5 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-40.017

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100092

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 - Article 227-24 du code pénal, tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 - Message pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur - Jugement ordonnant de mettre fin à l'accès au site internet pornographique - Atteinte au principe de légalité des délits et des peines - Défaut - Atteinte à la liberté d'expression et de communication - Atteinte nécessaire, adaptée et proportionnée - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 5 janvier 2023




NON-LIEU A RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 92 FS-B

Affaire n° B 22-40.017




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023

Le tribunal judiciaire de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 4 octobre 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 7 octobre 2022, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

la société MG Freesites Ltd, dont le siège est [Adresse 13] (Chypre),

D'autre part,

1°/ M. [S] [N], domicilié [Adresse 10], pris en qualité de président de l'ARCOM,

2°/ la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ la société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ la société Free, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12],

5°/ la société Bouygues Telecom, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],

6°/ la société Free mobile, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

7°/ la société Colt Technology services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],

8°/ la société Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

9°/ la société SFR fibres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

10°/ la société Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 6],

11°/ la société Outremer Telecom (OMT), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17],

Intervenantes volontaires :

1°/ la société Webgroup Czech Republic A.S,

2°/ la société NKL Associates SRO,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 14] (République Tchèque),

3°/ la société Fedrax LDA Edificio, dont le siège est [Adresse 16] (Portugal),

4°/ l'association Osez le féminisme ! dont le siège est [Adresse 7],

5°/ l'association Le Mouvement du Nid, dont le siège est [Adresse 11],

6°/ le parquet du tribunal judiciaire de Paris, dont le siège est [Adresse 15],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, la SCP Célice, Texidor, Périer, en ses observations et Me Périer, en ses plaidoiries pour la société MG Freesites Ltd, la SCP Sevaux et Mathonnet, en ses observations et Me Mathonnet, en sa plaidoirie pour l'association Osez le féminisme !, l'association Le Mouvement du Nid, l'association Les Effronté-E.S, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention volontaire

1. Il est donné acte aux associations Les Effronté-E.S, Osez le féminisme ! et Le Mouvement du Nid de leur intervention volontaire.

Faits et procédure

2. Les 13 et 15 juillet 2022, exposant que les sites internet pornographiques Pornhub, Tukif, Xhamster, Xnxx et Xvideos sont accessibles aux mineurs sur simple déclaration de leur part indiquant qu'ils sont âgés d'au moins dix-huit ans, en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a assigné les sociétés Orange, Orange Caraïbe, Free, Free mobile, Bouygues Telecom, Colt Technologies services, Française du radio téléphone, SFR fibre, Réunionnaise du téléphone et Outremer Telecom devant le président du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 aux fins de voir ordonner qu'elles mettent fin à l'accès à ces sites.

3. Les sociétés MG Freesites Ltd, Fedrax LDA Edificio, Webgroup Czech Republic AS et NKL Associates SRO, éditrices de quatre des sites internet litigieux, sont intervenues à l'instance.

4. Au cours de celle-ci, la société MG Freesites Ltd, intervenante volontaire à titre principal, a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 et de l'article 227-24 du code pénal tel que modifié par l'article 22 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 (auquel l'article 23 renvoie) sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit que sont le principe de légalité des délits et des peines et la liberté d'expression et de communication, respectivement en ce que ces dispositions ne définissent pas en des termes suffisamment clairs et précis une infraction pénale et le comportement pouvant donner lieu à une sanction ayant le caractère d'une punition et portent une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur de prévention de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques sur Internet ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. Les dispositions contestées sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

10. En premier lieu, sont suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d'arbitraire :

- les termes de l'article 227-24 du code pénal qui sanctionne le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur et précise que les infractions sont constituées, y compris si l'accès d'un mineur aux messages résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans.

- les termes de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 donnant la possibilité au président de l'ARCOM, qui constate qu'une personne, dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne, permet à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique en violation de l'article 227-24 précité, de saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour qu'il soit mis fin à l'accès à ce service, dès lors que l'éditeur n'a pas déféré sous quinze jours à la mise en demeure qui lui a été adressée.

11. En second lieu, l'atteinte portée à la liberté d'expression, en imposant de recourir à un dispositif de vérification de l'âge de la personne accédant à un contenu pornographique, autre qu'une simple déclaration de majorité, est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de protection des mineurs.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.

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