22 décembre 2022
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 22/00398

Chambre Commerciale

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE







GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/12/2022

la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

ARRÊT du : 22 DECEMBRE 2022



N° : 208 - 22

N° RG 22/00398

N° Portalis DBVN-V-B7G-GQXQ



DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 15 Septembre 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2725 0792 4851

La S.A. GROUPE LACTALIS SA GROUPE LACTALIS,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]





Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Hervé DARDY, membre de la SELARL KOVALEX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC







D'UNE PART



INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2789 7773 6672

S.E.L.A.R.L. VILLA-FLOREK

Prise en la personne de Maître Julien VILLA, es qualité de liquidateur judiciaire des sociétés CIBEM, SEEC et BALLUTEAUD EMBALLAGES

[Adresse 2]

[Localité 3]





Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Edouard FABRE, membre de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS



D'AUTRE PART



DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Février 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 Octobre 2022



Dossier communiqué au Ministère Public le 9 Novembre 2022





COMPOSITION DE LA COUR



Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 10 NOVEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.



Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :



Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,





Greffier :



Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,





ARRÊT :



Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


 

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

 

La société SEEC, constituée le 1er janvier 1993, est la société mère du groupe SEEC composée de 6 filiales (sociétés Cibem, Balluteaud Emballages, Cibem Bois, France Emballage, Emballage Gestion et SN Scopic), et de 3 sous-filiales (sociétés PMA Box, Azerty Touraine et Azerty Imprimerie). Outre son activité de holding du groupe, elle commercialisait aussi les produits fabriqués par ses sociétés filiales, et notamment la société Cibem, détenue à 100% par la société SEEC à qui elle facture son activité de fabrique et vente d'emballages légers en bois, ainsi que la société Balluteaud Emballages, également détenue à 100% par la société SEEC.



Les dirigeants de droit de la société SEEC étaient M. [U], en sa qualité de président directeur général et MM. [O] [M], [G] [P] et la société Aureia Finance, représentée par Mme [F] [U] en qualité d'administrateurs.



La société Groupe Lactalis (société Lactalis) était le principal client de la société SEEC, représentant 65% de son chiffre d'affaires et 35% de celui de la société Balluteaud Emballages. Elle était également son principal créancier, lui ayant consenti divers crédits ou concours.



Par jugement du 1er juin 2010, le tribunal de commerce de Tours a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés SEEC et Balluteaud Emballages en désignant Maître Franck Michel en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Francis Villa en qualité de mandataire judiciaire. Le même jour, le tribunal de commerce de Tours a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Cibem mis en place précédemment et ouvert à son encontre une procédure de liquidation judiciaire en désignant Maître Francis Villa en qualité de liquidateur judiciaire.



Par jugement du 30 novembre 2010, le tribunal de commerce de Tours a arrêté un plan de cession total des actifs des sociétés SEEC, Cibem et Balluteaud Emballages.



Par jugements du 7 décembre 2010, le tribunal de commerce de Tours a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés SEEC et Balluteaud Emballages.



Par actes d'huissiers de justice du 30 mai 2013, la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Cibem, SEEC et Balluteaud Emballages, a fait assigner la société Groupe Lactalis et six autres défendeurs, dirigeants de droit de ces sociétés (M. [O] [M], M. Francis [U], la société Aurelia Finance, Mme [W] [U], M. [G] [P], Mme [H] [N] [B]), devant le tribunal de commerce de Tours aux fins de sanctions et de condamnation solidaire des sept défendeurs à lui payer une somme globale de plus de 30 milions d'euros correspondant à l'insuffisance d'actif constatée au sein des trois procédures collectives.



S'agissant de la société Lactalis, cette demande était formulée principalement au visa de l'article L 651-2 du Code de Commerce, le liquidateur des trois sociétés concernées prétendant que la société Lactalis était le dirigeant de fait de chacune des entités SEEC, Cibem et Balluteaud emballages, et à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, considérant qu'elle avait placé les sociétés du Groupe SEEC sous sa dépendance économique, commerciale et financière et avait abusé de cette dépendance, faute en lien avec l'insuffisance d'actif constatée au sein de la procédure collective des sociétés.



La société Lacatalis s'est opposée aux demandes au motif qu'aucune des conditions requises pour que sa responsabilité soit engagée n'était remplie. Elle a en outre sollicité des dommages et intérêts pour procédure abusive.



Maître Villa a ensuite déposé une plainte pénale pour escroquerie au jugement et le tribunal, par jugement du 10 février 2017, a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale.



Indiquant qu'un accord transactionnel négocié avec les dirigeants de droit des sociétés Cibem, SEEC et Balluteaud Emballages a été homologué par le tribunal le 16 février 2021 et que le parquet a classé sans suite la plainte pénale en février 2020, la SELARL Villa Florek, en la personne de Maître Villa, ès qualités de liquidateur des sociétés Cibem, SEEC et Balluteaud emballages, a demandé lors de l'audience du 26 mars 2021de :

- lui donner acte de ce qu'elle se désiste purement et simplement de l'instance et de l'action diligentée à l'encontre des défendeurs,

- constater l'extinction de l'instance,

- dire que chacune partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.



L'affaire a été rappelée à l'audence du 11 juin2021au cours de laquelle la société Groupe Lactalis a demandé au tribunal de :

Vu l'article 394 et suivants du code de procédure civile,

- donner acte à la SELARL Villa-Florek, mission conduite par Maître Julien Villa ès qualités de liquidateur des sociétés Cibem SECC et Balluteaud emballages, de son désistement d'instance et d'action diligentée à l'encontre de la société Groupe Lactalis,

- décerner acte à la société Groupe Lactalis de son acceptation de ce désistement d'instance et d'action,

- le déclarer parfait,

Reconventionnellement,

- condamner la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur de la société Seec, ès qualités de liquidateur de la société Cibem et ès qualités de liquidateur de la société Balluteaud emballages à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 30.000€ de dommages et intérêts, soit la somme totale de 90.000€,

- condamner la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur de la société Seec, ès qualités de liquidateur de la société Cibem et ès qualités de liquidateur de la société Balluteaud emballages à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 20.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit la somme totale de 60.000€,

- condamner la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur de la société Seec, ès qualités de liquidateur de la société Cibem et ès qualités de liquidateur de la société Balluteaud emballages aux entiers dépens.



A l'audience, la SELARL Villa-Florek ès qualités s'est opposée aux demandes de dommages et intérêts et de frais irrépétibles, dans leur principe comme dans leur quantum. Le Procureur de la République a émis un avis défavorable à la demande de dommages et intérêts.



Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Tours a : 

- constaté le désistement d'instance et d'action de Maître Villa,

- constaté que la société Groupe Lactalis accepte ce désistement,

- débouté la société Groupe Lactalis de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la société Groupe Lactalis de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des entiers dépens en frais privilégiés de procédure collective.



La SA Groupe Lactalis a formé appel de la décision par déclaration du 16 février 2022 en intimant la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Cibem, SEEC et Balluteaud Emballages, et en critiquant le jugement uniquement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et a ordonné l'emploi des entiers dépens en frais privilégiés de procédure collective. 



Dans ses dernières conclusions du 24 juin 2022, elle demande à la cour de :

Vu l'article 367 du Code de procédure civile,

- la déclarer recevable en ses demandes,

Et sur le fond,

- confirmer le jugement en date du 15 septembre 2021 en ce qu'il a constaté le désistement d'instance et d'action de Maître Villa et constaté l'acceptation de ce désistement par la société Groupe Lactalis,

- infirmer le jugement du chef des dispositions qui font grief à la société Groupe Lactalis tels qu'ils ont été exposés dans les conditions ci-avant,

Statuant, de nouveau, de ce chef,

- condamner la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur de la société SEEC, ès qualité de liquidateur de la société Cibem, ès qualité de liquidateur de la société Balluteaud Emballages chacun à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, soit la somme totale de 90.000 €,

- condamner la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur de la société SEEC, ès qualité de liquidateur de la société Cibem, ès qualité de liquidateur de la société Balluteaud Emballages chacun à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 20.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, soit la somme totale de 60.000 €,

- débouter la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur de la société SEEC, ès qualité de liquidateur de la société Cibem, ès qualité de liquidateur de la société Balluteaud Emballages de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur de la société SEEC, ès qualité de liquidateur de la société Cibem, ès qualité de liquidateur de la société Balluteaud Emballages aux entiers dépens de première instance et d'appel.

           

Elle fait valoir que contrairement aux prétentions de Maître Villa, ès-qualités, ses demandes sont recevables, l'acceptation du désistement d'instance et d'action n'emportant pas extinction de toutes les prétentions qui en découlent, mais uniquement des chefs des demandes sur lesquelles porte ce désistement, et le tribunal devant statuer sur les demandes dont il demeure saisi ; qu'en l'espèce, si Maître Villa, ès qualités, s'est désisté de son action en responsabilité contre la société Groupe Lactalis, le tribunal demeurait saisi des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts, et que si Maître Villa, ès qualités, a contesté en première instance le principe et le quantum de ces demandes, il n'a pas soulevé leur irrecevabilité.



Elle indique ensuite que sa demande de dommages et intérêts, formulée dès l'audience du 31 janvier 2014, est parfaitement justifiée, Maître Villa, ès qualités, ayant introduit abusivement à son encontre une instance en paiement pour des sommes considérables, sans caractériser le moindre élément de nature à établir une direction de fait des sociétés SEEC, Cibem et Balluteaud Emballages ou un abus de position dominante. Elle ajoute que c'est à tort que le tribunal a relevé qu'il s'agissait de 'vérifier les mouvements financiers, les concours et les contrats', alors qu'une action en justice n'a pas pour objet d'effectuer ces vérifications, que Maître Villa ès qualités n'a d'ailleurs pas sollicité d'expertise et que son dossier était totalement vide.

Dans ses dernières conclusions du 24 mai 2022, la Selarl Villa-Florek ès qualité de liquidateur de la société SEEC, ès qualité de liquidateur de la société Cibem, ès qualité de liquidateur de la société Balluteaud Emballages demande à la cour de :

Vu les articles 385 et 394 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les articles 562 et 901 du Code de procédure civile,

Vu la déclaration d'appel de Lactalis,

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes de la société Groupe Lactalis tendant à solliciter de la cour une condamnation au titre de prétentions qui ont disparu avec l'extinction de l'instance résultant du constat par le tribunal, aujourd'hui, définitif du désistement d'instance et d'action par Maître Villa, ès-qualité, et de son acceptation par Lactalis,

A titre subsidiaire,

- déclarer non fondées les demandes de la société Groupe Lactalis et les rejeter,

En tout état de cause,

- débouter la société Groupe Lactalis de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement en date du 15 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Groupe Lactalis à verser à Maître Villa ès qualité la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société du Groupe Lactalis aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Laval-Firkowski.



Elle fait valoir que l'acceptation par Lacatalis du désistement de Maître Villa ès qualités, tel que constaté par les premiers juges, a entraîné l'extinction définitive de l'instance et que dès lors, les demandes reconventionnelles formées en première instance sont irrecevables, l'appelante n'ayant pas relevé appel du jugement en ce qu'il a constaté le désistement d'instance et d'action de Maître Villa et son acceptation par le défendeur.



Elle soutient qu'elle était confrontée dans cette affaire, au constat d'une poursuite abusive de l'activité irrémédiablement compromise du groupe SEEC avec un retard de plus de 18 mois du dépôt de leur bilan au seul profit de la société Lactalis, à une ingérence de cette dernière dans la gestion du groupe SEEC qui était devenu un véritable centre de coût pour Lactalis, à une mise sous dépendance fonctionnelle, économique et financière du groupe SEEC par le Groupe Lactalis, notamment par l'octroi de nombreux crédits consentis au premier par le second, avec en contrepartie, des garanties réelles sur les actifs des sociétés du groupe SEEC et personnelles sur son dirigeant, ainsi qu'à la reprise occulte du groupe SEEC par la société Lactalis à travers un prête-nom, ce qui a conduit au dépôt d'une plainte pénale pour escroquerie au jugement. Elle rappelle qu'il lui appartient de défendre les intérêts des créanciers et le recouvrement de leurs créances, qu'elle avait dès lors le devoir d'engager une action en responsabilité dans le délai de prescription et qu'ensuite, au regard du classement sans suite de la plainte, des explications des dirigeants de droit avec lesquels un protocole d'accord a été établi, elle a préféré se désister de son action, estimant de surcroît inutile d'engager de nouveaux frais.



Elle considère que la société Lactalis ne démontre pas la faute qu'elle aurait commise dans l'exercice de l'action en justice engagée, que l'ensemble des actions engagées par cette dernière (recours contre l'état des créances de Cibem le 7 novembre 2014, recours contre l'état de collocation de Balluteaud le 19 mars 2015, incident de communication de pièce du 3 juin 2016, réclamation contre l'état des créances de SEEC) démontrent à elles seules l'absence de caractère manifestement abusif des demandes de Maître Villa ès qualité et qu'en outre, aucun préjudice d'image n'est démontré par l'appelante.



L'affaire a été communiquée au Parquet général le 9 novembre 2022. Par avis du 10 novembre 2022 communiqué le même jour avant l'audience, par voie électronique aux parties, il a indiqué s'en rapporter.



Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.



La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.



Lors des débats, les parties ont été autorisées à transmettre leurs observations sur l'avis du Ministère public par note en délibéré sous huit jours. Il a aussi été demandé à la société Lactalis de confirmer qu'elle avait communiqué ses conclusions de première instance.



La société Lactalis a confirmé par note en délibéré du 14 novembre 2022 qu'elle avait communiqué en pièces 7 et 8 ses conclusions de première instance.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts

 

A titre liminaire, la cour observe que si la société Lactalis indique dans sa motivation que la SELARL Villa-Florek ès qualités n'avait pas soulevé l'irrecevabilité de sa demande de dommages et intérêts en première instance et n'est donc pas recevable à la soulever devant la cour, elle ne demande pas à la cour, dans le dispositif de ses écritures qui seul la saisit, de déclarer irrecevable la demande d'irrecevabilité formée par l'intimée en appel, étant au surplus rappelé que les fins de non recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause y compris pour la première fois en cause d'appel.



En application des articles 384 et 398 du code de procédure civile, l'instance s'éteint accessoirement à l'action, par l'effet du désistement d'action, et le désistement d'instance emporte aussi extinction de l'instance.



Aux termes des articles 394 et 395 du code de procédure civile, le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où le demandeur se désiste.



Il ressort notamment de ces dispositions qu'en matière de procédure orale, le désistement d'action formulé par écrit antérieurement à l'audience produit immédiatement son effet extinctif de sorte que toute demande reconventionnelle présentée postérieurement à celui-ci est irrecevable (cf pour exemples, pour un désistement d'action Civ 2, 11 mai 2017, pourvoi n° 16-18055 et pour un désistement d'instance, Civ 2, 10 janvier 2008 pourvoi n° 06-21938).



En outre, le défendeur peut accepter le désistement en émettant des réserves. (Cf pour exemple, Civ 2, 5 novembre 1986, pourvoi n° 85-16305).



En l'espèce, devant les premiers juges, la SELARL Villa-Florek ès qualité de liquidateur des sociétés Cibem, Seec et Balluteaud emballages a indiqué expressément se désister d'instance et d'action à l'égard de l'ensemble des défendeurs, notamment de la société Lactalis et a demandé au tribunal de lui en donner acte.



La société Lactalis qui avait, avant les conclusions de désistement adverses, formé une défense au fond en sollicitant dans ses conclusions déposées en 2014 que le liquidateur des trois sociétés ès qualités soit débouté de l'ensemble de ses demandes et reconventionnellement condamné à payer une somme de 30.000€ de dommages et intérêts (pour chaque société) et des frais de procédure, a expressément accepté, dans ses conclusions déposées lors de l'audience du 11 juin 2021 devant le tribunal, le désistement d'instance et d'action en demandant même de le déclarer parfait. Elle a en outre, dans les mêmes conclusions, sollicité à titre reconventionnel des dommages et intérêts à hauteur de 30 000€ par société pour procédure abusive.



La société Lactalis ne critique pas, dans sa déclaration d'appel les chefs du jugement ayant constaté le désistement d'instance et d'action de Maître Villa et l'acceptation de ce désistement par la société Groupe Lactalis. Il n'y a donc pas lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le désistement d'instance et d'action de Maître Villa et constaté l'acceptation de ce désistement par la société Lactalis, ainsi que les deux parties le sollicitent, puisque ces deux chefs du jugement ne sont critiqués ni par l'appelante ni par l'intimée dans le cadre d'un appel incident, la cour n'en étant donc pas saisie.



Maître Villa ès qualités demande à la cour de 'déclarer irrecevables les demandes de la société Lactalis tendant à solliciter de la cour une condamnation au titre de prétentions qui ont disparu avec l'extinction de l'instance résultant du constat par le tribunal aujourd'hui, définitif du désistement d'instance et d'action par Maître Villa, ès-qualité, et de son acceptation par Lactalis'.



La demande de dommages et intérêts formée pour procédure abusive formée par la société Lactalis n'est toutefois pas une demande formée pour la première fois en appel, demande qui serait alors postérieure à l'acceptation du désistement intervenue devant le tribunal et non contestée devant la cour, et par suite irrecevable. Elle a été formée dès la première instance, dans les conclusions contenant l'acceptation du désistement. La société Lacalis est donc recevable à critiquer ce chef du jugement lui faisant grief et sa demande de dommages et intérêts ne peut être déclarée irrecevable pour le motif développé par l'intimée.



En outre, si l'acceptation du désistement a pour effet d'éteindre l'instance et par suite l'ensemble des demandes formées antérieurement, il est observé qu'en l'espèce, la société Lactalis, qui avait formé dès avant les conclusions de désistement sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, a ensuite, dans ses conclusions en réponse aux conclusions de désistement d'instance et d'action adverses, à la fois accepté ce désistement et formulé à nouveau (souligné par la cour) cette demande reconventionnelle en dommages et intérêts.



Par là même, la société Lactalis a manifesté sans ambiguïté sa volonté de voir statuer sur cette demande déjà formée, qu'elle ne voulait pas voire disparaître malgré son acceptation du désistement. Il doit donc être considéré qu'elle a accepté le désistement, avec la réserve qu'il soit statué sur sa demande de dommages et intérêts formée pour procédure abusive antérieurement puis à nouveau dans ses dernières conclusions.



En conséquence, la demande formée par l'intimée tendant à l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par la société Lactalis devant la cour sera rejetée.



Sur le fond,



L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.



En l'espèce, c'est par des motifs pertinents qui ne sont contredits par aucun nouveau moyen ou nouvelle pièce produits en appel et que la cour adopte, que le tribunal a retenu que la société Lactalis ne démontrait pas le caractère manifestement abusif de l'action de Maître Villa, ès qualités, à son encontre, que plusieurs éléments démontraient un certain degré d'ingérénce de la société Lactalis dans les sociétés Cibem, SEEC et Balluteaux Emballages qui justifiait une vérification des mouvements financiers, concours et contrats, que le fait que l'enquête préliminaire diligentée ait finalement conduit au classement sans suite de la plainte pénale ne signifiait pas qu'il n'y avait pas d'éléments préjudiciables mais uniquement que les éléments ne se caractérisaient pas dans le cadre de la plainte, et enfin que l'affaire était restée au tribunal de commerce de Tours et que l'atteinte à l'image de la société Lactalis n'est pas caractérisée.



En réponse à l'argumentation de l'appelante indiquant que le liquidateur ne caractérisait d'aucune manière dans son assignation la direction de fait imputée à la société Lactalis et que l'action intiée par celui-ci ne pouvait avoir pour objet de 'vérifier des mouvements financiers ou des concours ou des contrats', d'autant qu'il ne sollicitait pas la mise en place d'une expertise, la cour rappelle qu'elle n'a pas à rechercher si l'assignation ou les conclusions de Maître Villa caractérisaient la gestion de fait imputée à Lactalis ainsi que les autres conditions nécessaires pour qu'une action en responsabilité aboutisse, mais seulement si au vu des conclusions et pièces du liquidateur et éléments de la procédure, l'action était manifestement abusive et engagée de mauvaise foi.



Il convient aussi d'observer que Maître Villa agissait à titre principal contre la société Lactalis non seulement en responsabilité pour insuffisance d'actif, ce qui nécessitait que cette dernière se voit reconnaître la qualité de dirigeant de fait, n'étant pas dirigeant de droit d'une société du groupe Seec, mais aussi à titre subsidiaire, en responsabilité de droit commun en raison du contrôle permanent de la société Lactalis sur le groupe Seec.



La SELARL Villa développait dans son assignation du 30 mai 2013 entre autres moyens, que les sociétés du groupe SEEC étaient sous le contrôle et la dépendance économique de la société Lactalis qui était le principal client du groupe, représentant 65% du chiffre d'affaires de SEEC et 35% de celui de Balluteaud emballages, ainsi que le principal créancier de la société SEEC puisqu'elle lui avait accordé divers crédits énumérés en page 4 et 5 de l'assignation avec en contrepartie, diverses garanties notamment sur les stocks de la société Cibem (gage) et sur l'immeuble de la société Seec (hypothèque). Elle expliquait aussi que la société Lactalis avait découragé tous les candidats repreneurs en faisant valoir un prétendu droit de rétention sur l'ensemble des stocks du groupe, aucune repreneur ne pouvant prendre le risque de se retrouver sans stock et sans débouchés commericaux pour sa production à venir, ce à l'exception d'un seul candidat, qui était en réalité un prête nom. Elle poursuivait en visant un rapport Orcom qu'elle produisait et dont il ressortait selon elle, qu'alors que la SEEC était déjà en cessation des paiements depuis le 1er janvier 2009, ses dirigeants lui avaient fait payer à la société Lactalis par préférence à ses autres créanciers, 82.500€ au titre du remboursement de ses avances et 24.000€ au titre du remboursement de l'emprunt obligataire.



Elle développait donc des éléments susceptibles d'établir, s'ils étaient avérés, une certaine ingérence et une position dominante de la société Lactalis sur le sociétés du groupe Seec.



En tout état de cause, il ne ressort aucunement de l'assignation et des pièces visées que l'action engagée par la SELARL Villa était manifestement abusive et diligentée de mauvaise foi ou avec une légèreté fautive, étant en outre rappelé ainsi que l'indique à juste titre l'intimée qu'un liquidateur est chargé de défendre les intérêts des créanciers et le recouvrement de leurs créances et doit dès lors engager avant que le délai de prescription soit expiré, les éventuelles actions en responsabilité contre les dirigeants et les tiers.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Lactalis de sa demande de dommages et intérêts.



Dès lors que la société Lactalis succombait dans cette demande, le tribunal était fondé à rejeter sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ce chef du jugement sera aussi confirmé.



En revanche, en application de l'article 399 du code de procédure civile, le désistement de l'appel emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l'instance éteinte. En l'absence d'accord sur ce point, le jugement sera infirmé sur les dépens et la SELARL Villa-Florek ès qualités sera condamnée aux dépens de première instance.



La société Lactalis succombe en son appel et doit dès lors être condamnée aux dépens exposés devant la cour, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Laval-Firkowski qui en fait la demande expresse, et au règlement à l'intimée d'une somme de 3500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS

 

La Cour,



- Rejette la demande formée par la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cibem, Seec et Balluteaud emballages tendant à déclarer irrecevables 'les demandes de la société Groupe Lactalis sollicitant de la cour une condamnation au titre de prétentions qui ont disparu avec l'extinction de l'instance résultant du constat par le tribunal, aujourd'hui, définitif du désistement d'instance et d'action par Maître Villa, ès-qualité, et de son acceptation par Lactalis',



- Dit que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Groupe Lactalis devant la cour est recevable ;

                                  

- Confirme le jugement déféré en ce que le tribunal a débouté la société Groupe Lactalis de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Infirme le jugement déféré en ce que le tribunal a ordonné l'emploi des entiers dépens en frais privilégiés de procédure collective :



Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé et y ajoutant,  



- Condamne la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cibem, Seec et Balluteaud emballages, aux dépens de première instance ;



- Condamne la société Groupe Lactalis à verser à la SELARL Villa-Florek ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Cibem, Seec et Balluteaud emballages (prises ensemble) une indemnité de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- Condamne la société Groupe Lactalis aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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