15 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.085

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C201318

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1318 F-D

Pourvoi n° W 21-10.085

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [O] [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 août 2021.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

La société Areas dommages, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-10.085 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [F], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la RAM Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Areas dommages, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2020), par avenant du 8 mars 2017, une garantie multirisques des professionnels de l'automobile souscrite auprès de la société Areas dommages (l'assureur), a été transférée à M. [F] (l'assuré).

2. Alors qu'il circulait à scooter, M. [F] est tombé de son engin en heurtant un hérisson.

3. L'assureur ayant refusé de l'indemniser de son préjudice corporel au motif que le contrat comportait une clause d'exclusion relative à l'imprégnation alcoolique, M. [F] l'a assigné devant un tribunal de grande instance en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer inopposables à M. [F] les conditions générales et particulières du contrat d'assurance et, en conséquence, de dire qu'il devra prendre en charge l'intégralité du préjudice subi, alors « que le dommage corporel subi par le conducteur n'est pas couvert par l'assurance automobile obligatoire, l'indemnisation ayant alors lieu conformément aux stipulations contractuelles ; que l'étendue de la garantie d'assurance résulte de la définition du risque garanti par le contrat d'assurance ; qu'en se bornant toutefois, pour dire que l'assureur devra prendre en charge l'intégralité du préjudice subi suivant le droit commun, à constater qu'aucune limitation ni exclusion de garantie ne pouvaient lui être opposées, sans pour autant préciser quelle était l'étendue de la garantie contractuelle souscrite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 alors applicable au litige :

6. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. L'arrêt, après avoir relevé que les conditions générales et particulières n'avaient pas été signées par M. [F], retient que les limitations tenant au montant total de la réparation susceptible d'être allouée et ]à la nature des postes de préjudice indemnisables constituent des limitations du droit à indemnisation qui procèdent de conditions générales inopposables à M. [F], qui peut, dès lors, solliciter son indemnisation conformément au droit commun.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher quel était le périmètre contractuel de la garantie, laquelle délimitait le droit à indemnisation de l'assuré au titre de cette assurance des dommages corporels du conducteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare inopposables à M. [F] les conditions générales et particulières du contrat multirisque des professionnels de l'automobile conclu avec la société Areas dommages et dit que la société Areas dommages devra indemniser M. [F] de l'intégralité du préjudice subi, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Areas dommages

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Aréas dommages reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré inopposable à M. [F] les conditions générales et particulières du contrat d'assurance et, en conséquence, D'AVOIR dit que la société Areas dommages devra prendre en charge l'intégralité du préjudice subi ;

1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que la société Areas dommages faisait valoir dans ses écritures d'appel (page 5), qu'elle avait dès l'origine opposé les conditions de sa garantie à M. [F], qui, ni au stade de la procédure de référé, ni dans son assignation introductive de la présente instance, n'avait jamais contesté avoir eu connaissance des stipulations du contrat d'assurance, ayant au contraire conclu à titre principal à l'absence de lien entre son état d'imprégnation alcoolique et son accident, acquiesçant ainsi implicitement, mais nécessairement, à l'opposabilité de la police ; qu'elle en déduisait que M. [F] était irrecevable à soulever pour la première fois en cause d'appel un moyen tiré de l'inopposabilité des clauses du contrat d'assurance pour défaut de communication des stipulations de la police qui contredisait les précédentes écritures de l'assuré ; qu'en déclarant néanmoins inopposables à M. [F] les conditions générales et particulières du contrat d'assurance sans répondre à ces écritures pourtant déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2) ALORS, en tout état de cause, QUE, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'ainsi que le soulignait la société Areas dommages, ni au stade de la procédure de référé, ni dans son assignation introductive de la présente instance, M. [F] n'avait jamais contesté avoir eu connaissance des stipulations de la police d'assurance mais au contraire soutenu à titre principal l'absence de lien entre son alcoolémie et son accident, acquiesçant ainsi implicitement, mais nécessairement, à l'opposabilité de la police produite ; qu'en accueillant néanmoins un moyen tiré de l'inopposabilité des conditions générales et particulières du contrat d'assurance pour défaut de communication du contrat, soulevé pour la première fois en cause d'appel par M. [F] en contradiction avec ses écritures précédentes, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

La société Aréas dommages reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré inopposable à M. [F] les conditions générales et particulières du contrat d'assurance et, en conséquence, D'AVOIR dit que la société Areas dommages devra prendre en charge l'intégralité du préjudice subi ;

1) ALORS QUE le dommage corporel subi par le conducteur n'est pas couvert par l'assurance automobile obligatoire, l'indemnisation ayant alors lieu conformément aux stipulations contractuelles ; que l'étendue de la garantie d'assurance résulte de la définition du risque garanti par le contrat d'assurance ; qu'en relevant que les stipulations contractuelles précisant l'étendue de la garantie souscrite et donc l'objet même du contrat ne consistaient qu'en des limitations de garantie inopposables à l'assuré, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil devenu 1103 du code civil.

2) ALORS QUE le dommage corporel subi par le conducteur n'est pas couvert par l'assurance automobile obligatoire, l'indemnisation ayant alors lieu conformément aux stipulations contractuelles ; que l'étendue de la garantie d'assurance résulte de la définition du risque garanti par le contrat d'assurance ; qu'en se bornant toutefois, pour dire que la société Areas dommages devra prendre en charge l'intégralité du préjudice subi suivant le droit commun, à constater qu'aucune limitation ni exclusion de garantie ne pouvaient lui être opposées, sans pour autant préciser quel était l'étendue de la garantie contractuelle souscrite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil.

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