7 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.927

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01277

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Services de santé au travail - Examens médicaux - Conclusion du médecin du travail - Avis sur l'aptitude - Contestation - Office du juge - Etendue - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 4624-7 et R. 4624-42 du code du travail , dans leur rédaction applicable au litige, que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction. La cour d'appel, qui a procédé à l'examen de la procédure suivie par le médecin du travail et relevé que l'inaptitude de l'intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées, a pu en déduire que l'absence d'études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l'arrêt de travail et décider que le salarié était inapte à son poste de travail ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Services de santé au travail - Examens médicaux - Conclusion du médecin du travail - Avis sur l'aptitude - Modalités - Détermination

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1277 FS-B

Pourvoi n° V 21-17.927

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 juillet 2021.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Access Assistance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-17.927 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Access Assistance, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail et Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur et Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 avril 2021), M. [Z] a été engagé par la société Access Assistance le 14 avril 2004 en qualité d'agent d'entretien.

2. Le 25 février 2019, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, indiquant : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

3. Le 7 mars 2019, l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, aux fins de contester l'avis d' inaptitude et demander l'organisation d'une expertise.

4. Le médecin inspecteur régional du travail a été désigné par ordonnance du 26 avril 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance, alors « que selon l'article R. 4624-42 du code du travail, un salarié ne peut être déclaré médicalement inapte à son poste qu'après, d'une part, qu'il a été réalisé un examen médical permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation, de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste, d'autre part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude de poste, de troisième part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et, enfin, qu'il a été procédé à un échange avec l'employeur ; que ces conditions cumulatives doivent être respectées quelle que soit la cause de l'inaptitude ; qu'au cas présent, la société Access Assistante faisait valoir que les avis d'inaptitude du médecin du travail et du médecin inspecteur du travail n'avaient été précédés d'aucune étude de poste, ni d'aucune étude des conditions de travail au sein de l'établissement ; que, pour confirmer l'inaptitude, la cour d'appel a énoncé qu'une telle absence serait ''sans influence'' au motif que l'inaptitude ''ne résulte pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées'' ; qu'en statuant de la sorte par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.

7. Ce texte ajoute que le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence et que sa décision se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées.

8. Selon l'article R. 4624-42 du code du travail dans ses dispositions issues du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que s'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, s'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste et une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée et enfin s'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.

9. Il en résulte que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction.

10. La cour d'appel, qui a procédé à l'examen de la procédure suivie par le médecin du travail et relevé que l'inaptitude de l'intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées, a pu en déduire que l'absence d'études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l'arrêt de travail et décider que le salarié était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Access Assistance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Access Assistance et la condamne à payer à à la SCP Célice, Texidor et Périer la somme de 2656 euros et à M. [Z] la somme de 344 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Access Assistance

La société Access Assistance reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que M. [Y] [Z] était inapte au poste d'agent d'entretien ainsi qu'à tout autre poste au sein de la société Access Assistance ;

ALORS QUE selon l'article R. 4624-42 du code du travail, un salarié ne peut être déclaré médicalement inapte à son poste qu'après, d'une part, qu'il a été réalisé un examen médical permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation, de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste, d'autre part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude de poste, de troisième part, qu'il a été réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et, enfin, qu'il a été procédé à un échange avec l'employeur ; que ces conditions cumulatives doivent être respectées quelle que soit la cause de l'inaptitude ; qu'au cas présent, la société Access Assistante faisait valoir que les avis d'inaptitude du médecin du travail et du médecin inspecteur du travail n'avaient été précédés d'aucune étude de poste, ni d'aucune étude des conditions de travail au sein de l'établissement ; que, pour confirmer l'inaptitude, la cour d'appel a énoncé qu'une telle absence serait « sans influence » au motif que l'inaptitude « ne résulte pas des conditions de travail mais d'une dégradation des relations entre les parties pendant l'arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées » ; qu'en statuant de la sorte par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

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