14 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-22.426

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01377

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1377 F-D

Pourvoi n° K 21-22.426




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Le comité social et économique de la direction opérationnelle Ile-de-France de la société CSF, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-22.426 contre le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le tribunal judiciaire d'Evry, dans le litige l'opposant à la société CSF, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la direction opérationnelle Ile-de-France de la société CSF, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CSF, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire d'Evry, 30 juillet 2021), rendu selon la procédure accélérée au fond, la société CSF (la société), filiale du groupe Carrefour, regroupe les magasins de taille moyenne, nommés supermarchés, sous les enseignes « Market » et « Carrefour Market ». Elle exploite de manière directe deux cent quatre vingt-dix-huit magasins intégrés et possède quatre cent cinquante-quatre fonds de commerce donnés en location-gérance.

2. La société est dotée d'un comité social et économique central et de huit comités sociaux et économiques d'établissement, dont le périmètre, pour sept d'entre eux, comprend une direction opérationnelle régionale et les magasins intégrés qui y sont géographiquement rattachés et, pour l'un d'entre eux, regroupe les salariés du siège administratif.

3. La direction de la société a convoqué le comité social et économique de la direction opérationnelle Ile-de-France (le comité) à une réunion fixée au 21 juin 2021 aux fins d' information consultation sur le projet de la société de passer d'un mode de gestion intégré à un mode de gestion en location-gérance de neuf magasins.

4. Le comité a voté, lors de cette réunion, une délibération décidant le recours, en application de l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, à un expert habilité, en la personne du cabinet Sésame, au titre d'un projet important.

5. La société a, par acte du 1er juillet 2021, saisi le président du tribunal judiciaire en annulation de cette délibération.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le comité fait grief au jugement d'annuler la délibération du 21 juin 2021 par laquelle il a décidé de recourir à un expert pour projet important et désigné à cette fin le cabinet Sesame Ergonomie, alors :

« 1°/ que le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité lorsque l'importance du projet est de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité et/ou les conditions de travail des salariés ; que tel est le cas d'un projet de passage en location gérance par un tiers de neuf magasins de l'enseigne Carrefour qui étaient exploités directement par la société CSF, entraînant, selon le document d'information remis aux représentants élus, le transfert des contrats de travail de 533 salariés rattachés à ces magasins auprès du locataire-gérant, un mode de gestion différent des magasins et une modernisation des outils de travail avec un remodeling complet des magasins (meubles froid, caisses automatiques, …) ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants que la délibération ne nomme pas précisément et concrètement les modifications importantes des conditions de travail, de santé et de sécurité qui découleraient du passage en location-gérance, que le transfert des contrats de travail est encadré par la loi et que des garanties sociales spécifiques ont été négociées et conclues préalablement avec les organisations syndicales au sein de l'entreprise, le tribunal, a violé l'article L. 2315-94 du code du travail ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société n'a pas soutenu dans ses conclusions oralement reprises que le libellé de la mission confiée par le comité à l'expert revenait à lui déléguer ses prérogatives légales d'appréciation de l'ensemble d'un projet ; qu'en annulant également la délibération litigieuse pour ce motif, le tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° de l'article L. 2312-8.

8. Aux termes de l'article L. 2316-20 du même code, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

9. Aux termes de l'article L. 2316-21 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le comité social et économique d'établissement peut faire appel à un expert prévu à la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V du présent titre lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du présent code.

10. Il résulte de ces textes, d'abord, qu'il n'y a pas un droit général à l'expertise, ensuite, que le comité social et économique d'établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu'il établit l'existence de mesures d'adaptation spécifiques à l'établissement.

11. Le jugement retient que le comité n'identifie pas de façon précise et concrète les modifications importantes qui découleraient du passage en location-gérance de chacun des neufs magasins, ni en quoi concrètement la location-gérance entraînerait des variations d'effectifs, des augmentations ou diminutions de temps de travail ou une redéfinition des postes et des tâches, le transfert des contrats de travail étant encadré par la loi et des garanties sociales spécifiques ayant été négociées et conclues avec les organisations syndicales au sein de l'entreprise avec la mise en place d'une instance paritaire de suivi des passages en location-gérance par accord collectif du 4 juillet 2018.

12. Le président du tribunal judiciaire a pu en déduire que le comité social et économique d'établissement ne démontrait pas l'existence d'un projet important de nature à entraîner des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des salariés des magasins concernés.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le comité social et économique de la direction opérationnelle Ile-de-France de la société CSF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique de la direction opérationnelle Ile-de-France de la société CSF.

Le CSE de la direction opérationnelle Ile de France de la société CSF fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la délibération du 21 juin 2021 par laquelle il a décidé de recourir à un expert pour projet important et désigné à cette fin le cabinet Sesame Ergonomie.

1° ALORS QUE le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité lorsque l'importance du projet est de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité et/ou les conditions de travail des salariés ; que tel est le cas d'un projet de passage en location gérance par un tiers de neuf magasins de l'enseigne Carrefour qui étaient exploités directement par la société CSF, entraînant, selon le document d'information remis aux représentants élus, le transfert des contrats de travail de 533 salariés rattachés à ces magasins auprès du locataire-gérant, un mode de gestion différent des magasins et une modernisation des outils de travail avec un remodeling complet des magasins (meubles froid, caisses automatiques, …) ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants que la délibération ne nomme pas précisément et concrètement les modifications importantes des conditions de travail, de santé et de sécurité qui découleraient du passage en location-gérance, que le transfert des contrats de travail est encadré par la loi et que des garanties sociales spécifiques ont été négociées et conclues préalablement avec les organisations syndicales au sein de l'entreprise, le tribunal, a violé l'article L. 2315-94 du code du travail.

2° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société CSF n'a pas soutenu dans ses conclusions oralement reprises que le libellé de la mission confiée par le comité à l'expert revenait à lui déléguer ses prérogatives légales d'appréciation de l'ensemble d'un projet ; qu'en annulant également la délibération litigieuse pour ce motif, le tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile.

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