8 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.143

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2022:C201256

Titres et sommaires

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Saisie des droits incorporels - Droits d'associé et valeurs mobilières - Exclusion - Parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) - Conséquences - Saisie entre les mains de la société

S'il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu'ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur et qu'ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort, en revanche, de l'article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables et de l'article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d'une inscription, non au compte-titres de l'acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l'acte de cession écrit prévu par l'article 1865 du code civil. Il s'en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l'article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, qui s'appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables. La saisie des parts de SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l'article R. 232-1 du code des procédures civiles d'exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l'acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d'effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur. Aucune obligation légale ou réglementaire n'impose à cet intermédiaire d'aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d'une vente de ces titres

BANQUE - Responsabilité - Obligations - Obligation d'information - Saisie de droits incorporels - Parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) - Absence de devoir d'information de l'intermédiaire à l'égard de la société émettrice

SOCIETE CIVILE - Société civile de placement immobilier (SCPI) - Parts - Saisie - Signification à un intermédiaire gestionnaire du compte-titres - Obligation d'information (non)

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1256 FS-B+R

Pourvoi n° N 19-20.143



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022

La société Rafy, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-20.143 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société civile immobilière Rafy, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, M. Blanc, conseiller référendaire de la chambre commerciale, financière et économique, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019) et les productions, le 27 mai 2015, la société civile immobilière Rafy (la SCI) a fait pratiquer, en exécution de l'arrêt d'une cour d'appel, une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières entre les mains de la société BNP Paribas (la banque) à l'encontre de l'association Église du christianisme céleste paroisse Saint-Esprit (l'association).

2. La banque a déclaré détenir un portefeuille-titres de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).

3. Par jugement du 19 février 2016, un juge de l'exécution a débouté l'association de sa contestation de la saisie.

4. Le 17 mars 2016, la SCI a signifié ce jugement à la banque et lui a donné ordre de procéder à la vente forcée des droits d'associé et valeurs mobilières appartenant à l'association et de payer les fonds saisis.

5. La banque a indiqué à l'huissier de justice qu'en raison de leur nature, elle ne pouvait faire procéder à la vente des parts de la SCPI.

6. La SCI a établi un cahier des charges en vue de la vente par adjudication des parts de la SCPI, qu'elle a fait signifier à la banque, laquelle lui a indiqué que, s'agissant de parts de la SCPI, la vente devait être effectuée entre les mains de la société de gestion, la société BNP Reim.

7. Ayant appris, après avoir signifié le cahier des charges à la société BNP Reim, que des parts de la SCPI avaient été vendues, l'huissier de justice n'a pas donné suite à la procédure de vente forcée.

8.La SCI a assigné la banque devant un juge de l'exécution en paiement d'une certaine somme en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis.

Examen du moyen


9. Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre commerciale du 30 mars 2022, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.


Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir condamner la banque à lui verser les sommes de 55 060,55 euros en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

11. S'il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu'ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur et qu'ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort en revanche de l'article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables, et de l'article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d'une inscription, non au compte-titres de l'acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l'acte de cession écrit prévu par l'article 1865 du code civil.

12. Il s'en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l'article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, qui s'appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables.

13. La saisie des parts de la SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l'article R. 232-1 du code des procédures civiles d'exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l'acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d'effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur.

14. Aucune obligation légale ou réglementaire n'impose à cet intermédiaire d'aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d'une vente de ces titres.

15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que la saisie portait sur des parts de sociétés civiles de placement immobilier, se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Rafy aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Rafy et la condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) Rafy

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société civile immobilière Rafy de ses demandes tendant à voir condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes de 55.060,55 euros tenant à l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5.000 à titre de dommages intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
Cependant, comme le soutient, à bon droit l'intimée, il ne résulte pas de l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie comme le permet l'article R. 232-4, a l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, étant ajouté qu'il n'est pas contesté que la société Bnp Paribas a déclaré exactement à l'huissier de justice instrumentaire qu'elle détenait pour le compte du débiteur des parts des Scpi Accimo Pierre et Pierre Sélection.
Il ne peut donc lui être reproché le fait que le produit de la vente faite par la société gestionnaire des Scpi à la demande du débiteur, sans qu'il soit établi que l'intimée en ait été informée, n'a pas été versé au créancier poursuivant, étant rappelé que l'article R. 233-3 est inapplicable aux saisies de parts de la SCPi. Il sera ajouté que l'appelante n'établit pas que la société gestionnaire ait versé directement le produit de la vente à la société Bnp Paribas pour le compte de la débitrice et admet qu'il a été versé sur le compte ouvert au nom de la débitrice auprès de la banque et non directement à celle-ci.
Dès lors que la saisie portait sur des droits d'associés et valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de gestion et que le débiteur n'avait pas informé l'huissier de justice instrumentaire, dans le délai d'un mois à compter de la saisie, conformément à l'article L. 221-3 du code des procédures civiles d'exécution, de son intention d'user de la faculté de vendre volontairement les parts saisies, il appartenait au créancier poursuivant de procéder dans les formes prévues aux articles R. 233-5 et suivants du même code et de faire établir un cahier des charges en vue de la vente des parts sur adjudication.
En l'espèce, ce n'est que le 5 octobre 2017, soit plus de seize mois après la saisie, que le cahier des charges a été signifié à la société gestionnaire des Scpi laquelle a indiqué à l'huissier les dates auxquelles les parts avaient été vendues et le nombre des parts vendues.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué, sans qu'il y a ait lieu de procéder aux injonctions sollicitées à titre subsidiaire, dont l'exécution ne serait pas de nature à modifier la présente décision.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
L'article L. 123-1 dispose que « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts.
Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur ».
En l'espèce, sont versés aux débats à l'appui de la demande
- le titre exécutoire détenu par le créancier saisissant à l'encontre de l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, à savoir un arrêt du 19 mars 2015, par lequel ladite association a été condamnée à verser à la SCI Rafy les sommes de 72.140,74 euros, 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, signifié le 16 avril 2015 au débiteur,
- le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 27 mai 2015,
- la dénonciation faite à l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, par acte du 1er juin 2015,
- le jugement rejetant la contestation du débiteur,
- la signification de ce jugement au tiers saisi.
Il apparaît ainsi que la procédure de saisie est régulière.
Cependant, il ressort, par ailleurs, des explications et pièces mêmes de la demanderesse que ce n'est nullement le tiers saisi qui a été informé par le débiteur de son souhait de vendre les parts de la SCPI et les a vendues mais la société de gestion, établissement autonome, aucun manquement à ses obligations ne pouvant ainsi être retenu de la part de la défenderesse qui a précisé au créancier ne pouvoir les vendre elle-même et quelle société le pouvait en lui donnant ses coordonnées, son courrier du 28 septembre 2017 démontrant qu'elle n'a pas été tenue informée par la société de gestion des ventes et versements successifs.

ALORS DE PREMIERE PART QUE si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

ALORS DE SECONDE PART QUE l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution.

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