15 décembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/10467

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10467 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF46C



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Mai 2022 -Président du TC de PARIS 04 - RG n°2022012267





APPELANTE



S.A.R.L. MONGODB FRANCE, RCS de PARIS n° 794 107 326, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

2ème étage

[Localité 4]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience par Me Fabienne PANNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : R235





INTIMEES



S.A. ALTEN, RCS de NANTERRE n°348 607 417, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 6]



S.A.S.U. ALTEN TECHNOLOGIES, RCS de NANTERRE n°808 630 826, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentées et assistées par Me Antoine VIVANT de la SELEURL Vivant Avocat SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : R245





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère



Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




******



EXPOSE DU LITIGE



Les sociétés Alten, d'une part, et MongoDB France, d'autre part, évoluent dans le secteur des nouvelles technologies et connaissent les unes et les autres une forte croissance à l'heure actuelle.



Entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022, soit sur une période de douze mois, six salariés des sociétés Alten ont démissionné et quitté leurs effectifs (quatre salariés d'Alten SA, un salarié d'Alten Technologies et un salarié d'Alten Sir).



Les sociétés Alten estiment que la société MongoDB France se serait rendue coupable d'un débauchage massif et déloyal de leurs salariés, débauchage qui se serait accompagné de la sollicitation de leurs "business-managers" et du détournement d'informations confidentielles et de savoir-faire.



Par requête en date du 22 décembre 2021, la société Alten et la société Alten Technologies ont sollicité du président du tribunal de commerce de Paris une mesure d'instruction in futurum au visa de l'article 145 du code de procédure civile.



Par ordonnance en date du 11 janvier 2022, il a été fait droit à cette demande et la société [R] [C] et [H] [K], huissiers audienciers du tribunal de commerce de Paris, a été nommée à cet effet.



La société [R] [C] et [H] [K], ès qualités, a effectué sa mission le 8 février 2022 et en a dressé constat.



Par acte du 7 mars 2022, la société MongoDB France a fait assigner la société Alten et la société Alten Technologies, devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :



- enjoindre aux sociétés Alten et Alten Technologies de justifier des circonstances dans lesquelles elles ont eu copie du contrat type de travail de la société MongoDB France (Pièce Alten n°26 visée à la requête), sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard courant dès le lendemain de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- prononcer la rétractation en toutes ses dispositions de l'ordonnance entreprise ayant autorisé la mesure d'instruction contestée ;

En conséquence,

- dire l'ensemble des actes d'exécution de l'ordonnance entreprise privés d'effet et prononcer la nullité du ou des procès-verbaux qui auraient été établis par la société [C]-[K], étude d'huissiers de justice instrumentaire, en exécution de l'ordonnance entreprise ;

-ordonner à la société [C]-[K], étude d'huissiers de justice, de restituer à la société MongoDB France, à première demande, sur présentation de l'ordonnance à intervenir, l'ensemble des pièces séquestrées à son étude et de n'en conserver aucune copie ;



- donner acte de ce que la société MongoDB France réserve ses droits quant à toute action visant à obtenir l'indemnisation des préjudices découlant du caractère abusif et illicite de la mesure d'instruction contestée ;

- condamner les sociétés Alten et Alten Technologies à payer à la société MongoDB France la somme totale de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens d'instance.



Par ordonnance contradictoire du 25 mai 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :



- débouté la société MongoDB France de sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 11 janvier 2022 et dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance ;

- dit que l'opération de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après même s'il est fait appel de cette décision tout en préservant les intérêts du requis jusqu'à la décision d'appel ;

- dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l'huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce ;

- dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

- demandé à la société MongoDB France de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

' catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen,

' catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que les défenderesses refusent de communiquer,

' catégorie « C » les pièces que les défenderesses refusent de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,

- dit que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué à la société [R] [C] et [H] [K] en sa qualité de séquestre, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré et élimination des doublons ;

- dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, les requis conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce communiqueront au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires » ;

- fixé le calendrier suivant :

' communication à la société [R] [C] et [H] [K], en la personne de l'un de ses associés, et au président, des tris des fichiers demandés avant le 25 juin 2022,

- renvoyé l'affaire, après contrôle de cohérence par l'huissier et élimination des doublons, à l'audience du 6 juillet 2022 à 14h30 pour la réalisation de la levée de séquestre ;

- dit que la société [R] [C] et [H] [K], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments sus visés entre les mains des sociétés Alten et Alten Technologies et/ou la destruction des pièces communicables, qu'après que tous les délais d'appel seront expirés ou décision d'appel éventuelle, que dans cette attente la société [R] [C] et [H] [K], ès qualités, conservera sous séquestre l'ensemble des pièces ;

- condamné la société MongoDB France à payer à la société Alten et à la société Alten technologies solidairement la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus ;

- rejeté le surplus de la demande ;

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

- condamné en outre la société MongoDB France aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 75,91 euros TTC dont 12,44 euros de TVA ;

- rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.



Par déclaration du 30 mai 2022, la société MongoDB France a relevé appel de cette décision.





Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 novembre 2022, la société MongoDB France demande à la cour de :



- l'accueillir en son appel et l'y en déclarer recevable et bien fondée ;

- écarter des débats :

' d'une part, les pièces des sociétés Alten et Alten Technologies créées par celles-ci pour les besoins de la cause, i.e. leurs pièces n°21, 23 et 29 et (renouvellement numérotée) 41,

' d'autre part, les attestations produites par les sociétés Alten et Alten Technologies ne répondant pas aux prescriptions légales, i.e. leurs pièces n°25 et 27,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance des référés du 25 mai 2022 en ce qu'elle a :

' débouté celle-ci de sa demande en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête en date du 11 janvier 2022 aux motifs que (i) la dérogation au principe du contradictoire était en l'occurrence justifiée par les sociétés Alten et Alten Technologies, (ii) qu'il résultait des éléments fournis par les parties un litige plausible et une action non vouée à l'échec, de sorte que les résultats de la mesure d'instruction contestée apparaissaient pertinents et (iii) la mission confiée par l'ordonnance à l'huissier de justice ne lui conférait aucun pouvoir général d'investigation,

' débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes,

' ordonné la mise en oeuvre des opérations de levée de séquestre prévues par l'ordonnance rendue sur requête du 11 janvier 2022, conformément aux articles R. 153-3 et suivants du code de commerce,

' condamné celle-ci à verser aux sociétés Alten et Alten Technologies, prises solidairement, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné celle-ci aux dépens d'instance,

Statuant de nouveau sur les chefs de l'ordonnance des référés réformés :

- prononcer la rétractation en toutes ses dispositions de l'ordonnance rendue sur requête du 11 janvier 2022 ayant autorisé la mesure d'instruction in futurum ;

- juger l'ensemble des actes d'exécution de l'ordonnance rendue sur requête du 11 janvier 2022 privés d'effet ;

- prononcer la nullité du ou des procès-verbaux établis par la société [C]-[K], étude d'huissiers de justice instrumentaire, en exécution de l'ordonnance rendue sur requête en date du 11 janvier 2022 ;

- prononcer la nullité des opérations de levée de séquestre des pièces saisies en exécution de l'ordonnance rendue sur requête en date du 11 janvier 2022 ;

En conséquence,

- faire interdiction aux sociétés Alten et Alten Technologies de se prévaloir des actes d'exécution de l'ordonnance rendue sur requête en date du 11 janvier 2022 et en particulier du ou des procès-verbaux établis par la société [C]-[K], étude d'huissiers de justice instrumentaire, en exécution de l'ordonnance sur requête susvisée ;

- ordonner à la société [C]-[K], étude d'huissiers de justice, de lui restituer, à première demande, sur présentation de l'arrêt d'appel, l'ensemble des pièces séquestrées à son étude et de n'en conserver aucune copie ;

- débouter les sociétés Alten et Alten Technologies de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

- débouter les sociétés Alten et Alten Technologies de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, en ce compris leur demande de mainlevée du séquestre ;

- condamner les sociétés Alten et Alten Technologies à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner en outre aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Me Mathieu Boccon-Gibod, selarl lexavoue Paris Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La société MongoDB France soutient en substance que :





- les pièces élaborées par les sociétés Alten pour les besoins de la cause doivent être écartées des débats, étant précisé que les attestations produites devront également être écartées des débats dans la mesure où elles ne respectent pas les prescriptions légales,

- cette demande est bien recevable, et ne constitue pas une demande nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que la demande de rétractation de l'ordonnance rendue,

- aucune des pièces produites ne justifie cette ordonnance,

- la dérogation au principe du contradictoire n'est pas plus justifiée, et le raisonnement du premier juge qui a repris les moyens des sociétés Alten, est partial,

- le risque de dépérissement de preuves, sans démonstration in concreto, est insuffisant, à justifier la dérogation au principe du contradictoire,

- la menace identifiée par les sociétés Alten tient à cette seule déclaration: la société Mongo DB France est une société spécialisée du secteur informatique,

- le premier juge s'est fondé sur des éléments postérieurs à la requête, ce qui constitue une violation de la loi, et de la jurisprudence,

- les sociétés Alten continuent à s'appuyer sur les conditions d'exécution de la mesure in futurum, faisant l'aveu que ni la requête ni l'ordonnance ne contenaient la justification de la dérogation au principe du contradictoire,

- le motif légitime fait défaut, alors que le respect des conditions posées par l'article 145 du code de procédure civile doit être strict, a fortiori en présence d'accusation de concurrence déloyale,

- le premier juge s'est fondé exclusivement sur les allégations des sociétés Alten pour conclure à l'existence d'un litige plausible non manifestement voué à l'échec,

- l'intérêt probatoire de la mesure n'a pas été examiné,

- l'absence de motif légitime ressort encore du pouvoir d'interprétation laissé à l'huissier de justice,

- la demande de levée de séquestre sera rejetée.



Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 08 novembre 2022, la société Alten et Alten Technologies demandent à la cour de :



- les accueillir en l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions et les juger bien fondées ;

- constater qu'il existait un motif légitime pour celles-ci de solliciter les mesures d'instruction ordonnées le 11 janvier 2022 sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- constater qu'il existait un motif légitime justifiant de ne pas appeler la partie visée par la mesure ;

- constater que la société MongoDB France présente à hauteur de d'appel des demandes nouvelles ;

En conséquence,

- débouter la société MongoDB France de l'ensemble de ses arguments, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance de référé du 25 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

- dire qu'il n'y a lieu à rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 11 janvier 2022 ;

- ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre des éléments saisis par l'huissier dans le cadre de l'exécution de sa mission et la libération des éléments et pièces conservés sous séquestre ;

- juger irrecevables les demandes nouvelles présentées par la société MongoDB France aux fins que soient écartées des débats les pièces n°21, 23, 25, 27, 29 et 41, ou à titre subsidiaire rejeter les demandes présentées par la société MongoDB France aux fins que soient écartées des débats les pièces n°21, 23, 25, 27, 29 et 41 ;

- ajoutant au montant de la condamnation prononcée en première instance, condamner la société MongoDB France au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société MongoDB France au paiement de l'ensemble des frais liés à l'exécution de la mesure ordonnée, en ce compris les frais exposés par l'huissier de justice ayant exécuté l'ordonnance ;

- condamner la société MongoDB France aux entiers dépens.



La société Alten et Alten technologies soutiennent en substance que :



- la demande de rejet des pièces formulée par la société MongoDB France est irrecevable pour être nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique,

- les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire s'agissant de la remise de documents et de l'audition de personnes pouvant se concerter sont établies lorsque la mission confiée à l'huissier de justice a plus de chance de succès si elle est exécutée lorsque la partie adverse n'est pas avertie,

- le motif légitime est démontré par le recrutement massif et déloyal des business managers par la société Mongo DB France, étant précisé qu'il s'agit de profils rares sur le marché, issus des meilleures écoles d'ingénieurs, formés par les sociétés Alten,

- le débauchage est toujours en cours et au moins 40 collaborateurs ont été sollicités par la société Mongo DB, la généralisation de cette méthode déloyale à d'autres pays fait craindre d'autres départs, alors que des fichiers contenant des informations confidentielles ont pu être au surplus détournés,

- le préjudice subi par les sociétés Alten est important, et les manoeuvres visant à un tel débauchage sont susceptibles de constituer une faute délictuelle au sens des articles 1240 et 1241 du code civil,

- le risque de déperdition des preuves est avéré,

- les mesures ordonnées sont justifiées, et ne portent aucune atteinte à une quelconque liberté fondamentale,

- elles sont précises et limitées,

- la mesure de séquestre sera levée.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE,



- sur la demande de rejet de pièces formulées par la société Mongo DB France



L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



L'article 565 de ce code indique que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.



L'article 566 de ce code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.



La société Mongo DB France formule en cause d'appel une demande de rejet des pièces n°21, 23 et 29 et (renouvellement numérotée) 41, et des attestations produites par les sociétés Alten et Alten Technologies (pièces n°25 et 27). Elle expose que les pièces n°21, 23 et 29 et (renouvellement numérotée) 41 ont été élaborées par les sociétés Alten pour les besoins de la cause et que les attestations versées aux débats ne répondent pas aux exigences légales.



Les intimés soutiennent que la demande de rejet de ces pièces constitue une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, car non présentée en première instance, et qu'elle doit en tant que telle être déclarée irrecevable.



La demande de rejet de pièces, certes nouvelle, vise à écarter les prétentions adverses, donc apparaît en toute hypothèse recevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.



Cependant, le juge de la rétractation doit apprécier l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de celle-ci et de ceux produits ultérieurement devant lui.



De même, la cour est tenue d'apprécier, au jour où elle statue, les mérites de la requête, sur le fondement des éléments qui lui sont contradictoirement soumis.



Il n'y a donc pas lieu d'écarter a priori les pièces concernées des débats, alors qu'elles ont été produites contradictoirement par les intimées et que les appelantes sont en mesure de les critiquer dans leurs conclusions, l'appréciation de leur caractère probant ou non probant relevant de l'examen, au fond, auquel se livrera la cour des éléments de preuve qui lui sont soumis.



La demande de rejet des pièces n°21, 23 et 29 et (renouvellement numérotée) 41, et des attestations produites par les sociétés Alten et Alten Technologies (pièces n°25 et 27) sera par conséquent rejetée.



- sur le fond du référé



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.



Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.



De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.



Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.



Il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.



Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.







Enfin, la mesure ordonnée doit être circonscrite aux faits dénoncés dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige et ne pas s'étendre au-delà. Elle ne peut porter une atteinte illégitime au droit d'autrui. Ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.



Il ressort des pièces produites que :



- la requête soumise par les sociétés Alten puis l'ordonnance rendue invoquent la nécessité de ménager un effet de surprise dans la mesure où la seule connaissance par la société MongoDB France d'une procédure à son encontre aurait pour effet de l'inciter à supprimer les éléments de preuve recherchés et en particulier les messages qui expliciteraient les démarches tendant au débauchage et à la recherche de profils ciblés au sein du groupe Alten, étant précisé que le groupe MongoDB est spécialisé dans le secteur informatique, des logiciels, du traitement et de la conservation des données,

- il s'avère avec évidence sur ce point que s'agissant de faits de débauchage allégués, les preuves recherchées se trouvent dans des fichiers informatiques contenant des échanges électroniques dont la fragilité intrinsèque ne fait pas débat,

- au cas d'espèce, de plus, le risque de dépérissement des preuves est d'autant plus établi qu'il s'agit de saisir des offres de contrats, assorties de propositions financières faites aux salariés, ce que les sociétés Alten ont peu de chances d'obtenir spontanément,

- de la sorte, les faits de débauchage allégués, dont il est recherché les preuves, justifiaient le recours à une procédure non-contradictoire, et le caractère non contradictoire de cette mesure constituait pour les sociétés Alten le seul moyen pour elles d'en obtenir la production,

- il ressort ensuite de la chronologie et des éléments exposés qu'au cours de l'année 2021,cinq business-managers confirmés ont démissionné des sociétés Alten pour rejoindre la société MongoDB France,

- ainsi, ont démissionné M [D], directeur d'agence, le 14 avril 2021, M. [U] et [A] le 6 octobre 2021, directeurs d'agence, M. [X], responsable d'agence confirmé, le 19 octobre 2021, et M. [S], responsable d'agence, le 27 novembre 2021,

- les sociétés Alten établissent que ces salariés sont en réalité des profils rares, qu'ils ont été formés par elles, et que, selon le contrat de travail type de la société MongoDB (pièce 26 du bordereau du conseil des sociétés Alten), les conditions de travail propres aux postes proposés par la société MongoDB sont assorties d'offres salariales supérieures de 300% aux salaires offerts par elles, outre des plans d'actions,

- cette seule chronologie est d'ores et déjà évocatrice de faits à tout le moins de débauchage puisque les départs dont s'agit ont été rapprochés et est susceptible de constituer le motif légitime exigé par les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,

- mais de plus, il apparait que d'autres collaborateurs des sociétés Alten, en postes à Londres, En Italie, en Suède, en Suisse et en Angleterre ont rejoint le groupe MongoDB ce qui rend légitime, de plus fort, le motif qui préside à la mesure d'instruction sollicitée,

- il est établi qu'outre la perte de compétences enregistrée en raison des départs des salariés cités, ces derniers avaient accès à des informations confidentielles et stratégiques, ce qui justifiait qu'ils soient soumis aux termes de leurs contrats de travail à une obligation de confidentialité (pièces n°6, 8, 10, 12 et 14 accompagnant la requête),

- dans ces conditions, il apparaît bien que la demande des sociétés Alten à avoir accès à des échanges électroniques et fichiers informatiques est incontestablement utile et de nature à améliorer sa situation probatoire,

- s'il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de statuer sur le différend entre les parties sur la levée ou la validité des clauses de confidentialité des salariés démissionnaires de sociétés Alten, force est de constater que l'intimée disposait bien au jour du dépôt de sa requête d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile à obtenir une mesure d'instruction,

- il se déduit en outre de l'ensemble l'existence d'un litige "en germe", dont l'objet est caractérisé.









La mesure ordonnée est circonscrite dans le temps et son objet dans la mesure où elle est limitée à huit mots clés servant de base à la recherche, et à une période concomittante aux départs susvisés, soit une période qui débute raisonnablement en mars 2021 jusqu'au jour des constatations. Il ne peut donc être sérieusement prétendu que la mesure serait large au point de permettre l'accès à l'intégralité des informations du groupe MongoDB et ne viserait aucune période déterminée.



Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance rendue et l'ordonnance prononcée le 25 mai 2022 sera confirmée en toutes ses dispositions.



La levée de séquestre ayant été organisée par l'ordonnance du 25 mai 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur "la main levée" demandée par les sociétés Alten, l'ordonnance étant confirmée de ce chef également.



Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure pour la procédure de première instance a été exactement réglé par le premier juge.



Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ces chefs.



Il y a lieu de condamner la société MongoDB France, partie perdante, aux dépens de l'instance d'appel.



En outre, la société MongoDB France doit être condamnée à verser aux sociétés Alten et Alten Technologies, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 3.000 euros pour la procédure d'appel.



PAR CES MOTIFS



Déclare recevable la demande formulée par la société MongoDB France tendant au rejet des pièces n°21, 23 et 29 et (renouvellement numérotée) 41, et des attestations produites par les sociétés Alten et Alten Technologies (pièces n°25 et 27) ;



Déboute la société MongoDB France de cette demande ;



Confirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions';



Condamne la société MongoDB France aux dépens d'appel.



Condamne la société MongoDB France à payer aux société Alten et Alten Technologies la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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