QU'en application du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et des articles 11 et 12 du règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable, ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre ; que selon l'article 11 3§ a) de ce règlement « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en l'espèce à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que les salariés de la société [3] aient pour véritable employeur la Société [5], cette circonstance n'était pas de nature à entrainer l'affiliation desdits salariés de nationalité portugaise à un régime de sécurité sociale français, sauf à constater qu'ils ne résidaient pas au Portugal et n'exerçaient pas leur activité au Portugal ; que pour décider que les salariés portugais de la société [3] devaient être affiliés en France, la cour d'appel a retenu qu'ils « exerçaient une activité de transport pour le compte de la société [5] de manière quasi-exclusive », que « la société [5] est dans l'incapacité de produire des contrats de sous-traitance démontrant le caractère équilibré de la relation entre les deux sociétés », que « la société [3] ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de la société [5] sur le plan économique comme sur le plan de la gouvernance, assurée par les mêmes gérants », que le directeur de la société [3] était également salarié de la société [5], que « les salariés de la société [3] étaient en réalité dirigés par un salarié de la société [5] », que « [c'est] la société [5] qui contrôlait l'activité des chauffeurs », que « les chauffeurs de la société [3] recevaient des ordres des gérants eux-mêmes » (arrêt p. 6 et 7) et que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays, mais toujours au service de la société [5] » (jugement p. 4) ; que cependant l'intégralité de ces constatations, retenant le lien de dépendance de la société [3] vis-à-vis de [5], sa qualité d'employeur et l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre, n'étaient pas de nature à fixer le régime d'affiliation de sécurité sociale des salariés portugais de la société [3] en l'absence de constatation de leur résidence en dehors du Portugal et de l'exercice par lesdits salariés d'une activité sur un territoire autre que le Portugal ; qu'aussi en se fondant sur de tels motifs impropres à justifier l'affiliation en France de salariés disposant, comme constaté, de « contrats de travail signés entre des salariés portugais avec une société portugaise exerçant son activité au Portugal » (arrêt p. 6 § 6), sans avoir constaté que lesdits salariés résidaient en dehors du Portugal et n'exerçaient pas leurs activités au Portugal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et de l'article 11 du règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

2. ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'article 13 § 1 a) du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 prévoit que les personnes intervenant dans plusieurs pays membres sont soumises : « a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre » ; que le fait d'avoir un employeur français n'emporte pas affiliation automatique en France du salarié travaillant à titre principal sur le territoire d'un autre état membre ; qu'en admettant qu'il ressorte des constations de l'arrêt l'exercice par les salariés portugais de la société [3] de leur activité pour partie en dehors du Portugal, en se bornant, pour valider le chef de redressement, à faire état de l'existence selon elle d'un prêt de main-d'oeuvre en faveur de la Société [5], du lien de dépendance de [3] à son égard et du fait que « l'activité principale de la société [3] était réalisée en France ou dans d'autres pays » (jugement p. 4), sans rechercher si les salariés en cause exerçaient une partie substantielle de leur activité sur un territoire autre que le Portugal, ce que la société exposante contestait (conclusions p. 6 et 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 12 et 13 du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

3. ALORS ET DE PLUS FORT QUE selon l'article 11 §3 a du règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 « a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre » ; qu'en validant le redressement pour son entier montant aux motifs « [qu'] Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de déduire de l'assiette des cotisations les salaires versés au personnel sédentaire de la société [3] basé au Portugal, dans la mesure où lesdits salariés étaient nécessairement occupés dans la même proportion que les chauffeurs à l'activité de la société [5] » (arrêt p. 9 § 1), quand un tel personnel portugais résidant et travaillant de manière sédentaire au Portugal ne pouvait être rattaché à la sécurité sociale française quel que soit son employeur et peu important qu'il soit affecté à l'activité d'un employeur dont le siège est établi en France, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2-2, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, des articles L. 8221-1, L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et des articles 11, 12 et 13 du règlement 883/2004 du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ; que le contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, consécutif au redressement par l'URSSAF de la Société [5], est un contentieux de droit de la sécurité sociale portant sur l'affiliation au régime général de sécurité sociale des travailleurs de nationalité portugaise intervenant pour la société et sur l'obligation subséquente de cette dernière de payer un rappel de cotisations de sécurité sociale ; que par une décision du tribunal correctionnel d'Orléans du 30 mai 2017, les dirigeants de la Société [5] ont été condamnés pour travail dissimulé et prêt de main-d'oeuvre illicite ; qu'en revanche le juge pénal n'a pas statué sur la question distincte et autonome de l'affiliation des travailleurs portugais en cause à un régime de sécurité sociale français ; que dès lors cette décision du juge pénal, qui n'avait pas le même objet, n'avait pas autorité de la chose jugée s'agissant de la question de l'affiliation des travailleurs portugais au régime général de sécurité sociale français et ne faisait pas obstacle à ce que le juge de la sécurité sociale - dans le cadre du présent contentieux portant sur la condamnation de la Société [5] au paiement de rappels de cotisations de sécurité sociale subséquents - vérifie le régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs concernés ; qu'en retenant néanmoins que « il n'est plus possible aujourd'hui de remettre en cause les faits jugés et leur qualification légale » et que « la cour est donc en mesure d'examiner le litige à la lumière de ce qu'ont décidé les juges pénaux pour déterminer si les faits établissant l'élément matériel du délit de travail dissimulé, reproché aux gérants des deux sociétés, constituent ou non le fait générateur permettant à l'URSSAF de réclamer les cotisations et contributions dues au titre du redressement contesté » (arrêt p. 6 § 4 et 5), la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil (anciennement 1351) et les articles 4 et 4-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

5. ALORS QU'en statuant sur la question de l'affiliation des salariés portugais intervenant pour la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 14 du Code de procédure civile ;

6. ALORS QU'en statuant sur l'obligation d'affiliation des salariés portugais de la société [3] au régime général de sécurité sociale français sans les avoir appelés en la cause, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La Société [5] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble de ses demandes, d'AVOIR confirmé la décision rendue par la Commission de recours amiable et confirmé l'intégralité des redressements, de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF les sommes réclamées, soit la somme totale de 1.101.481 € et d'AVOIR rejeté tous ses autres chefs de demande ;

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif ayant confirmé le redressement opéré à l'encontre de la société [5] sur le fondement de l'annulation des exonérations de cotisations suite au constat de travail dissimulé ;

2. ALORS QUE le principe de l'égalité des armes, découlant du droit à un procès équitable, implique que chaque partie puisse présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en vertu de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, lorsque l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail est constatée par procès-verbal, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions ; qu'à l'appui de sa demande d'annulation du chef de redressement 2 la société [5] faisait valoir qu'« en vertu des dispositions de la circulaire interministérielle DSS 2009-124 du 15 mai 2009, l'annulation des réductions de charges dans le cadre du constat d'une situation de travail dissimulé suppose que soit transmis à la société, un document mentionnant notamment les références du procès-verbal sur la foi duquel le redressement intervient, mais aussi l'identité des salariés pour lesquels l'infraction été relevée, le nombre d'heures de travail dissimulé » et que « la lettre d'observations de l'URSSAF du 7 mars 2016, ne mentionne nullement l'identité des salariés concernés par l'infraction, ni le nombre d'heures de travail dissimulé » (conclusions p. 26 et 27) ; que pour valider néanmoins la procédure la cour s'est bornée à retenir que « les préconisations de la circulaire DSS n°2009/124 du 15 mai 2009 citées par la société [5] ne sont pas requises à peine de nullité du redressement, aucun texte normatif ne le prévoyant » (arrêt p. 9) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à valider la suppression des exonérations de cotisations pour travail dissimulé en l'absence de transmission à la société [5] d'un document mentionnant notamment les références du procès-verbal de travail dissimulé, la cour d'appel a violé les articles R. 133-8 du code de la sécurité sociale, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail ;

3. ALORS A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE QUE selon l'article L. 133-4-2 III du code de la sécurité sociale, modifié par la loi nº 2019-1446 du 24 décembre 2019, « Par dérogation aux I et II du présent article et sauf lorsque les faits concernent un mineur soumis à l'obligation scolaire ou une personne vulnérable ou dépendante mentionnés respectivement aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 8224-2 du code du travail, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail ou qu'elle représente une proportion limitée de l'activité ou des salariés régulièrement déclarés, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle. Dans ce cas, la proportion des réductions et exonérations annulées est égale au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations, soumises à cotisations de sécurité sociale, versées à l'ensemble du personnel par l'employeur, sur la période concernée, dans la limite de 100 % » ; qu'en vertu du § III de l'article 21 de ladite loi ces nouvelles dispositions ont un effet rétroactif et s'appliquent à toute annulation de réductions ou d'exonérations de cotisations ou de contributions sociales n'ayant pas donné lieu à une décision de justice ayant un caractère irrévocable, et ce sur demande expresse du cotisant et sur présentation de justificatifs probants ; que la société [5] a invoqué l'application de ce dispositif soulignant que la dissimulation d'activité qui lui était reprochée résultait uniquement de l'application de l'article L. 8221-6 II du code du travail dès lors que le redressement est intervenu aux motifs que les salariés du sous-traitant [3] avaient réalisé leur prestation « dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci » comme le prévoit ce texte ; que pour refuser de faire application de ce mécanisme, la cour d'appel a retenu que « la société [5] ne s'est pas uniquement soustraite à la déclaration préalable à l'embauche et à la délivrance d'un bulletin de paie, visées par l'article L. 8121-5 du code du travail 1° et 2°, mais s'est également soustraite intentionnellement à ses obligations déclaratives en matière de salaire et aux cotisations sociales, visées par l'article L. 8121-5 3°du Code du travail, ce qui l'empêche de bénéficier d'une annulation seulement partielle de la réduction Fillon » (arrêt p. 9 dernier §) ; qu'en se fondant sur de tels motifs insusceptibles de faire échec aux dispositions légales prévoyant une annulation seulement partielle des droits à réduction de cotisations Fillon lorsque « la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail », la cour d'appel a violé l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale modifié par la loi nº 2019-1446 du 24 décembre 2019 et applicable de manière rétroactive au litige et l'article L. 8221-6 du code du travail.

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