1 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.589

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C201222

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Délai - Point de départ

Selon l'article R.142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au litige, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. Viole ces textes l'arrêt qui rejette l'exception de péremption alors qu'il résultait de ses constatations qu'un premier jugement avant dire droit, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Conditions - Défaut de diligence des parties - Cas - Jugement avant dire droit ordonnant la transmission d'un rapport

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Application - Diligences des parties

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1222 F-B

Pourvoi n° D 21-15.589




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-15.589 contre l'arrêt n° RG : 20/00331 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [S] [U],

2°/ à M. [I] [K],

tous deux domiciliés [Adresse 2], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur père [E] [K], décédé,

3°/ à M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé,

4°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [U], Mme et MM. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 février 2021), le 11 avril 2012, [E] [K] (la victime), victime d'un malaise cardiaque alors qu'il se trouvait aux temps et lieu du travail, est décédé. L'employeur a établi une déclaration d'accident du travail transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) qui, après avoir fait procéder à une autopsie de la victime, a notifié à ses ayants droit un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

2. Les ayants droit de la victime ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, alors « que l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur la victime » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 386 du code de procédure civile et R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date :

5. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans.

6. Il résulte du second que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au premier les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne.

7. L'arrêt constate que par jugement avant dire droit du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a sursis à statuer et ordonné la transmission au tribunal du rapport de l'autopsie de la victime réalisée le 16 avril 2012.

8. Pour dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, l'arrêt énonce qu'en se bornant à ordonner la transmission du rapport d'autopsie le tribunal n'a pas expressément mis à la charge des parties ou de l'une d'elles cette transmission. Il ajoute que cette imprécision a conduit la caisse à solliciter du tribunal par deux courriers des 8 et 13 juillet 2015 qu'il indique à qui il revenait de transmettre ce rapport. Il retient que le tribunal n'ayant imparti aucun délai pour cette transmission ni répondu aux demandes de la caisse, le délai de péremption n'a pu commencer à courir.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le jugement susvisé, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu de statuer, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne Mme [U] et Mme et MM. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4] encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de la CPAM de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la Cour n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu à statuer ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont rappelé les termes de la déclaration d'appel et constaté que l'acte d'appel fait état d'un appel total et d'une reprise des prétentions de l'appelant ; qu'en se déclarant saisie, par l'effet dévolutif, de la critique des chefs du jugement, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en retenant que les chefs de dispositif du jugement attaqué sont également repris quand il résulte de ses constatations que les énonciations en cause ne sont que la reprise des prétentions de l'appelant, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ;

EN CE QU'il a dit que l'instance devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale puis le pole social du tribunal de grande instance n'a pas été éteinte par voie de préemption ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de NANCY a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au Tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur Monsieur [E] [K] » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de rechercher si, en ordonnant la transmission du rapport d'autopsie, le Tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas nécessairement mis cette diligence à la charge des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ;

EN CE QU'il a dit que le décès de Monsieur [E] [K] survenu le 11 avril 2012 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, la présomption d'imputabilité est renversée lorsqu'il est établi qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; que la Caisse rapporte cette preuve en produisant l'avis du médecin-conseil, fondé sur le rapport d'autopsie, et constatant qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'avis du médecin-conseil, produit pas la Caisse, et établi sur la base du rapport d'autopsie, ne démontrait pas qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le rapport d'autopsie, établi sur le fondement de l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale est couvert par le secret médical ; qu'en retenant, pour dire que Caisse ne rapporte pas la preuve de ce que qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, qu'aucun empêchement ne s'oppose à la production, par la Caisse, du rapport d'autopsie, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale et les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.

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