14 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.664

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01330

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1330 F-D

Pourvoi n° J 21-17.664






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [Y] [I], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-17.664 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à l'association Les Papillons blancs du Finistère, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Les Papillons blancs du Finistère, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 mars 2021), Mme [I] a été engagée en qualité de directrice financière le 1er mars 1998 par l'association Les Papillons blancs du Finistère.

2. Placée en arrêt de travail à compter du 18 février 2016, la salariée a été déclarée inapte en un seul examen pour cause de danger immédiat à l'issue de la visite de reprise le 9 mai 2016 et a été licenciée pour inaptitude le 9 juin 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement ; que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que si la lettre de licenciement n'utilisait pas la formule "inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement", il n'en demeurait pas moins qu'était détaillée la chronologie non contestée de la procédure, qu'était énuméré l'ensemble des postes proposés et qu'était précisé clairement le refus de la salariée de tout reclassement dans l'entreprise et qu'il s'ensuivait que l'impossibilité de reclassement résultait sans ambiguïté de la lettre de licenciement, de même que l'inaptitude physique ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement visait l'inaptitude de la salariée et non pas l'impossibilité de la reclasser, mais le refus de celle-ci des postes proposés, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L. 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1232-6 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Il résulte de ces textes que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement.

6. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si la lettre de licenciement n'utilise pas la formule « inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement », il n'en demeure pas moins qu'est détaillée la chronologie non contestée de la procédure, qu'est énuméré l'ensemble des postes proposés et qu'est précisé clairement le refus ferme de la salariée de tout reclassement dans l'entreprise et qu'il s'ensuit que l'impossibilité de reclassement résulte sans ambiguïté de la lettre de licenciement, de même que l'inaptitude physique.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne visait que l'inaptitude de la salariée sans mention de l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

8. La cassation sur les chefs de dispositif critiqués par le second moyen entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la salariée à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [I] de ses demandes en nullité du licenciement et en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne l'association Les Papillons blancs du Finistère aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Les Papillons blancs du Finistère et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.









MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour manquement à l'obligation de sécurité.

1° ALORS, d'une part, QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en n'examinant pas tous les éléments avancés par la salariée qui, en produisant notamment l'attestation du directeur de développement, soutenait avoir été mise à l'écart, menacée de fautes professionnelles et de licenciement et fait l'objet d'agressions verbales, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicables au litige, ensemble les articles L. 1152-3, L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code.

2° ALORS, d'autre part, QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge de vérifier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'elle devait rechercher si ces éléments, matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, si l'employeur justifiait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicables au litige, ensemble les articles L. 1152-3, L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Mme [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1° ALORS QUE ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement ; que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que si la lettre de licenciement n'utilisait pas la formule « inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement », il n'en demeurait pas moins qu'était détaillée la chronologie non contestée de la procédure, qu'était énuméré l'ensemble des postes proposés et qu'était précisé clairement le refus de la salariée de tout reclassement dans l'entreprise et qu'il s'ensuivait que l'impossibilité de reclassement résultait sans ambiguïté de la lettre de licenciement, de même que l'inaptitude physique ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement visait l'inaptitude de la salariée et non pas l'impossibilité de la reclasser, mais le refus de celle-ci des postes proposés, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L. 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.

2° ALORS QUE le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, que si la lettre de licenciement n'utilisait pas la formule « inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement », il n'en demeurait pas moins cependant qu'était détaillée la chronologie non contestée de la procédure, qu'était énuméré l'ensemble des postes proposés et qu'était précisé clairement le refus de la salariée de tout reclassement dans l'entreprise et qu'il s'ensuivait que l'impossibilité de reclassement résultait sans ambiguïté de la lettre de licenciement, de même que l'inaptitude physique, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié que l'employeur justifiait qu'il ne disposait d'aucun autre poste disponible, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.