7 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.454

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01281

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Hygiène et sécurité - Principes généraux de prévention - Obligations de l'employeur - Prévention des risques professionnels - Prévention des risques biologiques - Etendue - Activités impliquant des agents biologiques pathogènes - Effets - Mise à disposition par l'employeur des équipements de protection individuelle appropriés - Obligation ou recommandation - Aide à domicile - Risque d'exposition au Covid-19 - Portée

Aux termes de l'article R. 4424-3 du code du travail, lorsque l'exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle doit être réduite par la mise en oeuvre de diverses mesures, notamment des mesures de protection collective ou, lorsque l'exposition ne peut être évitée par d'autres moyens, par des mesures de protection individuelle. Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à disposition de ses salariés, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui après avoir relevé que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n'était pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes, retient que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique est de nature à réduire l'exposition au Covid-19

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Domaine d'application - Prévention des risques biologiques - Activités impliquant des agents biologiques pathogènes - Effets - Mise à disposition par l'employeur des équipements de protection individuelle appropriés - Obligation ou recommandation - Aide à domicile - Risque d'exposition au Covid-19 - Portée

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1281 FS-B

Pourvoi n° E 21-19.454




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

Mme [B] [O], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 [Localité 3]-Est, de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 [Localité 3]-Est de l'unité départementale Nord-[Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.454 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (14e chambre), dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [O], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 juin 2021) et les productions, l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) propose des services à domicile, notamment une aide à la personne et un service de soins infirmiers.

2. Dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, l'association a mis à jour, le 5 février 2021, le « tableau des consignes » destiné au personnel, lequel prévoit désormais que lors des interventions à domicile les salariés devront porter un masque chirurgical lorsque le bénéficiaire est négatif au Covid-19 ou asymptomatique et un masque FFP2 si le bénéficiaire est positif au Covid-19 ou symptomatique.

3. Le 14 janvier 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 [Localité 3]-Est de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association, sous astreinte, de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19 et en particulier de procurer à chaque salarié des masques de type FFP2 ou FFP3 ou équivalents pour toute intervention à domicile compte tenu des risques de contamination par aérosols et du défaut de maîtrise des règles d'aération au sein du domicile des bénéficiaires et d'adresser à tous les salariés une communication afin de les informer qu'ils ne doivent en aucun cas intervenir au domicile d'un client s'ils ne disposent pas des équipements de protection individuelle requis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt d'ordonner à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid-19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de la débouter de sa demande d'astreinte et de dire que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid-19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid-19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid-19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid-19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ;

2°/ qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP2 ou FFP3 comme éléments de protection individuelle et n'exclue de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP2 ou FFP3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid-19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

4°/ qu'en ayant retenu que ''l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid-19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants'', quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en œuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 4424-3 du code du travail, lorsque l'exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle doit être réduite par la mise en oeuvre de diverses mesures, notamment des mesures de protection collective ou, lorsque l'exposition ne peut être évitée par d'autres moyens, par des mesures de protection individuelle.

6. Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à disposition de ses salariés, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés.

7. La cour d'appel qui a relevé que la fourniture de masques FFP2 et FFP3 n'était pas obligatoire ou même recommandée dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs au Covid-19 ou ne présentant pas de symptômes, a pu décider que la mise à disposition par l'employeur d'un masque FFP2 aux salariés intervenant au domicile d'une personne positive ou symptomatique était de nature à réduire l'exposition au Covid-19.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [O], en qualité d'inspectrice du travail, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [O], ès qualités

Mme l'inspectrice du travail fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Lille du 23 février 2021 en ce qu'elle a ordonné à l'Adar Flandre Métropole de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif au Covid 19 ou symptomatique, au moins un masque de type FFP2 par intervention à domicile, de l'avoir infirmée en ce qu'elle a assorti cette mesure d'une astreinte et d'avoir dit que les mesures ordonnées prendront terme avec la disparition du risque sanitaire ;

1/ Alors qu'en application de l'article L. 4732-1 du code du travail, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur ; que constitue un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés d'une association intervenant dans le domaine de l'aide à domicile l'exposition au virus Sars-Cov-2, que les bénéficiaires soient symptomatiques ou positifs à la Covid 19 ou encore asymptomatiques ou présymptomatiques, en raison des modalités de transmission de ce virus, par gouttelettes ou aérosols et par des personnes non nécessairement positives à la Covid 19, de sorte que l'employeur doit mettre à leur disposition des masques de type FFP pour toutes leurs interventions au domicile des bénéficiaires ; que la cour d'appel, qui a ordonné à l'association de procurer à chaque salarié amené à intervenir au domicile d'un bénéficiaire positif à la Covid 19 ou symptomatique au moins un masque de type FFP par intervention à domicile, reconnaissant ainsi que le masque de type FFP 2 constitue une mesure propre à faire cesser le risque d'exposition au virus, n'a toutefois pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en refusant d'étendre cette mesure à toutes les interventions des salariés au domicile des bénéficiaires, même non positifs à la Covid 19 ou asymptomatique, en violation du texte précité ;

2/ Alors, en outre, qu'en application de l'article R. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle appropriés ; qu'il résulte des articles R. 4311-8, R. 4311-12, R. 4312-6 et de son annexe II, R. 4424-3 et R. 4424-5 du code du travail que, pour les salariés exposés à un agent biologique pathogène, l'employeur doit mettre à leur disposition un équipement de protection des voies respiratoires conformes aux normes reprises dans la collection des normes nationales dont les références ont été publiées au Journal officiel de l'Union européenne ; que les masques chirurgicaux, qui ne sont pas conçus pour protéger leur porteur d'un risque de contamination par un agent biologique pathogène, ne constitue pas un équipement de protection des voies respiratoires, à l'inverse des masques de type FFP ; qu'en jugeant néanmoins qu'aucune des dispositions du code du travail ne désigne expressément les masques de type FFP 2 ou FFP 3 comme éléments de protection individuelle et n'excluent de façon générale les masques chirurgicaux et qu'il n'est pas justifié que la fourniture d'un masque FFP 2 ou FFP 3 ou équivalent est désormais obligatoire ou même recommandée, dans le secteur de l'aide à domicile au profit de bénéficiaires non positifs à la Covid 19 ou asymptomatiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3/ Alors, à tout le moins, qu'en se déterminant de la sorte, quand l'exposante soutenait que seuls les masques de type FFP constituent un équipement de protection individuelle et, précisément, un équipement de protection des voies respiratoires, au sens des dispositions du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche à laquelle elle était ainsi invitée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes ;

4/ Alors, enfin, qu'en ayant retenu que « l'évolution récente de la situation sanitaire en France, à savoir la baisse continue des contaminations, en corrélation avec le développement et la généralisation de la vaccination, prioritaire tant pour les aides à domicile que pour les personnes âgées, ainsi que la facilité accrue de procéder à des tests, justifient de plus fort que l'utilisation des masques FFP2 ou FFP3 ne soit pas étendue au-delà de l'intervention au domicile de bénéficiaires positifs au Covid 19 ou symptomatiques et ce, nonobstant l'existence de nouveaux variants », quand, peu important la baisse des contaminations et le développement de la vaccination, les salariés de l'association restent exposés à un risque sérieux de contamination par le virus Sars-Cov-2, dès lors qu'ils interviennent au domicile de personnes potentiellement contaminées ou dans le domicile desquelles le virus peut être présent, de sorte que l'employeur doit mettre en oeuvre les mesures de protection appropriées pour faire cesser ce risque, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a de nouveau violé l'article L. 4732-1 du code du travail.

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