8 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.590

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C201283

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Action en justice - Irrecevabilité - Autorité de la chose jugée - Portée

Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Contestations et demandes incidentes - Recevabilité - Conditions

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1283 F-B


Pourvois n°
V 21-10.590
F 21-10.623 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [S] [F],

2°/ Mme [R] [N], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé les pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 contre le même arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant à la société Boursorama, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, les deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers on été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Boursorama, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2020), la société Caixabank CGIB, aux droits de laquelle vient la société Caixabank France puis la société Boursorama, a, par acte notarié du 25 juillet 1989, consenti un prêt à la société Paris Ouest santé, devenue la société Centre chirurgical de [Localité 3].

3. En garantie de la créance de la banque, M. [F], selon le cas, seul ou avec Mme [F], son épouse, a consenti des cautionnements hypothécaires et un cautionnement solidaire pour le remboursement de ce prêt.

4. La société Centre chirurgical de [Localité 3] ayant été mise en redressement judiciaire, un arrêt irrévocable du 22 mars 2007 a admis la créance de la banque au passif de la procédure collective.

5. Le 19 octobre 2011, la société Boursorama a fait délivrer à M. [F] un commandement de payer valant saisie des biens immobiliers lui appartenant en vertu de la sûreté qu'il avait consentie dans l'acte de prêt.

6. Cette procédure de saisie immobilière a fait l'objet de plusieurs arrêts irrévocables, dont l'un en date du 21 novembre 2013, sur appel d'un jugement d'orientation du 28 février 2013, qui a déclaré irrecevables les demandes de M. [F] relatives au défaut de qualité à agir de la société Boursorama et a confirmé le jugement d'orientation en toutes ses dispositions.

7. Le 25 août 2016, la société Boursorama a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes ouverts par M. [F] dans les livres de la banque BNP Paribas.

8. M. [F] a saisi un juge de l'exécution en mainlevée de cette mesure.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :

10. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

11. Lorsque les fins de non-recevoir soulevées à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière ont été déclarées irrecevables sur le fondement de ce texte, cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que les mêmes fins de non-recevoir soient invoquées dans le cadre d'une autre instance.

12. Pour déclarer M. [F] irrecevable en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, l'arrêt retient que M. [F] a déjà contesté la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et que ces contestations ont été irrévocablement déclarées irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile et des articles 1354, 1355 du code civil, comme se « heurtant à la force de chose jugée » attachée aux arrêts des 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, à l'arrêt du 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et à l'arrêt rendu le 13 février 2020 par la Cour de cassation, qui ont tous les quatre confirmé la qualité à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989.

13. L'arrêt en déduit que les prétentions de M. [F] tendant à contester la qualité et l'intérêt à agir de la société Boursorama en vertu de l'acte de prêt notarié du 25 juillet 1989 dans le cadre de la saisie-attribution sont irrecevables, comme « se heurtant à la force de chose jugée. »

14. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à l'encontre de M. [F], en vertu de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, avait été déclarée irrecevable à l'occasion de la procédure de saisie immobilière au motif qu'elle avait été invoquée postérieurement à l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant M. [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare admis aux débats les conclusions en réponse de la société Boursorama du 26 février 2020 et l'arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, déclare recevables les « conclusions d'intimé n° 1 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle » signifiées par M. et Mme [F] le 28 février 2019, et par voie de conséquence celles « d'intimé n° 2 aux fins de confirmation comportant demande additionnelle »,signifiées en février 2020, confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare Mme [F] irrecevable pour défaut de qualité à agir en ses prétentions concernant la régularité et le bien-fondé de la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 au préjudice du seul M. [F], l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Boursorama aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Boursorama et la condamne à payer à M. [F] et à Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens identiques produits aux pourvois n° V 21-10.590 et F 21-10.623 par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. et Mme [F] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, sur le fondement de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989 ;

1. ALORS QUE l'autorité de ce qui a été jugé dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être opposée dans le cadre d'une procédure de saisie-attribution distincte ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, en se fondant sur l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 novembre 2013 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2018, pourtant rendus dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière opposant les mêmes parties, mais totalement étrangère à la saisie-attribution en litige, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ;

2. ALORS QUE la chose jugée ne peut être opposée dans une seconde instance que si l'objet des demandes est identique ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, en se fondant sur l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 21 novembre 2013 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2018, pourtant rendus dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière, étrangère à la saisie attribution en cause, peu important que les parties soient les mêmes et que les deux voies d'exécution aient eu la même cause, soit aient été fondées sur l'acte de prêt du 25 juillet 1989, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ;

3. ALORS QU'excède ses pouvoirs le juge qui déclare une demande tout à la fois irrecevable et mal fondée ; qu'en ayant déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article 122 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. et Mme [F] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. [S] [F] irrecevable ou mal fondé en toutes ses demandes tendant à voir juger la société Boursorama dépourvue de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, sur le fondement de la créance de la banque au titre du prêt notarié du 25 juillet 1989, D'AVOIR déclaré la saisie-attribution pratiquée le 25 août 2016 à la demande de la société Boursorama, entre les mains de la BNP Paribas, au préjudice de M. [S] [F], pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL Centre Chirurgical de [Localité 3], ainsi que sa dénonciation du 1er septembre 2016, valables et régulières et D'AVOIR validé la mesure de saisie à hauteur de 1.752,24 € ;

1. ALORS QUE l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être invoquée dans le cadre d'un litige afférent à une saisie-attribution, même si les parties sont les mêmes et que la même créance est en jeu ; qu'en ayant jugé que les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'annulation, la résiliation et l'extinction de son cautionnement seraient irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à un arrêt d'appel du 15 novembre 2018 et à un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, qui s'étaient pourtant prononcés dans le cadre d'une saisie immobilière totalement étrangère à la saisie-attribution litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ;

2. ALORS QUE l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne peut être invoquée dans le cadre d'un litige afférent à une saisie-attribution, même si les parties sont les mêmes et que la même créance est en jeu ; qu'en ayant jugé que les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'annulation, la résiliation et l'extinction de son cautionnement seraient irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée des arrêts rendus les 21 novembre 2013 et 23 juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles, le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris et le 13 février 2020 par la Cour de cassation, ayant tous confirmé la qualité à agir de la société Boursorama sur le fondement du prêt du 25 juillet 1989, quand ces décisions avaient toutes été rendues dans le cadre de la saisie immobilière diligentée contre les exposants, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu l'article 1355, du code civil ;

3. ALORS QUE l'autorité de chose jugée attachée à une décision d'admission de créance ne met pas obstacle à ce que la caution de l'entreprise en difficulté oppose au créancier du débiteur principal les exceptions qui lui sont propres ; qu'en ayant écarté toutes les prétentions de M. [S] [F] relatives à l'extinction de son cautionnement, en se fondant sur les décisions définitives d'admission de la créance de la banque issue du prêt du 25 juillet 1989, la cour d'appel a violé les articles 2288 et 2298 du code civil ;

4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes des actes ; qu'en ayant jugé que la résiliation de plein droit de l'acte de prêt du 25 juillet 1989 supposait l'envoi par la banque d'un courrier de déchéance du terme, quand l'article V des conditions générales du prêt stipulait clairement que le prêt serait résilié, par suite d'un seul manquement de l'emprunteur, sans aucune mise en demeure préalable, la cour d'appel a dénaturé ces conditions générales du prêt du 25 juillet 1989, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

5. ALORS QUE le prononcé de la déchéance du terme d'un prêt ne suppose pas forcément une notification du prêteur ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil ;

6. ALORS QUE le réaménagement d'un prêt par avenant fait le plus souvent suite à un incident de paiement ; qu'en ayant énoncé que M. [S] [F] n'établissait pas d'incident de paiement qui aurait entraîné la déchéance du terme et la résiliation du prêt du 25 juillet 1989, quand ce fait découlait de la rédaction des avenants postérieurs de 1997 et 1999, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

7. ALORS QUE le cautionnement ne peut être étendu au-delà de la dette pour la garantie de laquelle il a été souscrit ; qu'en ayant jugé que M. [S] [F] devait garantir les dettes nées des avenants de 1997 et 1999, au seul motif que la preuve n'était pas faite que la somme due par lui aurait été augmentée, quand son consentement de caution aurait dû être recueilli lors de ces avenants, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil ;

8. ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant considéré que M. [F] était tenu de cautionner les dettes nées des avenants de 1997 et 1999, motif pris de ce que son engagement financier n'aurait pas été aggravé par rapport au prêt initial, sans répondre aux conclusions de l'exposant (p. 27) ayant fait valoir que son engagement avait été allongé, et surtout que l'emprunt avait augmenté par incorporation au capital des échéances impayées (conclusions, p. 24), la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.

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