30 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.180

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00777

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



DB


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 30 novembre 2022




NON-LIEU A RENVOI


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 777 F-D

Pourvoi n° D 22-17.180







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Par mémoire spécial présenté le 3 octobre 2022,

1°/ La société Davidson Midi-Pyrénées, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ M. [H] [Z], domicilié [Adresse 4],

3°/ M. [P] [B], domicilié [Adresse 2],

ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1070) à l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'ordonnance n° RG 21/01675 rendue le 18 mai 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (Pôle 5 - chambre 15), dans une instance les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 3].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de MM. [Z] et [B] et de la société Davidson Midi-Pyrénées, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Par une ordonnance du 5 janvier 2021, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé l'administration fiscale à effectuer des visites et saisies dans les locaux et dépendances situés [Adresse 2], susceptibles d'être occupés par M. [B] et/ou la société BSM Invest et/ou la société Noa Invest et/ou la société Daniel Invest et/ou le fonds de dotation [T] [B], et [Adresse 4], susceptibles d'être occupés par M. [Z], afin de rechercher la preuve des agissements présumés de la société Davidson Midi-Pyrénées.

2. Cette autorisation de visite et saisies a été délivrée aux motifs que la société Davidson Midi-Pyrénées aurait artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses crédits d'impôt recherche (CIR) et qu'elle est ainsi présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d'une créance indue sur I'Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le code général des impôts.

3. Les opérations de visite et saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021.

4. La société Davidson Midi-Pyrénées et MM. [Z] et [B] ont formé appel contre cette ordonnance d'autorisation.

5. Par une ordonnance du 18 mai 2022, le premier président de la cour d'appel de Paris a confirmé l'autorisation délivrée.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

6. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'ordonnance rendue le 18 mai 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris, la société Davidson Midi-Pyrénées et MM. [Z] et [B] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions : "se soustrait à l'établissement ou au paiement", codifiées au I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans la portée effective que leur confère l'interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation selon laquelle elles autorisent "les visites et saisies domiciliaires lorsqu'il existe des présomptions d'agissements relevant de l'article 1741 ou de l'article 1743, 1°, du code général des impôts", portent-elles atteinte, en premier lieu, au droit au respect de la vie privée et au principe de l'inviolabilité du domicile garantis par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en deuxième lieu, à l'interdiction faite au législateur, en application de l'article 34 de la Constitution, de priver de garanties légales des exigences constitutionnelles (en l'occurrence le droit au respect de la vie privée et le principe d'inviolabilité du domicile) dans l'exercice de son pouvoir et, en dernier lieu, à la séparation des pouvoirs prévue à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant qu'il en résulte une atteinte à la garantie des droits protégée par le même article ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

7. Les dispositions « se soustrait à l'établissement ou au paiement » figurant à l'article L. 16 B, I, du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, sont applicables au litige dès lors que, pour autoriser les opérations de visite et saisies litigieuses, le premier président a énoncé que des présomptions de commission des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts pouvaient fonder une autorisation de visite et saisies accordée en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

8. Ces dispositions, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, applicable au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

9. Cependant, d'une part, la question posée ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, elle n'est pas nouvelle.

10. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

11. En effet, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, conforme à la Constitution.

12. Or, à la date de cette décision, la Cour de cassation jugeait déjà, de manière constante, que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales autorise les visites et saisies domiciliaires lorsqu'il existe des présomptions d'agissements relevant de l'article 1741 ou de l'article 1743, 1°, du code général des impôts (Com., 10 février 1998, n° 95-30.221, Bull. n° 68) et les modifications apportées à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales par les textes intervenus depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 sont sans incidence sur la constitutionnalité de la portée que lui confèrent les interprétations jurisprudentielles en cause, au regard des griefs formulés dans la question.

13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.