15 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.712

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C201298

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1298 F-D

Pourvoi n° Z 21-16.712




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

1°/ Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 2],

2°/ Mme [T] [O],

3°/ M. [R] [O],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

4°/ Mme [F] [O], domiciliée [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° Z 21-16.712 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Assurance mutuelle des motards, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Savoie, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Harmonie mutuelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Mutuelle existence,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [U] [O], de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société Assurance mutuelle des motards, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [R] [O], Mme [T] [O] et Mme [F] [O] du désistement de leur pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 février 2021), le 13 mai 2012, passagère transportée d'une motocyclette assurée auprès de la société Assurance mutuelle des motards (l'assureur), Mme [U] [O] a été victime d'un accident de la circulation. Mme [U] [O] , M. [R] [O] et Mme [T] [O], ses parents, et Mme [F] [O], sa soeur, ont assigné l'assureur afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [U] [O] fait grief à l'arrêt, limitant l'indemnisation du poste de préjudice d'assistance tierce personne à la somme de 18 564,84 euros, de condamner la société Mutuelle des motards à lui verser la seule somme de 72 757,32 euros (provisions déduites) en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident de la circulation dont elle a été victime , alors « que la réparation du dommage doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties et la victime ne peut être tenue à aucune obligation de minimiser son préjudice ; qu'en retenant, pour limiter les besoins de Mme [U] [O] au titre de l'aide d'une tierce personne à une moyenne de 20 heures par an, que, s'agissant des courses, « leur fréquence peut être augmentée pour fractionner le port des charges lourdes et réduire le temps de présence debout dans les rayons ; et désormais, la prestation de livraison à domicile est proposée par de très nombreux professionnels, y compris de l'alimentaire », après avoir pourtant relevé que « Mme [U] [O] souffre de raideurs articulaires et de douleurs qui contre-indiquent les positions accroupies et le port de charges lourdes et limitent, outre son périmètre de marche, le temps durant lequel elle peut tenir la position debout », la cour d'appel, qui a imposé à la victime une obligation de minimiser son préjudice, a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1240 du code civil.»

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'assureur conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit. Il fait valoir que Mme [U] [O] , dans ses conclusions d'appel, n'avait pas soutenu que le fait de fractionner les courses aurait consisté à imposer à la victime de limiter son préjudice.

5. Cependant, ce moyen, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même, ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien fondé du moyen

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

7. Pour limiter à 20 heures par an, sa vie durant, les besoins d'aide par une tierce personne de Mme [U] [O] , après avoir constaté que si, dans son principe, la nécessité pour Mme [U] [O] de recourir à l'aide d'une tierce personne n'est pas sérieusement discutable en ce qui concerne le grand ménage, l'arrêt relève, s'agissant des courses que, d'une part, leur fréquence peut être augmentée pour fractionner le port des charges lourdes et réduire le temps de présence dans les rayons, d'autre part, la prestation de livraison à domicile est désormais proposée par de très nombreux professionnels, y compris de l'alimentaire.

8. En statuant ainsi, alors que la victime d'un dommage n'a pas l'obligation de le limiter dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ses dispositions ayant condamné la société Assurance mutuelle des motards à payer à Mme [U] [O] la somme de 45 192,48 euros outre intérêts au taux légal au titre du solde de l'indemnisation des différents postes de son préjudice corporel et condamne la société Assurance mutuelle des motards à payer à Mme [U] [O] la somme de 72 757,32 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2019 sur le principal de 45 192,48 euros et à compter du jour de son prononcé sur le principal de 27 564,84 euros, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Assurance mutuelle des motards aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Assurance mutuelle des motards et la condamne à payer à Madame [U] [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [O].

Mme [U] [O] reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR, limitant l'indemnisation du poste de préjudice d'assistance tierce personne à la somme de 18 564,84 euros, condamné la société Mutuelle des motards à lui verser la seule somme de 72 757,32 euros (provisions déduites) en réparation de ses préjudices consécutifs à l'accident de la circulation dont elle a été victime ;

ALORS QUE la réparation du dommage doit être intégrale, sans perte ni profit pour aucune des parties et la victime ne peut être tenue à aucune obligation de minimiser son préjudice ; qu'en retenant, pour limiter les besoins de Mme [O] au titre de l'aide d'une tierce personne à une moyenne de 20 heures par an, que, s'agissant des courses, « leur fréquence peut être augmentée pour fractionner le port des charges lourdes et réduire le temps de présence debout dans les rayons ; et désormais, la prestation de livraison à domicile est proposée par de très nombreux professionnels, y compris de l'alimentaire » (arrêt attaqué, p. 6, § 1er), après avoir pourtant relevé que « Mme [U] [O] souffre de raideurs articulaires et de douleurs qui contre-indiquent les positions accroupies et le port de charges lourdes et limitent, outre son périmètre de marche, le temps durant lequel elle peut tenir la position debout » (arrêt attaqué, p.5), la cour d'appel, qui a imposé à la victime une obligation de minimiser son préjudice, a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1240 du code civil.

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