14 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.633

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01347

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1347 F-D

Pourvoi n° N 21-18.633




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [S] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-18.633 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sunpower Energy Solutions France, anciennement dénommée société Tenesol, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], de la SCP Spinosi, avocat de la société Sunpower Energy Solutions France, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 janvier 2021), M. [U] a été engagé le 21 novembre 2007 en qualité de délégué commercial itinérant sur la zone géographique du Languedoc Roussillon, par la société Tenesol, aux droits de laquelle vient la société Sunpower Energy Solutions France.

2. Son contrat de travail comportait une clause de mobilité stipulant que le salarié « s'engage à accepter toute mutation dans un autre établissement ou filiale, situés en France métropolitaine ».

3. Le 2 mars 2015, l'employeur, mettant en oeuvre la clause de mobilité, a envisagé une mutation que le salarié a refusée. Celui-ci a alors été licencié le 5 juin 2015.

4. Contestant son licenciement et la validité de la clause de mobilité contractuelle, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de rejeter ses demandes tendant à voir juger nulle la clause de mobilité et sans cause réelle et sérieuse son licenciement et de le débouter de ses demandes subséquentes à titre de réintégration, de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que le salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ; que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s'est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe, est nulle, peu important que la mobilité effectivement mise en oeuvre n'implique pas un changement d'employeur ; qu'après avoir relevé que le contrat de travail comportait une clause de mobilité stipulant que le salarié ''s'engage à accepter toute mutation dans un autre établissement ou filiale, situés en France métropolitaine'', la cour d'appel a exactement constaté que ''la clause de mobilité susvisée mentionne effectivement les filiales du groupe lesquelles ne sont pas énumérées dans le contrat'' ; qu'en estimant cependant que la clause n'encourt pas la nullité mais doit ''être cantonnée aux seuls établissements de la société existants au moment de la conclusion du contrat'', la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

6. Aux termes de ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et peut être établi selon les formes que les parties décident d'adopter.

7. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes à ce titre, l'arrêt retient que, si la clause de mobilité mentionne effectivement les filiales du groupe, lesquelles ne sont pas énumérées dans le contrat, elle n'encourt pas pour autant la nullité mais doit être cantonnée aux seuls établissements de la société existants au moment de la conclusion du contrat. Il ajoute que l'employeur a souhaité faire jouer la clause de mobilité insérée au contrat de travail et acceptée sans réserves par le salarié, en vue d'une mutation vers le siège de la société situé à [Localité 3] dans le département du Rhône auquel il était administrativement rattaché selon les termes de son contrat de travail et qu'il connaissait parfaitement pour s'y rendre deux fois par mois pour l'exercice de ses fonctions, la mutation envisagée n'impliquant ni changement d'employeur ni modification des conditions de travail et le salarié conservant la possibilité de travailler à domicile.

8. En statuant ainsi, alors qu'un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur et que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par un contrat de travail à une société s'est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe, est nulle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences

9. La cassation prononcée n'atteint pas le chef de dispositif évoqué par le moyen rejetant la demande du salarié en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Sunpower Energy Solutions France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sunpower Energy Solutions France aux dépens et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [U]

M. [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR débouté de ses demandes tendant à voir dire et juger que la clause de mobilité est nulle et de nul effet, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes à titre de réintégration, de rappel de salaire, subsidiairement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

ALORS QUE le salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur ; que la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par contrat de travail à une société s'est engagé à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe, est nulle, peu important que la mobilité effectivement mise en œuvre n'implique pas un changement d'employeur ; qu'après avoir relevé que le contrat de travail comportait une clause de mobilité stipulant que le salarié « s'engage à accepter toute mutation dans un autre établissement ou filiale, situés en France métropolitaine », la cour d'appel a exactement constaté que « la clause de mobilité susvisée mentionne effectivement les filiales du groupe lesquelles ne sont pas énumérées dans le contrat » ; qu'en estimant
cependant que la clause n'encourt pas la nullité mais doit « être cantonnée aux seuls établissements de la société existants au moment de la conclusion du contrat », la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil.

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