8 décembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/13400

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires délivrées

aux parties le :

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ORDONNANCE DU 08 DÉCEMBRE 2022



(N° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13400 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGF46



Saisine : assignation en référé délivrée le 10 août 2022



DEMANDEUR

Association FÉDÉRATION FRANÇAISE D'ESCRIME

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Arnaud-Jacques PERICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0567 substitué par Me Fanny CAILLEAU, avocat au barreau de PARIS







DÉFENDEUR

Monsieur [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Anthony MOTTAIS, avocat au barreau de CAEN, toque : 81





PRÉSIDENTE : Marie-Paule ALZEARI



GREFFIÈRE : Alicia CAILLIAU



DÉBATS : audience publique du 18 Novembre 2022



NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire



Signée par Marie-Paule ALZEARI, Présidente assistée de Alicia CAILLIAU, greffière présente lors de la mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.














FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par jugement en date du 21 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :



' Dit que le licenciement de M.[K] est nul en raison de fait de harcèlement moral ;



' Fixé le salaire de M.[K] à 5149,96 euros ;



' Condamné la Fédération Française d'Escrime au paiement de :

' 84'000 euros au titre de la nullité du licenciement,

' 15'449,98 euros au titre de l'indemnité de préavis,

' 1544,98 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

' 33'188,62 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

' 5149,96 euros pour dommages-intérêts pour harcèlement moral,

' 11'000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement,



' Ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, limitée à trois mois ;



' Ordonné l'exécution provisoire à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile ;



' Ordonné le remboursement à Pôle Emploi par la Fédération Française d'Escrime des allocations-chômage correspondant aux indemnités perçues par M.[K] dans la limite de six mois;



' Condamné la Fédération Française d'Escrime aux entiers dépens.



Selon déclaration du 4 mai 2022, la Fédération Française d'Escrime a interjeté appel à l'encontre de cette décision.



Par assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Paris en date du 10 août 2022, elle sollicite, à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny.

À titre subsidiaire, elle prétend à la consignation de la somme de 152'333,50 euros.



Ces prétentions ont été réitérés oralement à l'audience.

Selon écritures déposées et développées à l'audience, M. [K] conclut au débouté et réclame le paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS,



À titre principal, l'association Fédération Française d'Escrime invoque les dispositions de l'article 517-1 du code de procédure civile qui dispose ainsi :

« Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522. »



À titre principal, sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire , l'appelante conteste la reconnaissance d'un fait de harcèlement moral alors qu'elle estime que le licenciement repose uniquement sur des faits fautifs commis par M.[K].

Elle fait également grief au conseil de prud'hommes d'avoir procédé à une analyse incomplète des faits reprochés et ajoute que le même préjudice, le harcèlement moral allégué, a été indemnisé de trois façons différentes.



M.[K] conteste le bien-fondé de ces griefs.



Sur l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation, et s'agissant en premier lieu du harcèlement moral, il doit être considéré que le conseil de prud'hommes a retenu des méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique et se manifestant par des agissements répétés.

L'examen de ces agissements par les premiers juges ne permet pas de retenir l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision sur ce point, sauf appréciation différente par la cour dans le cadre de la procédure d'appel.



Sur la justification du licenciement, l'appréciation faite par la juridiction de première instance, en vertu de son pouvoir souverain, ne peut, à elle seule, caractériser un moyen sérieux d'annulation ou de réformation au sens des dispositions précitées.



Enfin, sur l'indemnisation allouée, il doit être considéré que la somme de 84'000 euros accordée au titre de la nullité du licenciement, la somme de 5149,96 euros pour dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi que la somme de 11'000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant du caractère brutal et vexatoire du licenciement ne caractérisent pas l'indemnisation d'un préjudice de trois façons différentes.

L'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation n'est donc pas plus caractérisée de ce chef.



L'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et le risque de conséquences manifestement excessives étant des conditions cumulatives en application de l'article 517-1 du code de procédure civile, en l'absence d'établissement d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire doit être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'existence de conséquences manifestement excessives.



À titre subsidiaire, l'association Fédération Française d'Escrime sollicite la consignation des sommes.

Elle fonde improprement cette prétention sur les dispositions de l'article 519 du code de procédure civile qui dispose au titre de la garantie prévue aux articles 514-5 et 517.



En l'espèce, il doit être fait application de l'article 521 du code de procédure civile.



À cet égard, l'association Fédération Française d'Escrime allègue de l'incertitude totale quant à la solvabilité de M.[K] en cas d'infirmation du jugement notamment, en raison de sa qualité de demandeur d'emploi.



M.[K] fait valoir qu'il présente toutes les garanties nécessaires à un éventuel recouvrement en cas d'infirmation éventuelle du jugement de première instance.



Sur le risque sérieux de non restitution, il convient, en premier lieu, d'observer que l'appelante ne produit aucun élément au soutien de ses allégations.



À l'opposé, M.[K] justifie qu'il a retrouvé un emploi au sein de la Ligue de Paris Île-de-France de Football depuis le 20 septembre 2021 en qualité de collaborateur administratif puis, depuis le 25 avril 2022, en qualité de responsable statut cadre.

Il perçoit un salaire net de plus de 2100 euros par mois après prélèvement à la source.



Il dispose également d'un compte bancaire nettement créditeur et, est propriétaire d'un bien immobilier avec son épouse acquis pour la somme de 250'000 euros en 2008 et qui peut être estimé à ce jour entre 289'000 euros et 318'000 euros.

Il est également titulaire d'un contrat d'assurance-vie à hauteur de plus de 9000 euros à la date du 26 octobre 2022.



La justification de ces éléments permet d'exclure le risque sérieux de non restitution des fonds en cas d'infirmation totale ou partielle de la décision de première instance.

La demande de consignation est donc rejetée.



L'association Fédération Française d'Escrime, qui succombe, doit être condamnée aux dépens.

Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.





PAR CES MOTIFS,



Contradictoire, dernier ressort, publiquement



Rejette la demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire et la demande subsidiaire de consignation,



Condamne l'association Fédération Française d'Escrime aux dépens,



Condamne l'association Fédération Française d'Escrime à payer à M.[C] [K] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



La Greffière, La Présidente,

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