5 décembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/03150

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 5 DECEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03150 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEGG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/04962



APPELANT



Monsieur [K] [B]

Domicilié [Adresse 7]

[Localité 2]



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représenté par Me Eloïse DE TOURNEMIRE de la SELASU CABINET TUROT, avocat au barreau de PARIS, toque : E196, Me Eloïse DE TOURNEMIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E196



INTIME



MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Localité 3]



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, et Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON ROSSENTHAL, présidente

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère Honoraire



Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.






FAITS ET PROCÉDURE







Monsieur [K] [B] était propriétaire du château de Groussay à [Localité 10] (78) qui constituait sa résidence principale.



Le 16 avril 2008, il a confié à Monsieur [S] un mandat de recherche d'un acheteur pour un prix de cession de 28 000 000 d'euros.



Aux termes de sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune 2011, Monsieur [B] a déclaré ce bien immobilier pour une valeur de 3 620 000 euros, soit 2 537 000 euros après application d'un abattement de 30% pour résidence principale.



Le bien immobilier a été vendu le 30 juin 2011, au prix de 25 millions d'euros.



Selon proposition de rectification en date du 17 décembre 2014, l'administration fiscale a informé Monsieur [B] qu'elle envisageait de modifier la valeur déclarée au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2011 du château de Groussay en la portant à 22 400 000 euros.



Monsieur [K] [B] a présenté ses observations par lettre du 19 janvier 2015, auxquelles l'administration fiscale a répondu le 13 avril 2015, en maintenant partiellement le rehaussement proposé. Elle a ramené la valeur vénale du bien immobilier à 21 280 000 euros pour tenir compte de la commission versée à l'intermédiaire, estimée à 5%.



Par lettre du 11 mai 2015, Monsieur [B] a sollicité la saisine de la commission départementale de conciliation qui a émis un avis le 20 juin 2016, notifié au contribuable par lettre du 7 juillet 2016.



En retenant une valeur vénale de 21 280 000 euros, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement portant sur la somme de 214 774 euros comprenant 185 791 euros de droits et 28 983 euros au titre des intérêts de retard.



Monsieur [K] [B] a formé une réclamation par lettre du 6 octobre 2016, qui a été rejetée par décision du 8 mars 2018.







Par acte d'huissier de justice en date du 26 avril 2018, Monsieur [K] [B] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris.



Par jugement rendu le 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :



- écarte des débats les pièces transmises par Monsieur [K] [B] le 27 novembre 2020 ;

- déboute Monsieur [K] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne Monsieur [K] [B] aux dépens.



Par déclaration du 15 février 2021, Monsieur [K] [B] a interjeté appel du jugement.



Par dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2022, Monsieur [K] [B] demande à la cour, au visa des articles L.17 et L.57 du livre des procédures fiscales, de :



- réformer le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, n°RG 18/04962 ;

- constater l'irrégularité pour défaut de motivation de la proposition de rectification ;

- constater que les impositions supplémentaires mises à la charge de M. [B] ne sont pas fondées ;

- ordonner la décharge de ces impositions et toutes pénalités afférentes ;

condamner l'État au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





Par dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2022, le Directeur général des finances publiques demande à la cour, au visa des articles 803 et 907 du code de procédure civile de :



- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2022,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 janvier 2021 (RG 18/04962) ;

- juger le rappel bien fondé ;

- débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [B] au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.






SUR CE,



Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture



Il sera fait droit à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2022 et la cour prononcera une nouvelle clôture à la date du 10 octobre 2022.









Sur l'absence de signature des conclusions du conseil de l'administration fiscale



Monsieur [B] expose que les conclusions d'avocat communiquées à l'appelant le 2 août 2022 par Me [U] [H] ne sont pas signées par leur auteur mais par l'inspectrice des finances publiques [V] [W], pour le Directeur régional des finances publiques de sorte qu'elles sont irrecevables.

Ceci étant exposé, cette demande n'est pas reprise au dispositif des écritures du conseil de Monsieur M. [B] de sorte que la cour n'est pas saisis en application de l'article 954 du code de procédure civile qui dispose que la cour n'est saisie que des prétentions figurant au dispositif des écritures des parties. Il convient de souligner, en tout état de cause que les conclusions ont été régulièrement signifiées par Maître [H] par RPVA.



Sur la régularité de la procédure d'imposition





Monsieur [B] soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, au motif que l'administration n'a fondé la rectification de la valeur vénale du Château de Groussay, sur aucune des méthodes d'évaluation reconnues par la Cour de cassation, qui s'imposent à elle en matière d'ISF et notamment la méthode des comparables. Il fait valoir que le prix retenu est celui obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, affirmant par là la nécessité de déterminer la valeur vénale des immeubles par comparaison avec des cessions en nombre suffisant de biens intrinsèquement similaires.



Il soutient que la circonstance que le château de Groussay est classé monument historique ne suffit pas à rendre impossible l'évaluation par comparaison car il est prévu par la jurisprudence dans ce cas d'appliquer un abattement sur la valeur des biens qui ont cette contrainte ; qu'il n'est pas non plus nécessaire, dans la recherche de comparables, d'accorder un effet discriminant à l'appellation de type château, qui ne constitue pas un élément déterminant du prix de vente d'une propriété, étant souligné que bien des maisons n'ayant pas l'appellation de château se vendent aussi cher, voire plus cher, que des châteaux. Il fait valoir que le vérificateur n'a pas nié l'existence de comparables, mais seulement l'existence de comparables dans la base Mérimée ; que la jurisprudence considère qu'un monument classé est un monument comme un autre, affecté d'une sujétion particulière qui justifie une décote.



Il soutient qu'il existait un nombre important de comparables, à condition de les chercher dans une base retraçant les transactions (base BIENS pour les notaires, et base PATRIM pour l'administration fiscale, à laquelle les contribuables n'ont qu'un accès très restreint), au lieu de les chercher dans la base Mérimée qui recense uniquement les monuments classés du château de Groussay :



- Propriété / château de taille imposante (la dénomination château relève du simple choix du Il fait valoir que ses recherches notariales ont produit 24 références de transactions portant sur des « grande propriété / château » répondant aux critères stricts précités et qu'il est ainsi établi que des comparables existaient, en nombre très important.



Il soutient qu'en tout état de cause l'administration ne justifie pas l'impossibilité de recourir à la méthode des comparables ; qu'elle a limité sa recherche de manière injustifiée en sélectionnant uniquement des biens datant du 20ème siècle.





Il indique qu'en passant sous silence les transactions de biens immobiliers pouvant être comparés au château de Groussay, l'administration n'a pas permis à M. [B] d'exercer ses droits de la défense.





Il fait valoir que l'administration ayant totalement omis de relever des cessions de biens comparables aux fins de déterminer la valeur du château de Groussay, M. [B] s'est vu contraint d'effectuer lui-même cette recherche, dans un double objectif : montrer que l'administration prétendait à tort que toute référence à des transactions comparables était impossible, et montrer la disproportion de la valeur attribuée au château de Groussay par l'administration et alors qu'elle dispose de tous les outils pour rechercher des cessions de biens comparables ; qu'il a été contraint de charger un notaire d'effectuer cette recherche (service qui lui a été facturé).



Il soutient, que le tribunal a mis à la charge du contribuable le soin de mettre en 'uvre la méthode d'évaluation par les comparables (choix des références et des correctifs à applique), alors que cette tâche incombe à l'administration.



L'administration fiscale expose qu'elle a mentionné dans la proposition de rectification l'article L.17 du livre des procédures fiscales ainsi que les articles du code général des impôts afférents aux principes d'imposition à l'ISF et d'évaluation des biens et a donc motivé en droit le rehaussement de la valeur du château de Groussay ; qu'elle a précisé la méthode d'évaluation retenue rappelant la définition de la valeur vénale et que la loi n'impose aucune méthode d'évaluation ; qu'elle a exposé les raisons pour lesquelles elle avait été amenée à écarter la méthode d'évaluation par comparaison ; qu'elle a, pour cela, démontré dans un premier temps, le caractère exceptionnel et atypique du château de Groussay en procédant à une description très détaillée et précise dans laquelle elle a mis en exergue les caractéristiques de ce château qui en font un bien unique et tout à fait original sur le marché immobilier de prestige, puis souligné l'étroitesse du marché des biens d'exception et fait part du résultat de ses recherches de comparables qui s'est avéré infructueux, n'ayant pas réussi à isoler des cessions de biens intrinsèquement similaires ; qu'elle a exposé au redevable la méthode qu'elle avait adoptée pour rechercher des termes de comparaison ; qu'ont été été portés à sa connaissance les trois critères à partir desquels avait été effectuée la recherche de comparables, un critère géographique (bien situé à proximité de [Localité 11]), un critère temporel (bien datant du XXème siècle) et un critère qualitatif (le bien devait être classé monument historique) ; qu'il lui a été indiqué qu'à partir de la base de données Mérimée du Ministère de la Culture qui recense tous les biens classés monuments historiques, le service vérificateur a recherché les biens répondant à ces trois critères et a vérifié si ces derniers avaient fait l'objet d'une cession récemment ; que les recherches ainsi menées n'ont pas permis d'isoler de château classé « monument historique » pouvant servir de comparable dans le cadre de l'évaluation du château de Groussay ; qu'elle a justifié de l'impossibilité de mettre en 'uvre la méthode des comparables et respecté l'obligation de loyauté à laquelle elle est tenue.



Ceci étant exposé, l'article L.57 du livre des procédures fiscales dispose que « l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ».



A peine de de nullité, la proposition de rectification doit obligatoirement comporter l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels se fonde le rehaussement.





En l'espèce, la proposition de rectification du 19 janvier 2015 fait référence à l'article 17 du livre des procédures fiscales qui dispose que l'administration fiscale peut rectifier le prix ou l'évaluation ayant servi de base à la perception de droits d'enregistrement lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations pour taxer, en définitive, la valeur vénale réelle des biens.



Aux termes de la proposition de rectification l'administration a relevé l'excellent état du bien, son caractère exceptionnel, original et singulier et sa dimension historique le situant dans un marché restreint et l'impossibilité de retenir la méthode d'évaluation par comparaison compte tenu des caractéristiques particulières faisant du château de Groussay un bien unique d'exception sur la marché immobilier de prestige et de l'absence de cessions de biens intrinsèquement similaires, soulignant que le château de 20ème siècle dans un excellent état, situé à proximité de [Localité 11], est constitué d'un bâtiment principal, classé en catégorie cadastrale 1 (grand luxe) en raison de son architecture et de sa décoration intérieure qualifiée de grand luxe et classé, à l'exception d'une dépendance a été classé « monument historique », un parc de 30 hectares avec ses 3 lacs et canaux et surtout ses sept fabriques a été labellisé « jardin remarquable », .



Monsieur [B] a été en mesure de répondre à la motivation de l'administration en contestant la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale au regard des caractéristiques du château qui ne fait pas selon lui obstacle à la méthode d'évaluation par comparaison et produit lui-même des termes de comparaison. Il ne saurait reprocher à l'administration fiscale de n'avoir pas détaillé dans sa proposition de rectification les termes de comparaison qu'elle avait pu recenser dans la mesure où elle les a écartés faute de pertinence et qu'elle n'était tenue motiver sa proposition de rectification qu'au regard des éléments effectivement utilisés pour procéder au redressement, ce qu'elle a fait.



Il est ajouté que la pertinence de la méthode d'évaluation retenue par l'administration fiscale relève d'une appréciation au fond.



La procédure de rectification est donc régulière.



Sur l'évaluation du bien



Monsieur [K] [B] soutient que le mandat de vente ne peut être retenu comme une estimation du bien en ce qu'il ne ne constitue nullement une estimation objective du bien, l'acheteur pressenti ayant déjà acheté des biens de grande valeur en France, notamment à [Localité 11], par le biais d'une de ses sociétés, Expoline.



Il fait valoir qu'il a proposé la vente du château à Madame [Y], fille du président de la république d'Ouzbékistan, à un prix exorbitant décorrélé du marché, vente qui a eu lieu le 30 juin 2011 au prix de 25 millions d'euros.



Il ajoute qu'à la date du fait générateur de l'ISF (1er janvier 2011), ce mandat était caduc et non renouvelé. En effet le mandat établi en avril 2008 a expiré le 31 décembre 2010 sans qu'aucune vente ne soit signée. Ainsi, après avoir tenté de vendre le bien pendant deux ans et demi, M. [B] n'avait plus d'espérance de vendre le château à un prix proche de celui proposé par M. [S] dans le mandat : trois promesses de vente avaient été successivement signées au cours de l'année 2009 avec Mme [Y], par le biais de sociétés contrôlées par elle, mais avaient expiré sans que la vente soit finalement conclue.



Il soutient que la vente du château de Groussay en juin 2011 ne peut être retenue comme valeur probante car intervenue postérieurement au fait générateur de l'ISF.



Il fait valoir que la recherche de comparables qu'il a effectuée établit que la grande majorité des cessions ont été faites à un prix inférieur à 2 millions d'euros, même s'agissant de propriétés anciennes d'importance comparable et à une même distance de [Localité 11] que le château de Groussay et deux biens particulièrement comparables au château de Groussay ressortent de cette recherche et permettent donc d'en apprécier la valeur par comparaison ; que la valeur qu'il a portée dans sa déclaration au titre de l'ISF, soit 3 625 000 euros en 2011, calculée par actualisation du prix d'achat du bien, est loin d'être sous-évaluée au regard du marché et se situe dans le haut de la fourchette des prix de toutes les grandes propriétés cédées dans les trois départements limitrophes de [Localité 11] sur une période de 10 ans, leur prix de vente moyen étant de 1,5 million d'euros.



Il invoque les cessions particulièrement pertinentes comme termes de comparaison concernant le château de [Adresse 8] et le château des Trois Fontaines



L'administration fiscale fait valoir que la la valeur vénale d'un bien est le prix auquel un bien déterminé peut être négocié sur un marché libre à un moment donné et que pour déterminer la valeur vénale d'un bien, la loi n'impose donc aucune méthode d'évaluation. Elle indique que la méthode par comparaison implique l'existence d'un véritable marché ouvert, abondant et fluide susceptible de produire des termes de comparaison relatifs à des biens intrinsèquement similaires et comparables et que cette méthode d'évaluation peut être écartée lorsqu'il n'existe pas de marché de biens intrinsèquement similaires en fait et en droit et que tel est le cas en l'espèce puisque le château de Groussay est un bien singulier, située à [Localité 10] près de [Localité 12] dans les Yvelines à moins de 50 kms de [Localité 11], construit en 1815.


Elle ajoute que le 11 août 2000, Monsieur [B] a acquis le bien et ses dépendances auprès de M. et Mme [A] [N] [L] au prix de 3 048 980 € (soit 20 000 000 francs) que, pendant les dix années durant lesquelles il en a été propriétaire, il a, au vu de ses déclarations de revenus souscrites au titre de cette période, réalisé d'importants travaux d'amélioration et de modernisation pour un montant total de 2 167 339,82 €, auxquels s'ajoutent les travaux d'entretien et de réparation effectués au titre de la même période et qui s'élèvent à 1 351 315,31 € que le château de Groussay présente un ensemble de caractéristiques uniques et notamment :

- le château est à proximité de [Localité 11],

- le bâtiment principal, un château du XXème siècle, a été classé en catégorie cadastrale 1en raison de son architecture et de sa décoration intérieure qualifiée de grand luxe,

- l'ensemble immobilier à l'exception d'une dépendance a été classé monument historique,

- le bien est en très bon état,

- son parc de 30 hectares avec ses 3 lacs et canaux et surtout ses sept fabriques a été labellisé « jardin remarquable ».



Elle fait valoir que le château de Groussay constitue donc un bien d'exception original, singulier et unique sur le marché immobilier de prestige de sorte qu'il n'est guère surprenant que, lors de ses recherches de termes de comparaison, elle n'a recensé aucune vente de château réunissant l'ensemble des caractéristiques particulières du château de Groussay, ni même une cession de bien intrinsèquement similaire et que la méthode d'évaluation par comparaison n'a pu être utilisée.

Elle fait valoir également que la méthode d'évaluation d'après la valeur antérieure n'apparaît pas pertinente en l'absence d'un nombre suffisant de comparables susceptibles de faire ressortir une évolution des prix qui soit significative et par suite de déterminer un coefficient valable de réajustement et dans la mesure où d'importants travaux ont été réalisés depuis l'acquisition du bien par Monsieur [B] en 2000, susceptibles d'avoir une répercussion sur sa valeur.



Elle soutient que les références produites par M. [B] sont trop imprécises pour démontrer qu'elles portent sur des biens intrinsèquement similaires au bien à évaluer et que le prix fixé dans le mandat de vente, puis retenu par l'administration fiscale pour procéder au redressement, aurait été surévalué et que la valeur déclarée par le contribuable en 2011 était conforme à la réalité du marché.



Elle soutient qu'en l'absence de possibilité d'utiliser la méthode par comparaison, elle était bien fondée à utiliser comme instrument d'évaluation à part entière le mandat par lequel M. [B] a donné mandat, à un professionnel de l'immobilier M. [O] [S] de rechercher un acheteur pour le château de Groussay, ses dépendances et son parc d'environ 30 ha et souligne qu'elle n'a fait état du prix de la vente du 30 juin 2011que pour corroborer la valeur vénale déterminée à partir du prix proposé à la vente et inscrit sur le mandat du 16 avril 2008.



Ceci étant exposé, en application de l'article 88 S du code général des impôts, la valeur des bien pris en compte pour déterminer l'assiette de l'impôt sur la fortune est déterminée selon les règles en matière de droits de mutation par décès. L'article 885 E du même code précise que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année des biens imposables.



L'article 17 du livre des procédures fiscales dispose que l'administration fiscale peut rectifier le prix ou l'évaluation ayant servi de base à la perception de droits d'enregistrement lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations pour taxer, en définitive, la valeur vénale réelle des biens.



Il incombe à l'administration de rapporter la preuve de l'insuffisance du prix exprimé ou de l'évaluation fournie dans les actes ou déclaration par rapport à la valeur vénale réelle du bien concerné. Cette dernière correspond au prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel en prenant en compte les éléments d'appréciation tels que, s'agissant d'un bien immobilier, ses caractéristiques physiques et juridiques, sa situation géographique. La loi n'impose aucune méthode d'évaluation particulière. La principale méthode retenue est celle par comparaison avec des cessions de biens intrinsèquement similaires qui peut être combiné avec d'autres ou évincée en fonction de la nature du bien.



Lorsque toute comparaison se révèle impossible, une autre méthode d'évaluation peut être utilisée à condition qu'elle permette de déterminer la valeur vénale réelle du bien en cause.



L'administration fiscale expose que le bien est situé à [Localité 10] près de [Localité 12] dans les Yvelines à moins de 50 kms de [Localité 11], qu'il s'agit d'une ancienne demeure de campagne construite en 1815 par la Duchesse de [Localité 6] et qui a été achetée en 1938 par [R] [N] qui l'a agrandie, et aménagé pour en faire un château cosmopolite empruntant à l'art italien, français, russe ou anglais et que le parc de 30 hectares est labellisé « jardin remarquable » et célèbre pour « ses 7 fabriques » d'inspiration chinoise ou tartare réalisées par deux artistes, l'architecte [M] [I] et le peintre [X] [P].



Sa contenance est la suivante :



Au rez-de-chaussée : hall d'entrée, un grand salon dit « salon Marie-Antoinette », un salon office, escalier, salle à manger, vaisselier, un second office, une galerie dite « galerie hollandaise, une salle de bal dite « salle hollandaise », une seconde salle à manger dite« grande dalle à manger », un petit salon, deux WC, un salon, une bibliothèque avec deux escaliers en colimaçon, une galerie dite « galerie des Goyas », un théâtre de 250 places dit « le théâtre » ;

au premier étage : un couloir, quatre escaliers, un salon, cinq chambres et quatre salles de bains ;

au second étage : un couloir, un escalier, cinq chambres et cinq salles de bains, puis un couloir de service, quatre chambres de service, un escalier, une salle de bains de service,deux lingeries puis au grenier une chambre de service et un escalier ;

le bâtiment dit «pavillon » comprenant huit chambres ;

le bâtiment dit « les écuries » comprenant au rez-de chaussée des écuries et une salle dite« salle des calèches » et à l'étage, deux appartements ;

une maison inachevée situées derrière les écuries d'environ 300 m² comprenant douze chambres ;

deux maisons de gardien comprenant sept chambres chacune situées à l'entrée de la propriété ;

un bâtiment dit « l'orangerie » d'une surface de 150 m² environ ;

un parc avec potagers, un réseau de trois lacs et canaux ainsi que sept pavillons appelés« fabriques » ou « folies ».



Les termes de comparaison produits par M. [B] sont imprécis et ne peuvent donc servir de comparables pertinents. Ces données sont d'autant plus essentielles pour permettre une évaluation pertinente que le château de Groussay, décoré selon divers styles artistiques, comprend lui-même plusieurs dépendances, dont des écuries intégralement rénovées, deux maisons de gardien comprenant chacune sept chambres ainsi qu'un pavillon de huit chambres, outre un théâtre, un jardin arboré rendu célèbre par ses 'fabriques'.



Ainsi que le relève l'administration fiscale, le château de [Adresse 8] est classé monument historique appartient à une toute autre époque (13ème siècle), ce qui rend la comparaison avec le château de Groussay impossible et qu'il en est de même des châteaux de [Localité 13] et [Localité 4] qui sont également d'une époque plus ancienne ; que les cessions de [Localité 4] et de [Localité 5] sont anciennes et concernent des terrains aux superficies inférieures.



Le prix fixé par Monsieur [B] lui-même, sur les conseils éventuels de l'agent immobilier, spécialisé dans le domaine de l'immobilier de luxe et non à l'initiative d'un potentiel acquéreur, dont aucun élément ne permet d'ailleurs d'établir qu'il s'était déjà manifesté lors de la conclusion du mandat de vente et qu'il avait une raison exceptionnelle de convenance de préférer le bien litigieux, justifiant de l'acquérir à un prix sept fois supérieur à la valeur finalement déclarée par Monsieur [B].





L'administration fiscale produit une offre d'achat en date du 19 septembre 2008, formulée par la société Expoline Limited sise à [Adresse 9] au prix de 24 500 000 euros et le contribuable verse aux débats deux promesses de vente en date des 18 février 2009 et 11 décembre 2009, au bénéfice de la société de droit suisse Zeramax Gmbh aux prix de 27 448 850 euros puis de 25 000 000 euros. Ainsi, plusieurs sociétés, différentes de celle qui a finalement conclu la vente au mois de juin 2011 et dont il n'est pas établi qu'elles intervenaient toutes, par interposition, au profit de la même personne physique, se sont montrées intéressées par l'acquisition du château de Groussay à un prix proche de celui figurant dans le mandat. Ce mandat, contemporain du fait générateur de l'impôt, reflète donc le prix qui pouvait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande. D'ailleurs, c'est à ce prix que Monsieur [B] a réalisé la vente, courant juin 2011, une cession postérieure au fait générateur pouvant être retenue pour déterminer la valeur d'un bien immobilier si elle est proche dudit fait générateur.



Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas retenu la méthode d'évaluation en l'absence de cessions de biens intrinsèquement similaires compte tenu de la dimension historique du château de Groussay, de ses caractéristiques architecturales et artistiques uniques et de lieu. Elle était dès lors bien fondée à se baser sur les deux seuls éléments disponibles, à savoir le mandat de vente de 2008 et la vente du 30 juin 2011 au prix de 25 000 000 euros, proche de la valeur figurant sur le mandat de vente au 31 décembre 2010.



La méthode d'évaluation par le revenu ne pouvait être appliquée compte tenu du fait que le bien constituait la résidence principale de M. [B] au moment du fait générateur de l'impôt ni celle d'après la antérieure actualisée par les impenses et un coefficient d'actualisation compte tenu de l'absence d'un nombre suffisant de comparables susceptibles de faire ressortir une évolution des prix significative pour déterminer un coefficient valable de réajustement.



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de décharge des impositions et pénalités afférentes.



Monsieur [B] succombant en son appel sera condamné aux dépens de la présente procédure et débouté de sa demande d'indemnité de procédure. Il sera condamné, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 3 000 euros.





PAR CES MOTIFS,



La cour,





ORDONNE le rabat de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2022 ;



PRONONCE la clôture à la date du 10 octobre 202.



CONSTATE que la procédure de rectification est régulière ;



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



CONDAMNE Monsieur [K] [B] aux dépens d'appel ;



DÉBOUTE Monsieur [K] [B] de sa demande d'indemnité de procédure ;



CONDAMNE Monsieur [K] [B] à payer au Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT











S.MOLLÉ E.LOOS

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