15 décembre 2022
Cour d'appel de Metz
RG n° 21/02698

6ème Chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/02698 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTWF

Minute n° 22/00219





S.A. GELIED

C/

MINISTERE PUBLIC*, S.C.I. STANISLAS









Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de METZ, décision attaquée en date du 07 Décembre 2017, enregistrée sous le n° 16/03777



COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022





APPELANTE :



S.A. GELIED , Société de droit étranger, représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 6] (GDL)



Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Sébastien PITOUN, avocat plaidant au barreau de PARIS







INTIMÉS :



MINISTERE PUBLIC

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par M. le Procureur Général, près la cour d'appel de METZ





S.C.I. STANISLAS , représentée par son représentant légal.

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Julien JACQUEMIN, avocat plaidant au barreau de NANCY





DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 02 Juin 2022 , l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 15 Décembre 2022 en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.



GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD





COMPOSITION DE LA COUR :





PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre



ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère







ARRÊT : Contradictoire



Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


FAITS ET PROCEDURE





La SCI Stanislas a donné à bail à la SA Catef les locaux commerciaux situées au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 8] par acte authentique du 26 juillet 1983.



Par acte sous seing privé du 21 avril 1995 un nantissement a été pris sur le fonds de commerce de la SA Catef par la SA de droit luxembourgeois Gelied en garantie d'un prêt de 200.000 francs (30.489,80 euros) accordé à la SA Catef.



Le 2 mai 2002 un second nantissement a été pris par la SA Gelied pour la somme de 148.192,79 euros en garantie du remboursement d'un prêt du même montant accordé à la SA Catef le 18 avril 2002.



Par assignation du 5 mars 2008, la SCI Stanislas a fait assigner la SA Catef devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de solliciter la prononciation de la résiliation du bail qu'elle lui avait consenti ainsi que son expulsion au motif que les lieux donnés à bail ne faisaient plus l'objet d'une exploitation commerciale.



Par jugement du 2 février 2009, le tribunal a fait droit aux demandes de la SCI Stanislas.



Par jugement rendu le 22 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SA Catef.



La créance de la SA Gelied a été admise au passif de la liquidation de la SA Catef à titre privilégié pour la somme de 178.682,59 euros.



Par acte d'huissier du 25 mai 2010, la SA Gelied a fait assigner la SCI Stanislas devant le tribunal de grande instance de Nancy, aux fins de solliciter sa condamnation à l'indemniser de son préjudice causé par l'absence de notification de la demande de résiliation du bail.



Par jugement du 25 janvier 2013 le tribunal de grande instance de Nancy a retenu la faute délictuelle de la SCI Stanislas et l'a condamnée à payer à la SA Gelied la somme de 17.868,26 euros avec intérêts à compter du jugement rendu au taux légal. Il a en revanche rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SA Gelied en réparation de son préjudice moral. Il a débouté les parties de leur demande réciproque formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la SCI Stanislas aux dépens.





La SCI Stanislas et la SA Gelied ont interjeté appel de ce jugement.




La cour d'appel de Nancy par un arrêt du 22 octobre 2014 a infirmé le jugement susvisé, a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation formée par la SA Gelied du chef de son nantissement pris le 21 avril 1995 et renouvelé le 21 avril 2005 et mal fondée en sa demande d'indemnisation du chef de son nantissement pris le 2 mai 2002.





La SA Gelied a saisi la Cour de cassation d'un pourvoi contre cette décision.





Par arrêt du 6 septembre 2016 la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 22 octobre 2014 uniquement en ce qu'il avait déclaré la SA Gelied irrecevable en sa demande d'indemnisation du chef de son nantissement pris le 21 avril 1995 et renouvelé le 21 avril 2008 et mal fondée en sa demande d'indemnisation du chef de son nantissement pris le 2 mai 2002 et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Metz.



Par arrêt du 7 décembre 2017 la cour d'appel de Metz a:


jugé qu'au titre du prêt consenti à la SA Catef sur la somme de 30.489,80 euros, la SA Gelied ne disposait pas de la qualité de créancier nanti au sens de l'article L143-2 du code de commerce ;

déclaré en conséquence irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de la SA Gelied au titre de ses demandes indemnitaires afférentes au prêt consenti à la SA Catef sur la somme de 30.489,80 euros;


Pour le surplus, au fond,


déclaré que la faute commise par la SCI Stanislas à ne pas avoir notifié sa demande de résiliation du bail consenti à la SA Catef sur le local du [Adresse 1] a causé un préjudice à la SA Gelied, ayant perdu son gage sur le bien, a raison de la perte de chance de recouvrer sa créance au titre du prêt consenti à la SA Catef pour la somme de 148.192,79 euros ;

évalué la perte de chance d'avoir pu recouvrer la créance à 1%;


En conséquence,


condamné la SCI Stanislas à payer à la SA Gelied 1% des sommes suivantes:


146.710 euros avec intérêts légaux entre mai 2002 et mai 2012;

26.802 euros avec intérêts mensuels de 1,5%, capitalisés mensuellement, entre mai 2002 et mai 2012.


ordonné sur lesdites sommes la capitalisation annuelle des intérêts légaux à courir à compter de la présente décision ;

rejeté la demande formée par la SA Gelied au titre du préjudice moral;

condamné la SCI Stanislas à verser à la SA Gelied la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

condamné la SCI Stanislas aux dépens, avec distraction au profit de Me [B] sur son affirmation de droit

rejeté le surplus des demandes, fins et prétentions exposées par les parties.






La SA Gelied a formé un nouveau pourvoi contre cet arrêt.



La chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 18 mars 2020, a annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Metz le 7 décembre 2017 mais seulement en ce qu'elle a jugé qu'au titre du prêt consenti à la SA Catef pour la somme de 30.489,80 euros, la SA Gelied n'avait pas la qualité de créancier nanti au sens de l'article L743-2 du code de commerce et a déclaré, en conséquence, irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de la SA Gelied au titre de ses demandes indemnitaires afférentes au prêt consenti à la SA Catef sur la somme de 30.489,80 euros et en ce qu'il statué sur les dépens et l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile. La Cour a renvoyé sur ces points l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Reims.



La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait violé les articles 1351 du code civil, 31 du code de procédure civile et L142-4 du code de commerce en considérant que la SA Gelied n'avait pas la qualité de créancier nanti. Elle a rappelé que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission des créances par le juge-commissaire s'étendait à la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance était assortie et dit que le bailleur qui, en s'abstenant d'exercer le recours prévu par la loi avait laissé l'admission à titre privilégié devenir irrévocable à son égard, ne pouvait plus invoquer, sur le fondement d'une cause antérieure à la décision d'admission, la nullité du nantissement du fonds de commerce pris par le créancier du preneur.



Par exploit d'huissier délivré le 15 novembre 2021, la SA Gelied a signifié à la SCI Stanislas un recours en révision devant la cour d'appel de Metz.



La SA Gelied a dénoncé son recours en révision au procureur général près la cour d'appel de Metz par exploit d'huissier délivré le 24 novembre 2021.





Par conclusions déposées le 3 mars 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SA Gelied demande à la cour de:


recevoir ses moyens et prétentions et les déclarer bien-fondés

rétracter l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 7 décembre 2017

constater : que la SCI Stanislas n'a jamais résilié le bail de la SA Catef du 21 décembre 1993 mais a obtenu un jugement d'expulsion par fraude, qu'elle a détruit le fonds de commerce de la SA Catef et que la perte de ses gages l'a été par la SCI Stanislas pour réaliser un profit par la perception d'un droit d'entrée de 50.000 euros de la société Z Cow

prononcer que la fraude est avérée par la SCI Stanislas en faisant un profit de 50.000 euros

A titre principal,

condamner la SCI Stanislas à lui payer suite à la perte de son gage, et ce au titre de l'adage «fraus omnia corrumpit» :

*en principal la somme de 148.192,79 euros avec intérêts sur le principal de 1,5% capitalisés mensuellement suivant convention du 1er mars 1995 et dans le respect de l'article 1134 du code civil, à compter de mai 2002 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir

*au titre de la clause pénale, la somme de 26.802 euros avec intérêts de 1,5% capitalisés mensuellement suivant convention du 1er mars 1995 qui intègre les pénalités et dans le respect de l'article 1134 du code civil et ce, à compter de mai 2002 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir


A titre subsidiaire, si par impossible la cour estime qu'elle n'a droit qu'à une perte de chance,


condamner la SCI Stanislas au titre de la perte de chance à lui payer la somme de 146.170,86 euros avec intérêts capitalisés suivant convention des 1er et 15 mars 1995 et ce, à compter du 1er décembre 2002

condamner la SCI Stanislas à lui payer au titre de la clause pénale, la somme de 26.802 euros avec intérêts capitalisés suivant convention des 1er et 15 mars 1995 et ce, à compter du 1er décembre 2002

condamner la SCI Stanislas à lui payer la somme de 20.000 euros pour l'implication de sa responsable depuis de nombreuses années de procédures

condamner la SCI Stanislas à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




Elle soutient tout d'abord que son recours en révision est recevable.



Elle indique que par jugement du 18 janvier 1995 le tribunal de grande instance de Nancy a constaté qu'un nouveau bail avait pris effet le 21 décembre 1993 et que par un arrêt du 7 janvier 1996 la cour d'appel de Nancy, infirmant une ordonnance de référé, a débouté la SCI Stanislas de sa demande en constatation de la résiliation du bail du 26 juillet 1983 dans le mesure où ce dernier n'existait plus à la date de délivrance du commandement de payer.



Elle soutient que si la cour d'appel de Metz avait eu connaissance de ces décisions, elle n'aurait pas eu à statuer sur la violation de l'article L143-2 du code de commerce mais à statuer sur son préjudice du fait de la perte de son gage après l'expulsion de la SA Catef fondée sur la résiliation d'un bail commercial qui n'existait plus. Elle affirme que la SCI Stanislas a volontairement poursuivi la résiliation d'un bail inexistant et sciemment obtenu l'expulsion de la SA Catef. Elle en déduit que l'arrêt de la cour d'appel de Metz a été rendu à la suite de la fraude de la SCI Stanislas. Elle affirme que le jugement du 18 janvier 1995 et l'arrêt du 7 janvier 1996 ont été retenus par la SCI Stanislas afin qu'ils ne soient pas produits. Elle affirme que la SCI Stanislas était la seule à connaître ces décisions et à pouvoir les produire. Elle en déduit que les conditions d'application de l'article 595 du code de procédure civile sont réunies notamment les deux premières du texte.



A titre principal, elle demande l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de son gage.



La SA Gelied soutient que la SCI Stanislas, en ne lui dénonçant pas l'assignation en résiliation du bail, qui au surplus n'existait plus, n'a pas respecté l'article L143-2 du code de commerce et lui a causé un préjudice. Elle précise que la SCI Stanislas a immédiatement repris possession de son local, refait des travaux et redonné à bail le local de la SA Catef à la SARL Z Cow à l'enseigne « Mise au green ». Elle déclare que le fonds de commerce nanti de la SA Catef a disparu et qu'il n'a donc plus aucune valeur. Elle relève qu'en revanche, la SCI Stanislas a tiré profit de sa fraude puisqu'elle a perçu un droit d'entrée de 50.000 euros par la SARL Z Cow.

Elle précise que les sommes sollicitées à titre de dommages et intérêts résultent de conventions du 1er et 15 mars 1995 que connaissait la SCI Stanislas. Elle ajoute que son préjudice est irréversible et que le lien de causalité est établi. Elle rappelle qu'à la date du 5 mars 2008, elle pouvait faire exécuter les obligations nées du bail, préserver l'assiette de ses privilèges, prendre les mesures de sauvegarde de ses droits, exploiter ou faire exploiter le fonds de commerce afin de conserver la valeur de son gage et négocier avec le bailleur l'abandon de ses poursuites.

Subsidiairement, elle sollicite l'indemnisation de sa perte de chance qu'elle évalue à 99% de la créance de 148.192,79 euros.

Elle sollicite également la réparation du préjudice qu'elle a subi en raison du temps passé à la gestion de ce dossier par son gérant. Elle sollicite donc sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil la somme de 20.000 euros.





Par conclusions déposées le 24 janvier 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SCI Stanislas demande à la cour d'appel de Metz de:


dire et juger irrecevable la demande en révision présentée par la SA Gelied,


Subsidiairement,


dire la SA Gelied mal fondée en sa demande d'indemnisation du chef de nantissement pris le 21 avril 1995 et renouvelé le 21 avril 2005,

débouter la SA Gelied de toutes ses demandes comme non fondées,


En tout état de cause,


condamner la SA Gelied à payer à la SCI Stanislas la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'art 700 du code procédure civile,

condamner la SA Gelied aux entiers dépens.




La SCI Stanislas soutient à titre principal que l'action en révision de la SA Gelied est irrecevable dans la mesure où les cas d'ouverture du recours en révision sont limitativement énumérés par l'article 595 du code de procédure civile.



Elle affirme que la fraude n'est pas caractérisée à son encontre car elle n'a pas sciemment dissimulé le jugement rendu le 18 janvier 1995 par le tribunal de grande instance de Nancy et ajoute que les dirigeants de la SA Gelied étaient en mesure d'obtenir la copie du jugement. La SCI Stanislas fait aussi valoir que l'objectif du recours en révision n'est pas de sanctionner la fraude en elle-même mais de pouvoir rétracter une décision qui a été viciée par la fraude, or elle soutient que le jugement invoqué par la SA Gelied est sans emport sur les précédentes décisions rendues et que la prétendue dissimulation dudit jugement n'a nullement abusé les juges intervenus successivement. Par ailleurs la SCI Stanislas affirme que l'intention de tromper n'est pas établie, étant rappelé que la seule réticence sans intention de tromper l'esprit du juge ne peut être qualifiée de fraude en l'absence de tout acte positif ou de man'uvre.

La SCI Stanislas affirme en outre que les pièces n'ont jamais été reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis la décision.



Sur les demandes de la SA Gelied, la SCI Stanislas invoque l'abus de droit compte tenu des liens existant entre les sociétés Gelied et Catef qui ont les mêmes dirigeants et le même conseil. La SCI Stanislas estime que la SA Catef a volontairement laissé résilier le bail, sans protester, sachant que les locaux n'étaient plus occupés depuis près d'un an et que la résiliation du bail pour cessation d'activités du preneur était inévitable, et ce, afin de se retourner ensuite par l'intermédiaire de la SA Gelied contre elle pour solliciter des indemnités.

La SCI Stanislas affirme par ailleurs que le lien de causalité entre la prétendue faute qu'elle aurait commise et le préjudice invoqué par la SA Gelied n'est pas démontré. Elle souligne à ce titre que le préjudice né de la perte de sa sûreté résultait pour la créancière de son inertie pour recouvrer sa créance et non de l'absence de notification de l'assignation en résiliation du bail.



Enfin la SCI Stanislas conclut à l'absence de préjudice. Elle fait valoir que le nantissement de la SA Gelied sur le fonds de commerce de la SA Catef n'avait plus aucune valeur puisque le fonds, cédé à la société Lunamod avait fermé ses portes depuis plus d'un an, que l'activité économique à [Localité 7] avait considérablement chuté et que la SA Catef avait des dettes importantes. Elle ajoute que le seul fonds de commerce ne pouvait suffire à couvrir l'importante créance factice de la SA Gelied sur la SA Catef et qu'en outre, au regard des créanciers inscrits, les chances pour la SA Gelied de recouvrer sa créance sur le prix de vente du fonds de commerce étaient nulles. A titre subsidiaire, elle demande de limiter la demande de la SA Gelied à 1% du montant du prêt garanti, comme l'a fait la cour d'appel de Metz et de la débouter pour le surplus.



Elle souligne pour conclure que la Cour de cassation n'a pas annulé les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Metz ayant rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de la SA Gelied et qu'ainsi la demande de cette dernière tendant à obtenir 50.000 euros de dommages et intérêts est irrecevable. En tout état de cause, elle observe qu'il n'est caractérisé aucune intention de nuire de sa part.





Par conclusions du 3 février 2022 communiquées régulièrement aux parties qui ont eu le temps nécessaire pour y répliquer et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, le ministère public demande à la cour de déclarer le recours en révision formé par la SA Gelied irrecevable. Subsidiairement, sur le fond, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.



Le ministère public rappelle que selon l'article 593 du code de procédure civile, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en droit. Il relève en l'espèce que seule une partie de l'arrêt de la cour d'appel de Metz est passée en force de chose jugée et que le recours en révision ne peut intervenir que sur cette partie, c'est à dire celle admettant la faute de la SCI Stanislas, la partie relative à l'existence du prêt qui a été cassée par la Cour de cassation ne pouvait faire l'objet d'un tel recours.



Il ajoute que selon l'article 595 du code de procédure civile, le recours en révision est ouvert dans des cas limités. Il relève en l'espèce que la fraude suppose l'intention de tromper, que la pièce non transmise doit avoir ainsi été volontairement retenue par la partie gagnante et qu'elle doit en outre être décisive, en ce sens qu'il doit y avoir une forte probabilité que sa connaissance par le juge aurait amené ce dernier à prendre une décision différente. Il observe que les pièces mentionnées par la SA Gelied étaient accessibles à tous et qu'il n'y a pas lieu de considérer dès lors que la SCI Stanislas a eu l'intention de tromper le juge et que la communication de cette pièce aurait été décisive pour déterminer le sens de la décision. Il conclut que l'intention de tromper de la SCI Stanislas n'est pas démontrée. Il ajoute que le recours en révision ne peut être fondé sur la fausseté des pièces et qu'aucune pièce produite n'a été reconnue comme fausse.






MOTIFS DE LA DÉCISION





I- Sur la recevabilité du recours en révision





L'article 593 du code de procédure civile dispose que « le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ».



L'article 500 du même code précise qu'a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.



En l'espèce il y a lieu d'observer que la SA Gelied forme un recours en révision contre les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 7 décembre 2017 qui portent sur le nantissement consenti en garantie du prêt de 148.192,79 euros accordé à la SA Catef. Ces dispositions, qui n'ont pas été cassées par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2020, ont donc force de chose jugée et sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en révision.





L'article 595 du code de procédure civile précise toutefois que « le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :

1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;

2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;

3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement;

4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.

Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. »



La SA Gelied invoque au soutien de sa demande en révision les deux premiers alinéas de l'article qu'il convient ainsi d'examiner successivement. En revanche, il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens mentionnés par la SCI Stanislas relatifs aux pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses dans la mesure où ce fondement n'est pas invoqué par la SA Gelied à l'appui de son recours.






Sur l'existence d'une fraude commise par la SCI Stanislas






Il n'y a fraude au sens du premier alinea de l'article susvisé que s'il y a dissimulation ou une intention de tromper. En outre, la fraude doit avoir été décisive.



Il convient tout d'abord de relever que si dans son jugement du 2 février 2009 le tribunal de grande instance de Nancy a prononcé la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Stanislas et la SA Catef et ordonné l'expulsion de cette dernière, la procédure avait toutefois été introduite à d'autres fins puisque l'assignation délivrée par la SCI Stanislas tendait à voir constater le renouvellement du bail pour 9 ans à compter du 1er juin 2007 et à voir condamner la SA Catef à lui payer un arriéré locatif.



Il résulte du jugement que ce n'est qu'après avoir découvert que la SA Catef avait sous-loué les locaux objets du bail à la société Lunamod, dont la gérante était l'épouse du gérant de la SA Catef, et que les locaux n'étaient plus exploités, que la SCI Stanislas a modifié ses prétentions. L'intention de la SCI Stanislas n'était donc pas à l'origine d'obtenir la résiliation du bail.



De plus, le jugement précise que la SA Catef n'avait pas conclu mais avait constitué avocat lors de cette instance, elle aurait donc pu faire valoir l'existence du jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 18 janvier 1995 qui a constaté l'existence d'un nouveau bail entre les parties à compter du 21 décembre 1993 ou l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 7 janvier 1996 qui déboutait la SCI Stanislas de sa demande en constatation de la résiliation du bail du 26 juillet 1983 en rappelant que celui-ci n'existait plus.



Au surplus, il résulte des pièces produites (notamment un extrait du procès-verbal d'assemblée générale de la SA Gelied du 14 septembre 2001) que le gérant de la SA Catef, M. [K] était également le gérant de la SA Gelied et avait connaissance des procédures ayant concerné la SA Catef.



Dès lors, la SA Gelied était en mesure de produire ces deux décisions lors de l'instance devant la cour d'appel de Metz.



Il y a lieu de constater que la SA Gelied ne rapporte pas la preuve de la volonté de la SCI Stanislas de tromper la cour d'appel de Metz ni de l'existence de man'uvres frauduleuses qu'elle aurait commises.





Dès lors, il n'est pas établi que les conditions d'applications de l'article 595. 1° sont réunies.






Sur l'existence de pièces décisives retenues par le fait d'une autre partie






L'article 595. 2° susvisé ne s'applique que s'il est établi que, depuis la décision objet du recours, des pièces ont été retenues volontairement par la partie gagnante et qu'en outre, ces pièces étaient décisives.



Ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment, la SA Gelied ne justifie pas que la SCI Stanislas a volontairement voulu retenir les décisions du tribunal de grande instance de Nancy du 18 janvier 1995 et de la cour d'appel de Nancy du 7 janvier 1996 lors de l'instance devant la cour d'appel de Metz, étant souligné que la procédure engagée devant celle-ci n'était pas destinée à statuer de nouveau sur la résiliation du bail.



En outre, il sera rappelé que la SA Gelied dont le gérant avait été également celui de la SA Catef était en mesure de connaître ces décisions et de les produire.



Par ailleurs, il résulte des motifs susvisés que le jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 18 janvier 1995 et l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 7 janvier 1996 n'étaient pas des pièces décisives dans l'instance engagée devant la cour d'appel de Metz puisqu'elles n'étaient pas de nature à modifier la décision de la cour dans l'appréciation du préjudice subi par la SA Gelied du fait de l'absence de notification à son égard de la procédure de résiliation du bail.



Les conditions d'application de l'article 595. 2° du code de procédure civile ne sont donc pas non plus réunies.



En conséquence, il convient de déclarer le recours en révision formé par la SA Gelied contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 7 décembre 2017 irrecevable.





II- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile





La SA Gelied qui succombe, sera condamnée aux dépens.



L'équité commande de condamner la SA Gelied à payer à la SCI Stanislas la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la SA Gelied de sa demande formée sur ce même fondement.





PAR CES MOTIFS,





La cour,





Déclare irrecevable le recours en révision formé par la SA Gelied contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz du 7 décembre 2017 ;





Condamne la SA Gelied aux dépens ;





Condamne la SA Gelied à payer à la SCI Stanislas la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;





Déboute la SA Gelied de sa demande formée sur ce même fondement.





La Greffière La Présidente de chambre

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