8 décembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/15708

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15708 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLRP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juillet 2022 -Président du TJ d'EVRY - RG n° 22/00585





APPELANTS



M. [Y] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 8]



Mme [X] [T]

[Adresse 2]

[Localité 8]



M. [G] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentés par Me Morgane HANVIC de l'AARPI LEXANCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D091

Assistés à l'audience par Me Stéphane DESPAUX, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMES



M. [U] [D]

[Adresse 6]

[Localité 8]



Mme [A] [E] épouse [D]

[Adresse 6]

[Localité 8]



Représentés par Me Marjorie VARIN de la SELARL BERNADEAUX-VARIN, avocat au barreau d'ESSONNE

Substituée à l'audience par Me Jérôme CHERUBIN, avocat au barreau de l'ESSONNE



M. [M] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice, la Syndic de Copropriété IMMO DE FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 8]





Représentés par Me Jean-sébastien TESLER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau d'ESSONNE





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Thomas RONDEAU, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




*****



EXPOSÉ DU LITIGE



Les consorts [W], [T] et [Z] font état de ce que le bâtiment qu'ils occupaient a fait l'objet de graves fissurations, issues d'une catastrophe naturelle en 2003, les obligeant à quitter les lieux, dans le cadre d'un arrêté de péril imminent pris par la commune.



Les appelants indiquent avoir tenté d'engager des travaux de démolition, pour reconstruire à l'identique leur immeuble, mais exposent que les intimés, leurs voisins, se sont opposés au tour d'échelle, alors que l'entreprise se présentait pour mettre en place sur les propriétés voisines les éléments et équipements de protection nécessaires à la démolition de l'immeuble.



Diverses procédures ont opposé les parties.



Il sera précisé que, par ordonnance du 8 juin 2021, le juge des référés, sur demande des appelants, avait déjà ordonné une expertise judiciaire de type 'référé préventif', mais que M. [Z], Mme [T] et M. [W] s'étaient par la suite désistés de cette mesure, obtenant le remboursement de la somme consignée.



Par actes d'huissier du 21 juin 2022, M. [Z], Mme [T] et M. [W] ont fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire d'Evry, M. et Mme [D], M. [C] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], aux fins de demander de :




les autoriser ainsi que l'entreprise Terradom à pénétrer sur le fonds de M. et Mme [D] ainsi que du [Adresse 5] pour l'installation des barrières Heras de sécurité aux fins de démolition et de reconstruction à l'identique ;

faire injonction à M. et Mme [D] ainsi qu'au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à l'expiration d'un délai de quinze jours, à compter de la date de réception de la lettre recommandée informant de la date de démarrage des travaux M. et Mme [Z] et M. [W] ainsi que les entreprises missionnées par eux de pénétrer sur leur terrain, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du jour de la date de démarrage des travaux ;

dire que l`astreinte courra sur une période de 18 mois selon le planning des travaux suivants : pour les opérations de démolitions, mise en place de protection à 2 m et passage de la nacelle 15 jours chez M. et Mme [D] et 7 jours au [Adresse 5], pour la période de reconstruction , gros-oeuvre 5 mois d'échafaudage sur les deux propriétés, second-oeuvre (12 mois) sans aucune emprise chez les voisins, ravalement 1 mois d'échafaudage sur les deux propriétés ;

dire que l'autorisation d'accès est donnée pour une durée de 18 mois à compter du début des travaux ;

dire qu'un huissier de justice, mandaté par M. et Mme [Z] et M. [W] à leurs frais effectuera un constat d'état des lieux avant travaux puis un constat d'état des lieux après travaux ;

donner acte à M. et Mme [Z] et M. [W] qu'ils s'engagent à :

procéder à la pose de protection afin d'éviter toute projection sur le jardin et la maison de M. et Mme [D] ou les appartements du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ;

faire valider par un bureau d'études en charge du contrôle des installations après la mise en place des échafaudages ;

remettre les lieux en l'état en cas de dommages causés sur la propriété de M. et Mme [D] et du [Adresse 5] ;

verser à M. et Mme [D] une compensation financière globale de 800 euros ;

prendre en location sur toute la période de travaux le garage appartenant à M. [C] copropriétaire du [Adresse 5] qui sera reconstruit à l'identique pour un montant de 70 euros par mois sur la durée totale des travaux ;

condamner les défendeurs au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 5.000 euros outre les entiers dépens.




En réplique, M. et Mme [D] demandaient qu'il soit sursis à statuer à la demande de tour d'échelle dans l'attente de la désignation d'un expert judiciaire, la désignation d'un expert judiciaire, le rejet des demandes formées au titre des frais et dépens.



Le Syndicat des copropriétaires et M. [C] demandaient le rejet des demandes, le cas échéant la désignation d'un expert aux frais avancés des demandeurs dans le cadre d'un référé préventif, leur condamnation à leur verser 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance de référé contradictoire du 22 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :



- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'autorisation d'un droit de passage partiel et temporaire et les prétentions présentées par M. [Z], Mme [T] et M. [W] ;

- ordonné une mesure d'expertise judiciaire de type 'référé préventif', confiée à M. [B], la cour renvoyant à la décision entreprise pour le détail et les modalités de la mission ;

- rappelé que l'exécution provisoire s'applique de droit à la présente décision ;

- laissé à la charge de M. [Z], Mme [T] et M. [W] les dépens ;

- condamné M. [Z], Mme [T] et M. [W] à payer la somme de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 5] et M. [C], ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.



Par déclaration du 12 septembre 2022 les consorts [Z], [T] et [W] ont relevé appel de la décision et ont été par la suite autorisés à assigner à jour fixe.



Dans leurs conclusions remises le 11 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [Y] [Z], Mme [X] [T] épouse [Z] et M. [G] [W] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :



- les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel ;

en conséquence,

- réformer intégralement la décision entreprise le 22 juillet 2022 ;

statuant à nouveau,

- les autoriser ainsi que l'entreprise Terradom à pénétrer sur le fonds des époux [D],

ainsi que du [Adresse 5], pour l'installation des barrières Heras de sécurité aux fins de démolition et de reconstruction à l'identique ;

- faire injonction aux époux [D], ainsi qu'aux syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la lettre recommandée informant de la date de démarrage des travaux, les époux [Z] et M. [W], ainsi que les entreprises missionnées par eux, de pénétrer sur leur terrain, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du jour de la date de démarrage des travaux ;

- dire que l'astreinte courra sur une période de dix-huit mois selon le planning des travaux suivants :


pour les opérations de démolitions :


- Mise en place de protection à 2 m et passage de la nacelle 15 jours chez les époux [D] et 7 jours au [Adresse 5] ;


pour la période de reconstruction :


- Gros-'uvre : 5 mois d'échafaudage sur les deux propriétés ;

- Second 'uvre : (12 mois) aucune emprise chez les voisins ;

- Ravalement : 1 mois d'échafaudage sur les deux propriétés ;

- dire que l'autorisation d'accès est donnée pour une durée de dix-huit mois à compter du

début des travaux ;

- dire qu'un huissier de justice, mandaté par eux, à leurs frais, effectuera un constat d'état des lieux avant travaux, puis un constat d'état des lieux après travaux ;

- leur donner acte à qu'ils s'engagent à :


procéder à la pose de protection afin d'éviter toute projection sur le jardin et la maison des époux [D] ou les appartements du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] ;

faire valider par un bureau d'études en charge du contrôle les installations après la mise en place des échafaudages ;

remettre les lieux en l'état en cas de dommages causés sur la propriété des époux [D] et du [Adresse 5] ;

verser aux époux [D] une compensation financière globale de 800 euros ;

prendre en location sur une toute la période de travaux le garage appartenant à M. [C] copropriétaire du [Adresse 5] qui sera reconstruit à l'identique pour un montant de 70 euros par mois sur la durée totale des travaux ;


en tout état de cause,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner les intimés au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 5.000 euros outres les entiers dépens en ceux compris les dépens de la procédure de référé.



Les appelants soutiennent en substance :



- que de nombreux éléments rapportent la preuve de l'urgence de la situation, non seulement eu égard aux risques imminents d'effondrement et encore eu égard à la dangerosité pour les avoisinants ;



- que leur seule obligation, en l'espèce, est de démontrer l'impossibilité qu'ils ont de réaliser les travaux soit de restauration soit de démolition/reconstruction depuis leur propre parcelle ;





- qu'il n'existe, en l'état actuel de l'immeuble et compte tenu de sa dangerosité et vétusté, aucun autre moyen pour faire réaliser les travaux de démolition que de procéder par une démolition manuelle nécessitant la mise en place d'une nacelle sur les parcelles voisines, le temps des travaux ;



- que l'atteinte au droit de propriété limité dans le temps ne peut aucunement paraître disproportionnée face à la situation d'un immeuble qui menace ruine et qui menace donc de s'effondrer, à tout moment, sur les immeubles voisins et les personnes physiques ;



- que le tour d'échelle est de droit et qu'en réalité le voisin subissant le passage pour les travaux rendus nécessaires sur la propriété voisine est en droit d'obtenir indemnisation après la réalisation des travaux de l'ensemble des préjudices qu'il aurait subis et pour lesquels aucune proposition d'indemnitaire n'avait été prévue initialement ;



- qu'une expertise judiciaire est inutile compte tenu de l'urgence et des études techniques déjà réalisées.



Dans leurs conclusions remises le 28 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [M] [C] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] demandent à la cour, au visa de l'article 544 du code civil, de :



- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée ;

- dire n'y avoir lieu à référé ;

- rejeter l'ensemble des demandes des appelants ;

- condamner les demandeurs à leur verser une somme de 3.000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens.



M. [C] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] soutiennent en substance :



- qu'il s'opposent à la mesure, celle-ci, en l'état, ne préservant pas suffisamment le droit de propriété des concluants, ne préservant pas suffisamment la sécurité des biens et des personnes, le projet étant à l'évidence totalement bâclé ;



- que, contrairement à ce qui est allégué de façon péremptoire, le syndicat des copropriétaires n'a jamais refusé le moindre tour d'échelle ;



- que la mise en 'uvre d'un tour d'échelle devra être conditionnée à la mise en 'uvre d'un référé préventif, à la charge des appelants.



Dans leurs conclusions remises le 2 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [U] [D] et Mme [A] [E] épouse [D] demandent à la cour de :



- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire d'Evry le 22 juillet 2022 ;

- constater l'absence d'urgence ;

- dire que le refus des époux [D] de laisser pénétrer l'entreprise Terradom sur leur propriété est légitime ;

- constater que les conditions du tour d'échelle ne sont pas réunies, les appelants étant imprécis quant à la nature des travaux de démolition et reconstruction entrepris rendant impossible d'appréhender les inconvénients de ceux-ci sur la propriété des époux [D] ;

- surseoir à la demande de tour d'échelle dans l'attente de la désignation d'un expert judiciaire aux frais avancés des 'demandeurs' ;

- désigner tel expert qu'il vous plaira avec pour mission de :






prendre connaissance du projet comportant notamment les procédés de démolition et de reconstruction permettant d'évaluer les impacts potentiels des travaux sur les avoisinants ;

dresser un état descriptif technique de l'immeuble appartenant aux époux [D] et dire s'il présente des altérations ou des faiblesses apparentes et, dans l'affirmative, les décrire et donner son avis sur leur origine, avant les travaux ;

procéder sur demande des intéressés à de nouveaux examens des avoisinants après démolition, dans l'hypothèse où il serait allégué de nouveaux désordres ou aggravation d'anciens désordres ;

décrire les mesures préventives et ses incidences sur la jouissance des biens des époux [D] afin de permettre de fixer l'indemnité qui devra être versée mensuellement par les demandeurs dès le démarrage des travaux ;

vérifier et s'assurer pendant toute la durée des travaux de ce que toutes les précautions nécessaires ont été prises pour que les travaux à exécuter n'engendrent pas de nuisances ni de troubles excessifs et que les précautions nécessaires ont été prises afin de limiter au maximum tout phénomène vibratoire ;




- débouter les époux [Z] et M. [W] de leurs demandes de condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [Z] et M. [W] à leur verser à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [Z] et M. [W] aux dépens et dire que Me Varin pourra les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Les époux [D] soutiennent en substance :



- que le juge des référés constatera d'une part que l'urgence n'est pas caractérisée puisque depuis l'année 2005, le mur de la propriété voisine menace de s'effondrer et que d'autre part, si l'urgence était avérée les demandeurs n'auraient pas renoncé à la mesure d'expertise sollicitée et ordonnée le 8 juin 2021 ;



- que les époux [D], contrairement aux allégations des appelants, se sont rapprochés de leurs voisins pour connaître leurs intentions à la suite de leur désistement de l'expertise

judiciaire et n'ont reçu en réponse qu'une nouvelle assignation ;



- que l'autorisation de passage sur le fonds voisin doit non seulement être très provisoire et indispensable à l'exécution des travaux projetés par son demandeur mais aussi ne pas entraîner des inconvénients autres que les inconvénients normaux de voisinage ;



- qu'afin de pouvoir appréhender les inconvénients et proposer une juste indemnité, il est donc indispensable que soit organisée une expertise judiciaire préalable avant d'accorder un tour d'échelle et de fixer l'indemnisation des troubles causés.




SUR CE LA COUR



L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.



Selon l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.



Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.



De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.



Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.



En l'espèce, il sera relevé :



- que l'autorisation de passage sur un fonds voisin pour des travaux, plus communément appelée 'tour d'échelle', suppose de démontrer le caractère indispensable des travaux et la nécessité de passer par le fonds voisin, et ne doit pas excéder les inconvénients normaux du voisinage, les atteintes au droit de propriété devant être justifiées et proportionnées ;



- que, dans le cadre de la première procédure de référé initiée par les appelants en mai 2021, ceux-ci avaient sollicité une expertise judiciaire à laquelle il avait été fait droit, avant d'y renoncer, les appelants indiquant désormais que la mesure d'expertise serait inutile ;



- que, par courriels des 4 juin et 21 juin 2022 (leur pièce 13), les époux [D] justifient avoir tenté, après la renonciation à la mesure d'expertise, de rencontrer les appelants aux fins de trouver une issue possible ;



- que, de fait, l'immeuble se dégrade avec menace d'effondrement depuis 2005, en sorte que l'urgence invoquée par les appelants n'est pas établie ;



- que les documents techniques fournis par les appelants (pièces 17 à 19) faisant état d'un effondrement imminent ne caractérisent pas plus une urgence à statuer au sens de l'article 834 du code de procédure civile, ce alors que l'expertise de type référé préventif précédemment ordonnée aurait déjà pu permettre le démarrage des travaux et que la situation de l'immeuble demeure depuis longtemps précaire ;



- que, de plus, le chantier en cause est de très vaste ampleur, avec démolition et construction sur plusieurs mois, ce qui n'est contesté par aucune des parties au présent litige ;



- que la durée minimum du tour d'échelle évoquée dans un courrier du 7 mars 2022 est de 7 mois (pièce 19 appelants), étant observé qu'un courrier du 22 février 2022 (pièce 14 [D]) fait lui état d'une durée de 18 mois ;

- que le document 'mode opératoire' (pièce 22) de la société Terradom confirme lui aussi l'importance des travaux, puisque, pour rappel, le chantier nécessitera une pelle mécanique de 23,5 tonnes, une nacelle de 15 mètres ; que, pour les travaux sur le mur C, il faudra occuper une partie du terrain du voisinage se situant derrière le mur avec mise en place de barrrières et d'un périmètre de sécurité ;



- que, pour rappel encore, ainsi que l'exposent les appelants dans leurs écritures, les travaux nécessiteront aussi la démolition du garage de M. [C] ;



- que, si les choix de construction ne relèvent pas de la question du tour d'échelle et si le passage par le fonds voisins peut s'imposer compte tenu de la configuration des lieux, il n'en demeure pas moins que l'importance des travaux envisagés est de nature à créer un trouble à l'évidence très anormal pour le voisinage, les seules mesures d'injonction et d'indemnisation proposées par les appelants (pénétration sur le terrain, indemnité financière globale très limitée de 800 euros pour les époux [D], location du garage de 70 euros par mois pour M. [C]) étant de nature à porter une atteinte très disproportionnée au droit de propriété des intimés ;



- que, dans ces conditions, le tour d'échelle tel que sollicité se heurte aussi à tout le moins à une contestation sérieuse au sens de l'article 834 du code de procédure civile, n'étant pas plus établi un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, les intimés exposant à juste titre que l'atteinte à leurs droits est de nature à justifier en l'état le refus de voir s'installer le chantier tel qu'envisagé sur leurs propriétés ;



- que, compte tenu des travaux en cause, l'expertise de type 'référé préventif' repose elle sur un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile et est à l'évidence utile, étant de nature à améliorer la situation probatoire des parties pour la fixation d'éventuelles indemnités liées à l'exécution des travaux ;



- qu'il sera à cet égard rappelé que seule une expertise judiciaire est réalisée au contradictoire des parties, de sorte que les documents techniques réalisés à la seule demande des appelants ne sauraient suppléer une telle mesure, l'expert judiciaire étant en outre à même de procéder à des constatations rapides voire d'autoriser des mesures d'urgentes eu égard à la mission confiée.



Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments et des motifs rappelés par le premier juge dans sa décision, la cour confirmera la décision entreprise, en ce compris la mission prévue par la décision et le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge, sauf à préciser le délai supplémentaire pour consigner, et dira n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties.



A hauteur d'appel, les appelants devront indemniser les intimés pour leurs frais non répétibles exposés et seront condamnés aux dépens d'appel, dans les conditions indiquées au dispositif.



PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert pourra être consignée par M. [Y] [Z], Mme [X] [T] épouse [Z] et M. [G] [W] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire d'Evry dans les trois mois suivant la signification du présent arrêt ;



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties ;





Condamne in solidum M. [Y] [Z], Mme [X] [T] épouse [Z] et M. [G] [W] à verser à M. [U] [D] et à Mme [A] [E] épouse [D] pris ensemble la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;



Condamne in solidum M. [Y] [Z], Mme [X] [T] épouse [Z] et M. [G] [W] à verser à M. [M] [C] et au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] pris ensemble la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;



Condamne in solidum M. [Y] [Z], Mme [X] [T] et M. [G] [W] aux dépens d'appel, avec recouvrement au profit de Me Varin conseil des époux [D] pour les dépens concernés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.